70 Voyage - octobre 2015 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 2 octobre 2015

Histoires du temps qui passe


Nous sortons de l'eau qui semble plus chaude qu'en plein été. Françoise me dit que c'est la douceur de septembre sans se rendre compte que nous sommes déjà en octobre. Dans nos métiers il n'y a ni samedis ni dimanches, alors pourquoi connaitrions-nous le mois dans lequel nous sommes ? L'année est juste bonne à savoir pour les quelques chèques que nous signons. La plupart des gens de notre génération sont-ils seulement conscients que nous sommes depuis quinze ans au XXIe siècle ?
C'est la première fois que je prends une photo depuis l'autre côté de la villa des tours. Le matin les surfers s'en donnent à cœur joie tandis qu'au bord les vagues nous massent. Plus loin j'ai le choix entre les crever ou me laisser porter. Tout dépend de la phase où je les aborde. Le vent est tombé. Je remonte en maillot à bicyclette.
Ulysse se cache dans les broussailles pour dormir. Voilà donc ce qu'il fabrique à Paris lorsqu'il disparaît pendant des heures.


Le soir nous sommes allés au Lumière voir le dernier film de Paolo Sorrentino. J'ai du mal à comprendre l'agressivité de la critique branchée, que ce soit Libé ou Les Cahiers du Cinéma, contre ce cinéaste. Peut-être est-il à la fois trop moderne et baroque à la fois ? Youth est une réflexion philosophique sur la vie, l'âge, l'art, le cinéma, filmée avec beaucoup d'invention et de rigueur. Michael Caine, Harvey Keitel, Paul Dano, Jane Fonda, Rachel Weisz y sont formidables. L'univers concentrationnaire du somptueux hôtel pour riches suggère plus qu'il ne montre, alors qu'il expose quantité de sentiments, d'ambiguïtés et une dialectique qui souligne la poésie de la création. La musique de David Lang (co-fondateur de Bang On A Can) nous accompagne jusqu'à la fin du générique avec un Just qui rappelle le merveilleux Lost Objects tandis que la partition sonore recèle quelques passages mémorables dont un sublime concert champêtre. Youth ne dépare pas de la filmographie de Sorrentino. Si vous avez une bonne raison d'avoir détesté les précédents, n'y allez pas. Sinon, c'est du cinéma comme on ne sait plus beaucoup en faire !

jeudi 1 octobre 2015

Comme un blog


Le plumbago a certes des qualités médicinales, mais Ulysse s'en est collé plein les poils et je ne suis pas certain d'arriver à l'en débarrasser sans les couper ! La faculté des chats à comprendre les limites d'un terrain est étonnante. Il suffit néanmoins qu'il nous suive chez les voisins pour qu'il annexe aussitôt ces nouveaux territoires. Journée calme. J'écris un long article sur la musique, Internet et la qualité des différents supports que me demande Jean Rochard pour le Journal des Allumés du Jazz. Cela me fait plaisir, d'autant que l'association des labels indépendants continue de boycotter mes albums virtuels comme le reste de la presse papier. Depuis que j'ai mis en ligne 63 albums libres en écoute et téléchargement mon audience s'est pourtant considérablement accrue alors que celle de la presse papier décline inexorablement. Cette surdité face à ce "nouveau" support est incroyable...


L'après-midi, nous allons à Marseille visiter l'exposition Prétexte #2 à la Friche Belle de Mai où Nicolas Clauss expose Agora(s). Je reconnais instantanément son travail au bégaiement de ses images, scratch génératif produisant de drôles d'effets lorsque les figures s'envolent. En me promenant au milieu des cinq grands écrans j'ai parfois l'impression de participer à cette longue marche de l'humanité. Le corps de chaque individu semble interrogé par la caméra de Nicolas. Il a filmé ses foules dans une douzaine de lieux très fréquentés de la planète, donnant à l'ensemble de sa fresque une impression d'universalité. Ce travail de fourmi(s) me renvoie au calme de la solitude face à mon écran ou ébloui par la couleur verte du jardin qui m'entoure.
Le soir je m'ennuie terriblement devant Marguerite, le nouveau film de Xavier Giannoli qui avait pourtant si bien réussi À l'origine. Les films réduits à une situation ne sont pas ma tasse de thé. Il ne suffit pas d'avoir de bons acteurs, une débauche de décors et de costumes, une anecdote amusante. J'ai besoin de rebondissements dans le scénario. Comme dans la vie j'aime les surprises, les bonnes surtout. J'anticipe les mauvaises nouvelles pour que celles-là ne me surprennent pas, comme un client qui ne paie pas ce qu'il me doit. Heureusement ici les éléments naturels ont raison du reste. L'horizon oscille entre le mystère et le rappel à l'ordre. Un fort vent d'est secoue les vagues...