Jean-Jacques Birgé

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mardi 26 septembre 2023

Un aventurier hors du temps


Le grand livre, épais et riche en couleurs, ne s'achète pas. Il se donne, se partage, pour peu qu'on le trouve au détour d'un marché cévenol. Mika, son auteur (anonyme dans l'ouvrage ou sous le pseudo d'Écureuil), en avait laissé une pile en dépôt au magasin bio du coin. Pas de publicité. Il faut simplement le demander. Romuald, un aventurier comme lui, qui vit de peu mais s'active comme un fou, nous l'avait montré avec des yeux émerveillés. [J'écris cet article le 4 août 2011. J'apprends seulement aujourd'hui qu'il s'appelle Mickaël Raimbault, qu'il est diplômé de l’ ENSP (école nationale supérieure du paysage) de Versailles, félicité jadis par le jury.] C'est l'histoire d'un jeune homme qui décide de vivre autrement, en construisant ses habitacles, ses véhicules, réinventant perpétuellement sa vie comme un gamin qui traîne les pieds pour grandir à son rythme. Il en existe quantité comme lui dans les Cévennes, enfants de celles et ceux qui ont quitté la ville dans les années 60 pour vivre proches de la nature. On les croise les jours de marché, comme ce matin-là à celui de Florac. À leur tour leurs choix déboussolent leurs parents qui n'avaient pas prévu que le déracinement allait laisser germer leurs graines sur des planètes improbables. Comme leurs aînés ils portent les cheveux longs et la barbe, les filles semblent danser dans la couleur.


Mika ou Écureuil a choisi de raconter son aventure en publiant un livre bourré de photos et de dessins pleine page. Et de l'offrir à celles et ceux qui voudraient partager son rêve. Il raconte librement les siens. Le récit est impudique. Les lettres de ses parents sont étonnantes. Il ne voudrait rien cacher, de ses émotions fragiles, de ses rencontres magiques, de la gestion de son héritage anticipé. Les 6379,20 kg que constitue le tirage de 5000 exemplaires a coûté 41000 euros. Dépensant entre 100 et 200 euros par mois, il lui en reste encore plus de 100000. Qu'ils soient rentiers ou n'aient pas un sou devant eux l'argent n'est pas le moteur de ces jeunes gens. Ils veulent vivre en respirant l'air pur. Si certains sont RSAstes, ils ne chôment pas. Ce sont des castors insatiables, des constructeurs, des bricoleurs imaginatifs. Cela ne les empêche pas de traverser les mêmes tourments sentimentaux ou métaphysiques que n'importe qui, mais ils n'ont de comptes à rendre à personne...


Comme tous les aventuriers l'auteur est égocentrique. La famille ou l'âme sœur tenues à distance il se répand dans un mysticisme de pacotille, plus kitsch tu meures ! On sautera les pages où le Grand Tou lui fait pondre des vers de mirliton pour admirer ses astuces de bâtisseur, sa fantaisie de jouisseur et son kaléidoscope en technicolor.


L'ouvrage est aussi sympathique que son auteur. Il nous fait retomber en enfance, lorsque nous construisions des cabanes dans les arbres, des ponts de cordes au dessus des rivières, des embarcations de fortune. Les siens ont atteint la taille adulte. Ce n'est pas sans risque, mais vivre comme nous le faisons, sur une terre bitumée à 98%, dans les gaz et la poussière, aux ordres des pandores, sous un ciel sans étoiles et au rythme d'un soleil bègue qui a ses heures d'été et d'hiver, c'est franchement moins folichon.

P.S.: Mickaël Raimbault ne s'est pas arrêté là. Il a récemment construit un bateau en trois mois en Haute-Vienne pour traverser l'Atlantique. Et il donne des conférences sur le paysage...

lundi 4 septembre 2023

La douloureuse


La mauvaise nouvelle de vendredi est arrivée par mail. Six mille euros d'impôts fonciers que je croyais avoir étalés en mensualités, mais qui sont à payer à échéance. Je comprends que plusieurs voisins soient obligés de vendre leur maison pour s'acquitter des charges afférentes. Encore faut-il trouver acquéreurs alors que les banques refusent actuellement quatre prêts sur cinq. L'inflation (due essentiellement à la hausse des bénéfices des entreprises, selon une étude du FMI parue cet été !) est catastrophique. Les prix des denrées de première nécessité ont flambé (ceux des œufs, de l'huile d'olive ou du cacao vont par exemple continuer à grimper). Aucun petit appartement ne se vend plus. Seuls les riches peuvent encore s'offrir de grandes maisons puisqu'ils n'ont pas besoin d'emprunt. Ma chance est d'avoir acheté la mienne en 1999, avec mes droits d'auteur. Une bouchée de pain en comparaison des prix actuels. À cette époque le fuel était à 23 centimes le litre et il y a une dizaine d'années mes taxes foncières ont fait un bond gigantesque suite à une réévaluation. Cela ne s'améliore pas, on ponctionne les classes moyennes quand les pauvres sont exsangues. Mes impôts fonciers ont augmenté de 25% depuis que la taxe d'habitation a disparu. Belle arnaque ! La facture bagnoletaise était déjà très élevée, surtout avec le boulet des emprunts toxiques et la construction de la nouvelle mairie façon Gugenheim Museum d'une précédente mandature. Il faut bien éponger les dettes des mauvaises gestions successives, et la moitié des ménages y ont des revenus si faibles qu'ils ne payent pas d'impôts. La municipalité fait donc casquer les plus riches. Or les vrais riches n'en paient pas, ils ont fait évader leurs bénéfices vers des paradis fiscaux. Le Capital est bien organisé avec le soutien de nos gouvernements. Lorsqu'on a une grande maison comme la mienne, cela revient tout de même à un loyer mensuel de 500 euros auxquels s'ajoutent les frais d'entretien et les dépenses énergétiques. Par exemple cette année j'ai fait isoler le toit et il a fallu réparer les linteaux et traiter le bois contre les termites et capricornes qui avaient fini par s'installer dans la charpente. Des voisins ont le leur qui s'est écroulé. Tant que je peux payer tout va bien, mais j'envisage sérieusement de déménager vers une contrée plus arborée et moins polluée. Or comment concilier mon désir de nature et des liens sociaux de proximité ? C'est le beurre et l'argent du beurre. Salé, bien évidemment. Je ne souhaite pas revenir non plus à la course automobile. J'ai pris goût à la marche à pied et à la bicyclette.
Je ne me plains pas, je témoigne. Comme on dit, tant qu'on a la santé ! Pour la conserver, il est nécessaire d'avoir des activités excitantes. L'abandon de la libido, entendre le désir, c'est la mort assurée. Le renoncement est ce qui m'attriste le plus chez mes congénères. Mûrir c'est s'épanouir. Ressasser "La vieillesse est un naufrage" est d'une rare imbécilité. De Gaulle employa cette phrase à propos de Pétain, cela s'explique. Chaque année qui passe est une bénédiction et une victoire. On apprend à gérer l'adversité, ce que l'on ignorait lorsque nous étions plus jeunes. Quant aux impôts, je repense à ma mère, qui avait traversé bien de grandes difficultés financières, me rappelant que "plaie d'argent n'est pas mortelle". Grâce à la persévérance et à la solidarité, on trouve toujours des solutions. Il faut relever ses manches et ses bas de pantalon. J'enfourche mon vélo, il paraît que trente minutes d'exercice intensif par jour rallongent les télomères !

