70 Révélations (coll.) - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 1 mars 2023

Partout j'écris ton nom


Écrire, toujours écrire. Chaque jour, tous les jours. [C'était le 10 juillet 2010.] S'il n'y avait qu'ici, mais là aussi. [Aujourd'hui.] Jouer avec les mots ou les sons échappe aux lassantes habitudes. Mon amour pour l'écriture finit par se savoir. En vérité, j'improvise. Ma main ne m'obéit même pas. Elle revnerse les lettres. Sommes-nous tous dyslexiques ? Les idées tricotent. Les bulles de savon éclatent en frôlant la portée. Les clefs perdues, je rentre par la fenêtre. L'assurance se nourrit de la commande. Courte, elle se construit phrase après phrase. Conséquente, l'intro - trois parties - conclusion mène le bal. Ça sonne aux abonnés absents. Le regard perdu sur la ligne bleue des Vosges. Oiseaux devant, oiseaux derrière, peu d'automobiles, autant d'avions, insecte, un autre, encore... Dix lignes pour hier soir, quatre ou cinq feuillets pour très vite, le nouveau projet pour la semaine prochaine, les comptes, les chèques, signer ou faire signer ? Je passe d'un clavier à un autre. Le merle est revenu. À l'instant ! C'est la fête. Je me demandais.


Si Vincent Segal ne m'avait pas raconté qu'il adorait Fra Angelico, lui aurais-je proposé d'enregistré le playback du Couronnement de la Vierge ? Sur la basse recopiée trois fois, il ajouta la seconde voix. Je n'aurais plus qu'à poser un instrument à vent sur la corde à linge de ses violoncelles. À la recherche de trompettes célestes, j'ai ressuscité le bugle de Bernard Vitet cryogénisé il y a plus de vingt ans dans le S1000 [cassé depuis, je l'ai fait tomber]. Différents timbres. Mes mains font ce qu'elles peuvent. Je ne pense qu'au sens, à l'émotion que la scène me procure. Enregistré dix prises successives, pratiqué des élisions chirurgicales jusqu'à ne garder que l'essentiel. Sonia y entend de la bienveillance. C'est ma manière de traiter avec le sacré. Idem avec La Vierge aux rochers de Vinci. J'ai demandé à Elsa de la jouer comme Edith Scob dans La voie lactée de Buñuel, comme si elle chantonnait en faisant la vaisselle. "Ne te rase pas mon fils, la barbe te va si bien !". Elle est tendre avec les bambins, bienveillante. Un coup de vent, un ru, je noie sa voix dans l'écho de la grotte (et non pas...). Je n'ai pas pu m'en empêcher. Comme l'illustration de l'article !


Traiter avec l'histoire de la peinture, c'est se coltiner un paquet de bondieuseries. Sans foi, on s'invente sa loi. Pour y arriver, je me glisse souvent dans la peau de l'artiste, je pense à son salaire, au délai qu'il lui fallut respecter, au refus de ses commanditaires, au scandale que sa plume ou son pinceau provoquèrent... À condition de pouvoir jouer sur les deux tableaux, auteur ou sujet, le système d'identification fonctionne aussi bien en musique qu'au cinéma ou au théâtre. Je prends l'accent de mes modèles pour voyager dans le temps.

vendredi 24 février 2023

L'accord parfait


Le miracle se reproduit chaque fois en la présence de Vincent. Tout coule de source, le son du violoncelle prend trente secondes à régler, aucune répétition n'est nécessaire, nous nous comprenons à demi-mot voire sans paroles, lorsque je suis au clavier je le sens lorgner sur mes mains pour être certain de rattraper les balles impossibles qu'il m'arrive de lui lancer ! Nous enchaînons la musique de cinq films avec une efficacité déconcertante. Vincent Segal passe d'un style à l'autre comme qui rigole et nous ne nous en privons pas (photo : Sonia). L'atmosphère détendue permet de nous concentrer tant sur les effets de sens que sur la musique proprement dite. La première prise est la bonne. Mis en confiance par son goût de la surprise et son agilité de funambule, je m'autorise d'imprévisibles expérimentations, je me découvre des talents que j'ignorais. Je crois n'avoir connu cette complicité de jeu qu'avec Francis Gorgé du temps d'Un Drame Musical Instantané. Sur le Chirico je joue d'un ballon de baudruche en modulant les notes avec ma caisse de résonance buccale et ma guimbarde prend des intonations que je ne lui connaissais pas. Vincent pense que, n'ayant aucun complexe pour jouer quelque musique que ce soit, nous nous affranchissons de tous les préjugés musicaux dans la plus grande liberté. Il sait tout jouer, je crois ne rien savoir, ce qui revient au même lorsqu'il faut se jeter à l'eau. Dimanche après-midi nous improvisons sans effort, du pur plaisir !


