Jean-Jacques Birgé

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vendredi 12 mai 2023

Toujours de l'autre côté


On croit souvent que "l'herbe est toujours plus verte ailleurs". Ainsi ces coquelicots d'un bel orangé s'entêtent à pousser de l'autre côté de la barrière, au dessus d'un à-pic. Trait d'union entre des mondes à la fois si proches et si loin. Ces fleurs se tournent évidemment vers le sud. Comment leur reprocher ? Le mois dernier je me suis exposé comme elles, là, au soleil, il était cinq heures du soir et mon front est devenu rouge, jusqu'à peler. De ce promontoire nous plongeons sur la Loire. Je vois passer un bateau à roue. J'entends le bac faire des va-et-vient entre Indret et Basse-Indre. Il s'appelle Lola. Nantes doit bien cela au frère Jacques. "Celle qui dit v'la l'bateau, v'la l'samedi, v'la des matelots, on va tourner, on va danser, on va flirter sans y penser, on va rire et virevolter..." Je dors deux fois plus longtemps qu'à Paris. J'étais descendu à trois heures par nuit. La sieste pourrait rétablir l'équilibre, mais elle ne dure jamais plus de dix minutes. Chaque fois que je ferme les yeux le téléphone sonne, comme si mes paupières faisaient contact. Il y a longtemps que je sais que mon herbe n'est ni plus verte ni meilleure qu'ailleurs, mais c'est la mienne, celle qui m'est offerte au moment présent. La chance ne m'a jamais quitté si l'on tient compte de la patience. C'est sur la longueur qu'on évalue le bonheur. Si je tourne en rond, j'imagine que c'est pour mieux prendre la tangente. Ronger son frein. L'ailleurs n'est pas affaire d'espace mais de temps. J'ignore si l'herbe y est plus verte, mais les fleurs sauvages y font tour de magie.


Je pensais avoir terminé sur ce mot prometteur lorsque j'ai entendu quelqu'un frapper à ma fenêtre. Plusieurs coups répétés. Me retournant, j'ai reconnu l'oiseau. La pie, ou ce qu'elle incarnait, me regardait à travers la vitre de son œil narquois de petite voleuse. Je lui ai suggéré de prendre la pose. Lorsqu'elle s'est envolée, j'ai senti comme une page tourner. Elle ne pouvait emporter tout ce qui brille, ni l'or, ni le soleil, et encore moins mes rêves.

vendredi 7 avril 2023

Zoom arrière


[... Ce 13 septembre 2010] j'avais remarqué le texte de la pancarte vissée, pour ne pas dire clouée, sur un arbre le long du Gave de Pau, juste en face de la grotte où Bernadette Soubirous vit ses apparitions. Comme le tronc était également planté entre deux modernes fontaines d'eau miraculeuse, je notai l'humour de la situation. Mais je n'avais pas remarqué la variation de ponctuation selon les langues, ni surtout le dessin central. Faut-il se méfier des robinets disséminés partout sur le site, vu l'affluence en ce lieu "ceint" ? Ou les rayons entourant la main du noyé potentiel signalent-ils l'imminence d'un bras salvateur ?


Il est évident que les déçus, tentés de se jeter à l'eau, devraient être légion. Rappelons que la Vierge apparut à Bernadette en 1858, mais rien n'indique que depuis elle y ait élu domicile ou choisi comme lieu de villégiature. C'est pourtant de cet emplacement exact que la "simple d'esprit", je cite Zola, eut sa dix-huitième et dernière apparition. Nous ne sentons rien d'autre que l'angoisse égoïste de centaines de pèlerins, concentrés sur leur mal-être...


Comme nous faisons sagement la queue dans la grotte, deux femmes nous bousculent pour toucher la roche devant nous. Ce geste incivique en dit long sur la place du sacré dans ce supermarché de l'image pieuse. Il est une chose d'avoir la foi, une autre d'avoir les foies. La poudre d'or qu'on jette aux yeux de celles et ceux qui veulent à tout prix avoir une réponse à leurs angoisses sent le soufre. Les croyants exigent la quadrature du cercle. Seuls les scientifiques et les matérialistes ont le goût du mystère.

jeudi 6 avril 2023

Il n'y a pas de miracle


Journée Lourdes et humide. Pas de miracle. [Ce 7 septembre 2010] le temps semblait tourner à l'orage. La ville de Bernadette Soubirous exhalait un parfum morbide. L'angoisse des clients s'exprimait unanimement. Est-ce véritablement la dernière station avant l'autoroute ? Les auxiliaires en blanc s'affairaient autour des plus mal portants. Les chaises roulantes glissaient péniblement vers la grotte de Massabielle où les fidèles faisaient la queue pour palper la roche noire. Elles repartaient pourtant comme elles étaient venues. Autodafé du XXIe siècle, d'énormes cierges flambaient comme un bûcher. Seuls les colverts s'épanouissaient sur le gave de Pau qui traverse le site. Sans nous concerter, l'un et l'autre avons évité le contact avec la chasse d'eau. L'eau qui coule des toilettes puant la vieille urine est-elle aussi bénite ? Boulevard de la Grotte on vend toutes sortes de flacons à remplir aux dizaines de fontaines éparpillées sous la basilique de l'Immaculée-Conception. Les plus kitsch ont la forme de la Vierge avec un petit bouchon bleu sur la tête. La barre qui commençait à nous plomber les sinus était-elle due aux vibrations du sanctuaire ou étions-nous seulement affamés ? Devant un jambon de porc noir et une énorme côte de veau garnie de cèpes et de truffes je racontai à Sonia Lourdes et ses miracles, le fantastique film de Georges Rouquier, commande du Diocèse qu'il transforme en enquête à la fois sincère et pleine d'humour, sentiment résolument absent hier matin devant la piscine où attendaient sagement les pèlerins. Aux marchands du Temple qui s'égrènent tel un chapelet sur les deux côtés de la rue principale j'ai acheté une petite cloche en céramique et deux briquets à l'effigie de Bernadette. Nous avions opté pour le Palais du Rosaire, grand bazar aux prix vraiment attrayants : 2,50€ la cloche, moins d'1€ le briquet, et à partir de 5€ vous avez droit à un cadeau, en l'occurrence trois images pieuses. Mécréants à l'esprit définitivement mal tourné, nous avons fui cette ville de débauche batracienne et repris l'avion pour Paris avant que le ciel ne se gèle, grève oblige !

