70 Cuisine - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 26 octobre 2023

Le saucisson


Même si je suis passé à des charcuteries calabraises et à celui au bœuf de l'ami Villemin, cet article du 17 octobre 2011 n'a pas pris une ride...

J'en ai repris trois tranches, mais les mots ne sont pas venus. Comment exprimer l'émotion gustative ressentie en savourant le saucisson acheté sur le marché de Florac cet été[-là] ? S'il en reste assez pour la photo [...] c'est bien que je le mange avec la plus grande parcimonie, comme la relique d'un temps révolu que l'on voudrait durer toujours.
Trois tranches, ce n'est pas raisonnable lorsque l'on souhaite maigrir. Trois tranches, c'est trop ou pas assez lorsque l'on cherche les mots. La première éblouit le petit déjeuner, comme un flash irradiant, émotion inattendue. Pour accompagner le pain de campagne aux effluves de foin et aux couleurs d'automne. La seconde est expérimentale. Pour convoquer les adjectifs, mais quels termes utiliseraient les grands cuisiniers ? Je reste aussi sec que le saucisson. Avec juste ce qu'il faut de gras pour mixer la salive à la viande en une savante émulsion dont le parfum remonte au cerveau via les chémorécepteurs. Comme chaque carré de chocolat en appelle un autre, la troisième tranche est inévitable. Toutes mes espérances résident dans cette ultime tentative. Hélas j'ignore tout de cette langue que je ne parle pas et qui ne sait s'exprimer seule. Longtemps après je lui laisse faire le tour du palais dont les parois sont recouvertes de l'humus adoré. À force de salive ma chair reprend le dessus sur celle du porc. Une odeur de fumée. Un sucre animal. Le sel de la vie...
Quelles épices secrètes le petit producteur a-t-il ajoutées ? La femme qui fabrique artisanalement sa charcuterie tient stand sur la place carrée, dans l'allée qui monte à gauche lorsque l'on tourne le dos à la rue où sont situés un magasin de spécialités gastronomiques pour touristes et un bio qui sert de dépôt au grand livre de Mika. Ses tréteaux sont recouverts d'exquises terrines qui nous tiendront de pique-nique sur la route du retour des vacances. Je n'ai pas mangé d'aussi succulents saucissons depuis la fuet catalane dont je rapportais des chapelets en fraude.
Devant mon incapacité à décrire, à partager mon émoi, les questions me donnent le vertige. Par quel miracle manger produit-il tant de plaisir, cet envahissement total de la conscience qui submerge toute autre pensée ? L'orgasme gustatif est-il la manifestation d'une autre régression ? Lorsque nous étions enfants et que mes parents rentraient du spectacle mon père venait nous embrasser en nous demandant ce que nous voulions ; j'avais l'habitude de marmonner en dormant "un grand verre de lait avec une rondelle de saucisson !" ; ou bien il faisait passer la chose au-dessus de mes narines que je faisais frémir comme si l'odeur m'avait réveillé. Quel alliage magique fait la différence entre l'exquis et le commun ? Quelle culture s'y rattache ? Sera-t-on un jour capable de diffuser fidèlement les odeurs et les goûts comme on a su le faire avec les images et les sons ? J'ai encore sur les lèvres le goût sauvage de la dernière tranche. Elle en devient obsessionnelle. Invasive. Au point de devoir mettre un terme à ma quête. Ne plus ajouter un mot à cette description impossible. Sens unique.

vendredi 19 mai 2023

L'auteur de "Ça se mange !" ne s'y risque pas


Le photographe Neil Setchfield m'avait mis l'eau à la bouche lorsque j'avais vu ses images sur la double page de Libération : yeux de mouton, brochettes de libellules, tarentule frite, serpents grillés, etc. Hélas les choix de son recueil privilégient les photos crues et gore plutôt qu'ils ne suscitent la gourmandise ou la simple curiosité gastronomique. Les commentaires illustrent le titre Ça se mange, sous-entendant "mais je ne m'y risque pas !" On comprend vite en effet que l'auteur ne s'y est pas toujours frotté, loin de là. Il partage les préjugés les plus sommaires sur les pratiques culinaires qui ne sont pas les siennes. Les recettes sont bâclées et quelconques. C'est un livre typiquement anglo-saxon qui met dans la même marmite le lapin et l'étoile de mer, le chien et le calamar, les gésiers de poulet et le pénis de mouton. Le reporter ne s'est même pas donné le mal de goûter un steak de cheval ou des ris de veau, il l'admet lui-même. Défilent cocons d'abeilles, scorpions, violets, méduse, œuf centenaire, rat, mais aussi bulots, oursins, joue de bœuf, tripes et cuisses de grenouille. L'ouvrage reste marrant même si franchement paresseux (trois ou quatre marchés auront suffi), les textes sont idiots, les mises en scène animalières révulsives, la sélection très incomplète (peu de légumes bizarres, pas plus que de camembert ou de poisson cru !), et surtout ne sont pas abordées les raisons culturelles du rejet ou du délice. Je ne regrette pourtant pas mon achat, car il ravive ma mémoire sur mes excursions gustatives.
J'ai déjà raconté ici et mes aventures en la matière. Ce n'est pas forcément exquis, c'est toujours intéressant, car les us et coutumes des différentes peuplades auxquelles nous appartenons ont toujours une histoire. La consommation d'insectes, fortement protéinés, pourrait résoudre une partie de la pénurie alimentaire sur la planète, les algues sont chargées d'oligoéléments et les interdits renvoient le plus souvent à des pratiques ancestrales et des tabous religieux souvent anachroniques. Pour chaque mets existent l'art et la manière de le cuisiner. Le goût et, comme pour les Asiatiques, la texture mériteraient d'être abordés, car là résident les vraies énigmes et les territoires à explorer.