Lyrique et dramatique pour le début du Lorrain, Vénitien et irradiant pour la fin, il imite le oud sur le Ingres mieux que je ne l'aurais fait avec la cythare inanga. Nous accumulons les petites formes nerveuses pour le Chirico qui n'est pas encore tourné, après avoir lu le découpage réalisé par Pierre Oscar Lévy, plus une dernière séquence dans un seul souffle pour la remontée de la montgolfière. Si j'utilise également le piano-jouet Michelsonne et la pomme-carillon pour donner l'aspect ludique et enfantin à La chanson d'amour, je suis assez fou pour agripper le violon, encouragé par mon camarade ! Comme j'évoque mes difficultés à trouver les trompettes célestes du Fra Angelico, Vincent me propose un sublime continuum à deux violoncelles qui me permettra de poser un cromorne ou un autre instrument à vent lorsque Le couronnement de la vierge aura été filmé. Pour terminer la journée, il enregistre quelques nuages inspirés par Zao Wou-Ki, le seul peintre vivant de la collection, bien que nous ne connaissions pas encore le tableau choisi.

Nous avons continué ainsi depuis cet article du 5 juillet 2010. Déjà douze ans et toujours la même complicité...

vendredi 28 juin 2013

Port de mer au soleil couchant (Le Lorrain)


Les histoires que Claude Gellée dit Le Lorrain peignit sont pour la plupart restées énigmatiques. En art, n'est-ce pas le nombre d'interprétations qui suggère le chef d'œuvre ? Le plus beau compliment que l'on puisse faire à ma musique est de raconter ce qu'elle évoque à son auditeur sans que j'y ai moi-même pensé. Souvent innommable, elle serait mieux qualifiée par les termes "à propos" ou évocatrice. On s'y perdrait à chercher dans quel style la ranger, car son origine est éminemment cinématographique. Ainsi toutes les influences ou références sont acceptées et même souhaitées tant leur traitement m'est personnel avec toujours à l'esprit que peu importe que la forme soit nouvelle ou ancienne si elle est appropriée.

Le début du son peut paraître étrange, mais il est justifié par le fait que le film a été conçu pour être joué en boucle comme tous les autres tableaux de la série. La partition est traitée comme un petit court-métrage qui s'étale dans le temps en un mouvement circulaire. Si le violoncelle Vincent Segal en rappelle l'époque, la contrebasse d'Olivier Koechlin est utilisée pour figurer voiles, poulies et cordages. Je l'avais enregistrée à l'origine pour la sonorisation du Manteau d'Étienne Martin, commande du Centre Pompidou. J'ai ajouté quelques bruitages pointant le ciel ou la mer. Pierre Oscar Lévy voyait dans ce film un exemple caractéristique de la collection Révélations.

Voilà, c'est terminé. C'est le 23ème et dernier film de la collection que je commente et mets en ligne. Si vous voyagez en Asie, nos films sont actuellement exposés à Séoul en Corée jusqu'au 22 septembre 2013 au fameux Hangaram Museum, Seoul Arts Center.


Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique - Jean-Jacques Birgé
Musique - Jean-Jacques Birgé et Vincent Segal, avec la participation de Olivier Koechlin
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN / Gérard Blot
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mercredi 26 juin 2013

Bergers d'Arcadie (Poussin)


Ah si la bande-son pouvait redonner un peu de chaleur à toutes celles et tous ceux qui dépriment et pas seulement à cause de la météo, cela me mettrait à moi aussi du baume au cœur !
Je n'étais pas particulièrement inspiré par les Bergers d'Arcadie. Aussi avais-je préféré immerger le tableau de Nicolas Poussin dans une ambiance champêtre qui donne la température de l'été, une sorte de contrechamp que le peintre escamote pour concentrer notre attention sur la scène mythologique. Imaginons que j'étais là, hors-champ, dans une douce sieste exprimant mon désintérêt par les questions soulevées par les personnages. D'un autre côté, c'est le même, une ambiance relativement simple fait du bien au milieu des autres partitions sonores qui accompagnent la collection des tableaux filmés par Pierre Oscar Lévy. Parmi les 23 films réalisés et sonorisés en un mois voilà qui nous permettait de respirer un peu, l'air chaud et odorant de la Méditerranée... Aucun été ne ressemble à l'autre.


Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique et partition sonore - Jean-Jacques Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN / René-Gabriel Ojéda
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mercredi 19 juin 2013

Le couronnement de la Vierge (Fra Angelico)


Comme j'évoque mes difficultés à trouver les trompettes célestes du Fra Angelico, Vincent Segal me propose un sublime continuum à deux violoncelles qui me permettra de poser un cromorne ou un autre instrument à vent lorsque Le couronnement de la vierge aura été filmé. Je finis par trouver la solution en jouant des samples de la trompette de Bernard Vitet enregistrée il y a trente ans lorsque nous avions acquis l'un de nos premiers échantillonneurs.
J'avais seize ans lorsque mes parents nous emmenés voir les fresques de Fra Angelico au couvent San Marco près de Florence. Je garde un souvenir inoubliable de ces bleus et rouges incroyables qui décoraient les cellules des moines. Scénographie qui me marquera à vie, en particulier dans mon travail musical, que ce soit pour les espaces d'exposition ou le design sonore de n'importe quel lieu physique ou virtuel !


Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique - Jean-Jacques Birgé
Musique - Jean-Jacques Birgé et Vincent Segal,
avec la participation de Bernard Vitet
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN / Gérard Blot / Hervé Lewandowski
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mardi 18 juin 2013

Déjeuner sur l'herbe (Manet)


Pierre Oscar Lévy aurait aimé sonoriser le Déjeuner sur l'herbe d'Édouard Manet avec un extrait du film de Jean Renoir éponyme. Comme j'essayais de varier mes interventions sonores au maximum, l'idée me plut immédiatement encore que j'aurais plutôt choisi Une partie de campagne que j'adore. Le sourire de Sylvia Bataille est inoubliable. Le coût des droits nous empêcha hélas de le faire. Après avoir essayé sans succès une ambiance piscine sur ce tableau qui fit scandale au Salon des Refusés de 1863, je calai longtemps avant de me décider pour la seconde proposition du réalisateur d'enregistrer les instruments du peintre au travail. Je continue de penser que c'est une solution de facilité qui n'apporte pas grand chose à l'image si ce n'est par rapport à l'ensemble de la collection. Une manière de contrepoint focalisant sur les outils mis en œuvre tant par le peintre que par le réalisateur. Mon amie Marie-Laure Buisson se pencha studieusement sur la technique de Manet avant de se lancer à peindre un tableau invisible, mais certainement travaillé à l'encre sympathique.

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique - Jean-Jacques Birgé
Partition sonore - Jean-Jacques Birgé, avec la participation de Marie-Laure Buisson
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mercredi 12 juin 2013

La tempête (Giorgione)


Énorme surprise d'apprendre que la collection de films sur l'art dont je suis à l'origine avec le producteur Dominique Playoust est exposée à Séoul en Corée depuis aujourd'hui 12 juin jusqu'au 22 septembre 2013 au fameux Hangaram Museum, Seoul Arts Center sous le titre Musée secret : Révélations, une odyssée numérique dans la peinture.

Un impressionnant orage éclate sur Paris tandis que je sonorise La tempête avec Pierre Oscar Lévy. Le tableau de Giorgione est une pure mise en scène de théâtre. Je jongle entre le tonnerre et la plaque de tôle. Les trois coups résonnent avant que la femme nue ne gronde. Le public applaudit le véritable éclair qui zèbre le ciel peint, mais en fait c'est la pluie... J'ai bien fait attention au décalage entre l'éclair et le tonnerre. Tout au long du film la partition sonore est calée de manière à jouer au mieux des effets théâtraux.

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique et partition sonore - Jean-Jacques Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © Archives Alinari, Florence, dist. RMN / Fratelli Alinari, BEN Raffaello Bencini, Archives Alinari, Florence
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mardi 4 juin 2013

Vierge aux rochers (Leonardo da Vinci)


Enfant je ne connaissais Léonard de Vinci que pour ses tableaux dont forcément la Joconde. Plus tard j'ai su qu'il faisait partie de la famille de touche-à-tout que j'adoptai vers mes vingt ans, tels Jean Cocteau, Boris Vian ou Frank Zappa. Si j'ai lu l'intégrale du premier, je me suis passé en boucle les chansons du second et le troisième, rencontré à plusieurs reprises entre 1969 et 1972, m'initia à la musique. Quant à Leonardo nous lui avons rendu hommage avec Nicolas Clauss en imaginant sa Machine à rêves, œuvre pour iPad commandée par la Cité des sciences et de l'industrie (en téléchargement gratuit).