lundi 7 août 2023

En réparation


Voilà des mois que j'hésite à prendre rendez-vous pour faire changer la batterie de mon MacBookPro sur lequel je travaille toute la journée. Le Mac Mini ne me sert qu'à enregistrer au studio et à télécharger. Voilà des mois que je repousse la réparation à plus tard dans la crainte d'avoir besoin de mon ordinateur pendant la semaine où j'en serai privé. Comme j'espère prendre quelques jours de vacances dans le sud, je me suis lancé. Cela ne pouvait plus durer. Il fallait sans cesse que je surveille que la batterie soit bien rechargée, au risque que la machine s'éteigne en plein boulot. Ces derniers temps, j'apprends à me servir de mon nouveau synthétiseur, le Terra de Soma, une merveille, intuitive à condition de connaître toutes les combinaisons de touches ! J'ai donc moins besoin de mon portable. Continuerai-je à publier des articles pendant la période qui vient ? Lorsque je suis en vadrouille j'ai pris l'habitude de faire une pause du Net. Enfin, pas vraiment, parce que j'envoie parfois des images sur FaceBook ou Instagram.
Pour beaucoup d'entre nous les réseaux sociaux sont devenus une drogue. Le blog est un lien avec l'extérieur, pour quelqu'un comme moi qui travaille à la maison tout en étant un animal social. En vieillissant nous risquons de raréfier nos contacts. Lorsque nous étions étudiants nous croisions beaucoup de monde. En entrant en profession nous avons réduit notre espace de rencontre. Le régime de la retraite est encore plus dangereux. On fait moins appel à vous. Il faut se manifester, occuper le terrain, rencontrer des gens nouveaux, rajeunir sa clientèle et ses collaborateurs.
Je sens souvent que je nage à contre-courant. J'ai toujours nagé à contre-courant. Cela ne change pas grand chose. J'ai de la chance. Il m'a toujours fallu me bagarrer contre les idées reçues. Je fais ce qui me plaît, même si je dois affronter des résistances. Il faut s'armer de patience, prendre le taureau par les cornes, ne pas attendre qu'on vous appelle. Lorsque je regarde en arrière je me rends compte que j'aime tellement créer toutes sortes d'œuvres, y compris et surtout celles où je me sens fragile ou incompétent et qui exigent que je trouve l'issue heureuse qui me convient, que je me réveille chaque matin avec une incroyable envie de vivre. Et de partager cet entrain avec d'autres. Un animal social, je vous disais, qui ne rêve que d'œuvrer collectivement. Une histoire d'amour.

P.S.: réparé en quelques heures par SOSMaster, rue Turbigo !

samedi 5 août 2023

Hygiène et écologie


Je publie cet article uniquement sur cette page, craignant qu'ailleurs (ce blog est habituellement en miroir sur Mediapart, FaceBook, Instagram et redirigé sur X-Twitter) on me confonde avec un représentant déguisé de la marque qui fait déjà beaucoup pour qu'on parle d'elle. Pendant les dix ans où je partageais la rédaction-en-chef du Journal des Allumés du Jazz et que j'écrivais dans Jazz Mag, Muziq, etc., on me prenait pour un journaliste, ce qui avait le don de me contrarier ;-)
En fait, je me suis renseigné, le principe de l'abattant lavant existait déjà, même moins onéreux. La douchette classique est aussi carrément deux fois moins chère, mais moins pratique. Quant aux toilettes japonaises traditionnelles, le must du must, elles coûtent la peau des fesses, parfois jusqu'à trente fois le prix d'un Boku. C'est vrai qu'en plus de laver le postérieur, les plus sophistiquées le sèchent et l'on peut régler la température de l'eau. Ce n'est donc pas l'invention du bidet Boku qui est géniale, mais l'excellence de leur campagne de publicité. En jouant gentiment sur les mots et les images l'équipe commet un humour franchouillard délicat et plein d'esprit, à toutes les étapes de la communication, tutos compris. Regardez la vidéo :


Toutes les questions ayant trouvé réponse avant l'achat, les promesses ont été tenues. La seule surprise à réception de l'engin fut pour moi la nécessité d'acheter deux robinets à 3 voies et un bouchon à vis, accessoires que j'ai trouvés dans un magasin de bricolage. J'ai peut-être mis un peu plus des dix minutes annoncées, car je ne suis pas très doué. La transformation de mes WC en toilettes japonaises était aussi simple au premier qu'au deuxième étage. Au rez-de-chaussée c'est hélas une cuvette suspendue, éloignée de l'arrivée d'eau. Résultat des courses, cela fonctionne merveilleusement bien. La sensation de fraîcheur et de bien-être est confirmée ! Mon récent séjour marocain est certainement pour beaucoup dans mon choix d'acquérir ce jet d'eau orienté. J'avais déjà bien apprécié la casserole d'eau du sud-est asiatique. La quantité de papier engloutie en Occident est un gouffre écologique, et techniquement il certain que c'est beaucoup plus hygiénique. À noter qu'il y a deux jets, un pour les filles à l'avant, un pour tout le monde à l'arrière, et que tout cela, comme l'intensité du jet, se règle simplement avec un gros bouton parfaitement accessible... C'était ma fiche bricolage du week-end.

lundi 17 juillet 2023

Un tabac


Les plants exposés au sud font un tabac. Ses fleurs ont pourtant l'air fané au soleil, mais elles s'épanouissent aussitôt que l'ombre du soir envahit le jardin. D'ornement, leurs feuilles ne se fument pas, enfin c'est ce qu'on dit. Je suis obligé de le croire puisque je n'ai jamais fumé, de tabac. Ma mère corrigeait mes devoirs le Disque Bleu Filtre au bec, la fumée me remontant dans les narines. Comme ce ne fut jamais un interdit, écœuré par des années d'inhalation passive, je ne m'y suis jamais mis, contrairement à la plupart de mes camarades de lycée. J'achetais pourtant des Winston ou des Marlboro, espérant m'en servir pour draguer, mais j'étais si timide que le paquet me durait trois mois, pour un résultat catastrophique. Plus tard je mélangeai les brins de Camel à mes joints. Je n'ai jamais véritablement aimé le goût. Seuls les effets m'intéressaient. Expérimentalement ! Je les roulais avec une machine, m'imaginant probablement ainsi encore en amateur, même après quarante ans de cette pratique. J'ai arrêté il y a une dizaine d'années. Cela ne m'apportait plus qu'une fatigue au réveil. L'odeur du tabac des cigarillos auxquels ma mère était passée m'obligeait à me doucher et changer de vêtements lorsque je rentrais chez moi tant son appartement empestait, même lorsque je n'y restais que dix minutes. À sa mort, quand nous avons vendu son appartement, les livres étaient recouverts d'une poussière brune d'un centimètre d'épaisseur. C'est donc la première fois que le tabac me fait un effet positif. À la tombée du soir je reste en pâmoison devant ses fleurs blanches et roses en pensant qu'un jour mes rêves les plus chers se réaliseront. Soupir ! Cyriaque et Alexandre m'ont donné des quantités de semis dispersés dans autant de pots, beaucoup de fleurs, mais aussi des tomates, céleris, choux, etc. Le lendemain matin les tabacs étaient toujours ouverts. Pendant mon voyage au Maroc qui a duré quinze jours, les bambous avaient poussé de deux mètres en hauteur. Je tente de réguler cette petite jungle. Posséder un jardin redonne un sens aux saisons, aux variations climatiques, à la lutte pour la vie, à notre animalité dénaturée...

vendredi 9 juin 2023

Parade aux moustiques


Les moustiques ont finalement attaqué mercredi soir. Le dispositif de défense et contre-attaque a aussitôt été déployé. J'ai descendu le cadre en bambou du plafond et fixé la moustiquaire pour pouvoir leur tirer la langue toute la nuit. Je dors si peu. Quant à celles qui m'avaient piqué les arpions pendant que je rédigeais mon article, la raquette électrique en a eu raison, quitte à ce que je grimpe sur un escabeau. La lumière bleue attire ces culicidés. Évidemment ça sent un peu le grillé, mais je n'ai rien contre les insectes rôtis. De plus j'adore le petit bruit sec et les étincelles qui l'accompagnent.