Article du 23 mars 2011

vendredi 9 décembre 2022

Ajitsuke Tamago


Depuis que j'ai commencé à préparer les œufs à la japonaise, je n'arrête plus d'en cuisiner. Il faut dire que, comme pour les pommes de terre, chaque manière de cuire les œufs leur donne une consistance et un goût différent. Je n'ai jamais été fan des œufs durs que je trouve bourratifs sauf dans certaines préparations où ils sont associés, mais le matin je mange souvent des œufs au plat, pochés, brouillés ou en omelette. Je tiens de mon père quelques petites astuces comme ajouter un peu d'eau plutôt que du lait dans l'omelette pour la rendre légère, ou encore tourner sans cesse les œufs brouillés et la crème fraîche avec une cuillère en bois et surtout les retirer du feu avant qu'ils soient cuits pour conserver leur moelleux. Il y a quarante ans j'ai eu l'idée d'en faire en ramequins au micro-ondes : je bats un œuf au fond du récipient individuel, j'ajoute de la crème fraîche (toujours généreusement), sel, poivre, etc. et recouvre de fromage râpé ; en 40 secondes le résultat monte en soufflé et c'est délicieux. En cuisine je remplace souvent le sel par une des mes nombreuses sauces de soja que j'achète chez ACE ou K-Mart rue Sainte-Anne, ou encore Kioko rue des Petits Champs. C'est mon expédition régulière à l'Opéra. Il m'arrive aussi de rapporter des œufs de cent ans des épiceries chinoises ou de gober des œufs de caille (il paraît que c'est indiqué contre le rhume des foins) !
Amateur de rāmen, j'ai donc décidé de préparer des œufs (Tamago en japonais, quelque chose qui n'est pas arrivé à maturité) marinés à la japonaise, les œufs Ajitama. C'est très simple sauf qu'écaler est un peu minutieux (il faut rouler la coquille pour qu'elle se mette en tous petits bouts et commencer par la grosse extrémité où réside la chambre à air). Faire bouillir les œufs 6 minutes, les tremper dans l'eau glacée, les écaler et les laisser entre 12 et 48 heures au réfrigérateur dans une saumure constituée de 12 cl de sauce de soja, 6 cl de mirin, 6 cl de saké, 50 cl d'eau. Comme pour le bouillon des rāmen (je n'utilise plus que des sauces de soja japonaises pour soupe qu'on allonge avec de l'eau), toutes les facéties aromatiques sont ajoutables à la marinade (champignons shiitake, flocons de bonite, anchois, sardines, algue kombu, oignon, ail, gingembre, etc.). On peut aussi laisser tremper les œufs un bon quart d'heure dans de l'eau bouillante avant de les écailler, et les laisser mariner dans le jus de cuisson refroidi d'un porc Chashu ou dans une sauce Teriyaki diluée avec de l'eau (1/3 pour 2/3). Les Ajitsuke Tamago ont un délicieux goût fumé, sucré-salé.

vendredi 28 octobre 2022

Improvisation pour poitrine et caviars de légumes


En chômage technique, j'attendais les nouveaux épisodes de SO à sonoriser. Il y a deux jours j'avais cuit deux pots de chutney de tomates vertes, et neuf de confiture du même fruit avec du citron. Un sacré boulot, parce que celle-ci était trop liquide. J'avais rattrapé le coup avec du jus de pomme. Me voilà rassuré. Comme Boris, le maraîcher de notre AMAP, nous avait gâtés avec plus de légumes que je ne peux en manger cette semaine, je me suis remis aux fourneaux. En fait j'avais commencé par rôtir au four une poitrine de porc croustillant au sirop d'érable et je cherchais comment l'accompagner. Me voilà parti sur des caviars d'aubergines, de poivrons et de potiron. En fait, la veille j'avais raté mon gratin de courge que je trouvais fade. Alors je l'ai mixé avec du vinaigre noir et de la sauce de soja au kombu. Le mélange moelleux et croquant (le fromage et la chapelure) est surprenant. Pendant que la poitrine cuisait ses deux heures sur lit de gros sel, une de chaque côté en commençant par la peau en dessous, je mixai les poivrons pelés avec des filets d'anchois et de l'origan. Je n'évoque pas l'huile d'olive parce qu'il y en a partout, de l'ail et différents piments par ci par là, plusieurs variétés de sel et de poivre en fonction de mon inspiration, des herbes, de l'ail noir, etc. Pour les aubergines, j'en préparai la moitié avec des noisettes que j'avais préalablement décortiquées, de l'huile de noisette, du vinaigre de pomme, un bouillon dashi, du thym, etc. et l'autre avec du vinaigre de pin et de kaki, de l'huile d'amandons de pruneaux, du sumac et du jus de yuzu. En réalité je ne me souviens plus des détails. J'improvise au fur et à mesure. L'idée de base était aubergines noisettes, poivrons anchois, potiron à rattraper. L'important est que cela me plaise lorsque j'y trempe une petite cuillère. J'ai mis tout au réfrigérateur et je suis parti pédaler jusqu'à Alfortville écouter Sophie Agnel au cordophone et Philippe Foch à la batterie augmentée. Ils étaient en résidence à la Muse en Circuit. Mes provisions de bouche tiendront bien jusqu'à lundi, jour de l'AMAP, d'autant que ce vendredi je sors encore. Il y a Pierre Bastien et Pierrick Sorin à l'Auditorium du Louvre...