Dans son film Pierre Oscar Lévy ne montre jamais la Vierge aux rochers dans son ensemble. J'ai d'abord fabriqué la grotte avec ses ruissellements et sa rivière souterraine. Elsa est venue poser sa voix dans mon décor pseudo réaliste avant que je ne la remplace par un courant d'air que j'ai traité de façon à ce qu'il rappelle son murmure bouche fermée. Je souhaitais que la musique agisse comme une vague réminiscence, une berceuse qui plonge la Vierge elle-même dans le sommeil...

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique - Jean-Jacques Birgé
Musique - Jean-Jacques Birgé, avec la participation de Elsa Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN / Franck Raux
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

jeudi 30 mai 2013

Saint Joseph charpentier (Georges De La Tour)


Pierre Oscar Lévy jouait le rôle de Saint Joseph charpentier dans le tableau de Georges de La Tour, soufflant comme un bœuf face à l'enfant interprété quelques jours plus tôt par Sonia Cruchon (bon anniversaire, Sonia !). Pour les bruitages, il plia sa ceinture pour imiter le bruit des semelles, mouilla la mèche de la bougie avant de l'allumer et fit un trou avec une vrille dans mon tambour de bois. Tout est très délicat, les souffles sont proches du silence.

De La Tour m'est cher, un peu trop si je me souviens de la correspondance avec le musée Paul Getty à Los Angeles lorsqu'en 1981 nous avions voulu illustrer la pochette du disque À travail égal salaire égal avec la Rixe de musiciens. Bernard Vitet avait auparavant suggéré ce tableau pour un album du Unit mais Michel Portal avait refusé la proposition, trouvant probablement que la scène était trop proche de ce que le Unit vivait alors et qui allait le pousser à l'éclatement. Quelques années plus tard, cela ne pouvait par contre qu'enchanter Francis Gorgé et moi qui trouvâmes que cela collait parfaitement avec notre propos, critique que nous avions entamée avec la constitution de notre grand orchestre composé de 16 musiciens.


Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique - Jean-Jacques Birgé
Partition sonore - Jean-Jacques Birgé, avec la participation de Pierre Oscar Lévy et Sonia Cruchon
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN / Gérard Blot
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mardi 28 mai 2013

Arearea (Gauguin)


Le matin j'avais enregistré le Portrait de l'artiste en costume oriental de Rembrandt.
Alors l'après-midi j'essaie de transmettre l'érotisme d'Arearea (Joyeusetés) de Paul Gauguin tout en soufflant comme si c'était la jeune fille qui jouait de la flûte. La rivière diffusée en playback dans le casque, je travaille là aussi en regardant le film, ce qui n'est pas mon habitude, car en général je préfère mémoriser pour profiter des effets magiques du synchronisme accidentel. J'hésite un peu, j'ânonne tout en conservant l'émotion. Je voulais utiliser une petite flûte en bois, mais Pierre Oscar Lévy insiste pour que ce soit très doux. J'en sélectionne donc une en plexiglas que Bernard Vitet m'avait fabriquée. En fait, c'est ma préférée. J'avais peur qu'elle fasse trop japonaise, mais en choisissant bien la tonalité j'espère m'approcher de la sensualité fragile désirée.

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique et musique - Jean-Jacques Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Lutherie - Bernard Vitet
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

samedi 25 mai 2013

Exécution sans jugement chez les rois maures (Regnault)


Un des 23 tableaux filmés par Pierre Oscar Lévy se devait d'être silencieux. En dehors du fait que cela me permettait de souffler un peu la question de l'opportunité d'une sonorisation, et de quelle sorte, remontait à la surface. Le réalisateur n'y est pas allé de main morte en choisissant de filmer l'Exécution sans jugement chez les rois maures de Regnault. Le film est évidemment conçu pour être projeté sur un écran accroché verticalement.

P.S. : En commentaire de Mediapart, Pierre Oscar précise : " (...) souviens-toi je ne voulais pas traiter ce tableau - qui est un tableau orientaliste, euh, colonialiste, et pompier- je n'ai pas eu le choix... J'ai juste accepté parce qu'il y a un vrai morceau abstrait dedant, comme des vrais fruits dans un yaourt."
Raison de plus pour mon silence !