Jonathan avait regagné New York la veille, juste à temps. Sa technique est tout autre. Il fait tourner un ventilateur toute la nuit. Cela fait du bruit et consomme inutilement de l'électricité, mais c'est aussi efficace. En Asie du Sud-Est nous ne prenions jamais de chambres avec l'air conditionné, mais celles avec un grand ventilateur au plafond. Cela nous épargnait aussi des rhumes et des maux de gorge. J'ignore s'il y a des moustiques dans le nord du Maroc où nous nous envolerons bientôt, et si oui, quelle technique utiliser ?

vendredi 5 mai 2023

La stratégie du buffet


Une amie qui m'avait invité [...] au 20ème anniversaire de Courrier International au Théâtre de l'Odéon me fit courir un risque insensé en me laissant seul quelques minutes près du buffet. C'est un vieux truc d'enfance, je n'aime pas les bulles, mais j'adore goûter tous les petits fours de manière déraisonnable. J'avais sagement commencé à faire la queue pour le risotto jambon cru et les blinis au gravlax, mais les vieux réflexes ont pris le dessus et je me suis souvenu de la stratégie du buffet, consciencieusement élaborée à une époque où nous ne mangions rien d'autre que des pâtes, du riz ou de la purée mousseline, le tout assaisonné de sauce de soja. Il faut donc repérer où la cuisine a été installée et suivre le trajet emprunté par les serveurs jusqu'au buffet proprement dit. On fera parallèlement une petite étude psychologique du personnel pour identifier si certains joueraient les complices ou si une interception est envisageable sur leur chemin. Sinon il suffit de se planter à proximité de la table, sans s'y coller. On se sert, d'abord deux ou trois pièces à engouffrer successivement, et l'on s'éloigne pour laisser les autres convives en profiter, on passera même galamment une fourchette, et l'on effectue un petit tour avant de reprendre place au second rang. Il serait déplacé d'attendre les plats ; laisser repérer ce petit manège manquerait d'élégance ! Celles et ceux qui bloquent l'accès aux mets vous laisseront heureusement vous glisser. La stratégie consiste à évaluer la fréquence de présentation des plats, car les maîtres d'hôtel ont tous leurs manies, certains préférant tout apporter, d'autres distiller soigneusement les plateaux au fur et à mesure de la soirée, mais la fréquence est toujours régulière, ou du moins elle obéit à une logique. Lorsque nous étions nombreux, je suggérais à mes camarades de se mettre derrière moi en file indienne et je leur passais les canapés par dessus l'épaule sans avoir besoin de me retourner. J'ai le bras long !
Un jour à l'Opéra Garnier j'ai assisté à une démonstration de haute stratégie pour se faire servir au bar lorsqu'il y a foule. Un homme hèle le garçon un gros billet à la main : "Combien je vous dois ?". Le barman est irrésistiblement attiré par la grosse coupure qu'il ne peut pas laisser filer d'autant qu'elle est tendue de loin dans la mêlée. Ne se souvenant plus de ce qu'il a servi, et pour cause, il demande illico pour quoi. Le client annonce alors : "Deux whiskys". Surprise du garçon : "Mais nous n'en avons pas !". Réponse du petit malin : "Cela ne fait rien, donnez-moi deux Cocas !". Un autre breuvage absent de la carte fera aussi bien l'affaire...
Je suis rentré un peu honteux de m'être goinfré, pas tant pour la Holding LMPA (Courrier International, Le Monde, Télérama, etc.), mais pour mon régime qui a déjà subi cinq jours d'épreuves culinaires la semaine dernière dans le sud-ouest !

Article du 10 septembre 2010

mercredi 11 janvier 2023

Les yeux de la tête


Depuis cet article du 13 mai 2010 cela ne s'est pas arrangé. Tout va très vite. Trop vite. Le marché fait s'emballer les produits technologiques. Beaucoup vivent sous perfusion informatique. On s'imagine que chacun/e est joignable à chaque instant. Comme si on emportait son smartphone sous la douche. Dans ma grande maison je ne veux pas l'avoir en permanence dans la poche, alors je rate les appels. Il faut que je sois loin de Paris pour accepter de sortir sans. Me reconnecter à la nature, à l'instant présent est devenu une épreuve que je réussis heureusement aisément, mais pas assez souvent. Ayant choisi des sonneries personnalisées, je réponds tout de même systématiquement à de rares numéros. Pour le reste je tente le silence ou je diffuse la musique à fond, à en faire vibrer les murs et les plafonds. Il y a pire que nos cerveaux anesthésiés, ce sont les dégâts humains et planétaires que la consommation folle leur fait subir, comme les mines de métaux rares dans des pays où la colonisation a pris un nouveau visage, mais cela vous le savez et je rabâche, complice de tout ce gâchis.

Enfant, j'admirais l'énorme bande magnétique enfermée dans son boîtier plastique que ma tante Catherine m'avait rapportée d'IBM où elle travaillait. Je la regardais comme une relique parmi les dizaines de souvenirs qui ne servent à rien et que l'on conserve pieusement dans des tiroirs ou des boîtes en carton. Mon père avait fait mumuse avec un ZX Sinclair, j'avais utilisé quelques systèmes dédiés à la musique comme la console Yamaha CX5M, mais mon premier véritable ordinateur fut un Atari ST et ce n'est qu'à l'acquisition de mon premier PowerBook que je fis le grand saut dans l'informatique. Jusque là, n'étant pas un gamer, les jeux d'arcade ne m'avaient jamais passionné, de même que les traitements de texte et tableurs ne me convainquirent que lorsque l'ordinateur devint portable. Un nouveau monde s'ouvrait à moi, répondant aux rêves de l'enfant qui avait été plongé dans les lectures de Jules Verne. À l'arrivée de l'iPhone, j'eus le même sentiment d'un objet qui allait révolutionner les usages. En retrouvant la facture de mon premier Apple qui date de 1992, je me rends compte des sacrifices qu'il avait générés. D'après l'indice de l'INSEE, cela équivaudrait à 6 550 euros d'aujourd'hui ! Le PowerBook 170, haut de la gamme portable d'Apple, embarquait 4 Mo de mémoire vive. Pour les applications gourmandes, nous utilisions de la mémoire virtuelle amputant celle du disque dur de 40 Mo. Vous avez bien lu, ce sont des mégas ! Évidemment, tout cela se passant bien après le cahier de brouillon, le stylo plume, la machine à écrire, la règle à calcul, la table de trigonométrie et la calculette de poche, j'ai gardé le goût pour le calcul mental et la réflexion équilibriste sans autre accessoire que les cinq sens qui me furent légués à ma naissance. Si je mets en ligne cet article en cliquant sur l'image appelée bouton en langage informatique, cela ne m'empêche pas de pédaler sur mon [vélo] ou de prendre mes jambes à mon cou jusqu'au prochain whisky bar, oh don't ask why, oh don't ask why !

lundi 26 décembre 2022

En selle !


