70 Pratique - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

lundi 26 mai 2025

Eastern (western de l'est parisien)


Les terrassiers qui défoncent notre rue ont beaucoup d'humour si j'en crois les tuyaux entassés devant notre porte d'entrée. Je devrais plutôt écrire de sortie, même si l'opération semble hasardeuse. Les ouvriers remplacent les tubes en grès gris de plus d'un siècle que les mouvements de terrain ont fendus ou cassés. Les eaux usées s'en allaient dans le sol. Ce ne sont pas seulement ceux d'assainissement qui laissent échapper des tonnes d'eau. On ne peut imaginer la quantité d'eau potable gaspillée ainsi. Aujourd'hui les fuites se décèlent néanmoins facilement avec un micro et un casque sur les oreilles. Dans notre rue, enfouis à trois mètres cinquante, à proximité d'un monstrueux tuyau de gaz qui s'il explosait rayerait le quartier de la carte et d'une ligne électrique de 225 000 volts alimentant la capitale, ils exigent une expertise minutieuse et des machines capables de creuser aussi profondément. À propos de catastrophe, dans la pièce Des haricots la fin sur le disque Qui vive ? j'avais intégré le bouleversant reportage en direct de l'explosion de la rue Raynouard le 17 février 1978. Une fuite d’eau y aurait justement provoqué l’affaissement du trottoir et le percement de la canalisation de gaz située sous la chaussée, bilan douze morts et une soixantaine de blessés dont plusieurs sapeurs-pompiers. Ce ne fut pas la seule à Paris, cela s'est encore produit rue de Trévise en 2019 et rue Saint-Jacques en 2023. Ici le plus dangereux serait un affaissement de terrain pendant que les ouvriers sont au fond. Il n'y a pas que l'asphyxie. Le responsable m'explique que les enfants qui s'enfouissent sur la plage risquent une compression de la cage thoracique sous le poids du sable. Pour un billet d'humour, vous repasserez ! Enfin, certains le prennent autrement...


Avec surprise je découvre sur FaceBook une photo de mon chat où il est stipulé que c'est le "boss" de la rue. Il a profité des travaux et de l'absence automobile pour poser devant Brahim. Il ne manque que l'accompagnement musical d'Ennio Morricone pour que Django soigne son rôle ! Devant les nombreux like qu'il engendre je me dis ne plus avoir à m'inquiéter quand il s'aventure dans le quartier, entre autres à chasser les rongeurs qu'il rapporte généreusement à la maison, maintenant que le gros gris est connu comme le loup blanc.

mardi 6 mai 2025

Massacre à la tronçonneuse


J'ai la chance d'avoir des voisins hyper sympas qui me donnent un coup de main lorsque ce ne serait plus du tout raisonnable que je m'y colle seul. Je ne pourrai jamais leur rendre la pareille puisque dans vingt ans ils auront l'âge que j'ai aujourd'hui. J'espère seulement qu'ils auront de nouveaux bras quand il faudra poser un linoleum à la cave ou abattre un arbre comme dimanche. Heureusement il y a mille et une manières de s'entraider. Je m'y emploie. La grêle de samedi n'avait pas fait trop de dégâts, il avait juste fallu balayer les feuilles cisaillées et les fleurs coupées, ce qui représente plus de boulot qu'on ne peut l'imaginer. Le bouleau ayant rendu l'âme à la dernière sécheresse, le charme se portant fidèle à lui-même, les bambous accusant le coup, nous nous sommes attaqués au tamaris bien mal en point pour la première fois en vingt-cinq ans. Éric s'est donc emparé de la tronçonneuse et s'est mis à trancher à tout-va. Mais tout ne va pas si bien si l'on sectionne la fibre qui me relie à Internet ! Je l'avais pourtant averti de faire attention, mais le câble ressemble à une des dizaines de brindilles qui sautent comme un feu d'artifice sous la lame. Donc le soir vers 22 heures je m'aperçois que la box affiche un trait blanc qui ne dit rien de bon, plus de réseau ! Perché sur un escabeau je constate les dégâts à la lampe de poche et laisse un message aussitôt à Orange dont l'excellent service après-vente explique peut-être que le prix de l'abonnement est nettement plus élevé que chez Free. Le lendemain matin leur technicien vint armé d'une cliveuse de fibre optique, d'une soudeuse idoine, d'un nettoyant à alcool isopropylique, de manchons de protection thermorétractables et d'un boîtier d'épissure. Encore fallait-il qu'il y ait assez de mou (pas pour les chats qui s'en fichent comme du déclin de l'empire américain, même s'ils passent une partie de la journée perchés en haut du mur), soit environ 30 centimètres de chaque côté. C'était juste, mais la connexion avec le monde est revenue, d'autant que j'en avais sérieusement besoin pour diverses tâches dont l'envoi à Sonia de la musique du second épisode sur la cybersécurité que je terminai de ce pas pour un site web destiné aux 13-18 ans.