jeudi 7 juillet 2022

Rochers à la noix de coco


Le virus m'ayant chipé 5 kg, je préférerais les lui laisser, mais la gourmandise me laisse craindre que certains vont repointer leur museau. J'ai ainsi retrouvé cette recette du 27 février 2010 dictée par ma camarade Pascale avant qu'elle n'attrape le TGV pour rejoindre sa garrigue. Elle avait eu le temps d'enfourner des rochers à la noix de coco dans le four à 160°...
Elle avait donc battu 125g de noix de coco râpée, 80g de sucre et un œuf. Elle avait pris la cuillère à glace pour faire des petites boules avec la pâte obtenue qu'elle avait déposées sur un papier sulfurisé. 20 minutes plus tard, il ne restait plus qu'à attendre qu'elles refroidissent. La fois suivante j'essayai avec du sucre en poudre 100% non raffiné de cocotier trouvé aux Nouveaux Robinson à Montreuil.
J'adore les recettes rapides et simplissimes qui produisent un effet bœuf, comme ces rochers à la noix de coco, le pâté de foie ou le caviar d'aubergines. Bonne dégustation ! Vous m'en direz des nouvelles...

mardi 7 juin 2022

Ratatouille


Première ratatouille de la saison. Légumes français pour privilégier les circuits courts. Ensuite j'ai plongé les herbes que j'avais sous la main (persil, romarin, laurier, shizo, basilic, tito, citronnelle...). Je n'ai pas pu m'empêcher de rajouter des ingrédients du bout du monde (soja soupe aux algues japonais pour saler, poivre sansho, poivre long de Java, sirop d'érable canadien). C'était le plat de célibataire que je cuisais pour la semaine lorsque j'avais vingt ans. Je préfère encore le partager. Fondu tendre et courtois.
Aujourd'hui, pour mes invités, je suis de près la recette de potiron croustillant avec crème aigre que j'ai trouvée dans le Plenty d'Ottolenghi. Avec la violoniste allemande Fabiana Striffler et le guitariste hongrois Csaba Palotaï, les thèmes de nos improvisations seront constitués de recettes de cuisine apportées par chacun/e. Nous n'aurons pas le temps de toutes les jouer tant notre gourmandise nous a fait rêver en amont. Fabiana suggère des plats typiques de son pays : Blutwurst, Götterspeise, Rollmops, Kalter Hund, Strammer Max, Bienenstich, Herrgottsbscheißerle. Csaba prend l'avion : Un café serré à Rome à 4 h du matin juste avant l'aube sur un toit-terrasse, Màkostészta, Töltött paprika, Tacos à Mexico City dans le quartier Coyoacan, Hot Dog à Times Square. De mon côté, j'ai choisi mes hits que les habitués de la maison connaissent bien, Ail noir (il y en aura à table), Sorbets et crèmes glacées (je ne peux pas m'en passer), Phở (et ses infinies variations, contrairement aux restaurants que nous fréquentons et qui ont formaté l'offre), Mon pâté de foie (ma fille dit qu'il est aussi bon que du foie gras) et la devise de la famille, Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter beaux-arts avec un abruti. Vous pourrez savourer ces mets sonores et trébuchants dans quelques jours, dès que l'album *** sera en ligne sur drame.org, en écoute et téléchargement gratuits comme les 89 précédents !

vendredi 15 avril 2022

Entomophagie


Comment résister ? En faisant mes courses à Belleville avec Bernard je découvre des boîtes de grillons thaïs frits chez l'épicier qui fait le coin en face du restaurant Viet-Siam. Ces grands grillons à courte queue ou brachytrupes portentosus Licht sont délicatement assaisonnés et prêts à la consommation. La plupart des Occidentaux froncent le nez en effectuant un mouvement de recul. Le rejet est évidemment culturel. Les insectes, riches en protéines, pourraient régler bien des problèmes alimentaires dans le monde, dixit la FAO. L'entomophagie se pratique sur presque tous les continents. Les grillons sont très proches des crevettes, surtout pour les hurluberlus dans mon genre qui, trop impatients pour les éplucher, les dévorent souvent sans les décortiquer. Les orthoptères craquent sous la dent. Un apéritif amusant pour 3,50 euros en attendant que la pratique se généralise...

INSECTES À GOGO


[...] Une boutique en ligne propose maints insectes à grignoter. Vous connaissez mon goût pour ce genre d'aventures, ma salive inonde de ma gorge aux sinus. Sucettes à la menthe et aux fourmis, scorpions enrobés de chocolat, abeille géante au miel, criquets au curry, vers mopani, etc. Le site propose également des aphrodisiaques tels que sucettes à la poudre d'or, vin au gecko, poussière de perles, et d'autres curiosités comme ce thé cueilli sur les hauteurs par des singes ou ce café régurgité par des belettes ! La liste se clôt sur des produits parapharmaceutiques, sperme de baleine relaxant, gelée de reine fourmi pour les peaux grasses, extrait de scorpion analgésique... Je commanderais bien un échantillon de tout le magasin si les prix ne me retenaient pas : 9,40€ le scorpion ou 4,50 en sucette, 11 les tarentules, 8 les fourmis noires à cuisiner.[...]

Ce sont les prix de 2022, puisque depuis ces articles des 7 août 2009 et 25 août 2008, Insectes Comestibles vend ces étranges friandises, pleines d'avenir !

mardi 2 novembre 2021

Du sirop d'érable


Depuis l'article du 7 décembre 2008 qui suit, j'ai souvent ajouté du sirop d'érable à ma cuisine. Dans son livre L'essentiel François Chartier raconte qu'il diffuse "un arôme torréfié de graines de fenugrec grillées, de curry et de vanille, ainsi que des notes caramélisées et empyreumatiques provenant de la caramélisation et de la réaction de brunissement entre les sucres et les acides aminés (réaction de Maillard) lors de la cuisson de l'eau d'érable." Il suggère son association avec l'ananas, le café, la cannelle, le céleri cuit, certains champignons, le chocolat noir, le clou de girofle, le curry, la fève tonka, la fraise, les légumes grillés ou rôtis, la livèche, la noix de coco, la noix grillée, le poisson et la viande (fumés ou grillés), la polenta grillée, la réglisse, la sauce de soja, le sel de céleri, la vanille, le vinaigre balsamique... Il fonctionne aussi avec l'Amaretto, le bourbon, la porto Tanny, le rhum brun, le saké nigori, le Sauternes (âgé), la tequila reposado, le vin blanc (âgé ou boisé), le vin jaune, le xérès, le Zinfandel (boisé) ! C'est dire si je me sens libre d'ajouter son suc re parfumé à ma cuisine salée comme à nombreux desserts, par exemple à la place du miel... De l'érable, j'utilise également du sucre, des paillettes, un mélange d'épices pour la viande dit "du trappeur", etc. Et j'adore les bonbons 100% érable qui fondent lentement dans la bouche...