Après l'horrible grippe qui m'a assailli, comme beaucoup de camarades, dix jours d'affilée, j'ai surtout une extinction de voix tenace. Autour de moi, il y en a que cela repose. J'avais repris l'habitude de parler seul, des commentaires entre moi et moi, histoire de valider que j'étais bien là, bien à ce que je faisais, et pas ailleurs, dans mes rêves, avec cette manie de toujours faire plusieurs choses à la fois. Ne pas pouvoir l'ouvrir me met dans une situation univoque, ne pensant que dans l'unicité, sans possibilité de dialectique, interne évidemment, mais externe également puisque ne pouvant rien émettre on ne me rétorquera rien. Mon goût du partage s'en trouve fortement lésé. Je peux toujours écrire, mais le délai de réponse est à l'échelle de celui de l'émission. J'ai remplacé mon vieil iPhone par un aPhone de dernière génération. Il paraît que murmurer retarderait la guérison. Je trouvais plutôt amusant de prononcer lentement les syllabes sur un souffle, mais, bon, je n'en ferai rien. Sauf urgence.
D'urgence il n'y en a plus. La semaine qui se profile devrait être calme. Le toit de la maison a été isolé, traité, consolidé. Il était temps. C'est réglé. On dit "comme sur du papier à musique", mais on sait bien ce que je fais des lignes à longues portées. Les usines fonctionnent au ralenti. Il aura d'ailleurs fallu treize mois pour qu'un pressage en sorte. Le vinyle allemand Toxic Rice avec la pièce Très toxique d'Un Drame Musical Instantané sur la face A et Es Gibt Reis ! de Kommissar Hjuler und Frau sur la B traversera bientôt la frontière. Je possède quatre exemplaires de la version de luxe avec vitrine 30x30 cm, quatre sculptures uniques produites par le label Psych.org. J'ignore qui cela peut intéresser par ici. Je ne suis pas marchand d'art. Par contre il est très probable que nous mettions en vente quelques exemplaires d'une version réduite à la Face A, celle du Drame, sous label GRRR. De l'autre côté un noir immaculé, comme un "mirnoir". Trois éditions différentes du même vinyle à une époque de ralentissement du marché, c'est étrange. Il y en aura pour toutes les bourses. Notre enregistrement a été réalisé le 21 décembre 1976, juste avant Trop d'adrénaline nuit. Ce sont les premiers balbutiements d'un nouveau bébé. Quelle énergie ! Dix-neuf minutes où je joue de l'ARP 2600 et des cassettes, du sax alto, de la flûte et des trompes, de la guitare, de la mandoline et du frein, de la percussion... Avec Francis Gorgé à la guitare électrique et Bernard Vitet aux percussions, appeaux, sax alto, trompette à anche, violon et frein. Le frein est un instrument électrique qu'il avait inventé, une sorte de contrebasse à tension variable, comme un immense gopitchang. La trompette à anche était aussi une idée à lui. J'avais remasterisé la pièce l'année dernière.
Je digresse, par impatience, alors qu'on a tout le temps. Rentré à la maison je me suis remis en selle. Avec la crève cela faisait quatorze jours que je ne l'avais pas enfourchée. Cela fait un bien fou. Comme le Phó que j'ai commandé chez Dong Huong. Cela vous remet son bonhomme d'aplomb. À midi, en gare de Nantes, j'avais été obligé de mettre mon déjeuner de Prêt à manger à la boîte à ordures. Ce que j'avais avalé est passé en rentrant, grâce au Gaviscon. Tous les commerces viables étaient fermés. Pour les commentaires réclamés par la SNCF je n'ai pas manqué le couplet sur l'accueil des contrebasses dans les rames. Quelle honte ! Je passe du coq à l'âne, mais quand on n'a rien de particulier à faire on se disperse sur mille petites choses en ayant l'impression d'avoir perdu son temps. C'est que je compte faire cette semaine, perdre mon temps. J'avais bien commence il y a deux semaines avec la grippe. Il faut que je profite de ma lancée, à commencer par dormir. Il semble que la mélatonine fonctionne. Je tiens au moins cinq heures. Quel progrès ! On verra si je suis à la hauteur de ma paresse revendiquée et d'une procrastination aussi peu prouvée. L'idée des prochains jours est donc essentiellement de me requinquer.
Pourtant, me relisant, mieux, tentant de numéroter mes abattis, je ne suis pas certain que ma grippe soit totalement passée. On dirait que son virus s'est inspiré de celui de sa cousine, la Covid. Chacun, chacune, y fait face à sa manière, en fonction de ses propres ressources, mais je note que plusieurs fois il m'a semblé que c'était terminé, et cela repartait le lendemain, de plus belle ou sous une nouvelle forme. En tout cas, ça vous déglingue et ce n'est pas un petit épisode.

mercredi 21 décembre 2022

Ascenseur !


Ma nièce devait avoir trois ans lorsque sa maman lui demanda d'appeler l'ascenseur. Prenant la chose à cœur elle cria de toutes ses forces : "Ascenseur !".
[L'aînée avait grandi et n'était déjà plus l'as en sœur ;-)]
Quelques années plus tard, elle fera comme tout le monde, elle appuiera sur le bouton. J'avais douze ans à mon premier voyage aux États Unis quand je découvris qu'il n'y avait pas de treizième étage. On passait directement du douzième au quatorzième. Trois ans plus tard, le liftier nous emportait directement jusqu'à l'appartement improbable que l'on nous avait prêté sur un toit de Manhattan, encombré de Moore, Arp et de Calder ! Dans l'ancien hôtel de chasse de Richelieu de la rue Vivienne j'empruntais le vieil ascenseur en bois verni pour monter au troisième où mes parents louaient une partie d'un meublé au-dessus d'un cercle de jeu. Rue Léon Morane notre rez-de-chaussée en gravier aggloméré escamota la cabine. Rue des Peupliers je préférais l'escalier qui allait toujours plus vite à un âge où l'on monte quatre à quatre et où l'on saute des demi-étages. Route de la Reine notre neuvième nous épargnait la grimpette sauf les jours de panne. Rue du Château notre jeunesse nous rendait forcément paresseux. Rue de l'Espérance j'avais pignon sur rue. L'ascenseur du boulevard de Ménilmontant était beaucoup trop capricieux pour être pris autrement que lorsque nous étions chargés... Anh-Van s'est d'ailleurs retrouvé coincé dedans au mois d'août avec personne dans l'immeuble. Il avait calculé combien de jours il pourrait tenir en buvant son urine. Les ascenseurs m'ont toujours fait penser à des cercueils en route pour les étoiles ou les ténèbres, un sous-marin renversé, une cellule pas si moderne. Le mari de Claudette avait eu le temps de sauter avec sa môme avant qu'il ne s'écrase en bas...
Ces pensées se télescopaient tandis que je quittais le magnétiseur. En général, je grimpe avec et redescends sans [...]. Habitant une maison à quatre niveaux, j'ai l'impression de vivre en abscisse et ordonnée pour entretenir ma santé. Si un jour je construisais quelque part un ascenseur je voudrais qu'il soit suffisamment grand pour en faire une pièce à part entière, chambre ou petit salon avec vue sur la nature ! Mais rien de tout cela ne vaudra jamais le garçon d'ascenseur des Galeries Lafayette de mon enfance, annonçant les rayons à chaque étage, dont celui des jouets... Et Bourvil de chanter en 78 tours, sa mélodie suivant aller et retours : "Ça monte toujours en l'air, puis ça redescend en bas !"

