70 Voyage - octobre 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 27 octobre 2007

L'œil sans queue ni tête


Les animaux se suivent, mais ne se ressemblent pas. Après les requins (du 20 heures), les lapins (wi-fi), le cygne (bâché), le chat (sur canapé), la vache (à coller), je me souviens de celui-là, mais pas de la manière dont je m'y suis pris pour qu'il n'ait pas peur. Œil pour œil, mais sans les dents. En y repensant, peut-être que la fixité exprime sa terreur ? Peut-être regarde-t-il nulle part. A-t-il fallu batailler pour l'alpaguer ? L'histoire de l'œil. Françoise le tenait-elle ? Le poil et la plume, enregistrée par le Drame avec Frank Royon Le Mée il y a vingt ans déjà, est notre pièce préférée pour récitant et orchestre. Le texte était extrait des Météores de Tournier. On m'avait reproché d'avoir choisi un auteur de droite. Qu'est-ce que j'ai pris lorsque j'ai travaillé avec Houellebecq ! Chaque animal a sa manière de voir, en couleurs ou monochrome, en relief ou à 360°, plus ou moins bien, de face ou de côté, et le cerveau recompose la réalité, mais combien de réalités coexistent ? Même les aveugles disent "je vois". Le bout de mon nez n'est pas bien loin. Loucher n'est pas la double vue. Il en faudrait un troisième au milieu du front. Trois pour la voyance, deux pour le relief, un pour le roi. Je n'en ferme jamais qu'un seul.
Il fut un temps où je portais des lunettes noires dans le métro pour voir sans être vu. La presbytie eut raison de cette obscurité frelatée. Un soir, dans un couloir de la station Arts et Métiers, sentant que je vais me faire agresser par un gars à la mine patibulaire, j'ôte mes lunettes noires pour éviter les plus gros dégâts. Le type ne comprend pas mon geste fataliste, et le traduit par un fatal "tu veux la bagarre, pas de problème, je retire mes lunettes". Détendu, j'étais seulement résigné à en prendre une. Arrivant à mon niveau, le méchant, impressionné, change de tronche et me fait "yeah, blues brother, man !". Nous sommes passés au travers grâce à une erreur d'interprétation. Les évènements rapides me donnent l'impression d'avoir croisé les corps comme des ectoplasmes, de les avoir traversés.

mardi 23 octobre 2007

Clichés


Antoine m'épingle en blogueur entre deux représentations de Nabaz'mob. Jusqu'ici, j'ai toujours trouvé un endroit pour mettre en ligne, mais c'est parfois au prix de certaines gymnastiques. Pour conduire notre chœur de cent lapins, je m'étais encore habillé en carotte et Antoine en bâton. Face au public, j'anthropomorphise les petits robots, mais c'est surtout l'occasion de dire quelques mots, de mettre un visage sur nos noms. Nous ne représentons qu'une énième déclinaison du Dr Frankenstein. Les deux malles pleines de créatures sont reparties ce matin chez Violet. J'ai conservé un double des clefs.


Détendus, Françoise et moi passons notre dernière journée à Amsterdam à flâner et faire du shopping dans les petites rues qui coupent les canaux : alcool d'œuf et genièvre, gadgets design, bonbons écœurants, fromages hollandais... Françoise a également trouvé l'oreiller en duvet dont elle rêve depuis longtemps ! Pour les garçons, il existe encore ici des vespasiennes qui rendent la vie plus facile, surtout lorsque l'on marche longtemps (au thé chaud) et qu'il commence à faire frais. Pour les filles, il y a des coffee-shops un peu partout et des cafés plus traditionnels !


Face à notre hôtel, un architecte imagina six maisons chacune dans le style d'un pays différent, ici l'anglaise, l'hollandaise et la russe. Nous reprenons le tramway vers la gare nettement plus chargés qu'à l'aller. Il semble souvent plus simple de faire ses courses partout ailleurs qu'à Paris, comme si nos yeux se réveillaient d'une séance d'hypnose... Le Thalys traverse les Pays-Bas et la Belgique pour rejoindre la Gare du Nord en 4h11.

dimanche 7 octobre 2007

Boîte à fantasmes


Les signes dispersés dans une photo me plaisent lorsque sa lecture révèle progressivement des surprises, certaines plus lisibles que d'autres. L'orage fait peur, il fascine. L'orage fait toujours rêver. Lorsqu'il donne son nom à une "Boîte à fantasmes", c'est carrément orgiaque. Hélas, ce n'est pas pas un train fantôme ni une baraque de foire, mais seulement un club échangiste de Montréal qui a élu domicile dans une ancienne banque d'épargne. En regardant leur site, on constate que la réalité est plus crue, voire sordide. N'est-ce pas le lot de la plupart des fantasmes ? Le désir s'estompe à mesure que s'approche le passage à l'acte. Il n'y a que l'orage, impossible à enregistrer ni à filmer, dont la réalité dépasse l'imagination.