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On trouve enfin en France du véritable sirop d'érable, et non le liquide insipide, où le sucre camoufle le parfum envoûtant des arbres, qui s'étale sur les étagères des supermarchés et des chaînes bio. Je préfère acheter le nectar sous son conditionnement original, que ce soit en boîte de conserve, le plus courant, ou en bidon de métal, comme sur la photo, voire en bidon de plastique, mais c'est moins bien pour la planète. Je réfléchis en dégustant les yeux fermés mon yaourt maison (recette à venir) recouvert du sirop ambré que m'a rapporté Adelaide. C'est la requête que je réitère à quiconque revient du Québec. Qu'il soit clair ou foncé je me damnerais pour cette eau magique. Car le sirop d'érable ne provient pas de la sève, mais de l'eau qui remonte des racines par dessous l'écorce.
À mon dernier voyage, Marie-Ève m'avait conduit dans la forêt jusqu'à une cabane à sucre pour goûter la tire à la fin de l'hiver. Auparavant nous nous étions un peu coupé l'appétit avec le repas traditionnel, omelette, jambon, pommes de terre, fèves au lard, grillades de lard dites oreilles de crisse, le tout arrosé de sirop d'érable. La fête se terminait par une dégustation de tire, sirop que les acériculteurs font chauffer à 113,5° avant de l'étirer sur la neige pour qu'il se fige. On s'en fait soi-même des sucettes en l'enroulant sur de petites spatules en bois. Sublime !

vendredi 18 juin 2021

L'amertume résorbe le diabète


Le décès de Mandryka me fait penser à un autre concombre masqué...

Comment ça se mange ? La question se pose souvent dans les épiceries chinoises lorsque l'on est appâté par les formes et les couleurs de fruits et de légumes plus étonnants les uns que les autres. Nous voyant perplexes, nos voisins nous ont offert à goûter un concombre amer ; ne pas confondre avec le concombre de mer, nom trompeur donné à l'holothurie pour ne pas effaroucher celui qui commanderait une soupe à la limace de mer ! Cet échinoderme spongieux dont Erik Satie affubla l'une de ses délicieuses pièces est très curieux, mais n'a évidemment rien à voir avec la cucurbitacée. Le concombre amer ou margose (photo) se consomme en tranches fines, revenu dans un peu d'huile. Cela ferait considérablement tomber le taux de glucose dans le sang, comme les algues feraient la peau du cholestérol. Je l'ai simplement assaisonné avec de la sauce de soja et j'ai saupoudré des algues nori séchées et du piment en poudre (mélange de piment, peau de mandarine, graines de sésame, poivre japonais, graines de chanvre...) sur le riz.

Article du 7 septembre 2008

mardi 15 juin 2021

Croquants aux amandes


Il fait bien chaud. On a planté des pieds de tomates et de poivrons dans le jardin en mélangeant la terre avec le compost accumulé depuis des années. Le statut de grand-père de garde, entre les tyroliennes et les toboggans du Parc Floral et les trampolines de celui de La Villette, me laisse peu de temps pour pondre de nouveaux articles. Alors je reproduis la recette de croquants aux amandes de Jean-Claude dont le souvenir persiste des années après les avoir savourés, même si c'est un peu dur pour des dents de lait.

Ingrédients :
500g farine
350g sucre en poudre (400g si plus sucré)
5 œufs
2 cuillerées à soupe d'eau de fleur d'oranger
350g amandes brutes

Battre 4 œufs - ajouter l'eau de fleur d'oranger et le sucre - et touiller la pâte
Si l'on souhaite que ce soit plus souple (recommandé si l'on ne veut pas s'y casser les dents, c'est d'ailleurs le nom qu'on lui donnait dans le temps, casse-dents), ajouter 1 cuillerée à café d'huile d'olive et 1 cuillerée à soupe de miel !
Verser en pluie la farine en évitant soigneusement les grumeaux (c'est le plus fastidieux de la recette)
Ajouter les amandes en les répartissant - Touiller
Verser sur un plateau abondamment fariné
Pétrir avec ses mains farinées
Partager en deux rouleaux égaux - les aplatir (10cm large, 2 à 2,5cm haut)
Placer sur la plaque de four sur du papier sulfurisé et fariné sans que les deux rouleaux aplatis se touchent (prévoir quelques centimètres car il arrive qu'ils s'affaissent un peu)
Dessiner des losanges délicatement sur le dessus avec un couteau
Battre un œuf et badigeonner le dessus pour que ça dore (pinceau)
20 minutes environ au four à feu moyen
Couper les croquants quand c'est très chaud (après ils sont trop durs)
Laisser sécher quelques heures

Bien que c'était la première fois de ma vie que je faisais de la pâtisserie, je ne m'en étais pas trop mal sorti... Déjà 13 ans ! Il faudrait vraiment que je m'y remette...

Recette du 9 août 2008

mercredi 10 mars 2021

Salade sauvage


Dans ma bibliothèque culinaire, j'adore les petits livres d'Amandine Geers, en particulier Je cuisine les plantes sauvages et Je cuisine les fleurs. Sur FaceBook, elle met régulièrement en ligne ses inventions culinaires...

