Nous avons trois chats et demi dans ce qui pourrait ressembler à une maison de poupée. Le demi parce qu'en garde partagée. Et chacun s'est arrogé son étage. Tout en haut, Django, huit ans, a choisi l'endroit le plus calme de la maison parce qu'on y grimpe rarement. La couette est moelleuse, l'oreiller confortable pour le dos qu'il étire et compresse comme un bandonéon. Il l'étire tant qu'il dépasse le mètre du museau au bout de la queue pour ensuite s'arc-bouter façon toréador ou bossu de Notre-Dame. C'est le plus gentil, le plus craintif aussi, certainement contrarié par la petite Lola arrivée récemment. Taquine ou apeurée, elle le chasse. Django en est réduit à passer ses nuits, et souvent ses jours, sur un tas de brindilles dans l'allée adjacente. Il demande à boire au robinet et ramène régulièrement des souris et, en désespoir de cause, des vers de terre, qu'il dépose délicatement sur la moquette claire du premier étage.


C'est là que Lola a pris ses quartiers d'été après avoir essayé toutes les places possibles de la cave au grenier. Très câline, elle est la seule à se laisser prendre dans les bras et caresser sur le ventre. À n'avoir rencontré aucun félin pendant ses deux premières années et n'avoir jusqu'ici vécu qu'en appartement, elle se prend probablement pour une humaine, crachant sur tous les autres chats. Oulala ne se laisse pas faire du tout, mais Django flippe sa race. Allergique, elle a un ulcère indolent sur la lèvre supérieure réclamant une piqûre de cortisone tous les deux mois. Un peu irritée, elle n'en souffre pas et n'est pas contagieuse. Il lui a fallu trois mois pour apprendre à sortir et rentrer pas les deux chatières à puce installées devant et derrière la maison.


Oulala est la plus casanière. Elle passe sa vie au rez-de-chaussée, sur un fauteuil de la salle à manger, cachée par la nappe. Elle est à peine plus âgée que Django, mais eut dans le passé trois portées, soit dix chatons, tous donnés à des amis proches. Avec le temps elle devenue plus tendre, grimpant sur mes genoux pendant que je frappe les touches de mon clavier. Contrairement à Django qui part très loin se promener, elle ne franchit pratiquement jamais les limites de la propriété. Tout ce petit peuple se tolère sur les murs du jardin. J'ai installé trois gamelles en espérant qu'ils savent compter jusqu'à trois, mais elles sont interchangeables. Ni elle ni Django ne volent, mais Lola est très tentée...


Moins que Milkidou qui ne rêve que d'une chose, rentrer à la maison, ce qui lui est strictement interdit, pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'il est né là et que je l'ai élevé jusqu'à ses trois mois, mais il squatte le jardin et terrorise les trois autres, peut-être à cause de sa taille. C'est un fils d'Oulala, troisième portée, clé de sol. Ses humains, qui l'ont adopté, ne possédant pas de jardin, il traverse la rue pour rejoindre notre disneyland pour chats. Comme leur sonnette est trop haut pour lui, il vient miauler pour que j'aille sonner chez eux afin qu'il puisse regagner son nouveau foyer. Cela fait tout de même six ans qu'il mène ce petit jeu. Il est très gentil, mais un peu caractériel : il ne supporte pas de rester chez lui trop longtemps et fait des bêtises si on lui refuse ses escapades vers chez nous. Dès qu'il pleut ou s'il fait froid il se réfugie dans notre cave où la chaudière est installée. Il ignore encore si c'est autorisé ou pas. Depuis que je l'y ai invité, il a au moins arrêté d'y marquer son territoire.
Nous vivons donc chez ces petits mammifères qui bénéficient du clos et du couvert, des croquettes suédoises, régime des lynx, et de massage où et quand ils le décident. Tous raffolent du frottage énergique des oreilles depuis que j'ai découvert leur point faible. Malgré tout cela, nous avons d'autres sujets de conversation et nous les laissons se débrouiller avec les amis qui gardent la maison lorsque nous sommes absents.