samedi 19 avril 2025

Les approximations de la météo


Depuis quelque temps j'ai l'impression de ne plus pouvoir me fier du tout à la météo. Est-ce une idée réactionnaire comme de penser que c'était toujours mieux avant ? La mémoire est volatile et l'on a souvent oublié les misères traversées. Par exemple, j'ai beau vieillir, comme tout le monde, il me semble que la dégénérescence physique peut largement s'équilibrer par une meilleure gestion de son corps. C'est pareil avec le ciboulot. Les neurones s'éteignent, mais l'on devient plus sage, c'est du moins une option envisageable à condition d'y travailler. Il n'empêche que le cerveau ressemble à un disque dur et il lui arrive d'atteindre ses limites, à savoir que plus le temps passe, plus la masse d'informations prend de la place. Alors on jette des souvenirs pour pouvoir continuer à en engranger. Comme je l'avais expliqué à ma fille qui préparait une dissertation sur le sujet, il faudrait une vie aussi longue que celle que l'on a vécue pour se souvenir de tout. Lorsque j'étais étudiant à l'Idhec je pensais avoir une perception assez complète de l'histoire du cinéma, or cette histoire, passée de cinquante ans à plus d'un siècle, me donne l'impression de ne plus connaître grand chose. En cette période de vacances où la météo est déterminante pour celles et ceux qui ont à la chance d'en prendre, cette digression interroge le planning de nos activités. Ainsi il était question qu'il pleuve toute la semaine et la prochaine, et ma fille s'est retrouvée sous la neige avec un ciel bleu, et là où nous sommes le dessin d'un beau soleil s'est soudain substitué à celui d'une averse.
Les spécialistes peuvent évoquer la physique du chaos, des modèle complexes intégrant température, pression, humidité, vent, etc., les microclimats, le relief, ou la mer, on a beau utiliser des stations météo hyper sophistiquées, des ballons-sondes, des satellites, des avions, des bateaux dont les résultats sont injectés dans des ordinateurs hyper puissants, les modèles de prévision comme ARPEGE, GFS, IFS, ICON ne sont pas vraiment fiables. La météorologie n'est pas une science exacte. L'interprétation par des météorologues est déterminante et il y en a beaucoup moins qu'avant. Les machines ont trop souvent remplacé ces poètes du climat, j'écris poètes parce que les météorologues que j'ai rencontrés dans le passé me donnaient cette impression. Ils me rappelaient la manière dont les artistes envisagent leurs œuvres, avec une part de somnambulisme, une part de bon sens, une part de subjectivité qu'on appelle l'expérience. Dans aucun domaine, jamais les machines, jamais l'intelligence artificielle ne remplaceront l'intuition humaine lorsqu'elle est vécue par des rêveurs sachant envisager l'impossible.

jeudi 20 mars 2025

Construire un arc musical


Parmi les petits sujets tournés en 1993 pour mon film Idir & Johnny Clegg a capella je n'avais jamais regardé le petit bonus inédit où Clegg fabrique des arcs musicaux avec les bambous de son jardin. Je l'ai conservé ici dans la continuité comme s'il s'agissait d'un didacticiel. Il n'y aurait qu'à suivre chacune des étapes. Une petite démonstration de lutherie roots.


Collectionneur de tout ce qui peut produire du son et virtuose de la guimbarde, je n'osai pourtant pas demander à Clegg de m'offrir l'un de ces arcs ou de m'en construire un tant cela lui avait donné du mal. Mais je possédais au moins le mode d'emploi. Vingt ans plus tard, les bambous de mon jardin ont largement atteint la maturité requise. Eux, moi pas.

P.S. : Pendant que j'y suis, voici le film en version française (les sous-titres sont pour Clegg, dans la version angaise ils sont pour Idir !), tel que diffusé dans le cadre de Là-bas si j'y suis...



Article du 28 février 2013

mardi 11 février 2025

J'avoue tout


Comment gérer la douleur ? Pour commencer, elle est inévaluable. Chacun, chacune a ses limites et sa manière de la supporter. Il peut être légitime de se plaindre d'un petit bobo comme d'une maladie grave. Sur la sellette il vaut mieux placer la plainte, parce qu'elle implique les autres. Partager ses angoisses, exprimer ses turpitudes soulage, mais à quel prix ? Je pense parfois au film The Disorderly Orderly (Jerry chez les cinoques) où Jerry Lewis attrape le moindre symptôme que ses patients lui racontent. L'empathie peut permettre au transfert d'opérer. Tout dépend de l'état de la personne à qui l'on s'adresse. Dans les périodes critiques se révèle la fragilité de chacun. On marche sur des œufs alors que l'on n'est plus soi-même, diminué par les assauts de la douleur. Si la mort ou la perspective d'une extrême dégénérescence n'y sont pas associées, reste comment l'endurer. Évidemment on s'inquiète, mais le chatgépétage ou la consultation auprès des professionnels compétents ne règle pas forcément la question, surtout si l'on ne comprend pas la cause du mal. Décrire la douleur avec des mots, le plus précisément possible, tend à l'apprivoiser. J'ai ainsi plusieurs fois fait référence à la lecture du Bras cassé de Henri Michaux qui changea ma vie lorsque j'avais vingt ans. Si la pratique de l'EMDR (intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires) m'a sorti plus d'une fois d'un mauvais pas, je ne rechigne pas à avaler un analgésique puissant pour que la douleur ne se propage pas au delà de son centre névralgique, et mon ostéo préféré fait des miracles. Il n'échappera à personne que ces quelques réflexions sont générées par ma récente raideur du cou dont l'effet épouvantable agissait vingt-quatre heures sur vingt quatre, m'empêchant donc de dormir plusieurs jours d'affilée. J'utilise l'imparfait pour conjurer le sort, mais la radio montre bien une arthrose cervicale prédominante en C4-C5 ! On tombe facilement sur la théorie des dominos. Il est indispensable de circonscrire le mal. Entre le manque de sommeil et les effets secondaires du tramadol-paracétamol mon cerveau s'embue quelque peu. Alors, puisqu'il n'y a pas mort d'homme, je me dis que si la douleur me torture littéralement, j'avoue tout. Rien ne m'empêchera de parler ! Celles et ceux qui connaissent le bavard invétéré riront de l'allusion.

mardi 21 janvier 2025

Des oiseaux, petits et gros


Uccellacci e uccellini est probablement mon film de Pier Paolo Pasolini préféré, pour une quantité de raisons. Tourné en 1966, il commence avec l'un des plus beaux génériques de film, entièrement chanté sur une musique d'Ennio Morricone. Ce film marxiste est magiquement interprété par Totò et Ninetto Davoli, dont toutes les participations à des courts ou longs métrages de Pasolini sont sublimes. Et puis il y a les oiseaux. Un corbeau, doué de la parole, leur raconte l'histoire de frère Ciccillo et de frère Ninetto (eux aussi interprétés par les deux comédiens), des moines franciscains à qui Saint François d'Assise ordonne d'évangéliser les faucons (les puissants) et les passereaux (les humbles). À eux d'en trouver les moyens !