mercredi 22 mars 2023

Père Lachaise


Je ne peux pas imaginer faire une promenade au Père Lachaise sans aller saluer le buste de Georges Méliès, le créateur du spectacle cinématographique qui finit ses jours comme marchand de jouets et de bonbons à la gare Montparnasse. Depuis ma dernière visite en avril 2007 [j'écris là en septembre 2010] le cimetière héberge pas mal de nouveaux pensionnaires ou certains que je n'avais pas encore croisés sur mon chemin buissonnier. Pierre Bourdieu, Alain Bashung, Marie Trintignant, Mano Solo, Henri Salvador, Ticky Holgado ont rejoint la cohorte des immortels qui peuplent ce havre de paix. C'est pourquoi Arman se trompe lourdement...


Comme il [était] agréable de passer le dernier jour du mois d'août à la campagne par un temps pareil ! Je suis pourtant surpris d'entendre très peu d'oiseaux même si je sais qu'ils ne sont pas loin, quelque part au-dessus de nos têtes. Plus angoissant, nous ne rencontrons pas un chat. L'heure du déjeuner peut expliquer les allées désertes, mais l'absence de gente féline est inquiétante. Aurait-on vidé le jardin de ses hôtes câlins ? Une partie du charme s'est évanouie... Ayant proposé à Marie-Laure et Sun Sun de jouer leur guide, je les ai menés sans répit trois heures durant sur les traces de Radiguet, Proust, Hedayat, Apollinaire, Eluard, Balzac, Nerval, Modigliani, Morrison, Piaf, Colette, Desproges, Chopin et tant d'autres. En vieux Père-Lachaisien, j'évite les guides qui se proposent, ayant toujours préféré me perdre dans le labyrinthe des allées qui portent le nom du dragon ou des chèvres. [Les photos de cimetière] exhalent toujours un étrange parfum de mystère qui n'a rien à voir avec la mort. J'y sens une formidable pulsion de vie, l'énergie créatrice de la nature, la régénérescence à l'état brut. [...]

mardi 17 janvier 2023

Au pied des Appalaches


Il était moins une que je ne vois rien des Appalaches. Dimanche après-midi, Suzanne me propose de me montrer la Petite Suisse avec son char. Certains disent que ce nom vient du paysage, d'autres parce que de nombreux Suisses ont acheté des entreprises dans cette région où semble régner la prospérité. Nous n'avons jamais vu de notre vie autant de voitures de sport décapotables, des rouges, des jaunes, des oranges, des roses, des blanches, des grises, des noires, des vertes et des pas mûres, toutes lustrées comme si elles sortaient neuves du garage, pareil avec les Harley customisées à mort, le tuning étant une coutume locale quel que soit le véhicule ! Chaque fois qu'on nous emmène, le conducteur ou la conductrice s'excuse que son automobile est sale sous prétexte qu'il y a trois brins d'herbe sur le tapis de sol ou un peu de poussière sur le tableau de bord. La richesse apparente provient aussi des industries agricoles qui polluent les sols et des bourgeois de Montréal venus s'installer à la campagne, à seulement une heure trente de route. Dans ce qu'on appelle aussi le Petit Montréal les fils et filles à papa montent et descendent le boulevard Notre Dame Est pour faire admirer leur bolide ronronnant. Pendant les six mois d'hiver, l'auto cède la place à l'écran géant vidéo. Pourtant la misère existe, un tiers de la population est en difficulté, sans évoquer les Amérindiens dans une situation catastrophique. L'itinérance se réfère aux SDF, mais elle est camouflée. L'errance est plus sporadique. Ce sont les termes que Suzanne emploie pour parler du travail qu'elle quitte pour aller vivre dans une des îles de La Madeleine, vers St-Pierre-et-Miquelon. Dans la formidable coopérative bio dont elle est présidente, certaines herbes sont notées "non irradiée" et son jardin rassemble 70 espèces de plantes médicinales. L'ambiance aseptisée de la petite ville contraste avec certaines aberrations comme l'égout à ciel ouvert de petites communes proches dans la montagne. Pendant tout notre séjour nous n'avons vu absolument aucun téléphone portable. J'ai raté deux concerts pour descendre à la rivière que surplombe la maison de Guylaine Walsh. Elle coud à la main de ravissants chapeaux-cloches avec des matières recyclées, essentiellement des cravates d'hommes. La récupération préoccupe les écolos du coin, berceau du mouvement. Le soir, nous rentrons à Victoriaville pour le concert de Catherine Jauniaux, Malcolm Goldstein et Barre Phillips suivi de celui de l'octogénaire Bill Dixon avec, entre autres, quatre trompettistes. La voix de Jauniaux se fond aux cordes frottées et Tapestries for Small Orchestra m'emporte délicatement dans les bras de Morphée. Nous devons rejoindre Montréal pour nous envoler en fin de journée, mais avec le décalage horaire nous ne serons à Paris que lundi matin.