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique - Jean-Jacques Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".

jeudi 23 mai 2013

Portrait de l'artiste en costume oriental (Rembrandt)


Il est toujours difficile de filmer un portrait en hauteur pour écran large. Ainsi sur mon blog j'évite d'illustrer mes articles avec des photos qui ne sont pas au format horizontal. Ici nous n'avions pas le choix, d'autant que le petit tableau de Rembrandt est la propriété du Petit Palais avec lequel nous collaborions, une aubaine pour la négociation sur les droits...
Très tôt, j'attaque le Portrait de l'artiste en costume oriental avec la flûte basse en PVC construite par Bernard Vitet. Je m'époumone dans son tube de 2 mètres, section de 3,5 cm. Cinq prises de 4 minutes chacune plus tard, je crée un espace plausible pour la scène, mais je réverbère la mélodie rythmée accompagnant le chien pour lui donner un effet artificiel, comme si c'était un avatar rêvé du peintre. Pierre Oscar Lévy m'apprend que l'animal a été ajouté dans un second temps. À la sortie des 101 dalmatiens en 1961, j'avais été marqué par la scène où les maîtres ont tous un chien qui leur ressemble. Ce phénomène d'identification se vérifie souvent. Si je joue Rembrandt très grave, son ironie devient explicite avec le rythme sur le chien, sujet majeur de la toile.


Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique et musique - Jean-Jacques Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Lutherie - Bernard Vitet
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN / Agence Bulloz
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mardi 21 mai 2013

Pluie, vapeur et vitesse (Turner)


Météo de la semaine, retour d'un long week-end, souvenir... La brume de 1844 camoufle le départ de la Firefly Class qui s'ébroue avant que la pluie n'arrose copieusement le pont enjambant la Tamise à Maindenhead. L'averse redouble tandis que la locomotive accélère au delà du raisonnable. L'énergie cumulée de la nature et de la science pousse le son à son paroxysme, noyant le moteur emballé sous un déluge de bruit blanc. Je suis obligé de recommencer la fin, car les caprices des harmoniques me font bizarrement entendre un intolérable et répété "Sieg Heil" constitué de l'entrechoc des gouttes, des pistons et des rails. Je ne peux pas prendre le risque qu'un spectateur ait la même sensation. En réécoutant le mixage, je m'aperçois que je monte toujours selon des références cinématographiques plutôt que musicales, préférant les passages cut brutaux au camouflage des fondus. Ainsi, insérant par le son des effets de coupe dans un plan séquence, je recrée l'image mentale d'un film imaginaire où les angles varient alors que la caméra est fixe.


Pierre Oscar Lévy a cherché à rendre numériquement avec la Flame de Snarx-FX les effets de Pluie, vapeur et vitesse (Rain, Steam and Speed - The Great Western Railway). Cette adaptation du tableau de Turner me rappelle l'odeur de suie des trains à vapeur de mon enfance. La brume humide fouette mon visage. En me penchant "dangereusement" à la fenêtre je prends une escarbille dans l'œil. La locomotive file vers je ne sais où, mais j'y arriverai !

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique et partition sonore - Jean-Jacques Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © The National Gallery, Londres, dist.RMN
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

dimanche 19 mai 2013

La grande odalisque (Ingres)


J'ai demandé à Vincent Segal d'imiter un oud avec son violoncelle. Comme d'habitude lorsque les intentions sont claires et que les musiciens sont de ce niveau technique et sensible, c'est dans la boîte dès la première prise. La culture générale fait toute la différence.

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique - Jean-Jacques Birgé
Musique - Vincent Segal
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN (Musée d'Orsay) / Thierry Le Mage
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mercredi 15 mai 2013

Les noces de Cana (Véronèse)


Les Noces de Cana, qui fut le pilote de la collection, est l'un des films dont la partition sonore est la plus scénarisée bien qu'elle fut en grande partie enregistrée en reportage, au Louvre, sous le tableau de Véronèse. J'enregistrai donc in situ les commentaires des visiteurs et les replaçai ensuite pour coller aux mouvements de la caméra virtuelle. Écoutez bien, les dialogues sont aussi drôles que passionnants. La variété des langues souligne l'universalité de la peinture. Mêlant des sons illustrant l'action représentée tels que fourchettes et perroquet avec le public du Musée, j'espérais donner au tableau de Véronèse une allure d'éternité, à la fois récit biblique, arrêt sur image et tranche de vie quotidienne. L'impertinence de Pierre Oscar Lévy à transformer visuellement l'eau en vin me plût particulièrement, autocritique distanciée qui nous fit beaucoup rire.