Je suis mal placé pour évangéliser qui que ce soit, à commencer par moi-même, mais j'ai toujours essayé de communiquer avec les animaux, du plus petit au plus gros, et à défaut d'y arriver j'adore les regarder vivre. Cela explique mon récent voyage dans l'Amazonie profonde. Sans avoir besoin d'aller jusque là, j'ai finalement installé une mangeoire au centre du jardin. Aussitôt une dizaine de mésanges se sont précipitées sur les cacahuètes, se confrontant à un merle essayant de faire la loi. Les boules de graisse et les graines de tournesol ont beaucoup moins de succès. Les boules sont composées de flocons d'avoine et de blé, de la graisse de bœuf, d'huile de tournesol, etc. Plus timides, ont suivi les rouges-gorges. Puis les geais et les tourterelles, mais seulement dans l'assiette horizontale. Les corbeaux, probablement trop lourds, gardent leurs distances. Certains volatiles préfèrent céder au mythe de Narcisse en se pavanant devant les miroirs disséminés partout dans le jardin. Le mât mesure deux mètres quarante, empêchant nos chats de croquer les petites bêtes. Ma fascination pour le ballet des petites ailles m'identifierait à "un enfant de cinq ans et demi". Depuis que j'ai installé le perchoir je passe mon temps aux différents postes d'observation entourant le jardin.

mercredi 23 octobre 2024

Boucles d'oreilles


N'étant pas très bricoleur je ressens une immense fierté lorsque je réussis à fabriquer quelque chose avec mes dix doigts. J'avais déjà construit un portique à trois étages pour accrocher les cintres sans aucun clou ni vis, grâce à un système d'échafaudage que Raymond avait récupéré d'un décor de théâtre. Me souvenant des vendeurs de bijoux à Cuzco, j'ai eu l'idée de remplacer la boîte où il est difficile de choisir ses boucles d'oreilles par une planche où j'ai enfoncé une soixantaine de clous pour que ma compagne y voit plus clair. Elle y a ajouté quelques colliers. L'objet est devenu le véritable clou de la salle de bain.

vendredi 11 octobre 2024

Mes grelots


Un clip vidéo très tendre réalisé par Sonia Cruchon [en octobre 2012] sur une musique de El Strøm, "en hommage à celles qui nous apprennent à marcher".
Avec la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard, le polyinstrumentiste Sacha Gattino (harmonicas, métalophone, clavier/échantillonneur) et moi-même (trompette à anche, synthétiseur, grelots, guimbardes, harmonica). Les images sont de Jean Cruchon, Florence Mourey et Sonia qui signe également le montage.


C'est fou le nombre de petits êtres qui sont nés autour de nous cet été. On pense aux mamans qui font tout le boulot, même si les "nouveaux pères", comme on nous appelait il y a [quarante] ans, s'y collent autant qu'ils peuvent. Lorsque vient le temps de marcher, le pire est passé, entendez les deux premiers mois que nous oublions très vite et qui nous ont tous et toutes pris de court ! [Rappel récent avec la naissance de ma petite-fille !] Le pire est évidemment aussi le meilleur. Je me souviens avoir vraiment pris mon pied à partir de six mois quand la mère de ma fille s'épanouissait depuis longtemps. À un an c'était parti, le moment de la marche évoqué par Sonia dans son très joli film. Les ennuis commencent avec la puberté. Nous avons craqué entre seize et dix-neuf, et puis tout est redevenu gérable, mais nous ne pouvions plus faire grand chose qu'être là. Et là on n'en finit jamais. Et à leur tour ils continuent à apprendre à marcher, mais seuls, et cela prend toute une vie, la leur cette fois.

Article du 17 octobre 2012

lundi 16 septembre 2024

Fraude SNCF


Lorsque je rends visite à ma fille qui habite en Pays de Loire, je dois prendre un TER après ou avant le TGV, selon le sens du trajet. Or cela fait plusieurs fois que mon TER est annulé sous prétexte de problème technique. Lorsque je viens de Paris, je dois prendre un taxi qui augmente le coût et la durée du voyage, mais si je dois rejoindre Nantes je raterais ma correspondance si l'on ne me conduisait pas en catastrophe à la station de tramway Gare Maritime. Cette mésaventure arrive aussi de temps en temps à Lulu le matin alors qu'elle se rend au lycée. On est parfois prévenu par un SMS ou un mail, mais c'est généralement trop tard. De deux choses l'une, ou l'entretien des machines est à revoir, ou bien la SNCF se fiche de nous, probablement parce qu'elle estime qu'il n'y a pas assez de voyageurs. Et ce, toujours au dernier moment ! Je pourrais me faire rembourser les deux euros de ma réservation, mais le labyrinthe en ligne est tel qu'il est préférable d'abandonner. Pourquoi la SNCF ne rembourse-t-elle pas automatiquement, puisqu'elle a tous les renseignements le permettant. Tout cela flaire l'arnaque et je me demande chaque fois si ce n'est pas délibéré pour que les usagers râlent et acceptent plus facilement la privatisation des services publics.

