mardi 17 octobre 2006
À Séoul l'herbe pousse le lundi
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 17 octobre 2006 à 08:12 :: Voyage
À Séoul, l'herbe pousse le lundi. Ça tombe bien, hier c'était lundi. Nous revenions de l'expo où Somnambules tournait enfin correctement. Pour ce faire, j'ai rampé dans la poussière car la moquette noire n'était pas encore posée dans notre salle et Nicolas a pris deux châtaignes en réglant le son, perché sur un échafaudage de fortune. Ces électrochocs lui ont redonné la frite, car la superficialité des relations humaines commençaient à le miner. Entre les petits rires gênés des Coréennes et la brusquerie des mâles, il n'est pas toujours facile de se frayer un chemin. Nous nous en sortons bien, avec une bonne dose d'humour et une tendresse dont nous ne nous départissons point. Donc, bien que ce soit le bon jour, nous n'avons pas entendu pousser le gazon, mais nous avons croisé des petits bonshommes verts très affairés.
Devant la mairie, un grand ordonnateur corrige l'alignement impeccable des manifestants écologiques qui se sont placés face à son entrée, pancartes et banderoles à la main. Ils sont divisés en trois groupes, les femmes, les jeunes et les vieux. L'un d'eux, un vieux monsieur, a des chaussures à ressorts, trois gros sous chaque semelle. J'aimerais bien en rapporter, mais je doute avoir le temps d'en dénicher l'adresse. À New York, j'avais déjà entrevu les Z-Coil, à peine moins farfelues.
Pas le temps de nous reposer, nous avons rendez-vous pour dîner avec une partie des artistes invités à l'exposition Dual Reality, dont les huit élus parmi les vingt suggérés par Iris Mayr, conservatrice à Ars Electronica. À table, nous avons fini par comprendre que la soupe se mangeait dans le petit bol, tandis qu'il fallait verser le riz dans le grand pour que la serveuse puisse ajouter de l'eau bouillante dans le caquelon afin de constituer un nouveau bouillon, sans parler de la coupelle où transvaser le bœuf depuis la poelle ni de la demi-douzaine de ramequins de panchan. Et ce n'est qu'un début !
Tout le monde rentre en taxis sauf les deux irréductibles Gaulois qui décident qu'une petite marche digestive ne peut leur faire de mal. Nous découvrons que nous pouvons faire une grande partie du chemin en sous-sol, un peu comme à Montréal, ce qui nous évite de monter et descendre sans cesse les escaliers qui permettent de traverser mais n'épargnent ni nos mollets ni nos tibias.
Dans ma chambre d'hôtel, je tchate avec Françoise, puis vidéoconférence à trois avec Rosette. Paris-Séoul-La Ciotat. Mais il est temps d'aller dormir car la journée de demain s'annonce chargée. Présentation à la presse à 11h et ouverture officielle à 17 heures. Avant ça, il nous faut terminer l'aménagement de notre salle obscure, rideau d'entrée, fauteuils pour les passifs de cette œuvre interactive, en réalité (double ?) la version grand écran du site Somnambules. Mais nombreuses installations sont loin d'être prêtes et seul un miracle nocturne permettra à l'ensemble d'exister dans les temps.