Article du 23 mai 2010

mercredi 26 octobre 2022

Résistance


Ce matin je pédalais vers l'ouest. Mon ombre en atteste. C'est même le Far West, en l'occurrence les Rocheuses. Comme chaque jour je suis le train d'un coach bavard dont j'ai coupé la chique, tout comme la soupe musicale qui l'accompagne, même si l'application permet de mixer ces deux sources. Les sous-titres, automatiques, donc traduits à l'emporte-pièce, me suffisent, et j'écoute la play-list de Radio Libertaire ou mes disques choisis pour me donner du cœur au ventre. Ce serait plutôt aux jambes, parce qu'il faut y aller. J'éponge la sueur et je m'hydrate toutes les cinq minutes. Comme je ne prends pratiquement plus l'avion pour des contrées lointaines, ces routes et chemins de terre m'offrent de découvrir des paysages que je n'aurais d'ailleurs jamais empruntés autrement. Le Japon ou Hawaï, les Bermudes ou Tahiti, Chicago ou Washington, le Colorado ou l'Utah, Firenze ou la Norvège... Les promenades ne sont pas de tout repos. Au moins je n'entends plus la logorrhée des entraîneurs et entraîneuses américains qui déblatèrent des lieux communs sur le sport, l'effort et, pire, leurs conseils de vie, en particulier la leur. Après six semaines et cinquante fois une trentaine de minutes, mon poids est le même, mais mon ventre de Bouddha a un peu dégonflé. La graisse se transforme en muscle, qui est plus lourd. Il paraît qu'il faut attendre trois ou six mois pour que cela se voit vraiment. On verra dans un an ! J'ai appris à articuler la cheville et ma résistance s'améliore de jour en jour. En rallongeant mes télomères, je vise une santé de "faire", le véritable pouvoir, le pouvoir faire.

jeudi 22 septembre 2022

Rencontre du troisième type


Monsieur Django n'est pas content que Madame Aubergine lui pique la vedette et tienne seule le crachoir au Spoutnik qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un chou-rave. C'est un tendre, mais il y a des ovnis qui lui font peur, d'autres qui l'attirent. Django préfère donc le violet clair au foncé, les tiges fanées à la moumoute verte. J'ai dû lui arracher pour mon déjeuner. Mariné dans l'huile d'olive et du sel, puis arrosé de citron et saupoudré de graines de sésame, le chou qui garde son croquant est délicieux. Je crois me souvenir que c'est une recette d'Ottolenghi. Quant à celle au grand nez, je n'ose (in French) pas la cuire comme si de rien. Le chat, lui, a quitté hier sa résidence estivale pour rentrer au bercail. Toutes ces dernières semaines il dormait pas loin, dans les fourrés. Il a donc réintégré ses pénates hier soir, a regardé le film avec la petite Oulala et moi, et s'est endormi sur le lit. Il fait froid à Paris, alors qu'à Nantes nous étions en T-shirt l'après-midi. J'ai allumé le feu dans la cheminée et cuisiné une nouvelle ratatouille dont je garde une partie au congélateur pour cet hiver lorsque Boris, notre extraordinaire maraîcher de l'Amap, ne fournira plus que des tubercules. J'ignore comment il sculpte ses solanaceae, car il n'utilise aucun engrais, même biologique. En tout cas, ça ne nourrit pas seulement l'estomac, mais comble mon esprit en quête de raconter n'importe quoi avant le billet plus sérieux de demain.

mardi 20 septembre 2022

Sur l'eau là c'est Lola


Nous prenons le bac à vélo, en auto ou à pied. Il fait le va-et-vient toute la journée entre les deux rives. C'est gratuit. Il s'appelle Lola. Nantes oblige. J'y suis en perme. De l'autre côté de la Loire l'herbe est plus verte. C'est de là que je filme. Pas facile de manœuvrer quand le fleuve coule à contre sens de la marée. Avec la sécheresse l'eau là est plus salée qu'auparavant. La salinité et la boue posent des problèmes inquiétants pour la rendre potable. Cet été la limite avait été atteinte. On continue à faire comme si de rien. Au bord, les maisons sont en zone inondable. En période de crue les prés que nous traversons sur des pontons deviennent des marais. Je me demande si des sous-marins nucléaires sortent de l'usine Naval qui est en face de Basse-Indre. On se pense au vert, mais les maisons sont construites sur le granit, comme une grande partie du pays. Pour compenser la radioactivité il est nécessaire d'aérer dix minutes par jour minimum, hiver comme été. Sans compter les gigantesques poteaux haute tension qui enjambent la Loire à Haute-Indre. Et partout s'implante la 5G dont les ondes s'ajoutent au rayonnement de nos smartphones. Je n'y connais rien, si ce n'est au rayon culinaire, mais je sens bien que la donne n'est plus du tout la même depuis que Demy a filmé Lola en 1960...


Nous marchons vers La Roche Ballue ou La Montagne. De temps en temps j'imagine déménager par ici, histoire de me rapprocher de ma fille, de mon petit-fils, et respirer plus profondément que dans la torpeur du Bassin parisien. Mais il faudrait que la maison soit au moins aussi accueillante que l'actuelle, avec en plus un studio-théâtre. Je souhaiterais enregistrer les séances d'improvisation en public. J'aime jouer en concert, mais ranger, déplacer, monter, démonter, remporter, replacer et recâbler mon imposant matériel a toujours été pénible. Le rêve est de laisser tout branché et qu'il n'y ait plus qu'à allumer. L'actuel studio GRRR permet de recevoir une demi-douzaine de joyeux drilles, mais il n'y a pas de place pour des spectateurs. Les invitations courraient sur plusieurs jours au lieu d'une journée, histoire de prendre l'air, l'air et les paroles, parce que ce sont avant tout des rencontres d'amitié, une manière d'apprendre à se connaître, sans contraintes sociales ou économiques, pour retrouver les sensations de notre jeunesse quand il n'y avait d'autre enjeu que la passion. C'est le propos de tous nos Pique-nique au labo qui se poursuivent sur la Toile, et plus tard, au gré des affinités découvertes. L'idée est aussi de créer localement du lien social. Je ne me plains pas. Mes pieds nus sont vernis. S'il est déjà formidable de partager ce qui est, on ne peut se contenter des acquis. Il est indispensable de voir toujours plus loin. Remettre son titre en jeu, jouer comme les enfants que nous n'avons jamais cessé d'être, être au futur, cet état vectoriel qui m'anime depuis toujours.

jeudi 1 septembre 2022

Miroir, miroir...