mercredi 11 septembre 2024

Spun, le fauteuil-toupie


Voyager permet d'avoir un regard différent sur les gens et leur manière de vivre. C'est parfois cruel ou déstabilisant. Je me souviens de ma fille, petite, nous demandant de partir en vacances pour une fois dans un pays "pas pauvre". La comparaison peut paraître douteuse, tant pis, mais de même que les zoos sont des lieux paradoxaux si l'on aime les animaux, permettant d'appréhender d'autres réalités que sa quotidienneté, visiter des pays très différents du nôtre permet de changer de point de vue, et, en ce qui nous concerne, de se rendre compte du paradis où nous avons malgré tout la chance de grandir.
Passé cette considération qui mériterait d'être creusée sérieusement, de chaque voyage on tire des enseignements très variés, certains bouleversants, d'autres plus anecdotiques. Par exemple, notre récent périple au Pérou m'a fait m'interroger une fois de plus sur la violence de l'humanité à la lueur de l'histoire du pays, sur la différence entre la capitale essentiellement habitée par des blancs (peut-on encore s'exprimer ainsi ?) et le reste du pays par les descendants des Incas et des peuples qui les ont précédés, ou sur le poumon vert de l'Amazonie. J'ai évidemment été saisi par le silence de cette forêt immense, troublé par les climats extrêmes du pays, et séduit de retrouver sur les hauts plateaux d'autres rêves d'enfance liés à la lecture des aventures de Tintin. J'en ai aussi rapporté la recette du ceviche et du pisco sour, apprécié la finesse délicate de la laine d'alpaga, et la visite du Musée d'Arts de Lima, le MALI, m'a fait craquer pour un fauteuil Spun, puisque je reste un pur produit de la société de consommation malgré mes rebuffades.


De m'y être balancé pendant une demi-heure, de m'y être reposé tranquillement ou de m'être renversé brusquement sans jamais tomber, m'a donné envie d'en acquérir un pour le jardin. Il pourrait aussi bien investir la maison, mais il demande tout de même un peu d'espace. Création de l'artiste et designer anglais Thomas Heatherwick, éditée par la marque design italienne Magis, Spun est une toupie géante en polyéthylène moulé par rotation, aussi ludique que confortable.


Je l'ai commandé rouge, d'une part parce que j'ai trouvé un site moins cher, d'autre part parce que la maison explose de couleurs, même si le bleu de la façade sud s'est beaucoup affadi au soleil. Ce fauteuil donne une irrépressible envie de l'essayer, certes avec un peu d'appréhension au départ, mais vite domptée dès que l'on s'y love.

jeudi 4 juillet 2024

Toujours le même tabac


Après 5600 articles en 20 ans il est compréhensible que je ne me souvienne plus de tous. De temps en temps je suis tenté d'en écrire un que j'ai déjà publié. Avec le même titre, le même point de vue, le même enthousiasme aussi. Mon cerveau ressemble à un disque dur saturé. Il faut jeter des informations pour en enregistrer de nouvelles. La mémoire et l'oubli. Pas de quoi s'affoler si, l'âge avançant, on perd le nom des gens, le titre des films, le souvenir des visages, l'endroit où j'ai posé mes lunettes... C'est ce qui m'est arrivé ce matin. J'ai tapé "Un tabac" après l'avoir pris en photo. Elle est plus jolie que celle du 17 juillet de l'année dernière, mais j'avais déjà tout dit.

UN TABAC

Les plants exposés au sud font un tabac. Ses fleurs ont pourtant l'air fané au soleil, mais elles s'épanouissent aussitôt que l'ombre du soir envahit le jardin. D'ornement, leurs feuilles ne se fument pas, enfin c'est ce qu'on dit. Je suis obligé de le croire puisque je n'ai jamais fumé, de tabac. Ma mère corrigeait mes devoirs le Disque Bleu Filtre au bec, la fumée me remontant dans les narines. Comme ce ne fut jamais un interdit, écœuré par des années d'inhalation passive, je ne m'y suis jamais mis, contrairement à la plupart de mes camarades de lycée. J'achetais pourtant des Winston ou des Marlboro, espérant m'en servir pour draguer, mais j'étais si timide que le paquet me durait trois mois, pour un résultat catastrophique. Plus tard je mélangeai les brins de Camel à mes joints. Je n'ai jamais véritablement aimé le goût. Seuls les effets m'intéressaient. Expérimentalement ! Je les roulais avec une machine, m'imaginant probablement ainsi encore en amateur, même après quarante ans de cette pratique. J'ai arrêté il y a une dizaine d'années. Cela ne m'apportait plus qu'une fatigue au réveil. L'odeur du tabac des cigarillos auxquels ma mère était passée m'obligeait à me doucher et changer de vêtements lorsque je rentrais chez moi tant son appartement empestait, même lorsque je n'y restais que dix minutes. À sa mort, quand nous avons vendu son appartement, les livres étaient recouverts d'une poussière brune d'un centimètre d'épaisseur. C'est donc la première fois que le tabac me fait un effet positif. À la tombée du soir je reste en pâmoison devant ses fleurs blanches et roses en pensant qu'un jour mes rêves les plus chers se réaliseront. Soupir ! Cyriaque et Alexandre m'ont donné des quantités de semis dispersés dans autant de pots, beaucoup de fleurs, mais aussi des tomates, céleris, choux, etc. Le lendemain matin les tabacs étaient toujours ouverts. Pendant mon voyage au Maroc qui a duré quinze jours, les bambous avaient poussé de deux mètres en hauteur. Je tente de réguler cette petite jungle. Posséder un jardin redonne un sens aux saisons, aux variations climatiques, à la lutte pour la vie, à notre animalité dénaturée...

mercredi 29 mai 2024

Un autre monde


Je suis complètement idiot. Croyant acheter un zoom 200x pour mon iPhone, je me suis retrouvé avec un objectif macro 200x. Il pourra toujours servir, mais l'idée de départ était de photographier de grosses bêtes dangereuses cet été, sans m'approcher trop près évidemment. Je pourrai toujours capturer des petites bêtes venimeuses et les coller à ce nouvel objectif à cliper sur le smartphone, mais il ne faut pas qu'elles bougent. Le monde miniature m'a toujours fasciné. Enfant, mes parents m'avaient offert un microscope 600x avec lequel je regardais l'aile d'une mouche, quelques grains de pollen ou un morceau de tissu. Pénétrer du regard l'infiniment petit ouvre sur des horizons incroyables qui faisaient dire à Jean Cocteau qu'il n'existait rien de grand ni de petit, mais de proche ou de lointain. J'avais adoré la série documentaire Le relief de l'invisible où Pierre Oscar Lévy avait bénéficié d'un microscope électronique fabuleux. J'ai donc testé mon nouveau jouet avec une fleur, un caillou ou un bout de tissu. En photographiant une pâte de verre j'ai ainsi découvert le bord d'une plage sidérale, comme une promesse de vacances...