Article du 15 avril 2010

lundi 19 décembre 2022

Grippe et sommeil



Cela semblera évident pour certain/e/s, mais il faut parfois se coltiner l'expérience pour comprendre ce qui est en jeu, en l'occurrence le sommeil et le rhume, a fortiori la grippe. J'ai beau tourner cela dans tous les sens, et suivre le mouvement dans mon lit, changer souvent de position ne produit pas d'effet positif, bien au contraire. Il n'existe aucune bonne solution. L'obturation des fosses nasales altère les facultés de bouger à tel point que je le vis de manière claustrophobe. Le principe des vases communicants appliqué aux narines permet d'aborder le sujet de manière objective. De même, l'impression de suffocation empêche de traiter la question de l'insomnie potentielle. C'est fichu, quelle que soit la médicalisation adoptée.
À noter que les conseils amicaux reproduisant sa propre ordonnance tiennent du matérialisme mécaniste en négligeant le travail des professionnels qui ont peaufiné une recette appropriée à un individu bien précis. Exemple : le fait que je sois potentiellement asthmatique m'empêche d'utiliser certaines huiles essentielles qui ont fait leurs preuves pour d'autres. Il n'empêche qu'il existe des produits magiques, en allopathie comme en homéopathie, là tout le monde n'est pas d'accord et ses adeptes sont pris pour des gogos bénéficiant de l'effet placebo, mais je ne cherche nullement la polémique, allez en parler à mon cheval ! D'un continent à l'autre certaines pratiques peuvent sembler contradictoires tout en ayant prouvé leur efficacité depuis parfois plusieurs millénaires. Enfin malgré mes sérieux doutes sur la qualité des vaccins promus et la probité des laboratoires pharmaceutiques, il est hors de question que je me coltine un Covid ou une grippe carabinée dans les années qui viennent, je me ferai donc piquer, n'ayant pas grand chose à en craindre à mon âge !
Je cherchais donc à bien dormir alors que j'avais le nez pris. C'était forcément un vœu pieu. La première chose à régler était de m'éviter de consommer deux boîtes de Kleenex en une seule nuit ou d'être victime de quintes de toux toutes les deux minutes. Passé ces périodes critiques on peut retrouver une fluidité de positions de sommeil propre à chacun/e. Ce n'est pas tout ça, je me suis levé au milieu de la nuit pour me débarrasser de ces réflexions qui me trottaient dans la tête, mais j'y retourne, évidemment perturbé par quelques éternuements, toux, irritations de la gorge et obstructions nasales très contrariantes. Quant à la pharmacopée ordonnée elle fut tout simplement en rupture de stock, aussi le commerçant crut bon de me refiler un sirop aux plantes totalement inefficace. M'étant couché très tôt en espérant rattraper mes cinq nuits blanches, à trois heures du matin j'étais donc debout à taper ces mots au coin du feu que j'avais heureusement préparé. Plus tard un voisine m'apportera du Néo-codion en espérant que cela atténuera les quintes de toux qui m'empêchent de dormir et m'épuisent, dos au sol. D'ailleurs je n'ai plus de voix, ce qui pourrait plaire à certains de mes proches !


En y repensant je me demande comment samedi j'ai réussi à enregistrer la musique de Pierre-Oscar, bégayant Ah vous dirais-je maman et un leitmotiv de quelques notes sur divers instruments d'époque. Sur sa photo je me trouve bien fatigué et pâlichon. Ce n'est pas qu'une impression en ce septième jour d'absences !

mardi 13 décembre 2022

Circonflexe


Il fait froid. Tout le monde le sait par ici. Je brûle quelques bûches dans l'âtre. Trois accents circonflexes dans une phrase indépendante. Étonnant pour un diacritique exprimant une suppression. Sur un autre plan on en rajoute tout en haut. Les couvreurs vont insérer de la laine de verre entre les tuiles et le placo. Le toit aussi est circonflexe. J'y grimpe rarement, mais c'est toujours magnifique et surprenant de regarder le quartier sous un nouvel angle. Le 14 juillet nous nous asseyons sur les tuiles faîtières lorsque tombe la nuit. Sur le toit on trouve souvent des coquilles de noix ou des os que les corneilles ont lâché pour les briser et s'en repaître. Il fait froid. C'est rassurant en cette saison.
J'avais une autre idée en commençant cet article, mais je l'ai perdue en route. Peut-être pensais-je évoquer les films que j'ai regardés calfeutré ? Desquels me souviendrai-je ? She said de Maria Schrader est de facture plus classique que ses précédents, façon enquête journalistique d'inquisition à l'américaine, mais le sujet est d'actualité, l'affaire Weinstein ayant généré toute la vague MeToo & Co; il y aura un avant et un après. Les Nuits de Mashhad (Holy Spider), excellent thriller sur le machisme, aurait-il pu être réalisé si Ali Abbasi avait été iranien au lieu de danois d'origine iranienne ? La nuit du 12 de Dominik Moll est un bon polar français qui annonce la couleur en intro, énigme non résolue, c'est triste. Amsterdam est un film loufoque de David O. Russell avec des comédiens qui ont dû bien s'amuser, j'aime bien les films loufoques, mais ce n'est pas du niveau des Rois du désert ou de Happiness Therapy du même réalisateur. Armaggedon Time de James Gray est très fin, comme d'habitude. Ce n'est pas le cas de As Bestas de Rodrigo Sorogoyen, insupportable, trop de violence imbécile et de racisme ordinaire même si c'est le sujet. Ce ne sont pas des critiques, juste un pense-bête. J'ai trouvé intéressant Moonage Daydream sur David Bowie, bonne utilisation du 5.1. Par contre Tár de Tood Field est caricatural de l'autorité abusive d'une cheffe d'orchestre. J'en ai vu beaucoup d'autres. Trop. J'en oublie beaucoup. Circonflexe et circonspect. Il faisait trop froid pour que je grimpe plus haut photographier les deux pentes !
C'était peut-être une autre idée. Je ne me souviens plus de rien. Semaine rock déglingué. Essais techniques avec ma nouvelle pédale d'effets Eventide, la H90. Week-end grand-père de garde. Musique de film à enregistrer aujourd'hui mardi. L'emploi du temps pourrait ressembler à une période de fêtes dès demain. Sauf qu'en fin de journée je découvre, un, qu'Eliott ou son père m'ont refilé leur crève, deux, que la chaudière est tombée en panne ! J'ai beau anticiper, préparer, rêver, rien ne se passe jamais comme prévu. Cela fait partie du jeu. Trouver des solutions à des problèmes qui n'en sont pas. Qui n'en sont plus. Forcément. L'un après l'autre. Ou bien tous en même temps. La liste des choses à faire est un puits sans fond. C'est vivre, et rêver.
Et me voilà à rajouter un nouvel addendum au moment de publier. Le dépanneur est resté de 21h30 à minuit. Conscience professionnelle. Cela remonte la moral de rencontrer des personnes qui aiment se sentir utiles, comme dans la chanson écrite par Roda-Gil que j'ai fait écouter à Stéphane cet après-midi-même...