Les petits moineaux qui se balançaient sur les hauts bambous ont disparu depuis plusieurs années. Heureusement les mésanges charbonnières sont restées fidèles. Elles me rendent souvent visite par quatre. Les mésanges ont une prédisposition pour la vie de couple. Comme moi. Enfin, comme j'aime. Les merles, incomparables solistes jazz, ne sont pas en reste, mais il y a une chose que j'adore, c'est en admirer une se regarder dans la glace. Une demi-douzaine de miroirs sont installés dans le jardin pour agrandir l'espace et créer quelques illusions d'optique. La mésange dévore probablement de minuscules insectes, mais sa propre image l'intrigue, sous son loup de Zorro. Je n'ai jamais vu qu'un geai se livrer comme elle pendant des heures à cet exercice narcissique.


J'ai pris de nombreuses photos depuis le studio. Caché par les deux fenêtres parallèles qui m'assurent un complet silence, je peux m'approcher sans qu'elle perçoive ma présence. Par contre, la sienne fut signalée en amont par ses coups de bec saccadés sur une vieille branche du kiwi. La semaine dernière, depuis la vitre du sauna, j'ai suivi un pinson et des rougequeues noirs. J'ai toujours peur que Django n'en croque un, mais les souris, et faute de grives les vers de terre, sont des proies plus faciles à attraper.

jeudi 18 août 2022

Les perdus de Massiac


Par quel bout le prendre ? Dénoncer l'incompétence catastrophique et l'inconséquence honteuse de la SNCF ou saluer les cheminots qui font tout leur possible pour contrebalancer l'absurdité du système dont ils sont aussi victimes ? Si la chose était rare, on n'en ferait pas tout un fromage (j'ai rapporté un délicieux Saint Nectaire dans mes bagages), mais je pense aux retards récurrents que subissent les usagers sur certaines lignes, aux contrebassistes régulièrement verbalisés, etc. Apprenant nos mésaventures et se repassant le message, ce sont les contrôleurs zélés qui nous appelèrent, non sans humour, "les perdus de Massiac" !
Nous étions donc une douzaine de voyageurs à penser naïvement rejoindre Paris via Clermont-Ferrand. Du moins nous l'espérions. Nos billets délivrés par la SNCF indiquaient que nous devions prendre l'autocar à Massiac à 15h06, attraper le TER à Arvan pour arriver à Clermont à 16h10 et filer à 16h27. Rien d'extraordinaire. L'application SNCF Connect indiquera seulement que le car aurait 30 minutes de retard, de quoi rater notre train certes, mais il y en avait un autre une heure plus tard. La gare de Massiac était fermée. Évidemment ! Les fusibles qui répondent au téléphone étaient idiots donc désagréables, ou simplement compatissants sans pouvoir nous donner aucune information. L'autocar 62704 (société privée, semble-t-il) arriva une heure en retard sous un prétexte fallacieux. Et il était complet ! Pourtant nous avions nos billets, mais le chauffeur laisse monter tout le monde, comme dans un bus. Et puis plus rien. Personne pour nous informer de ce que nous devons faire. Quand nous ne tombons pas sur des répondeurs qui nous raccrochent au nez, nos coups de téléphone atteignent des anonymes probablement débordés et fatigués par les réclamations. La société d'autocars se dit incapable de joindre ses chauffeurs. La SNCF n'y peut rien. Nous patientons dans un café près de la gare. Trois heures plus tard, coup de chance, un car déboule avec des places réservés au personnel de la SNCF. Nous les squattons fissa.
Les choses s'arrangeront lorsque nous aurons affaire avec de vraies personnes, en chair et en os. Ils sont outrés que la SNCF nous ait laissés sans information. Ils se passent le mot. Nous attrapons le dernier train en partance pour Paris-Bercy. Heureusement je partage ces mésaventures avec une danseuse-metteuse en scène qui voyage avec son fils, et plus tard nous rencontrerons un jeune styliste chaussures chez Dior. Les conversations nous font oublier les manquements de la SNCF. L'État dézingue d'abord chaque secteur qu'elle veut vendre au privé de manière à ce que la population ne râle pas ensuite...


Nous aurons mis huit heures au lieu de cinq, pas de quoi en faire tout un plat. Sauf que la SNCF, qui rembourse les billets lorsque le retard dépasse 30 minutes (voir G30 sur leur site) se défausse en prétendant qu'elle n'est pas responsable des retards des cars. C'est pourtant elle qui propose les trajets et vend les billets sous son enseigne. Voilà une bien mauvaise publicité pour les voyages en train, pour la Région Auvergne et le village-étape de Massiac. Ce n'est pas le retard qui est en cause, il arrive qu'un animal soit sur la voie, que la météo soit mauvaise, etc. C'est l'absence d'information, sur place, sur Internet, au téléphone, qui est honteuse. Dans certains pays lointains, en voie de développement, ce genre de choses est courant. On prend son mal en patience. C'est le protocole que nous avons suivi, mais sept des usagers qui avaient leurs billets ont fini par rentrer chez eux en espérant voyager le lendemain. Je le leur souhaite.

mercredi 17 août 2022

Images d'Auvergne


Wagon de queue. Je n’imaginais pas l’Intercités rouler si vite. La campagne française défile vitesse V. Cela me rappelle la plate-forme arrière des autobus parisiens de mon enfance ou encore les westerns de la même époque. Il y a quelque chose de merveilleusement régressif dans les voyages ferroviaires. Je lis Au commencement était de David Graeber et David Wengrow sur les conseils de JR...


