69, c'est un chiffre qui parle aux acrobates amoureux. Comme on me le rappellera souvent, je prends les devants ! Mon père est mort à 70. L'échéance approche. On veut toujours faire mieux. Je m'y emploie. Déjà organisé
mon Centenaire ! Repris la gymnastique. Tous les matins, après le sauna, jamais avant. Cela me rassure d'avoir les muscles bien chauds, même si je suis passé à la douche froide entre temps. Mélange de gainage, d'assouplissement, de yoga. Je m'entraîne à faire des enchaînements et j'ai ajouté un rouleau de massage (foam roller) à
ma collection d'instruments de torture. J'ai été vexé cet été lorsque j'ai tenté d'escalader une barrière plus haute que moi et que mes bras, tétanisés, m'ont laissé en plan. Sans parler de la brioche que les plus sympas appellent le ventre du Bouddha et dont je me passerais bien.
Il n'y a pas que l'éducation physique. Il faut continuer à fabriquer des synapses. La musique y participe, mais j'ai besoin de me remettre en question, d'entrer dans une zone d'inconfort qui m'oblige à inventer autre chose. Se figer devant une page blanche ne fonctionne pas. Il faut se laisser aller aux humeurs du jour, ou de la nuit. C'est un peu troublant, paniquant, déprimant parfois, mais je suis déjà passé par là. Mélange de qui-vive et d'entretien. Imaginer un truc qui n'existe pas. Pas encore. Cela peut prendre du temps. En attendant je fais ce que je sais faire, mais comme je le dis souvent, c'est gérer, tandis que lorsqu'on ne sait pas, c'est créer. Je continue à fabriquer des alliages sonores qui me serviront plus tard, je travaille des instruments que j'avais mis de côté, j'ai commandé de nouvelles machines qui font du bruit, des intuitives. C'était plus facile lorsque nous étions un collectif. Je souffre tout de même d'une certaine forme de solitude, même si je discute avec de nombreux musiciens et que je joue de temps en temps avec eux/elles. Ce n'est pas comme l'ébullition quotidienne du
Drame. Dix-huit années à trois, trente-deux à deux. Le reste du temps je me promène. Dans le réel et dans l'imaginaire. J'écoute beaucoup de musique en me disant que je dois composer ce que je n'entends pas et qui me manque, mais quoi ? Pareil avec les films, les livres, les spectacles... Je vais voir ailleurs si j'y suis...
Ailleurs n'est pas très rassurant. La planète est martyrisée. Nous allons droit à la catastrophe et trop peu en sont conscients ou agissent en conséquence. J'en fais partie. Il y a un fossé entre nos souhaits, nos convictions et nos agissements. Du temps où la lutte des classes m'obsédait, je me heurtais à la puissance du capitalisme. Aujourd'hui où le changement climatique va produire des dégâts considérables, irréversibles, dégâts humains et planétaires, c'est encore le capitalisme l'ennemi absolu. À mon niveau je fais ce que je peux, même si c'est si peu. Il y a aussi un fossé entre le système global et le combat de proximité. Inutile de porter la culpabilité du monde sur ses épaules, mais il faut bien endosser sa responsabilité au jour le jour. Une théorie unifiée est nécessaire pour ne pas s'y perdre, entre l'infiniment grand et l'infiniment petit. Comment lutter pour tous sans négliger les siens ? Comment protéger les siens sans participer au gâchis général ? Les contradictions sont pourtant le moteur du progrès. Entendre ce mot comme une promesse de vie meilleure, et pas seulement pour quelques uns ! Parce qu'il implique obligatoirement la décroissance. Je suis souvent renvoyé à
La difficulté d'être. Pas très gai pour un jour de fête dont je suis le héros !
Recevoir l'amour et l'amitié en merveilleux cadeaux d'une longue vie partagée, c'est formidable. J'ai toujours adoré que la maison ressemble à une ruche. J'en fais mon miel. À mon tour je vous aime.