70 Voyage - novembre 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 8 novembre 2016

Retour de Rome


Pourquoi cette rue me rappelle-t-elle Bucarest tandis que Françoise pense à Prague ? Les capitales abattent leurs cartes. Je me suis si longtemps entraîné devant la glace à faire de faux-mélanges que je n'aimais plus jouer à force de tricher. J'avais quinze ou seize ans lorsque j'ai arrêté les tours de magie proprement dits pour ne plus jouer que de la musique, éventail d'illusions tellement plus riches et inventives. Les cloches auraient pu m'inspirer, mais de Rome je n'ai enregistré aucune ambiance. Comme les magasins qui vendent presque tous la même chose sur la planète, le son des villes se banalise.


Au fur et à mesure du voyage à Rome nous nous éloignons du centre. Nous avons traversé plusieurs fois le Tibre via Trastervere. Les rues sont plus calmes, sans presque aucun touriste. Je me souviens de l'école populaire de musique où Giovanna Marini enseignait dans le quartier du Testaccio et des histoires que Jean-André me racontait de Pasolini et Ninetto...


Comme il pleut nous nous réfugions dans les catacombes de Domitilla. J'espérais un peu pouvoir marcher le long des 17 kilomètres de galeries, mais nous n'arpentons qu'un tout petit segment de ces longs couloirs étroits où étaient enterrés les morts sur cinq niveaux. Nous n'avons hélas rien vu de ce que montre Wikipédia. Cela sent un peu l'arnaque. On les avait presque toutes évitées jusqu'ici ! En rentrant en bus, nous avons un aperçu de Rome by night... Mais comme, dans toutes les villes du monde, nous aurons accumulé des kilomètres de marche à pied... C'est agréable de s'envoler !

lundi 7 novembre 2016

La turista romana


Les touristes français semblent toujours fuir les touristes, quelle que soit leur nationalité. Il y a même des pays où ils seraient prêts à faire semblant de parler moldave pour passer inaperçus ! Cela ne nous empêche évidemment pas de faire comme tout le monde, mais sans trop nous attarder ! La qualité principale du tourisme de masse est qu'ils ont tendance à s'agglutiner tous au même endroit. Il suffit souvent de faire un petit pas de côté pour que l'atmosphère redevienne respirable. À Angkor plus l'on s'éloignait des trois temples magistraux, plus la magie s'installait jusqu'à faire sortir des serpents du chapeau. Question foule, Rome est moins pire que Paris, sauf peut-être pour le Pape Place Saint-Pierre, mais qu'irions-nous faire là, je ne vous le demande pas. Passé les "incontournables", nous profitons des heures creuses et des chemins parallèles pour nous émerveiller...
Une fin d'après-midi j'ai retourné mon appareil pour découvrir plus tard celles et ceux que j'avais photographiés. Devant la Fontaine de Trevi j'imagine des phylactères pour les couples qui se rejoignent ou se séparent. Certains le savaient, d'autres en doutent ou l'ignoreront toujours. Je pourrais rester des heures à accumuler des preuves d'amour ou d'indifférence, des regards désarmants ou des yeux vides. Regardez, juste un exemple parmi d'autres !


L'application iTunes que Jackie nous a suggérée est d'une grande aide pour choisir un restaurant à Rome sans tomber sur les arnaques pour touristes. Et voilà, on y revient ! Eat Italy est consultable hors ligne, ce qui est précieux lorsque l'on n'est pas abonné à un réseau local et qu'il n'y a pas de wi-fi accessible à proximité. Idem avec les CityMaps2Go ! Elizabeth Minchilli a arpenté plusieurs villes italiennes et ses commentaires sont précieux pour dégoter un endroit authentique. Si l'application est gratuite, il faut débourser 3,99€ pour avoir accès à la version romaine complète. Celles pour Florence, Venise, Milan, Turin ou l'Umbria sont moins chères, sommes ridicules en regard des additions ! Les suggestions sont moins nombreuses que Trip Advisor, mais plus justes, car celles des simples voyageurs ne sont pas toujours très fiables. Nous avons donc savouré les carciofi alla giudia, artichauts à la juive, dans un étroit restaurant du Ghetto à l'entrée discrète, le Sora Margherita où les pâtes fraîches étaient parmi les meilleures goûtées jusqu'ici. Le soir de mon anniversaire, nous sommes allés déguster des togliolini al tartufo, des pâtes aux truffes, à la Fiaschetteria Beltramme, via della Croce. Leur fumet nous fit tant tourner la tête que nous nous terminâmes au tiramisu à la pistache, une tuerie ! À deux pas, pas plus cher qu'ailleurs et si bon qu'on en a fait notre cantine. Donc raviolis aux cèpes sauce aux noix, panna cotta chocolat, etc.