La voûte étoilée s'efface devant la lune. Dessous, les champs brûlés par le soleil. Chaque matin, une dizaine de coqs s'époumonent. Les anglais entendent cock-a-doodle-do, les Allemands Kikeriki. Je m'entraîne.


C'était avant la tempête.


Et puis
Le soleil est revenu
Sur la chaîne des puys
Il a plu

jeudi 21 juillet 2022

Images de la semaine


En nous baignant sous la pluie...


Bataille de cerfs-volants le matin tôt...


Vue sur l'océan en arrivant le premier jour...

mercredi 22 juin 2022

En perme à Nantes


Grand-père de garde en région nantaise, j'en profitai pour déjeuner avec Matthieu Jouan, directeur de publication de Citizen Jazz, la meilleure revue dans le domaine, qui plus est, gratuite et en ligne. Comme j'avais du temps avant et après et qu'il faisait beau, j'en profitai pour arpenter les rues et humer l'atmosphère nantaise, sans me soucier d'où j'allais, si ce n'est à chercher un magasin où acheter des attaches parisiennes pour les Tanukis d'Eliott. Attaches parisiennes ? C'est bien de cela dont il s'agit. Je me demande si je ne devrais pas déménager ici, proche de l'océan, et d'une partie de ma famille. Qu'est-ce qui me retient aujourd'hui à Paris ? Les amis qui passent évidemment, parisiens et voisins, mais aussi provinciaux comme Elsa et Nicolas qui ont des concerts en région parisienne cette semaine, étrangers comme Jonathan qui est là jusque début août... J'ai conçu la maison pour y vivre et travailler, accompagné de préférence. Si je bougeais, le studio GRRR renaîtrait ailleurs. Ce ne serait pas la première fois, mais probablement la dernière. Je monterais à Paris pour des expositions ou voir celles et ceux qui y seraient restés. Je ne profite plus de la capitale au quotidien depuis des années. On peut maintenant se faire livrer à peu près tout presque partout. Dans les grandes métropoles la pollution me chatouille le nez. La nature ma manque. Parfois, même là, je fais le touriste, traversant la Seine ou vagabondant au Père Lachaise. Mais la question intime me laisse perplexe. Cette incertitude fait osciller la balance entre ses deux plateaux. Je ne sais pas qui de la charrue ou des bœufs trace ma route. Porté par ma rêverie, je tombe par hasard sur le Passage Pommeraye. Comme si je pouvais venir à Nantes sans penser à Jacques Demy, à Lola, à Une chambre en ville...


Cela remonte à loin. Avant la naissance d'Elsa. Je me souviens l'y avoir prise en photo lorsqu'elle avait neuf ans. Elle connaissait par cœur les dialogues et les chansons des Demoiselles de Rochefort qu'elle faisait interpréter à ses poupées, casting de luxe pour des souvenirs ineffaçables.


Plus tard, à l'occasion d'un concert au Pannonica, nous y avons posé avec Antonin-Tri Hoang et Vincent Segal. Le passage a quelque chose de féérique. En dehors du temps.


Voilà donc où j'en suis. Une volée de marches qui donnent le vertige si je m'y penche. Des passerelles vers l'avenir qui retournent cruellement sur mes pas. Des statues figées dans le passé qui se retrouvent la nuit pour l'évoquer et reprennent la pose chaque matin. Des débouchés surprenants dès que l'on quitte les références. Et puis la lumière. Un ailleurs prometteur. À quel rite de passage devrais-je me plier ? Où mon cœur me mènera-t-il ? Dans quel ordre installer mon désordre ?

vendredi 3 juin 2022

Etumos, le vrai de l'étymologie


Je tombe "par hasard" sur ce billet du 26 décembre 2009. J'ignore où j'en étais, mais je crains de savoir où j'en suis. Faut bien remonter le manche, quel branque ! C'est ça : le branquignol remonte ses manches, la sueur au front, le cœur à l'ouvrage. Connaissez-vous de meilleures issues ?

Avancer vient d'avant alors que le futur est visé. Pour progresser on règle bien ses comptes avec le passé. L'étymologie recèle l'énigme du sphinx, le viager. Dans la marche vers la mort, que l'on appelle la vie, l'avant s'oppose au cul. Régresser c'est reculer. Dans ce cas, on fait des boucles, on fait des nœuds à s'en prendre les pieds dedans. La chute est assurée. Le règlement repousse l'échéance. Un coup de dé fait trébucher, transformant la marche en déchéance. Un autre montre la voie, mais aucun n'abolit l'arabe az-zahr signifiant dé. D'un côté les rencontres, de l'autre la détermination, mais avant cela, l'origine, l'orient !
En regardant derrière soi, on aperçoit les failles du passé, deux lèvres qui font fracture, l'origine du monde. Devant, l'occident fait tomber le soleil derrière l'horizon. La nuit. D'autres bornes indiquent le chemin.
Rien n'est jamais joué, même si tout est écrit.
L'interprétation est la clef.

mardi 24 mai 2022

Tristes tropiques


Hier j'évoquai Gilbert Garcin mort à 90 ans. La même année, le 4 novembre 2009, je saluai un autre homme, disparu centenaire. Ces capitaines m'ont offert de voyager loin.
Sous ma latitude le temps est gris. Cent ans de solitude. L'homme est toujours seul. Nous le croisions souvent le matin rue des Marronniers en allant à l'Idhec monter nos films. Il marchait doucement sur le trottoir d'en face. Le Théâtre du Ranelagh avait brûlé, nous expulsant de la rue des Vignes pour installer nos tables au-dessus du jardin de Madame Claude. En 1973, il ressemblait déjà à un vieux monsieur. Cela nous faisait drôle de voir passer cette bibliothèque qui ne payait pas de mine dans son imperméable crème. Personne n'a jamais traversé. Il passait. Doucement. Et il pensait. Les anthropologues ont souvent besoin d'aller voir ailleurs s'ils y sont pour comprendre ce qui résiste dans leur quartier. Sa discrétion l'a suivi. Ses obsèques ont eu lieu avant l'annonce de sa mort. Claude Lévi-Strauss m'a le premier fait prendre conscience que rien de social n'est inéluctable et il m'a permis de remonter le temps en voyageant dans l'espace...