jeudi 8 décembre 2022

Surtout pas Fedex


Les entreprises dans leur routine font parfois preuve d'une telle mécanorigidité qu'elles sombrent dans une incompétence incommensurable qu'aucun humain, fut-il le pire imbécile, ne saura jamais égaler. On nage alors dans le vaudeville kafkaïen qui mérite qu'on en rit plutôt qu'on en pleure. On raconte d'ailleurs que Franz, juché sur un tabouret, avait du mal à lire à haute voix son Château tant son roman le faisait se bidonner. La mésaventure dont sont aujourd'hui victimes certains clients de Fedex explique ainsi pourquoi je n'ai jamais reçu un instrument de musique envoyé d'Allemagne et arrivé en France près de chez moi, malgré mes doléances dûment formulées. L'entreprise américaine spécialisée dans le transport international de fret qui avait égaré mon colis ne s'expliqua ni ne s'excusa jamais. La taxe douanière avait même été réglée, ce qui ne m'empêcha pas de faire le deuil de cet achat réalisé deux ans plus tôt sur KissKissBankBank. Pour avoir subi les affres des transports routiers et aériens lorsque nous tournions avec Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins connectés, je sais à quel point les chauffeurs sont doués de fantaisie ambulatoire...
Il y a donc une dizaine de jours fut livré à mon domicile un très lourd carton qui ne m'était pas destiné. Je m'en ouvris au livreur qui me montra une étiquette avec mes nom et adresse collée sur le colis. À l'intérieur étaient empaquetés des centaines de tubes stériles destinés à recevoir l'ADN de personnes en quête de leur passé. Ayant répété plusieurs fois la cérémonie consistant à tchater avec une personne prénommée jusqu'à ce que la communication soit interrompue, je décidai de ne pas recommencer à donner mes coordonnées et celles chiffrées du paquet. J'envoyai un mail à l'expéditeur aux États-Unis et au destinataire en Inde, au Bengalore. Vous vous demandez avec justesse comment ces éprouvettes avaient traversé les barrières douanières pour atterrir chez moi, alors que je me fais taxer systématiquement lorsque je reçois des objets hors communauté européenne. Le pompon revient à la réponse de Fedex : "Cher Monsieur Birgé, nous sommes désolés que le traitement de votre commande n’ait pas suscité votre entière satisfaction. Nous avons le regret de vous informer que Fedex France ne peut pas gérer votre situation, votre colis provient de 2 pays dont aucun n'est la France. Veuillez contacter l'un des deux pays concernés par votre colis...". J'ai répondu que ce n'était pas mon colis et tutti quanti, reçu une réponse d'excuse du transporteur et c'est reparti pour un tour. La même lettre idiote automatique resurgit une semaine plus tard. De nouveau des excuses. J'ignore quoi faire, le destinataire et l'expéditeur ne s'étant pas non plus manifestés. Mettre tout cela à la poubelle au lieu de passer des heures à régler un problème auquel je suis totalement étranger ? C'est tentant. Ce qui est sûr, c'est d'éviter consciencieusement un transporteur injoignable, et celui-ci en particulier. Malgré toutes les attentes, Colissimo était jusqu'ici le service le plus fiable, la Poste elle-même n'étant plus à la hauteur de sa réputation passée. Si je me réfère à mes expériences passées, GLS m'en a fait voir aussi de toutes les couleurs. Quant au transport de voyageurs vous avez probablement apprécié le foutoir de la SNCF. Mais là c'est probablement une manœuvre pour dézinguer le service public et le vendre au privé. Privé qui marche sur la tête, on l'aura compris, nous sommes loin de la promptitude et de la probité de ce qu'étaient les PTT. Ce ne sont plus des services, mais des échanges commerciaux. Le monde tourne au vinaigre. Comme la Sécurité Sociale devenue l'Assurance Maladie. Au moins là les mots sont explicites.

jeudi 1 décembre 2022

Adjugé !


Ayant confié quelques objets à une commissaire-priseur, je suis allé pour la première fois de ma vie à Drouot. J'y suis resté trois heures, totalement fasciné par le spectacle. Franchement, cela vaut la visite à la Tour Eiffel ou au Zoo de Vincennes ! Si je suis resté la majorité du temps dans la 6 où officiait Maître Lynda Trouvé, j'ai pris le temps d'aller voir ce qui se passait dans la quinzaine d'autres salles réparties sur deux niveaux de l'Hôtel des ventes de Drouot. Le style de chacune est très varié, compassée ou bon enfant, et certaines salles servaient juste d'exposition. La vente à laquelle j'assistai est dite courante, regroupant livres, tableaux, bijoux et objets de périodes et valeurs différentes sans qu'ils soient décrits dans un catalogue. Je participerai à une seconde vente en mars, mais celle-ci sera cataloguée.
La vente ressemblait à une ruche, nécessitant une douzaine de personnes, la commissaire-priseur, ses clercs, le crieur, les manutentionnaires. À gauche trois jeunes gens, dont certains experts, prennent les ordres sur leurs téléphones portables, à droite cela se passe en "live" sur Internet, certains sont déjà inscrits auprès de la commissaire-priseur et dans la salle on lève le bras pour signifier son enchère. Parfois cela va très vite, d'autres fois ça rame. La salle est pleine, elle se vide, elle se remplit à nouveau, il y a foule, des gens assis, debout, de passage. Des lots qui ne partent pas sont légèrement baissés, d'autres sont regroupés pour devenir plus attrayants. J'ai vu des caisses de livres d'art partir pour trente euros, on les appelle mannettes, et un seul bouquin afficher 1800 euros. Tant que le marteau n'est pas tombé et que la commissaire n'a pas dit "Adjugé !", on tergiverse, on plaisante... Des éditions originales de Verlaine ne trouvent aucun preneur et sont retirées de la vente. Elles seront probablement représentées un autre jour. Des "premiers" acheteurs donnent leur carte bleue au crieur. Les manutentionnaires n'arrêtent pas de se croiser, entre ceux qui apportent et exposent l'objet, ceux qui les remportent et ceux qui les préparent. Ce jour-là ce sont des centaines de lots qui sont mis à prix. Je vois partir les soldats de plomb de mon père avec lesquels je n'ai jamais joué, un Vian illustré par Boullet, Le zoo des vedettes, quelques bijoux fantaisie et des petits tableaux vraiment pas à mon goût, mais qui trouvent preneur. Je suis hélas obligé de partir avant la mise en vente des objets qui m'intéressent le plus... Je reviendrai, d'autant qu'on entre à Drouot comme dans un moulin, sans avoir de compte à rendre à personne. Le spectacle est permanent.

mardi 25 octobre 2022

Le Grand Robert me donne le vertige


La numérisation de certains outils quotidiens a décuplé leur pouvoir, telles les recherches sur bases de données, les calculs complexes sur tableurs, les corrections sur tous supports, etc., sans parler de l'IA devenue à la portée de tous... Rédigeant quotidiennement mes articles, ou créant par exemple poèmes et chansons, j'avais pris l'habitude d'utiliser le Petit Robert en CD-Rom, mais depuis une dizaine d'années il semble être passé exclusivement en ligne. De plus, il fallait "l'autoriser" tous les quarante jours. Alors cinq euros par mois ce n'est pas donné, mais l'usage qu'on en fait peut valoir le "coût". Quitte à craquer, je suis passé sans regret au Grand Robert pour deux euros de plus. S'il n'y avait que ses 500 000 mots (anciens, littéraires, familiers, techniques, scientifiques, argotiques et régionaux) et sens, leur prononciation audio, leur étymologie détaillée avec date d’apparition, un million de renvois analogiques (synonymes, contraires, mots en rapport, dérivés, composés), 25 000 locutions, expressions et proverbes, une anthologie littéraire de 325 000 citations classiques et contemporaines, les tableaux de conjugaison pour chaque verbe (il y en a 11000), 10 000 remarques sur la langue française et 40 tableaux thématiques, un dictionnaire de 2200 biographies d’auteurs, mais il y a aussi les recherches phonétiques (pas seulement pour les rimes en fin de vers, mais à l'intérieur-même des mots ou dans le désordre comme les anagrammes), l'hypertexte total, l'autocomplétion corrective si on orthographie mal un mot, la recherche en texte intégral (groupe de mots), etc. Ce ne sont que des chiffres alors qu'il s'agit de lettres. Il faut en jouer pour le croire. La langue française ainsi analysée, indexée, triturée me donne le vertige. J'ai toujours adoré les dictionnaires, mais celui-ci est de loin mon préféré.