Après avoir étudié les musiciens du tableau, je composai une longue pièce pour cordes dans l'esprit du XVIe siècle. Il en reste seulement de courts extraits mêlés au vacarme général. C'est souvent le cas lorsque l'on travaille pour le cinéma, il faut savoir accepter d'être au service du film et laisser couper sa musique selon les besoins du montage. J'ai l'habitude de dire au responsable qu'il est libre de faire ce qu'il ou elle veut avec ma musique, mais si cela ne me plaît pas je ne retravaillerai pas avec eux ! Rappelons enfin que tous les films de la collection ont été conçus pour être joués en boucle, ce que hélas aucun site de vidéo sur Internet n'autorise.


Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique, partition sonore et musique - Jean-Jacques Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN / droits réservés
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

samedi 11 mai 2013

L'enfant au toton (Chardin)


Certains clients me font tourner comme une toupie. À force de tergiverser ils nous font travailler d'arrache-pied au dernier moment. Laisser mûrir un projet a pourtant toujours porté ses fruits. J'aime faire les choses comme elles viennent sans être pressé par les délais, aussi m'y prends-je très tôt. Jamais de page blanche. Tout est simple lorsqu'on laisse les idées venir à soi par une sorte d'alchimie miraculeuse. Chaque pièce du puzzle s'emboîte parfaitement dès lors que l'ensemble est pensé globalement. La qualité artistique ne saurait obéir à des impératifs politiques ou commerciaux. Que l'on soit dans une logique poétique ou que l'on cherche à être utile nous sommes poussés par une évidence que seule la poésie et le travail nous octroient.

Pourtant, les 23 films de la collection Révélations furent réalisés en un mois, une histoire de fous. De mon côté, parallèlement à mon rôle de directeur artistique, je composais, enregistrais seul ou avec des musiciens comme le violoncelliste Vincent Segal, montais et mixais le résultat à raison d'un film par jour ! De temps en temps je choisissais ambiances et bruitages plutôt que musique, mais cela revenait au même, imaginer et réaliser la partition sonore d'un documentaire qui, par le travail de Pierre Oscar Lévy et l'absence de tout commentaire, nous plongeait en pleine fiction. Le mois suivant, je rattrapai le sommeil en retard. En général j'évite de me mettre dans des situations pareilles, mais nous sommes hélas trop souvent tributaires de décisions qui ne nous incombent pas.


Avec raison Pierre Oscar Lévy nous obligea à refaire la toupie du Chardin pour mieux l'animer. Nous nous étions donnés tant de mal à caler la planche la fois précédente alors qu'il me suffisait de l'incliner au fur et à mesure des lubies de la toupie pour que sa rotation dure le plus longtemps possible tout en variant ses mouvements. Suivit une séance de panoramification en fonction de l'animation en relief dont le film ne présente ici que l'œil gauche, puisque l'Enfant au toton est conçu pour être regardé avec des lunettes 3D comme le Böcklin.


L'horloge est d'époque ! La précarité du tournoiement de la toupie introduit dans cet univers calme la fragilité de l’existence. Rien ne dure jamais… Et pourtant, dans la version originale du film qui est en boucle, la toupie tourne indéfiniment, contrariant l'idée de cette "vanité"...

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique - Jean-Jacques Birgé
Musique - Jean-Jacques Birgé, avec la participation de Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © Petit Palais / Jean Schormans
À l'origine, le film produit en 3D par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

jeudi 9 mai 2013

L'astronome (Vermeer)


L'astronome de Vermeer résistait à toute analyse. Aucun lâcher prise n'établissait le contact sensible. J'ai commencé par résoudre les problèmes techniques qui m'ennuyaient depuis des semaines en réinitialisant le Midi dans l'utilitaire Configuration audio et MIDI. J'avais lancé les machines sur huit pistes parallèles et débordai des quatre minutes du film de Pierre Oscar jusqu'à seize. Persuadé qu'il me faudrait trois ou quatre jours pour arriver au bout de l'œuvre, je réécoutai, agacé, le brouillon. Il y avait de belles choses. M'effleure alors l'idée que ce mélange de cloches tubulaires (lutherie Vitet toujours), de marimba eroica, de gongs et de pizz conviendrait peut-être... Laissant le début tel quel, sobre et répétitif, j'attaquai par la fin, riche en expérimentations timbrales, cymbales frottées, arpégiateur sur arpégiateur, filtre du circuit d'échantillonnage et de maintien sur le panoramique, etc. Je montai la musique comme un film de manière à ce que l'on oublie le plan séquence de l'image. La pièce prenait forme, mais la synchro ne rimait à rien. Préservant toujours le début, je coupai après une minute ce qu'il y avait en trop pour arriver à quatre minutes exactement. Start. Tout tombe magiquement en place. L'accélération fait tendre l'oreille à l'astronome comme à ses admirateurs. Même lorsqu'il regarde ses genoux il entend les étoiles et nous croyons les voir. L'horloge sonne au mur. On devine le ciel derrière la fenêtre fermée. La retenue de la première partie cède la place à une profusion d'équations musicales à l'instant même où l'idée jaillit, symbole de la création.