mardi 17 mai 2022

Vingt arrondissements en roue libre


Pourrais-je jamais me lasser de Paris ? Je fais halte à chaque pont traversé pour admirer la perspective. Je grimpe cette fois à Beaubourg, un autre jour au studio de Gustave Eiffel, en haut d'une tour de Notre-Dame ou sur n'importe quel toit où se réincarnent illico Fantômas et Musidora. Mes rues sont celles du Ballon rouge et la Seine me rappelle la première péniche de Bruno Schnebelin lorsqu'elle mouillait sous le pont d'Austerlitz. Je suis né dans la rue des Martyrs, précisément Cité Malesherbes, ma mère Boulevard de Strasbourg et ma grand-mère rue Saint-Denis. Depuis que nous habitons de l'autre côté du Périphérique, nous apprécions d'autant plus les charmes de Paris que nous nous y sentons comme des touristes. À chaque quartier correspond une ou plusieurs histoires, je salive en pensant aux restaurants de chaque arrondissement, je cherche les jardins et je pédale le sourire aux lèvres lorsque je n'arpente pas le bitume. Mes souvenirs n'ont rien de nostalgique, ou du moins ils s'équilibrent avec ma curiosité pour les transformations urbaines. Je regrette l'obscurité de certains passages comme les rues avant les phares obligatoires. J'adore l'invasion des vélos et le mélange du moderne et de l'ancien. Le plus simple et le plus amusant sera pour moi aujourd'hui de faire un petit tour dominical, arrondissement par arrondissement, en pratiquant la conduite automatique.
1. Le Palais-Royal de Colette et Cocteau est d'abord mon jardin d'enfant, à deux pas de mon école rue Vivienne. Nous poussons parfois jusqu'aux Tuileries pour les ânes et le manège de chevaux de bois... Mon père avait un bureau au 1 rue Turbigo. Je me souviens de l'odeur des Halles, mélange de senteurs printanières et de putréfaction.
2. Plus douçâtres, les grands boulevards qui sentent les pralines mènent à l'Opéra, chef d'œuvre de Charles Garnier, où je regrette de ne plus aller depuis que les œuvres lyriques ont été déportées dans l'abominable bâtisse de la Bastille. Une de mes fiertés est d'y avoir été joué du temps du Drame.
3. La chanteuse Tamia habitait rue Charlot. Aucune des bandes enregistrées ensemble n'a été publiée. Dommage ! On y reviendra...
4. Entre la maison de Victor Hugo et la rue de Sévigné mon cœur balance. "Sur cette table, j'ai écrit La légende des siècles" a gravé dans le bois le peintre-écrivain. Mes amours de 20 ans ont ressassé l'autre adresse à en devenir fou. J'ai mis quelques années à m'en échapper.
5. La serre du Jardin des Plantes m'emporte sur un tapis volant jusqu'aux profondeurs de la jungle. J'y passe toujours quand c'est fermé, en toute déception. Le hammam de la Mosquée me renvoie dans les cordes du chanvre lorsque nous y allions en bande lysergique.
6. Il y a toujours du sable, mais la chaussée a été goudronnée. On se pressait du citron dans les yeux pour supporter les grenades lacrymogènes.
7. Avec mon cousin Serge nous rejouions Ben Hur avec la poussette en osier de Grand-Maman. Nous allions voir des films à la Pagode. Le rideau de scène du Sèvres était orné de publicités fluorescentes pour des magasins du quartier.
8. Ma tante Catherine m'avait invité à manger une énorme glace, un Chocolate Rock, au Drugstore des Champs Élysées, pour mon anniversaire. Je me souviens comment nous cherchions une table avec mes parents et plus tard au Pub Renault. Maman adorait les illuminations de l'avenue.
9. Elle m'emmenait faire des courses aux grands magasins, c'était beaucoup moins drôle. Je suis totalement allergique à la chaleur oppressante qui s'en dégage. On pouvait passer la journée à prétendre m'acheter un slip de bain et faire tous les rayons pour évidemment revenir bredouille. L'horreur !
10. Je repense à la petite fille que j'ai renversée avec ma 4L quai de Jemmapes. Elle doit avoir plus de 40 ans [53 ans aujourd'hui, puisque cet article fut écrit le 18 octobre 2009]. Les parents criaient "C'est pas de votre faute !" et Francis se souvient que j'étais devenu vert pomme. Plus de peur que de mal. J'ai appris à (me) conduire ce jour-là. [Je suis retourné à l'Hôpital Saint-Louis l'année dernière pour mon cancer de la thyroïde devenu de l'histoire ancienne, comme le reste.]
11. L'appartement était somptueux, mais je trouvais le quartier triste et gris. Je m'arrêtais toujours face à l'ancienne entrée de la prison de la Roquette, là où sont restées les stèles de la guillotine. J'y sens l'Histoire des mœurs, l'absurdité des hommes. Je repense aux 300 candidats recalés au poste du dernier bourreau.
12. Le Thaïlandais de la rue Crozatier a disparu depuis longtemps. Comme la maison d'Hélène qui rappelait celle de Dame Tartine...
13. Au 7 rue de l'Espérance, j'avais pignon sur rue et musique à la cave. L'indépendance. Le chat Lupin qui rappliquait au galop quand je le sifflais.
14. Nous avons hanté les Olympic. Le patron du resto péruvien s'est tué en automobile. Je me souviens du goût de son ceviche. J'ai rapporté chez moi le totem de la troupe sur la plateforme de l'autobus.
15. L'appartement de la rue Léon Morane possédait une sorte de terrasse étroite en rez-de-chaussée où nous nous inventions des aventures extraordinaires dans nos déguisements de fortune que mon père appelait chienlit. Il a perdu son travail après qu'un cambrioleur ait volé sa serviette. Je courais autour de la table en somnambule, les yeux fermés.
16. Elsa petite les aurait appelés les riches nazes. Je fréquentais le Mini Racing à cause des filles qui n'avaient d'yeux que pour les frimeurs de l'avenue Mozart. J'ai appris là-bas à ne plus perdre mon temps. La nature offrira plus tard d'autres latences, plus propices à la respiration.
17. Les luthiers s'agglutinaient rue de Rome. Je jouais un temps de la trompette et du trombone. Nous déjeunions dans le wagon suspendu au-dessus des voies.
18. Tournage au cimetière de Montmartre avec Jean Rollin. Tournage de films d'étudiants à la Goutte d'Or devant les bordels où les queues s'allongeaient. Merveilleuse rencontre boulevard Barbès [qui se terminera en queue de poisson quinze ans plus tard !]
19. Les Buttes Chaumont sont après le Père Lachaise mon espace vert préféré. Belleville rime avec cuisine chinoise. Et puis on se rapproche doucement...
20. Quelle drôle d'idée que de m'être lancé dans cette écriture automatique de souvenirs capitaux. Heureusement qu'il n'y a que vingt arrondissements ! Je m'arrête à la Porte des Lilas totalement fourbu d'avoir arpenté l'escargot de ma mémoire. [...] [Celle de Ménilmontant permet de traverser le périphe sans embouteillage et de regagner ainsi le havre de paix d'où j'actualise ce billet]