Article du 14 avril 2008

Je suis Jean-Claude qui a composé une salade avec les herbes sauvages qu'il trouve dans son jardin : de la roquette blanche et du lilas d'Espagne (en choisissant toujours le feuilles les plus tendres), du coquelicot (pas trop, parce que c'est un pavot !), de la cardelle (avant qu'elle monte), de la chicorée, du fenouil sauvage (lorsqu'il est jeune, sa ressemblance le fait appeler "queue de cheval"), de la coustelline, du cranillé (passé à la poëlle, on en fait des omelettes ; enfant, Jean-Claude faisait exploser ses clochettes en forme de pétard), de la doucette cultivée (c'est de la mâche), de l'engraiss'poar (très amer), un tout petit peu de laitue, quelques pétales de rose, des fleurs de bourrache... Quand il y en a, on peut mettre du pissenlit. Maurice ajoute des racines de répounchoun (rampochou), une sorte de radis blanc qu'il cueille dans les friches calcaires où il y a peu de brousailles. En entrée, il avait apporté des dizaines d'oursins pêchés la veille.
Pour la sauce Jean-Claude passe au hâchoir de la sarriette (qu'il appelle pèbre d'ail ; il ne connaît souvent que les noms régionaux), il mélange de l'ail en purée, ajoute du thym et du romarin (les feuilles les plus tendres, ce qui explique que toute cette recette n'est réalisable qu'en saison), de la sauge, on peut y mettre un tout petit peu de moutarde, de l'huile d'olive, du vinaigre, du citron, un peu de piment au kombava que je lui avais rapporté de Paris, une cuillerée à soupe de mayonnaise et une lichette de viandox. L'ail en quantité remplace la moutarde pour lier la sauce.
Ce qui me plaît surtout, c'est de pouvoir se régaler des herbes folles qui poussent partout. La plupart d'entre nous ignorent simplement qu'elles sont comestibles, ou pas ! Il ne faut pas se tromper, certaines sont éminemment toxiques. Comme je ne compte pas me substituer aux guides savants ni aux spécialistes, on trouvera ici et sur Internet des photographies de chacune de ces plantes...

lundi 5 octobre 2020

Adieu Philippine


Comme dans la séquence du taxi du film de Jacques Rozier, chaque matin où je mange des œufs à la coque, je me remémore la phrase du chauffeur à Pachala joué par Vittorio Caprioli : "Et bien vous irez vous faire cuire un œuf tout seul !". Fais-je alors la même tête d'idiot éconduit ?
Le rituel implique minuteur, toqueur, coquetiers, toute petite cuillère, mouillettes tartinées de beurre salé ou de pâte d'algues japonaise. Mes parents nous avaient emmenés Au quai des ormes où on servait des œufs coque avec du caviar au dessus. Comme ils aimaient bien manger, pour les grandes occasions ils fouinaient pour trouver des restaurants gastronomiques pas trop chers, par exemple de jeunes chefs qui deviendraient vite inabordables.
Le matin je mange de plus en plus souvent salé. Il paraît aussi que le gras se digère mieux au petit déjeuner. Parfois je craque pour la charcuterie calabraise qu'Ignace a rapportée, mais le plus souvent ce sont des pains de fleurs ou des céréales avec des graines de lin et courge au lait de riz au matcha & sencha.
Depuis quelques jours je commence par un citron pressé dans de l'eau tiède. L'an passé c'était une cuillerée d'huile d'olive à jeun. J'essaie. Cela ne mange pas de pain, très justement. Comme les pépins de pamplemousse en gouttes ou les pastilles d'acérolas qui renforceraient les défenses immunitaires. D'ailleurs je continue de prendre de la vitamine D3 et des noix d'Amazonie pour le sélénium. C'est mon point faible, d'après les analyses sanguines poussées que mon homéopathe m'a fait faire en Belgique. Elle en a conclu que j'ai de bons gènes. C'est vrai, je suis rarement malade. Je n'ai jamais été opéré. On ne peut pas considérer le lumbago ou le heurt de petit orteil comme des maladies. Je mourrai peut-être en bonne santé. Tous ces aveux risquent de me valoir quelques conseils diététiques. J'ai d'ailleurs commencé à maigrir. Déjà trois kilos. Encore trois et je serai fier de moi, car je n'aime pas du tout le petit vendre de Bouddha qui a poussé. Même pas avec du pain...
Je n'abuse pas des œufs, La Bilouterie ne m'en livrant que six tous les quinze jours. Pareil avec le pain, un tout petit qui vient de La conquète du pain à Montreuil et le beurre des Amis de la Ferme. Ce sont tous des fruits de l'AMAP. Voilà, c'est malin, cela m'a donné faim. Je vais boire un verre d'eau. En général cela me cale et j'oublie mon appétit. Mais pas de faire l'œuf.

mercredi 29 juillet 2020

Recette de la soupe Miso [archive]


Article du 30 avril 2006

Décidément, ça sent les vacances ! Après le jardinage, la cuisine : Elsa m'a demandé hier soir la recette de la soupe japonaise. C'est très simple et tellement meilleur lorsqu'on la confectionne soi-même plutôt qu'en l'achetant en sachet lyophilisé.
Dans une casserole d'eau froide, mettre de la pâte Miso faite à partir de la pâte de soja (il en existe de la sombre/rouge et de la claire/jaune, les deux sont bonnes et proposent des goûts différents, la sombre est un peu plus corsée), de la bonite séchée (sur l'étiquette, je lis : Hondashi "Ajinomoto", à gauche sur la photo) et du Mirin (alcool de riz pour la cuisine). Les quantités pour deux personnes : une grosse cuillérée à soupe de Miso, une plus petite de bonite et un jet de Mirin. Arrêter le feu avant que ça bouille.
On peut ajouter des algues fraîches (magasins bio de préférence) ou séchées (magasins chinois de Belleville ou du XIIIe, ou bien japonais et coréens du côté de l'Opéra à Paris), du piment rouge mélangé avec du sésame (Sichimi Togarashi), des poireaux finement coupés ou de la ciboulette, des champignons Shiitaké, du Tofu, etc.
Lorsque vous recherchez une recette, il existe aussi une bonne adresse sur le Net, marmiton.org.