vendredi 26 avril 2024

Explosion de selle au cours des courses


Les piétons autour ont eu autant d'émotions que moi lorsque la selle de mon Moustache a littéralement explosé sous mes fesses. Heureusement j'allais lentement et j'ai évité de peu l'empalement. Après avoir ramassé les pièces je suis rentré debout sur les pédales, ce qui n'est pas si facile sur un vélo électrique qui pèse un âne mort. Autre coup de chance, je n'étais pas loin de chez moi. J'entretiens pourtant bien l'engin. Ont récemment été installées sur le guidon deux sonnettes relativement sonores une acoustique et l'autre, électrique, cette dernière pouvant être salutaire, par exemple, lorsqu'un camion recule sans regarder qui est derrière !
Comme chaque semaine j'étais allé chercher mon pain à La Gambette dans le 20ème. Je fais trancher différentes sortes de miches et les congèle en alternant une tranche de chaque pour ne pas qu'elles collent entre elles et pour varier les plaisirs. Il est préférable de dégeler d'excellents pains plutôt que de s'accommoder de pain frais quelconque. En plus de leurs classiques "pain préféré" et pain aux graines, Jean-Paul Mathon propose un pain particulier chaque jour de la semaine (fermé le week-end !) et quelques merveilles à base de thé vert ou de haricots azuki probablement inspirées de deux années passées en Asie (pour avoir épousé une Taïwanaise).
Puisque j'étais de sortie j'avais pédalé jusque chez Les jumeaux aux Lilas qui proposent de temps en temps des viandes hors du commun. J'avais enchaîné avec un magasin bio pour mes pains de fleurs aux châtaignes (j'essaie de maigrir, La Gambette c'est surtout pour mes invités) et mon lait de riz au thé vert matcha & sencha dont je ne peux me passer.
De retour, j'ai pris rendez-vous avec un réparateur de Cyclofix qui passera dans la matinée (P.S.: sauf que je me suis trompé de semaine quand j'ai pris le rendez-vous !). Dans la passé c'était un vrai problème lorsqu'il fallait porter le vélo à l'autre bout de Paris...

mardi 19 mars 2024

Printemps précoce


Mes Corètes du Japon sont toujours les premières à sortir à l'approche du printemps, mais cette année elles sont particulièrement précoces et bien portantes. Celles-ci appartiennent à la variété à fleurs doubles Kerria japonica Pleniflora ressemblant à des pompons. À mon entrée dans les lieux il y a vingt-cinq ans, Didier m'en avait offert une bouture lorsqu'il habitait Saint-Denis. Les primevères et les cyclamens (les miens sont d'un vermillon profond, quasiment pourpre) ont également déjà fleuri tandis que les hellebores ou roses de Noël nous gratifient toujours de leur présence. On peut dire aussi que ça commence à bourgeonner, et les merles ont repris leur parade matinale. Ils s'y mettent avant cinq heures du matin, mais une demi-heure plus tard ils sont probablement repartis se coucher. Moi aussi, parfois.
Je dors trois heures et demie et j'ai beaucoup de mal à me rendormir. Je descends travailler une heure et je tente ensuite de retrouver le sommeil, mais cela marche de moins en moins bien. Quatre heures quinze me suffisent pour ne pas ressentir de fatigue dans la journée. Sinon je pique du nez en milieu d'après-midi avec une mini sieste à la clef. Il y a des années que je n'ai pas dormi huit heures. Récemment les rêves ont refait surface. C'est bon signe. Comme le printemps. Et toujours cette référence au roman de Christiane Rochefort, encore heureux qu'on va vers l'été.

jeudi 15 février 2024

Médicament miracle


En 2006 j'avais évoqué ici un film russe de Gennadi Kazansky intitulé Grand-père miracle projeté dans mon école communale à la fin des années 50. [Je pense qu'il s'agit du film Le Vieux Khottabytch tourné en 1956 dont il existe une magnifique copie, hélas non sous-titrée, sur YouTube]. Le vieux magicien y est aussi merveilleux que maladroit ; resté trop longtemps enfermé dans une bouteille, il ignore tout de la vie moderne et multiplie les impairs. Il y a toujours un décalage entre les miracles et le temps où nous croyons vivre. Le mystère et la science se courent après. Le futur n'est jamais à la hauteur du passé s'il s'agit de rêver, car les perspectives y sont dramatiquement ramassées.



Pour peu que l'on soit un peu curieux ou fatigué d'être pris pour une bonne poire par l'industrie pharmaceutique et lobotomisé par les prétentions du progrès consumériste, il arrive que l'on redécouvre les remèdes de bonne femme de nos grand-mères comme le savoir ancestral des tribus d'Amérique et d'Afrique. Pas de querelle ici entre allopathie, homéopathie, acuponcture, médecine chinoise, soins par les plantes, chirurgie, etc. À chaque cas correspond une ou plusieurs réponses adéquates, mais il serait dommage de se priver du voyage lorsque les solutions proposées échouent ou que les effets secondaires sont trop pénibles. Je connais certains médecins, et non des moindres, qui prescrivent du coca-cola, mais je crains que cela doive rester secret !