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique et musique - Jean-Jacques Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Lutherie - Bernard Vitet
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN / René-Gabriel Ojéda
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mardi 7 mai 2013

‪Nuit étoilée (Van Gogh)


Je ne me souviens pas de grand chose. C'est loin. À regarder les étoiles le cosmos m'aspire. Incapable de réfléchir. L'émotion est trop forte. J'avais tout axé sur les deux personnages en bas à droite de la Nuit étoilée. Dans le faux panoramique circulaire imaginé par Pierre Oscar Lévy je cherchai à rendre les perspectives et les échelles sans insister sur les étoiles autrement que par le scintillement sonore des insectes. Certains de mes traitements sont très sobres, d'autres complexes, voire chargés. J'adaptai la règle tension-détente à l'ensemble de la collection.
Van Gogh me rappelle surtout Amsterdam et le remarquable musée qui lui est consacré.

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique et partition sonore - Jean-Jacques Birgé
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de Révélations, une odyssée numérique dans la peinture.
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

samedi 4 mai 2013

‪Les ambassadeurs (Hans Holbein)‬


Aujourd'hui j'ai choisi Les ambassadeurs d'Holbein Le Jeune en référence à la manifestation de demain dimanche. S'installer dans un rôle quasi immuable, au service de l'État, exige une honnêteté que le pouvoir érode avec le temps. Les mandats ne devraient pas être reconductibles et les élus (ou tirés au sort, c'est à débattre) devraient avoir des comptes à rendre à la population, qu'elle puisse juger si les promesses ont été tenues. Cette sanction freinerait peut-être les ardeurs de certains lobbyistes qui ne craignent pas les conflits d'intérêt.

J'avais livré mes notes sur l'enregistrement de la musique sans hélas pouvoir montrer le film. Je crois que c'est un des préférés de Pierre Oscar Lévy, peut-être pour son idée de regarder le tableau sur la tranche par un mouvement en 3D, quatre minutes après le début. Car, "pour voir le crâne et l’identifier comme tel, celui qui regarde doit se placer sur la gauche du tableau, plus bas que son cadre, quelque chose comme à genoux de côté". Si le visiteur s'agenouillait au pied du petit crucifix il verrait le Christ regarder "la configuration obscène…" Les deux crapules s'effacent devant le Christ en relief que trop de reproductions recadrent honteusement tandis que le crâne d'Holbein retrouve son inéluctabilité biologique.

Je me demandais si toute œuvre n'est pas une anamorphose. Entendre que nos motivations et les moyens pour les atteindre relèvent d'un mystère plus grand que notre prétention à maîtriser notre art, même en prenant la clef des chants les plus désespérés. De là à tordre notre fiction pour faire apparaître le réel enfoui sous des couches de savoir ou de savoir faire il n'y a pas loin. J'imagine que l'inconscient guide notre main comme un mille-feuilles hypnotise le gourmand. Voyez-y pour preuve le synchronisme accidentel que nos rêves les plus fous n'auraient jamais osé invoquer.