dimanche 24 mai 2020

L'avocat à la casserole [archive]


Article du 28 juin 2006

Je ne sais plus comment m'est venue l'idée de cuisiner l'avocat. Il y avait foule dans le bac à légumes. Quatre pour un euro au marché des Lilas le dimanche matin, ça vaut le coup, délicieux, onctueux. Ma compagne confectionne souvent ses salades avec, et lorsque je les déguste nature je remplace l'éternelle vinaigrette par de la sauce de soja. Quant aux accords, ai-je pensé aux sushis, norimakis de riz, saumon, avocat, entourés d'une feuille d'algue nori ?
J'ai donc plongé l'avocat dans l'eau bouillante d'une soupe, je l'ai fait revenir avec des tomates, de l'ail et du piment façon guacamole, je l'ai fait monté en mousse dans le mixeur, cuit à la vapeur, servi froid en gaspacho... Dans tous les cas le goût reste très fin, le mariage réussi avec poisson, viande ou légumes. Je pense à lui faire rencontrer des fruits maintenant, le transformer en glace... Sa texture "beurrée" se prête à maintes combinaisons. Le servir chaud renouvelle le genre. Je jette un coup d'œil à marmiton.org, pour m'apercevoir que je n'ai rien inventé, soupes, gratins, mousses, salades, gelées, farces, avec roquefort, miel, fromage de chèvre, etc. Le site est formidable, il donne mille idées chaque fois que l'on s'interroge sur quoi faire à dîner... Et puis, comme je déteste éplucher des légumes (P.S.: cela m'est passé), j'apprécie la vitesse d'exécution, un coup de couteau, dénoyautage, un tour de poignet à la petite cuillère, et hop, il passe en chair, la plaidoirie est aisée, acquitté, mieux réhabilité ! Un coup de chapeau à l'épicier de l'Opéra, Paul Corcellet, génial importateur et cuisinier, qui introduisit l'avocat en France en 1934 (billet du 4 avril 2006)...


Et un coup d'œil à l'incontournable Cuisine Succès - L'école de cuisine (Larousse), complément indispensable à toute littérature culinaire : il ne s'agit pas d'un livre de recettes, mais de tout ce qu'il faut savoir pour les réaliser, découper une viande ou un poisson, réussir une omelette ou même cuire un œuf, éplucher, parer, conserver, toutes les méthodes de cuisson sont expliquées, le bouquin est illustré d'images superbes permettant de donner un nom aux fruits exotiques, aux herbes aromatiques, etc. C'est la Bible de l'élève cuisinier, c'est un cadeau rêvé à faire à celles et ceux qui ne le connaissent pas encore ! J'y lis que l'avocat est un fruit, qu'on doit le cueillir dur pour le laisser mûrir, qu'il en existe plusieurs sortes (rugueux noircissant, antillais à peau lisse, mexicains qui restent toujours verts, petits sans noyau alors appelé avocat cornichon ou avocat cocktail). La couleur dépend des variétés, non de la maturité. Il est riche en huiles naturelles ainsi qu'en vitamines et minéraux, mais ne jamais le cuire trop longtemps pour qu'il garde son goût. En France, on a d'ailleurs tendance à toujours trop cuire les légumes.

lundi 3 février 2020

Coquilles Jean-Jacques


À la photo on aura compris qu'il ne s'agit pas des fautes que j'aurais laissées traîner dans mes articles, mais des fruits de mer qu'enfant j'appelais de mon prénom. Elles font partie de mon ADN intellectuel comme l'étoile du berger et les moutons.
Bien que l'AMAP de mon quartier, où je me fournis déjà en légumes, œufs, crémerie, volaille, etc., propose des coquilles Saint-Jacques depuis plusieurs années, j'avais décliné l'offre de peur de ne pas savoir les ouvrir ou par une flemme qui me fait parfois manquer de belles occasions. Les amis qui y sont abonnés ont fini par me convaincre, aussi bien que j'ai suivi sur Internet cinq tutoriels détaillant la méthode pour avoir raison des coquilles. Ayant donc cédé à la tentation et adhéré à la distribution mensuelle de cinq kilos à prix fixe, je me suis trouvé face à un seau rempli de bestioles pêchées en Baie de Seine...
Les films étaient clairs. Muni d'un couteau à lame rigide et d'une cuillère à soupe, j'ai sectionné le nerf, râclé la partie plate, jeté l'estomac qu'on reconnaît à sa noirceur. C'est là que je voulais en venir. La plupart des gourmands conservent la noix et le corail, mais jettent les barbes. Erreur, grossière erreur. Au prix où c'est vendu et à la qualité gustative renversante des Saint-Jacques, il est vraiment dommage de passer à côté. Il existe quantité de recettes alléchantes. J'ai pour ma part fait revenir ail et échalote, puis les barbes, nettoyées à l'eau claire comme le reste de la coquilles, et mixé le tout avec épices et crème de soja. Nous avons profité de ce fumet sur du pain ou du riz.
Comme nous n'allions pas avaler les cinq kilos le soir-même, j'ai congelé le reste. Or la pêcheuse m'a conseillé de le faire sans les ouvrir, de manière à ce que les mollusques restent dans leur eau de mer plutôt que l'eau douce qui sert à les nettoyer lorsqu'on les extirpe de leurs deux valves. Cela n'est possible que si l'on possède un congélateur avec suffisamment de place. Elle me dit que cinq heures suffisent ensuite pour les dégeler et passer à l'opération ouverture où donc tout se consomme sauf la partie noire !