Car en médecine il n'y a que les miracles qui méritent que les patients s'y attachent. Un médicament miracle, c'est un médicament qui marche à tous les coups sans qu'on n'en comprenne la raison ; c'est d'autant plus drôle quand certains médecins vous regardent avec des yeux ahuris lorsque vous leur annoncez que vous avez été guéris sans suivre le protocole imposé par l'Ordre ou, plus étonnamment, en vous fiant scrupuleusement à leur prescription. Si l'effet placébo est invoqué c'est alors tout l'exercice de la médecine qui en jouit, et tant mieux ! Le seul fait d'aller consulter un praticien et les malades sont déjà à moitié sauvés... Mon père jouait les sorciers en fabriquant des boulettes de mie de pain qui faisaient leur effet lorsque ce n'était pas bien grave. Sérieusement, nombreux médicaments de notre pharmacopée font partie de la panoplie du magicien. Mais si le médicament relève de la pharmacopée chinoise, alors la suspicion renvoie les mystères de l'Orient au Moyen-Âge. Comme si nous n'étions pas fait de la même chair, comme si la Chine millénaire n'avait révélé ses secrets depuis que les marins les ont rapportés sur leurs navires marchands...

Madame Ji, originaire de la province de Guangxi, me voyant me tordre sous les crampes intestinales, sort de son sac une petite fiole en articulant avec un immense sourire "médicament miracle", pour le ventre, le rhume, la nausée, la migraine, etc. Le Spasfon n'est pas mal non plus, mais il n'est pas aussi polyvalent. Je verse la potion noirâtre dans une cuillère en porcelaine. Madame Ji me prévient que le liquide a mauvais goût parce qu'elle imagine que je vais froncer le nez en l'avalant, mais en réalité c'est simplement bizarre. Une demi-heure plus tard tous les spasmes ont disparu. Mon ami Sun Sun me traduit les inscriptions en chinois simplifié de la boîte importée du Setchuan. Ce n'est pas facile, car l'approche médicale est très différente des Occidentaux. Il est question d'énergie, de saturation, de fluidité...

Article du 4 mai 2012

lundi 15 janvier 2024

Histoire d'eau, histoire de flamme


Dimanche matin 5h. Plus d'eau aux robinets. J'appelle la nouvelle régie Est Ensemble qui s'occupe de Bagnolet. Entre temps je vois que ça coule à flots depuis le mur de mes voisins d'en face. À 8h la connexion est rétablie. Le technicien avait fermé par mégarde la vanne qui m'alimente. Cela tombe bien, cet après-midi trente personnes viennent assister à la première d'Apéro Labo, concert au studio GRRR avec Antonin-Tri Hoang et Mathias Lévy. Mauvaise pioche. L'eau a envahi le salon de mes voisins en passant sous leur mur. Ils auront passé la nuit et la journée à écoper. Évidemment les ouvriers doivent couper l'eau pour réparer. On frôle la catastrophe, car cela se passe pendant le magnifique concert que nous enregistrons en vue d'un nouvel album. J'ai préparé à boire et à manger pour fêter cela avec nos convives, du beau monde, et il n'y a pas d'eau à la maison. J'ai heureusement rempli des casseroles, des arrosoirs, des seaux. Personne ne s'aperçoit de rien. Mathias, terrassé par une grippe sauvage, a filé aussitôt la fin de notre prestation. Nos invités s'épanchent autour du buffet. Antonin avait conçu un dispositif astucieux : ayant préparé une playlist de cinq heures, il faisait écouter au casque une minute prise au hasard à l'un ou l'une des spectateurs/trices, libre à lui ou elle de raconter ce qu'il a écouté sans employer de termes musicaux ; nos compositions instantanées consistent à interpréter ces descriptions souvent drôles et poétiques...


Pendant ce temps les équipes de terrassiers se relaient, défonçant le trottoir devant chez nous pour trouver la fuite. L'équipe de nuit s'escrime au marteau-piqueur. Une autre les relève au petit matin. Les tuyaux en fonte qui sont enfouis à 1,10m de la surface ont peut-être une centaine d'années. Le passage des poids lourds dans la rue finit par les fendre et le gel a fait éclater l'un d'eux. Ce n'est pas la première fois. Je me souviens d'un geyser qui avait surgi il y a quelques années devant la porte du garage, à trois mètres du nouveau sinistre. Ce n'est pas simple pour les gars qui creusent, car des canalisations de gaz passent à proximité. Une autre année, un geyser de flamme avait jailli à dix mètres de haut. Très impressionnant et plus angoissant que cette inondation. Tout le quartier est sans eau, et la plupart des riverains n'ont pas été prévenus. C'est étrange qu'il n'y ait pas moyen de le faire. En attendant la remise en eau, je range le studio et les restes de nos agapes. Il reste à tirer les conclusions de cette première, très réussie, pour aborder le prochain Apéro Labo en connaissance de cause. Ce sera le 18 février avec Fanny Meteier au tuba et Maëlle Desbrosses à l'alto. La jauge est limitée, mais on peut m'écrire si l'on souhaite venir (avec certitude), je confirmerai (ou infirmerai) les invitations.

