70 Pratique - octobre 2025 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 26 octobre 2025

Soucis sauvages


Adorable attention de Roland, un voisin du quartier, qui sème des graines le long des maisons. Je ne pensais pas que les soucis prendraient devant la porte du garage, mais voilà de quoi égayer l'automne. Ceux qui bénéficient de plus de soleil ont le droit à des coquelicots. Plus haut dans la rue, Roland réalise depuis des années une composition florale dans un bac de la mairie qui ne s'en occupe pas. Il doit aussi demander aux cantonniers qui balaient de préserver ses plantations sauvages et les voitures arroseuses pourraient leur être fatales en arrachant tout ce qui se trouve à proximité du jet. Le seul problème avec les fleurs et les herbes qui poussent le long des murs, c'est qu'ils attirent les chiens qui chient et les humains qui pissent. Arroser ces bouquets leur donne probablement l'impression de faire cela dans la nature. Il est vrai que l'urine apporte azote, phosphore et potassium, à condition qu'elle soit diluée. Un autre souci, c'est que les automobilistes pensent qu'aucun véhicule n'entre ni ne sort d'un endroit aussi fleuri. En ce moment, de l'autre côté du mur, ce sont les fleurs de yucca qui s'épanouissent en énormes grappes de cloches blanches...

jeudi 23 octobre 2025

Un problème de robinets


Si mon titre se réfère à une célèbre question d'arithmétique, me revient aussitôt la mélodie "Deux robinets coulent dans un réservoir !", le texte de Colette mis en musique par Ravel entre 1919 et 1925 dans L'enfant et les sortilèges. J'en possède plusieurs versions tant j'adore cet opéra d'une inventivité incroyable. J'ai un faible pour les fantaisies hirsutes de cette époque comme Les mamelles de Tirésias (1917) de Poulenc d'après la pièce d'Apollinaire qui a d'ailleurs donné le terme "surréaliste".
J'avais donc un problème de robinets. Dans la cuisine c'était un col de cygne fixe qui ne permettait pas d'arroser les parois des deux éviers, et ceux des salles de bain étaient en plus si bas qu'il était impossible de s'y pencher sans risquer un tour de rein. Alors je leur ai rajouté un petit accessoire absolument génial si l'on ne veut pas remplacer tout le système, d'autant que chacun ne m'a coûté que treize euros. C'est un "mousseur robinet, aérateur de robinet rotatif à 1080°, aérateur à tamis à économie d'eau, rallonge de robinet buse mélangeuse 2 jets, aérateurs universels pour robinets de cuisine et salle de bain" ! On dit que cela ne s'invente pas, mais c'est tout le contraire, l'objet se serait-il retrouvé au Concours Lépine ? Il s'installe extrêmement facilement, mais j'ai dû tout de même, sur l'un des trois, entourer le pas de vis avec du Téflon pour ne pas que cela goutte. Les chats qui boivent au robinet n'y ont vu que du feu, c'est pourtant bien de l'eau qu'ils goûtent, et je peux désormais orienter mes robinets dans tous les sens, ce qui est très pratique !
Il me semble utile, voire astucieux, d'améliorer le confort de la maison, lorsqu'on y constate des gestes contrariés qui se répètent au fil des années. J'ai récemment évoqué ici les rampes, j'ai glissé sur le tapis de douche, manié la raquette anti-moustiques (cette année ils sont minuscules, rapides et virulents), rasé les bouloches, étendu les livraisons (depuis que j'ai donné ma voiture à ma fille), et fait surtout en sorte que les pertes générées par l'ancienneté (mon anniversaire approche) soient contrebalancées par une meilleure gestion du corps et des émotions. Si l'on fait abstraction des absurdités et des monstruosités de l'espèce humaine, je pourrais dire que la vie est belle.

mardi 14 octobre 2025

Faut pas tomber


"Faut pas tomber" est le leitmotiv de celles et ceux qui souhaitent faire durer le plaisir. Entre le col du fémur, l'ostéoporose, le traumatisme crânien et tutti quanti, la chute est un toboggan vers la fin, surtout lorsqu'on a atteint un âge canonique. À vélo je porte un casque, piéton je regarde à gauche et à droite. Quant aux escaliers on se référera à Cécile Sorel au Casino de Paris lançant à Mistinguett : "l'ai-je bien descendu ?". J'aurai donc attendu vingt-cinq ans pour installer une rampe dans l'escalier qui mène au dernier étage. L'ange d'Ella & Pitr dont on aperçoit le pied fébrile avait perdu l'équilibre depuis longtemps, en en voyant de toutes les couleurs, or tel Jean Cocteau dans Le testament d'Orphée il reprend chaque fois sa place par un mouvement inversé qui tient du voyage dans le temps. C'est d'ailleurs de là, une faille spatio-temporelle comme la mémoire en est experte, que viennent les deux Pierrot en albâtre posés sur les marches. Ils me rappellent la chambre de ma grand-mère avenue Constant-Coquelin, une impasse du 7ème arrondissement où, enfant, je passais mes jeudis. Lorsqu'elle se réveillait de sa sieste, nous avions le droit à une pastille Vichy de la bonbonnière posée sur sa table de nuit ou un bonbon d'une boîte posée sur les draps dans la grande armoire. Il n'y a donc plus qu'à s'accrocher convenablement pour continuer à s'afficher ici.