jeudi 20 octobre 2022

L'ordi a le son chaud


Denis Desassis et Philippe Ochem m'ont suggéré d'acquérir ce petit objet, ou un équivalent, pour obtenir un meilleur son lorsque j'écoute de la musique depuis mon ordinateur portable. Un DAC (abréviation de digital-to-analog converter) est un convertisseur numérique-analogique, un peu comme les cartes-son que j'utilise en studio ou sur scène, mais réduit fonctionnellement au minimum, et il est de la taille d'une toute petite clé USB. Cela coûte relativement cher, mais tout de même moins. Le résultat est époustouflant si je compare avec la sortie casque que j'utilisais jusqu'ici avec le même long câble mini-jack stéréo de plusieurs mètres branché à l'entrée audio de l'ampli. L'Audioquest DragonFly Cobalt est livré avec un adaptateur USB-C, mais si je veux l'utiliser avec mon iPhone ou mon iPad je devrai acquérir en plus un adaptateur Apple pour appareil photo Lightning vers USB 3, ce qui rallonge la sauce de 49 euros. Je ne le regrette pas, car cette combinaison me servira aussi lorsque je jouerai de la musique à partir de l'iPad pendant mes enregistrements live. Parce que le son est incroyablement meilleur, chaleureux, j'en oublie que ce sont des mp3 qui sortent de l'application Audirvana, une des meilleures pour diffuser de la musique dématérialisée. Francis préfère un petit module Bluetooth offrant l'avantage de ne pas avoir de fil à la patte, mais le son ne me semble pas de la même qualité.
J'ai l'impression de redécouvrir les albums que j'écoutais ces jours-ci depuis mon MacBook Pro (cela fonctionne aussi pour les PC) pendant que j'écrivais mes articles : les compilations Saturnian Queen of The Sun Ra Arkestra de June Tyson et Start Walkin' 1965-1976 de Lee Hazlewood et Nancy Sinatra, Belladonna de Mary Halvorson, Family Tree de David Enhco, toute une floppée de disques de la violoniste Patricia Kopatchinskaja, Debussy et Magnard par le Quatuor Béla, Stup Forever de Stuperflip, Mothership de Mason Bates, Howie Lee, The Residents, David Bowie, Bertrand Belin, Arca, Alexandra Grimal et plein d'autres trucs.

vendredi 30 septembre 2022

De la chaleur


J'avais froid. Trop tôt pour allumer la chaudière. Je ne peux pas travailler avec les mains gelées. Le studio est heureusement équipé de radiateurs électriques. On ne fait jamais passer la chauffage central dans un lieu d'enregistrement. Les sons extérieurs seraient diffusés par la tuyauterie. La nuit je me glisse sous la couette, mais le jour ? Le jour j'accumule les épaisseurs. Plus on monte dans les étages, plus il fait froid l'hiver et chaud l'été. Je pense sérieusement à faire isoler la toiture par l'extérieur ; il faudra retirer et remettre les tuiles. Après des journées bien chargées, j'avais décidé de bouquiner dans le salon. Mais j'avais froid. Alors je me suis allongé devant la cheminée. Ce n'est pas compliqué, j'ai toujours un feu tout prêt. Papier journal, brindilles, branches et bûches. Ça part tout seul. Parfois ça crépite. En 1985 nous avions enregistré le feu dans l'âtre et nous l'avions ralenti pour Les gueules cassées du disque d'Un drame musical instantané Carnage. Le label Tigersushi l'avait repris en 2003 sur le CD de sa compilation K.I.M. Miyage. Il y a un magnifique effet Döppler quand passe une voiture de police sur le boulevard Ménilmontant. Mais ici la rue est calme. S'il y a quelques portières qui claquent ou des cris d'enfants à l'heure des mamans ou des papas, j'ai surtout l'habitude du chant des oiseaux et du miaulement des chats. Bon, je n'ai pas fait tout ça pour recommencer à travailler, je voulais simplement me reposer au coin du feu. Relire quelques vers écrits hier soir.

lundi 20 juin 2022

1001 nuits


Les lignes qui suivent ont été écrites la semaine dernière alors qu'il faisait extrêmement chaud. La température est tombée, mais ce n'est que partie remise. Très probablement en pire, puisque les gouvernements ne font rien, cédant aux industriels adeptes d'un capitalisme criminel et suicidaire, ou tout simplement dans le déni de la crise climatique dont nous ne percevons que les premiers soubresauts...

Jonathan avance que le seul moyen d'éviter les moustiques est de laisser le ventilateur tourner toute la nuit. Sa solution est efficace, mais d'une part elle est énergivore, d'autre part le moteur fait du bruit. En Asie, je préférais toujours une chambre avec palles plutôt que ce maudit air conditionné qui pollue nos bronches autant que le reste. Or ici, à la maison, on ne peut pas rêver mieux que la moustiquaire avec ses voiles prometteuses de mille et une nuits. J'ai installé un cadre en bambou que je remonte l'hiver et auquel j'accroche le parallélépipède blanc à la première piqûre. C'est donc après une nuit cloqueuse et gratteuse que j'ai compris que la saison de la chasse était ouverte. À l'extérieur du baldaquin les raquettes électriques sont prêtes. La moustique est l'un des rares animaux pour qui je n'ai aucune empathie. J'avoue apprécier la détonation lorsque le culicidé tente la traversée des mailles métalliques.
S'il faut m'empêcher de dormir, les chats s'en chargent. 3 heures du matin. Django est monté sur le lit pour jongler avec une souris. Je le fiche dehors, lui et sa proie. Jusqu'ici il avait toujours préféré la moquette claire du salon. C'est là qu'il la croque. 4 heures. Au tour d'Oulala de gratter à la porte parce qu'évidemment elle est fermée pour empêcher les agapes félines. 5 heures. Tous les deux font des glissades sous le lit sur le plancher bien lisse. Je rêve de nuits sans à-coup, où je dormirais d'une traite. Même si j'ai appris que les nuits complètes étaient une invention récente. Avant l'électricité et l'industrialisation, les gens se levaient une ou deux heures au milieu de la nuit, vaquaient à leurs occupations, professionnelles, ménagères ou amoureuses, et repartaient se coucher. C'est ce que je fais en cas d'insomnie. J'avais passé du temps à recouvrir de baume du tigre les démangeaisons. Rien ne sert de se tourner dans tous les sens. Les prochaines nuits auront le parfum de Shéhérazade.