mercredi 30 mars 2022

Le grand cirque magique


Le passage du Cirque de Navacelles à Sète fait ouverture à l'iris sur la grande bleue. Mais d'abord les canaux. Notre fenêtre donne sur trois senneurs qui reviennent de la pêche au thon. La demande japonaise vide la Méditerranée. Nous prenons le petit-déjeuner sur le balcon. Retour à la civilisation.


Pas tant que cela, car le MIAM, le Musée International des Arts Modestes, présente Fictions modestes & réalités augmentées, une exposition d'art brut et contemporain de La « S » Grand Atelier qui, en Belgique, accueille essentiellement des personnes dont le handicap participe à une transmutation des énergies créatives. On est forcément ailleurs, sur une autre planète, des mondes où les enjeux sont vitaux, où l'art n'est pas une pose, mais une nécessité. Les moyens actuels, tels que vidéo, photographie, musique, installation, informatique, sont convoqués. C'est la première fois que j'enfile un casque 3D et je ne suis pas déçu ! L'impression d'être dans un film des Residents. Je retrouve Jean-Marie Massou dont j'avais évoqué ici le disque La Citerne de Coulanges, guidé par Fantazio, et dont on aperçoit ici la collection de cassettes.


Intermède resto sétois. Gila nous a judicieusement indiqué la pizzeria Nossa et nous dînerons à la Fleur de sel. Arrivés à Montpellier, Anne et Luc ont une liste d'autres excellents endroits où nous irons la prochaine fois. En attendant de retrouver Pascale, nous allons au Musée Fabre. C'est chouette de découvrir des artistes locaux des siècles passés et présents, même si je ne suis pas un fan du mouvement Supports/Surfaces ou de Soulages. J'aime trop les histoires et les couleurs. Il faut remonter aux années 50 pour que Soulages me parle,peut-être parce qu'il me rappelle les tableaux de ma tante de l'époque. Intermède resto au Bar de Canourgues des frères Pourcel dont je photographie les magnifiques plafonds commandés à Jim Dine, Marlène Mocquet, Jan Fabre ou ici Le chant de la sybille d'Olympe Racana-Weiler.


Je ne dirai rien de Montignargues sauf que nous y sommes reçus comme coqs en pâte. L'accueil de Pascale est à la mesure de sa demeure, généreux, grandiose. Au milieu de la garrigue nous reprenons des forces pour affronter le retour. Aux puces de Sommières je dégotte une cythare allemande pour trois francs six sous qui remplacera celle que j'utilisais dès 1972, débuts que l'on retrouvera très bientôt sur un 45 tours publié sur le label allemand Psych.org. Un dernier tour à Sauve. La galerie de Robert Crumb est superbe jusqu'à ses caves voûtées, mais le proprio est à Paris pour le dernier jour de son expo. Nous nous replions sur la mer de rochers, un chemin de pierre magique au-dessus de cette charmante ville médiévale envahie par les galeries des artistes qui s'y sont récemment installés.


Dix jours après avoir quitté Paris, nous y revoilà. Je déballe l'ARP 2600 version Tsantzas arrivé en mon absence. Je suis devant comme un gamin pour en avoir conservé la virtuosité alors que j'avais vendu le mien il y a presque trente ans. J'y reviendrai évidemment.

mardi 29 mars 2022

A marché. A beaucoup marché.