jeudi 16 janvier 2020

Mignonne, allons voir si la rose


Depuis le début de l'année j'ai publié quantité d'articles pas franchement euphoriques : Algues vertes, Un train peut en cacher un autre, Comme un rat mort ?, Insomnie fatigue et angoisse, Films amateurs perdus de l'Allemagne nazie, Perspectives du XXIIe siècle, Idées noires... J'ai cherché en vain un sujet rigolo. Dans le dossier de mes images en attente, je suis tombé sur une fleur que j'avais photographiée il y a quelques années en Bretagne. La rose, qui a toujours inspiré les poètes, a été utilisée symboliquement à toutes les sauces. Je n'emprunterai aucune référence au Livre des symboles que je suis allé relire, chacun sachant la relation explicite que cette fleur entretient avec l'amour. Il y a dix ans les pucerons avaient eu raison de mes roses jaunes. J'avais jeté l'éponge. Depuis l'enfance, lorsque je me penche sur une rose, je recherche bizarrement le parfum des framboises.
J'ai donc choisi d'ouvrir L'essentiel de Chartier à la page de l'eau de rose. C'est le genre de bouteille qui reste des années au fond du placard à côté de l'eau de fleur d'oranger, parce que je ne fais pas de gâteaux. Or l'eau de rose, riche en molécules β-damascenone et β-damascone, se marie particulièrement bien avec le bœuf grillé, la betterave, nombreux fruits (fraise, framboise, fruit de la passion, kiwi, litchi, mangue, mûre, orange, pamplemousse rose, papaye, raisin, citron, tomate, etc.), herbes aromatiques (basilic thaï, menthe, cannelle, carvi, cassis, citronnelle, safran, tilleul, etc.), mais aussi le clou de girofle, le miel... Le créateur d'harmonies québécois suggère le gaspacho de concombre à l'eau de rose et gin Hendrick's, le filet de bœuf au beurre de gingembre et à l'eau de rose, le tartare de litchis au poivre de Sichuan et à l'eau de rose... Célèbre sommelier, il ajoute le Campari, le Champagne, le Gamay, le Gewurztraminer, le Muscat, le Pinot noir, le rhum, le thé noir, le vin rosé, etc. !
Lorsqu'on ne les mange pas, les fleurs se respirent, mais les arbres s'embrassent...

mardi 22 octobre 2019

Souchet pour horchata


En vacances chez mes amis Bri et Pere à Ordis, je me suis souvent demandé de quoi était faite l'horchata que nous buvions à partir du printemps au Royal, sur la Rambla de Figueres. À l'époque n'existait pas Internet pour répondre à toutes les questions. Seule l'Encyclopædia Universalis révélait parfois les énigmes que nous nous posions régulièrement. Ou bien les dictionnaires. J'imaginais que c'était du lait d'une sorte d'amande particulière avant que tu ne rapportes un sachet de souchet épluché du magasin bio des Lilas. Au dos, on peut lire que le souchet est le fruit d'une variété de papyrus (cyperus esculentus) connu depuis l'Antiquité égyptienne poussant dans le bassin méditerranéen et l'Afrique de l'Ouest. Ce n'est pas une noix, mais un tubercule. Spécialité de la région de Valence, l'orgeat de souchet n'est produit en Europe qu'en Espagne qui en est le premier producteur mondial. Je n'ai pas eu la patience de laisser tremper les petits tubercules toute une nuit dans l'eau. Je les ai machouillés, reconnaissant le goût de cette boisson naturellement sucrée. Et franchement, j'adore ça. La seule boisson qui la remplace aujourd'hui dans mon réfrigérateur est celle de riz au thé vert matcha et sencha qu'aucune n'égale à mes papilles. Mais tandis que je tape ces lignes, je réussis à commander en ligne quelques bouteilles de Chufi Horchata que j'ai souvent du mal à trouver en magasin...

jeudi 23 mai 2019

Nigrum allium sativum L.


Devant le succès que remporte mon ail noir, les amis cherchent évidemment à en savoir plus sur ses propriétés. Ainsi Marie-Christine s'inquiétait de la réaction de Maillard, cuisson réputée pour ses dangers cancérigènes. Elle m'indique le site Néo-nutrition qui explique que la caramélisation de l'ail noir arrête le processus à l'étape Amadori/Heyns, soit avant son terme pour n'en conserver que les bénéfices, contrairement aux frites, par exemple. Il fait ainsi considérablement croître la quantité d’antioxydants, 25 fois plus que l'ail blanc, contenant quantité d'oligo-éléments (850mg de S-allyl-cystéine par tête d’ail, magnésium, phosphore, sélénium, vitamines B6 et C). Si la médecine traditionnelle chinoise le préconisait contre l’arthrose, le diabète et les maladies infectieuses (rhume, tuberculose, malaria...), il est aujourd'hui recommandé contre le stress, la mauvaise alimentation, l'abus d'alcool et de tabac, les perturbateurs endocriniens contenus dans les savons, produits de beauté, emballages, il renforce le système immunitaire, atténue les allergies, combat les tumeurs cancéreuses, régénère les cellules de la peau, lutte contre l'obésité, réduit l'hypertension artérielle et le cholestérol... En gros c'est le remède miracle, le tout en un, l'élixir de jouvence par excellence !
Mais je ne me suis pas arrêté là. La revue anglophone ScienceDirect livre une analyse critique poussée passionnante, comparant la composition de l'ail frais et celle de l'ail noir. Selon la température (entre 60° et 90°), la durée de maturation, l'humidité, les résultats diffèrent. Chaque bienfait y est détaillé chimiquement. C'est un peu calé pour moi, mais j'entrevois la méticulosité de l'étude de Shunsuke Kimura, Yen-Chen Tung, Min-Hsiung Pan, Nan-Wei Su, Ying-Jang Lai et Kuan-Chen Cheng, soutenus par la National Science Council de Taiwan ! L'usage quotidien du sauna m'avait fait baisser incroyablement mes taux de cholestérol et de sucre, comme si on avait coupé le câble de l'ascenseur. Dans quelques mois je me demande si je serai capable de constater les effets sur ma santé de ce mets délicieux à la saveur umami prononcée.