vendredi 22 décembre 2023

Un traditionnel remplace l'infrarouge


Il y a un mois la pluie s'infiltrant par le toit du sauna infrarouge situé au fond du jardin a grillé la centrale électrique. J'ai eu beau cherché partout, il me fut impossible de la remplacer. Alors, plutôt qu'un bricolage hasardeux ou un remplacement de l'ensemble, j'ai choisi de le transformer en sauna traditionnel avec un poêle électrique chauffant des pierres de lave. Conservant la cabine, il suffisait apparemment de le brancher. Le couvreur interviendra bientôt au-dessus et je donnerai les dix lampes infrarouges à Nicolas qui souhaite en installer un sur sa péniche.
J'ai donc choisi ce qui se fait mieux dans le genre, un Tylö, mais ce n'était pas aussi simple que cela. Nordique France, qui importe ces poêles de Suède, impose des conditions techniques réglementaires pour valider la garantie. Or ma cabine a une hauteur de moins d'1,90m, mon câble électrique n'est pas rouge bien que sa section soit de 6mm² ; quant à la ventilation j'en ai découvert les spécifications qu'après avoir été chercher l'objet à Épône (pour m'éviter 250€ de livraison, 17kg plus 20kg de pierres). Éric a fait un trou avec une scie cloche pour l'aération, Frédéric a changé le disjoncteur de 20A pour un 32A, et hop, je peux cuire !
Je dis cuire parce que cela ne produit pas du tout le même effet qu'avec les lampes infrarouges qui donnaient l'impression de bronzer au soleil. Ses 66° chauffaient le corps en surface tandis que le traditionnel monte à plus de 80° et agit en profondeur. L'infrarouge est recommandé pour les cardiaques, ce qui n'est pas mon cas. Dans le nouveau on reste beaucoup moins longtemps. Je me douche à l'eau froide toutes les cinq minutes et je ne dépasse pas trois passages. En Finlande des mabouls font des compétitions à 110°, quitte à y rester ! Le record à cette température est de 3 minutes 46 secondes. C'est tellement débile qu'on dirait un jeu de la télévision japonaise. À 80° on sue quasiment tout de suite. Éric et Juliette m'ont offert seau, louche, sablier, thermomètre, hygromètre, et de mon côté j'ai commandé des produits d'entretien, diverses huiles essentielles aux parfums de montagne et une lampe USB aux couleurs programmables. Nous voilà parés pour l'hiver qui a commencé hier !

jeudi 23 novembre 2023

Les aventures glaçantes d'un sauna


J'ai la douloureuse impression de m'être fait arnaquer, et ce à plus d'un titre. Il y a sept ans j'ai acheté un sauna infrarouge extérieur à la société Atrium Concept. Or récemment un problème électrique a fait griller une partie de la centrale qui alimente les onze lampes, la lumière et l'auto-radio. La société en question, qui s'était bien gardée de préciser que la cabane de jardin était construite en Chine, a arrêté de commercialiser ses saunas pour se focaliser sur les pergolas. Elle m'assure n'avoir aucun contact avec son ancien fournisseur dont elle se dit incapable de me donner ses coordonnées. À l'époque de l'acquisition de mon Andromède 6, j'avais découvert le bol aux roses en recevant une lampe défectueuse depuis Hong Kong. Aucune marque ne figurait sur la cabane en kit, 500 kilos à monter soi-même. Depuis, j'ai profité quotidiennement de la douce chaleur et résolu ainsi partiellement mes problèmes vertébraux.
Hélas, il y a quelques jours, alors que j'étais allongé sur l'une des banquettes, j'ai entendu un krrrrrr inquiétant suivi d'une coupure de courant et d'une petite odeur de brûlé. J'ai eu du mal à trouver un réparateur, mais la société SMIPE m'a donné un rendez-vous rapide. Petit hic, le diagnostic est facturé 195€. J'aurais dû me méfier, surtout après avoir lu les commentaires sur le net, mais je n'avais pas vraiment le choix. Un pisciniste (!) a donc ouvert la centrale électrique, pris quelques photos et m'a assuré qu'il allait remédier à la panne en changeant les composants. Quelques jours plus tard, je recevais un mail m'expliquant que "suite à notre visite technique, nous sommes au regret de vous annoncer que les pièces de votre sauna ne sont plus disponibles. Après recherche nous avons pu trouver un matériel qui pourrait éventuellement correspondre. Nous pouvons tenter d'adapter ce matériel mais cela entraînera des modifications au niveau du sauna et son fonctionnement." Comme je demandai des précisions, on me répondit que "certains éléments du sauna ne seront peut-être pas adaptables tels que la lumière ou la musique. Il faudra aussi changer le panneau de commande qui n'a pas la même forme que l'ancien et laissera sûrement un trou apparent. Cette solution aurait un coût d'environ 2000 euros pièces et main d'œuvre comprises. Nous pouvons par ailleurs vous proposer un devis pour l'installation d'un nouveau sauna ce qui sera pour vous une solution peut-être plus avantageuse financièrement. Dans ce cadre, le prix des saunas varient entre 4000 et 6000 euros. Nous pouvons également nous débarrasser de l'ancien moyennant un supplément de main d'œuvre." Je demandais donc encore une fois des précisions, en particulier en quoi la seconde proposition était "peut-être plus avantageuse financièrement" (!), mais ne reçus plus aucune réponse.
Voilà où j'en suis. J'hésite à chercher un autre réparateur (mais y en a-t-il de réellement compétent ?), à détruire la baraque pour en remonter une autre (aïe, la douloureuse), à transformer le bâti en sauna traditionnel en acquérant simplement un poêle électrique avec des pierres qu'on arrose de temps en temps (peut-être pas si bête, mais où m'adresser ?) ou à transformer mon ancien sauna en abri de jardin ! En attendant je sue sur mon vélo d'appartement en sillonnant les paysages du Bhoutan ou du Costa Rica.

mercredi 15 novembre 2023

Retour sur une extinction de voix


En relisant mon blog qui me tient lieu de mémoire, dans cet article du 10 novembre 2011 je découvre avec stupeur que mon extinction de voix du début de cette année n'était pas la première.

Lao Tseu l'a dit : il faut trouver la voix ! Hésitant à me laisser couper la tête pour connaître la vérité sur l'éclipse totale qui m'a rendu aphone, et préférant éviter les corticoïdes, j'ai opté pour la pharmacopée chinoise des Fils du Dragon, tisane Ganma Ocha et sirop de plantes naturelles Nin Jiom Pei Pa Koa puisque ni l'homéopathie, ni le Maxilase, ni le grog, ni le citron ne faisaient effet. Pas de remède miracle, mais une bonne dose de patience après cinq jours d'extinction vocale. J'avais seulement parlé toute une soirée chez des amis alors que je sortais d'un mal de gorge. Des qualités de l'Allemagne avec Patrick Beurard-Valdoye, des sortilèges de l'adolescence avec une mère désespérée, des cornichons sur la raclette... L'inflammation du larynx empêche mes cordes vocales de vibrer, du moins l'une d'entre elles. On aura tout entendu, je ne dis plus un mot pour ne pas les irriter, ni elles ni personne. Pas de provocation ! Si c'est absolument nécessaire je chuchote, mais les lieux publics occultent mes émissions. Je me terre.