"A marché, a beaucoup marché. S’impatiente d’arriver parce qu’il a beaucoup marché. S’arrête au bord d’un ruisseau." N'a pas marché tant que cela, mais je n'en ai pas l'habitude. C'est comme la gymnastique. S'y remettre après cinquante ans me semble un peu héroïque. Sauf que chaque fois que je rencontre une vieille dame de plus de quatre-vingt-dix ans en grande forme et que je lui demande son secret, elle me répond toujours qu'elle marche deux heures par jour. Il y a de l'espoir, mais il ne faut pas être flemmard. Ma mère et Bernard ont payé cher leur paresse sur leurs vieux jours. Alors j'ai repris, avec un coach qui évite que je me fasse mal. Là nous avions élu campement dans un gîte luxueux au-dessus de Saint-Étienne-Vallée-Française. Le parcours griffonné sur une feuille de papier nous a fait rater le sentier aux lapins. Au lieu de neuf kilomètres nous en avons dix-huit dans les pattes. Cinq heures de grimpette ! Le souper fin qui nous attend est promesse d'avenir. Le GPS nous a tout de même sauvés...


Nous étions déjà descendus à La Baume. Pascale connaît bien la région. Chaussures de marche pour éviter de se tordre une cheville et vêtements en oignon pour se couvrir ou dévêtir selon la chaleur que nous dégageons selon les pentes. Le gardon est magnifique. Peu d'oiseaux. Des poissons. Lors de la longue marche dans les Cévennes, pour moi c'est long, nous croiserons trois biches et un écureuil. Ils jouent l'effet carotte. Voir des animaux en liberté dans la nature me donne une pêche incroyable...


Le lendemain nous visitons la Bambouseraie d'Anduze. Le parc est superbe. En dehors de toutes les variétés de bambous, des nains aux géants, des bleus aux noirs, il y a un merveilleux jardin japonais, des serres de plantes carnivores, des séquoias... Les magnolias ont commencé à sortir. Hors saison il n'y a pas un chat. C'est extrêmement reposant. Les nôtres me manquent.


Notre virée dans les Cévennes nous fait découvrir des paysages fantastiques que j'avais entrevus l'été dernier. La halte à Bez-Esparon est tout aussi magique. Depuis le salon perché tout en haut, nous avons une vue à 360 degrés. Florence et Gila, qui ont déménagé sur Mars, près du Vigan, m'avaient invité cet été, mais j'avais dépassé la région, me dirigeant vers la frontière espagnole. Alors cette fois on y va. Belle promenade parmi les torrents. Il y a beaucoup d'eau qui dévale. C'est un peu rassurant...


Nous rejoindrons Sète pour voir la mer en passant par le Cirque de Navacelles où Fred m'avait emmené. La France rassemble une variété de paysages incroyable, le Grand Canyon et la forêt vierge, le désert et les pics montagneux. Cela me rassure, ne prenant plus l'avion pour polluer le moins possible.

lundi 28 mars 2022

Jean-Jacques ?!


Jean-Jacques ? Hall 2 de la Gare de Lyon. Je réchauffe mon Akita Bento au micro-ondes du stand Ekiben quand Juliette Lemontey m'interpelle. Derrière son masque j'ai du mal à reconnaître l'artiste-peintre dont j'aime beaucoup les œuvres. Comme je lui dis que nous sommes en partance pour les Cévennes elle me demande si je vais voir Gila. J'en suis comme deux ronds de flan, car visiter notre ami sur Mars est à notre programme. Je n'avais pas eu le temps d'y atterrir lors de mon périple estival, or sa planète est à moins de dix minutes de Bez-Esparon, près du Vigan, où nous passerons dans une semaine...


Jean-Jacques ! Trois heures plus tard Gare de Nîmes. Nous cherchons à quelle sortie nous attend Pascale quand Françoise Degeorges apparaît, flanquée des musiciens qu'elle emmène Salle de l'Odéon. Je n'avais pas revu la productrice de Radio France depuis sa merveilleuse émission Ocora Couleurs du Monde qu'elle m'avait consacrée il y a exactement un an. Françoise nous invite le soir-même au concert organisé pour Norouz, fête du nouvel an persan. Les frères Jaberi venus d'Iran m'impressionnent, mais le chanteur ouzbek Ilyâs Arabov nous emporte littéralement.


Jean-Jacques ? Une semaine est passée. Centre d'art La Fenêtre à Montpellier. Un grand gars m'appelle à son tour. Celui que nous appelions le petit Martin au milieu des années 70 lorsqu'il était assistant à Radio France est devenu le réalisateur et compositeur Martin Meissonnier. Anne et Luc nous avaient proposé de les accompagner à l'exposition "Albert et sa fanfare poliorcétique" dans laquelle Martin avait joué de la guitare !


Les coïncidences se sont donc accumulées pendant ce voyage de dix jours où nous avons sillonné les Cévennes à la recherche de nature et d'air pur. Trois bonnes surprises qui m'ont ravi et auxquelles je ne m'attendais guère, en plus des autres amis que nous avions prévu de visiter cette fois. Nous avons donc commencé notre aventure en déjeunant chez Fred et Seb, la graphiste-rédactrice Fred Jarnot qui travaille avec ma compagne et l'artiste-illustrateur Seb Jarnot dont nous allons voir l'expo Synthética à la Galerie Negpos à Nîmes, puis à Montignargues où réside Pascale qui nous a guidé à La Baume et Anduze pour commencer. C'était absolument génial, mais j'y reviendrai, dans tous les sens du terme.
En attendant nous sommes sur le retour et je n'y comprends rien : je ne reconnais personne sur le quai, ni au départ, ni à l'arrivée...

jeudi 17 mars 2022

Pause cévenole


Il était temps. Temps de prendre des vacances. Je lève le pied jusqu'au 28 mars, prévoyant de ne rien publier pendant cette plongée dans la brousse. Mes notes me serviront plus tard, avec les images que j'enregistrerai. J'emporte aussi un magnétophone, on ne sait jamais. En notre absence, les chats tiendront la réception pour nos visiteurs parisiens. La livraison du CD Plumes et poils, une autre histoire naturelle, attendra mon retour. Ce matin, le merle s'est levé de bonne heure, il est quatre heures et des brouettes.