jeudi 16 mai 2019

Ail noir ou or noir


Mon voisin n'a pas d'odorat. Du moins sa culture, limitée par son repli communautaire, ne lui permet pas de faire la distinction entre l'ail et le fuel. Il a eu la précaution de me prévenir que depuis deux mois se dégageait une odeur de fuel, exclusivement le matin, venant de ma cuve située à proximité de notre mur mitoyen. Pourquoi seulement le matin ? J'imagine qu'il fume et perd progressivement ce qu'il lui reste de sensibilité olfactive. J'ai répondu courtoisement que j'allais bien évidemment interroger le chauffagiste, mais je sais que c'est à cette époque que j'ai installé le fermenteur d'ail noir dans le garage qui est au-dessus de la cuve. Le "faire menteur" porte bien son nom, même si la réaction de Maillard tient plutôt de la caramélisation. L'odeur peut être agréable à certains nez comme le mien, mais de là à vivre 24 heures sur 24 dans ce parfum culinaire, cela m'avait poussé à placer le cuiseur loin de mon espace de vie ! Comme je ne suis pas un monstre j'ai déménagé l'objet, cette fois au fond du jardin, en l'abritant des intempéries climatiques par un cube qui traînait au garage...


Malgré sa sublime saveur d'umami et le prix prohibitif des têtes vendues souvent 10 euros pièce, l'ail noir n'est tout de même pas de l'or noir ! Depuis mon acquisition j'en suis donc à cinq fournées. Je suis passé à l'ail rose, qui vient du Tarn, plus parfumé que l'ail blanc, et j'attends les résultats de ma dernière expérience : ayant retiré le double plateau de la cuve j'y ai placé de l'ail frais. Je n'ai pas la moindre idée de ce que cela va donner. Le décompte des 288 heures est parti. Le plein air dissipe l'odeur capiteuse de la cuisson, mais je sens bien qu'elle est différente de d'habitude.
Le garage a retrouvé la puanteur du diesel lorsque j'enclenche le démarreur. Renault m'avait vendu une voiture "verte" en affirmant que ce combustible ne polluait presque plus... L'autocollant "éco" est encore intact sur le pare-brise arrière. On est toujours le Bouvard et Pécuchet de quelqu'un !

lundi 11 février 2019

L'ail noir


Si L'ail noir ressemble au titre d'une aventure de Tintin, l'expérience est plus proche d'un récit d'alchimiste. Chaque fois qu'il revient de Hong Kong mon ami Sun Sun me rapporte des têtes d'ail noir que son père prépare sur son balcon. Ce sont de jolies petites gousses monobulbes qu'il semble difficile de trouver en France. J'ai oublié de les mettre dans le cadre avant d'appuyer sur le déclencheur. Pas moyen de recommencer la photo, car j'ai aussitôt fait repartir une nouvelle fournée pour les douze prochains jours !
J'aime tant ce sublime mets que j'ai acquis un fermenteur d'ail noir. Le petit modèle 3 litres contient douze à quinze têtes sur deux étages. Il suffit d'attendre douze jours et le tour est joué. Comme cela coûte ici les yeux de la tête (d'ail, comme Me, myself and I), l'achat est vite amorti. On remplit la cuve, on appuie sur le bouton et le compte à rebours démarre pour 288 heures de caramélisation. Après trois jours à 80°C, le chauffage s'arrête une journée et reprend huit jours à environ 72°C. Mon premier essai est un coup de maître. L'ail est moelleux, doux et sucré. Son goût rappelle le vinaigre balsamique, le pruneau, la réglisse et l'umami. L'umami est considéré comme la cinquième saveur avec le sucré, l’acide, l’amer et le salé. En plus d'être délicieux, l'ail noir a quantité de vertus excellentes pour la santé. Il serait 25 fois plus efficace que cru ou cuit, d'autant qu'il perd le côté piquant de l'ail frais. Au frais et à l'abri de la lumière, dans un endroit assez sec, il se conserve jusqu'à un an. Cela m'étonnerait que j'ai besoin d'en faire des conserves, car il paraît que l'on peut en manger autant qu'on en veut !
Sa couleur vient d'une réaction de Maillard, la même que pour la sauce de soja ou le brunissement de la viande, action des sucres sur les protéines. Un petit bémol sur l'odeur dégagée pendant l'opération, surtout les premiers jours. Imaginez que c'est du 24 heures sur 24. Même si elle est agréable, du moins pour certains nez, la cuisson sentait si fort que j'ai choisi de brancher la machine dans le garage !
Originaire de Corée, l'ail noir a été développé par les Japonais, mais les Chinois en font une grande consommation. On peut s'en servir pour tous les plats (viandes, poissons, crustacés, coquillages, salades, fromages, etc.) jusqu'aux desserts (fruits, chocolat, miel) ! Sa quantité d'antioxydants le rend parfaitement digeste, contrairement à l'ail blanc, et renforce les défenses immunitaires de l'organisme. Il serait bénéfique contre l’arthrite, l’athérosclérose, les maladies cardiovasculaires, les accidents vasculaires cérébraux, les cancers, la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives, contre les infections et les virus... Il aurait des propriétés antibactériennes, antibiotiques et antifongiques, ainsi que antidépressives et antistress. N'en jetez plus ! La S-allyl-cystéine, principal composé actif de l’ail noir, prévient la mort des neurones et du lobe frontal, stimulant les fonctions cognitives (mémoire, attention, etc.) et allonge la durée de vie. Mon Centenaire a sur quoi s'appuyer sérieusement, tout en me léchant les babines. J'ai lu qu'il diminuait le cholestérol, fluidifiait le sang, réduisait la tension artérielle, et qu'une consommation régulière d’ail noir est recommandée par l'OMS (Organisation Mondiale pour la Santé) et n'entraîne aucun effet secondaire, quelles que soient les doses.
Lorsqu'on aime joindre l'utile à l'agréable, on est servi, sur un plateau !