Comme le lotus bleu ne me réussissait pas tant que ça, je googlise mon cas, mail et tchat sont un bon moyen de communiquer sans fatiguer mes cordes vocales, je tape, tape, tape jour et nuit. Un site suggère de faire bouillir sept minutes un bâton de cannelle et... On aurait presque envie d'y croire ! Une tasse, deux tasses, trois, je les bois, fais sonner doucement les basses, si mollement que pour l'instant c'est motus et bouche cousue. Respirer par le nez pour éviter les courants d'air, et surtout pas d'effort inutile. C'est comme un torticolis, on l'envenime à vouloir tester ses limites. Ne rien faire. Je suis toujours persuadé que si je tente la sieste le téléphone va sonner et me réveiller dans les cinq minutes. Bingo ! Le seul de l'après-midi alors que je venais de réussir à m'endormir. Je ne sais pourtant jamais si cela fait longtemps ou pas. Mais c'est pour la bonne cause, façon de parler, ce n'est pas son jour, je suis tout seul et Je fais semblant d'être un autre dans son silence. Bonne nouvelle, une facture va nous être réglée ! Plus moyen de me rendormir. Pour m'achever ou me requinquer je concocte un cocktail avec tout ce que l'on m'a conseillé depuis quelques jours. Pas d'imprudence. Je finis les pots puisque je ne suis pas sourd. Muet, je siffle, pratique le langage des signes et en tout cas m'isole. Trop bien ficelée cette affaire. Lorsque je fais mon Houdini en libérant quelques mots on me fait des compliments sur ma voix, chose qui ne m'arrive jamais en temps normal. Ne pas céder à la tentation. Surtout celle du Taoïsme qui sonne sophisme à mes oreilles. Accepter le sort sans perdre le nord. Direction Tourcoing, Lille, Ostende...

Problème inextricable, j'ai l'habitude de me relire à haute voix pour faire rouler les mots tel un tambour. Ce soir, mes phrases restent collées à la page comme des images pieuses.

mardi 26 septembre 2023

Un aventurier hors du temps


Le grand livre, épais et riche en couleurs, ne s'achète pas. Il se donne, se partage, pour peu qu'on le trouve au détour d'un marché cévenol. Mika, son auteur (anonyme dans l'ouvrage ou sous le pseudo d'Écureuil), en avait laissé une pile en dépôt au magasin bio du coin. Pas de publicité. Il faut simplement le demander. Romuald, un aventurier comme lui, qui vit de peu mais s'active comme un fou, nous l'avait montré avec des yeux émerveillés. [J'écris cet article le 4 août 2011. J'apprends seulement aujourd'hui qu'il s'appelle Mickaël Raimbault, qu'il est diplômé de l’ ENSP (école nationale supérieure du paysage) de Versailles, félicité jadis par le jury.] C'est l'histoire d'un jeune homme qui décide de vivre autrement, en construisant ses habitacles, ses véhicules, réinventant perpétuellement sa vie comme un gamin qui traîne les pieds pour grandir à son rythme. Il en existe quantité comme lui dans les Cévennes, enfants de celles et ceux qui ont quitté la ville dans les années 60 pour vivre proches de la nature. On les croise les jours de marché, comme ce matin-là à celui de Florac. À leur tour leurs choix déboussolent leurs parents qui n'avaient pas prévu que le déracinement allait laisser germer leurs graines sur des planètes improbables. Comme leurs aînés ils portent les cheveux longs et la barbe, les filles semblent danser dans la couleur.


Mika ou Écureuil a choisi de raconter son aventure en publiant un livre bourré de photos et de dessins pleine page. Et de l'offrir à celles et ceux qui voudraient partager son rêve. Il raconte librement les siens. Le récit est impudique. Les lettres de ses parents sont étonnantes. Il ne voudrait rien cacher, de ses émotions fragiles, de ses rencontres magiques, de la gestion de son héritage anticipé. Les 6379,20 kg que constitue le tirage de 5000 exemplaires a coûté 41000 euros. Dépensant entre 100 et 200 euros par mois, il lui en reste encore plus de 100000. Qu'ils soient rentiers ou n'aient pas un sou devant eux l'argent n'est pas le moteur de ces jeunes gens. Ils veulent vivre en respirant l'air pur. Si certains sont RSAstes, ils ne chôment pas. Ce sont des castors insatiables, des constructeurs, des bricoleurs imaginatifs. Cela ne les empêche pas de traverser les mêmes tourments sentimentaux ou métaphysiques que n'importe qui, mais ils n'ont de comptes à rendre à personne...


Comme tous les aventuriers l'auteur est égocentrique. La famille ou l'âme sœur tenues à distance il se répand dans un mysticisme de pacotille, plus kitsch tu meures ! On sautera les pages où le Grand Tou lui fait pondre des vers de mirliton pour admirer ses astuces de bâtisseur, sa fantaisie de jouisseur et son kaléidoscope en technicolor.


L'ouvrage est aussi sympathique que son auteur. Il nous fait retomber en enfance, lorsque nous construisions des cabanes dans les arbres, des ponts de cordes au dessus des rivières, des embarcations de fortune. Les siens ont atteint la taille adulte. Ce n'est pas sans risque, mais vivre comme nous le faisons, sur une terre bitumée à 98%, dans les gaz et la poussière, aux ordres des pandores, sous un ciel sans étoiles et au rythme d'un soleil bègue qui a ses heures d'été et d'hiver, c'est franchement moins folichon.

P.S.: Mickaël Raimbault ne s'est pas arrêté là. Il a récemment construit un bateau en trois mois en Haute-Vienne pour traverser l'Atlantique. Et il donne des conférences sur le paysage...