"En m'endormant je savais qu'un truc ne collait pas. J'avais prévu de sonoriser Les Ambassadeurs d'Holbein avec un solo de trompette à anche, instrument inventé dans les années 60 par Bernard Vitet qui utilisait un bec de saxophone sopranino sur sa trompette en si bémol aigu. Aussi, dès 1976, lorsque nous avons commencé à jouer ensemble, j'ai adapté le bec de mon alto à ma trompette de poche. Quelque chose me chagrinait. Je pensais qu'il manquait une ambiance derrière les phrases entrecoupées de silence, mais le problème venait du fait qu'ils étaient deux, ces brigands ! Dans mon sommeil, j'ai imaginé inviter un autre musicien à jouer en duo, mais aucun instrument ne me convenait. Je me suis demandé comment j'aurais fait si Pierre Oscar ne m'avait pas dit qu'il n'aimait que les instruments acoustiques. D'un coup, la musique a résonné dans ma tête, le timbre du rythme cardiaque, les souffles du Christ derrière le rideau, le Waldorf MicroWave XT que je n'avais pas allumé depuis des lustres... J'ai filtré les graves et rosi le bruit blanc, mais je n'étais pas au bout de mes peines. J'ai commencé par enregistrer tous les instruments ensemble, parce que j'aime que la musique sonne comme on respire. À 8 heures du matin, j'avais quatre excellentes prises dans la boîte. Manque de chance, je ne devais pas être tout à fait réveillé, les sons synthétiques étaient trop bas dans le mixage. Tout reprendre. Je les ai enregistrés seuls et j'ai recommencé à souffler par dessus, en faisant du bruit avec les clefs, en respirant, j'ai même poussé un gémissement sur le crucifix. Entre temps j'avais suffisamment répété en regardant le film pour en connaître toutes les subtiles articulations et me souvenir de l'analyse que Luis en avait faite. La première prise était la bonne ; juste remplacer la dernière phrase par une seconde. Tout est calé à l'image près, naturellement. Le son de la trompette à anche ressemble à celui d'une clarinette basse. Dominique compare mon solo à Roland Kirk sans connaître mon attachement au saxophoniste aveugle. Je pensais à quelque chose de grave, à la mort dont les signes sont partout cachés dans le tableau jusqu'au célèbre crâne anamorphosé. J'ai trouvé un moyen de boucler mes 4'51" et j'ai envoyé le fichier son. La tension était telle dans le studio que j'en avais encore la tremblote. Le soir, Pierre Oscar me dit qu'avec la musique on dirait du Scorsese. Les Ambassadeurs ont l'air de deux crapules. La vanité est devenu un film noir."

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique et musique - Jean-Jacques Birgé
Lutherie - Bernard Vitet
Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © The National Gallery, Londres, dist. RMN
À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.

mercredi 1 mai 2013

‪Baignade à Asnières (Seurat)


Baignade à Asnières de Georges Seurat fut l'un des premiers de la série Révélations, une odyssée numérique dans la peinture que je sonorisai parce que Pierre Oscar Lévy avait choisi de commencer par celui-ci pour convaincre Samsung de l'opportunité de son traitement cinématographique. Je le reproduis aujourd'hui pour son parfum de 1er mai, même si le tableau fut peint en 1884. Pour les Parisiens, une cinquantaine d'années avant les congés payés, les bords de Seine ou de Marne représentaient les seules vacances envisageables, un dimanche à la campagne...

Au moment de l'enregistrement j'avais écrit : "On peut toujours se plaindre de la chaleur. Il faut savoir aussi l'apprécier. J'ai passé l'après-midi à Asnières, les yeux baignés par ces bords de Seine. Je m'y suis plongé à en attraper la crève. Les zoziaux finissant par me sortir par les trous de nez, j'ai ajouté quelques clapotis pour me rafraîchir. Écouter un train à vapeur au loin renforçait la perspective, mais le bruit des wagons salissait le tableau peint par Seurat. Je ne conserve que le sifflet de la locomotive rappelant les volatiles et surtout le gamin qui voudrait faire de la musique en serrant un brin d'herbe entre ses pouces. Quand glissent les rameurs je me repose sur le panoramique. Une voile claque. Le môme finit par y arriver, mais ça réveille le chien. J'anticipe les sons pour qu'ils justifient les deux mouvements rapides que Pierre Oscar a écrit et qui dynamisent cette après-midi lascive. Ce grand type allongé de tout son long dresse l'oreille aux moqueries des enfants..."
Il est crucial de ne pas toujours mettre de la musique dans les films. Les tableaux de cette époque où l'on allait peindre sur nature m'inspirent ces ambiances champêtres. Comme Anny sait beaucoup mieux que moi jouer de la feuille d'herbe, nous en cueillons diverses dans le jardin...

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy

Direction artistique - Jean-Jacques Birgé

Partition sonore - Jean-Jacques Birgé, avec la participation de Anny Romand

Assistante - Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari

Post-production - Snarx-Fx

Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto

Droits photo © The National Gallery, Londres, dist.RMN

À l'origine, le film produit par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.