jeudi 9 juin 2022

Le masseur à toute épreuve


Possédant toute une panoplie d'instruments de torture soulageant mes douleurs vertébrales depuis que je poussai mon premier grand cri japonais en 1983 à ne pas me relever, toute nouvelle acquisition prouvant son efficacité est une bénédiction scientifique aux pouvoirs magiques. J'ai déjà répertorié ici la plupart des articles concernant mon dos fragile. Il y a six ans, la construction du sauna infra-rouge, dont je profite des bienfaits chaque matin, m'avait permis d'abandonner quasiment toute prise de drogue. Or, depuis que j'ai décidé de me remuscler, je fréquente un centre de sport en bas de la rue. Cela me coûte 40 euros par mois avec une demi-heure de coach personnel hebdomadaire. Celui-ci m'a conseillé d'utiliser un pistolet de massage, outil longtemps réservé au milieu hospitalier. J'ai choisi la marque de référence, les utilisateurs se plaignant des pannes des modèles économiques chinois. Le Theragun (modèle Prime, le plus simple - désolé pour le nom qui peut sonner agressif !) a l'avantage de posséder une poignée triangulaire facilitant l'accès à toutes les zones du corps et une application smartphone le contrôlant en Bluetooth si besoin. Or le résultat est tout bonnement époustouflant. Que ce soit en amont ou en aval d'un effort, l'effet est immédiat. Trente secondes ou une minute de ce marteau piqueur suffisent souvent à faire disparaître mes douleurs à la main (pouce à gâchette), au bras (tendinite), au cou (torticolis), au dos (mon ostéopathe me rassure, je peux même l'appliquer directement sur ma colonne vertébrale). L'objet a supprimé instantanément mes courbatures après notre randonnée de dix-huit kilomètres dans les Cévennes. Il a beau être lourd (il existe un modèle de voyage), où que j'aille je le glisse dans ma valise. J'adore ce genre de trucs magiques.

mardi 3 mai 2022

Incendies


Lorsque je pense à un incendie c'est le film de Denis Villeneuve d'après Wajdi Mouawad qui me vient d'abord à l'esprit. Incendies est sorti l'année d'après les deux incendies évoqués dans cette colonne et repris aujourd'hui ci-dessous. De son côté, Mouawad avait réalisé Littoral en 2004, un film tout aussi fort. Avec son roman Anima qui m'avait laissé k.o., ce sont ses trois œuvres sur lesquelles je peux revenir facilement, la majorité s'étant jouée au théâtre.
D'autres incendies m'ont marqué particulièrement. Celui du Reichstag aida Hitler à arriver au pouvoir en Allemagne en accusant les communistes, comme jadis celui de Rome permit de persécuter les Chrétiens. Celui de ma tante Ginette, où elle perdit la vie, détruisit toutes les archives de ma famille paternelle. Celui de Notre-Dame me rappela mon enregistrement, un premier mercredi du mois à midi, depuis sa haute tour avant qu'elle ne soit grillagée, des sirènes de Paris, ville à laquelle je suis attaché comme faisant partie de moi-même. Un autre jour, je mis accidentellement le feu à la maison en tulle dans laquelle nous jouions avec Francis et Bernard lors d'un concert d'Un drame musical instantané ; j'eus les deux mains brûlées au second degré pour avoir étouffé le nylon sans autre ustensile ; un mois de convalescence ! Les brûlures sont si douloureuses que, depuis, j'appris à contrôler la douleur. Les seules flammes que je regarde encore avec fascination sont celles de l'âtre. On peut les entendre, ralenties, dans la pièce du Drame, Les gueules cassées, qui avait été reprise dans le CD K.I.M. Miyage du label Tigersushi. J'aurais pu ajouter Farenheit 451. Tout feu tout flammes, je me reconnais bien dragon, à renaître éternellement de mes cendres....



Quand ta case brûle, rien ne sert de battre le tam-tam

En photographiant un rescapé de l'incendie qui a ravagé l'appartement de Jonathan à New York, un titre me vient immédiatement à l'esprit. Il faisait partie de Sic Tui (Sept Improvisations Courtes sur Thèmes fixes pour Un Instrument), enregistré entre le 24 décembre 1974 et le 13 octobre 1975. Quand ta case brûle, rien ne sert de battre le tam-tam, pour flûte seule, date donc du 1er mars 1975. Les autres pièces, pour orgue à bouche, piano, percussion, sons électroniques, saxophone alto et synthétiseur s'intitulaient respectivement À l'usage des jeunes générations / Jusqu'à penser devoir t'effacer (critique) / Par l'insurrection armée, s'il le faut ; par le terrorisme si c'est nécessaire / Jusqu'à l'effacement (autocritique) / Merde, dit-il, je viens de marcher sur le visage de Dieu ! / De le traquer avec des gobelets, de le traquer avec soin. Une huitième pièce, Hic Tui, devait réunir l'ensemble des instruments, mais je crois ne l'avoir jamais enregistrée.
J'ai toujours adoré trouver des titres, pour mon propre usage ou pour les camarades, et le blog m'offre le plaisir de m'y adonner quotidiennement. Selon les jours, il illustre ou apporte un contrepoint à l'image ou au texte qu'il introduit. Ces trois éléments forment une dialectique dont je ne peux d'ailleurs me passer pour aucun de mes actes, recherchant systématiquement l'antithèse ou le complément avant de tirer le moindre début de conclusion.
Un court-circuit aurait donc mis le feu à ce qui tenait lieu d'appartement à Jonathan dans l'East Village, deux petites pièces où s'amoncellent les livres sur le cinéma et les notes de recherche. Le soir, par un astucieux système de poulies, notre ami faisait descendre son lit au-dessus de son bureau, à quelques centimètres de l'écran de l'ordinateur. Les pompiers ont tout jeté par la fenêtre. Jonathan dut réordonner chaque page après les avoir fait sécher, car on oublie que l'extinction par noyade est souvent plus ravageuse que l'incendie lui-même, du moins s'il est circonscrit. Une société spécialisée a même pu récupérer le contenu de son disque dur après un vol plané de six étages. L'ami américain a trouvé refuge chez des amis de Brooklyn [...] (article du 18 juillet 2009).



Le petit chaperon rouge renaît de ses flammes

Après le terrible incendie qui avait ravagé leur stock, les archives et les machines, Æncrages & Co [rééditait] l'Anthologie du projet MW, soit cinq volumes, fruits d'une collaboration de plus de dix ans entre Robert Wyatt, sa compagne Alfreda Benge et le peintre Jean-Michel Marchetti. Les 240 pages sont accompagnées d'un CD original 8 titres composé de six reprises par Pascal Comelade dont une avec Wyatt, de Heaps of Sheep par Ryk Van Den Bosch & Co auquel participe la famille Marchetti et d'un entretien en français avec Wyatt. Contrairement aux ouvrages originaux, seule la couverture est ici imprimée en typographie, mais le prix du livre (21,90€ avec le port) n'est pas non plus le même, d'autant que l'incendie les a rendus introuvables.
Épuisé depuis cet article du 12 avril 2009, l'ouvrage est hélas beaucoup plus cher aujourd'hui.
La traduction française des 80 chansons par Marchetti qui a réalisé toutes les illustrations excepté trois autoportraits de chacun des trois protagonistes permet de pénétrer dans le monde verbal du musicien anglais dès lors que l'on ne maîtrise pas parfaitement la langue de Shakespeare et ses déclinaisons pataphysicennes. Les images troubles et griffonnées du peintre réfléchissent les textes ivres d'un auteur fragile, écorché vif. Les mots se cognent les uns contre les autres. On ne s'attend pas à tant de chaos sur les mélodies angéliques qui planent comme des évidences. Je regrette parfois que la traduction n'adopte pas la scansion initiale pour que je puisse chanter en karaoké simili peub. Histoire que paroles et musique fassent la paix et révèlent leur secret accord. Mais l'énigme reste entière. Comme une étoile mystérieuse.