Au bout de la Via Ripetta où nous avons élu domicile, nous apercevons la Piazza del Popolo avec son obélisque surmonté d'une croix, et, plus haut, les pins de la Villa Borghese. Plutôt que devant les innombrables églises et vestiges de l'Antiquité, nous nous pâmons devant les murs décrépits, ocres, terre de Sienne brûlée, jaune cireux, bleu délavé... Rome donne une impression d'éternité que Paris a perdu dans de nombreux quartiers, faute de savoir bâtir le neuf en respectant l'ancien. Comme si le souci d'urbanisme allait ici de paire avec l'architecture, assaisonnés du baroque que donnent toutes ces pièces montées, volontairement ou pas...

vendredi 4 novembre 2016

Villa Borghese


Pascal nous avait astucieusement conseillés de réserver très tôt à l'avance pour la Galerie Borghese, le musée ne recevant qu'un nombre limité de visiteurs. Même si le style du XVIIe siècle n'est pas notre capuccino, le spectacle est extraordinaire. Fresques, sculptures, peintures se bousculent dans des salles immenses aux plafonds remplis de trompe-l'œil qui obligent Françoise à s'allonger pour les admirer...


Il n'y a pas que les trompe-œil, il y en a aussi de faux. Des sculptures et des bas-reliefs se mêlent aux peintures pour créer de fantastiques illusions d'optique. Nous foulons des marbres polychromes. Les mosaïques sont étonnantes, les tableaux magnifiques, en particulier ceux du Caravage. Sous ses pinceaux comme sous les burins de ses collègues, les garçons sont étonnamment féminins. Lors de mes voyages je prends systématiquement des photographies des musiciens représentés en pensant qu'elles pourraient un jour illustrer certains de mes articles, mais j'oublie ces clichés la plupart du temps. Tant de nus exposés laissent penser que certaines époques furent tellement moins prudes que la nôtre. La moindre image de chair est, par exemple, immédiatement censurée par FaceBook. Il est certain que les protestants sont toujours boutonnés jusqu'au cou, mais l'Italie d'aujourd'hui est encore très coincée, avec son catholicisme et l'incroyable puissance du Vatican. Les femmes appartiennent à un monde dont les hommes sont exclus, conséquence logique du machisme méditerranéen. Françoise est épatée par la chair de Perséphone qui s'enfonce sous les doigts du dieu Hadès, sculptée par Le Bernin.


La volière est hélas privée de ses oiseaux, mais cela ne les empêche pas de zébrer le ciel en poussant des cris que je suis dans l'incapacité d'identifier. En traversant les jardins de la Villa Borghese, gigantesque parc municipal de 80 hectares en plein centre de Rome où s'élève, entre autres, la Villa Médicis, nous regardons en l'air pour admirer les hautes frondaisons des pins. J'entends ceux de Respighi qui accompagnent A Movie de Bruce Conner, et ses Fontaines. Nous n'attrapons pas de torticolis, mais ces contorsions finissent par être fatigantes !


Ces jardins sont dessinés sur le mode anglais, plus vivant que la raideur à la française. Ce sont deux façons de concevoir la nature et de la domestiquer. C'est la même histoire avec la ville. Les Italiens savent merveilleusement marier le passé et le présent. Chaque coin de rue, et j'entends coin par détail et non par intersection, réserve des surprises, vestiges des temps anciens préservés malgré les besoins du futur. Au jeu des revivals, l'Antiquité et les siècles qui l'ont suivie y figurent des strates de modernité. L'étymologie veut que les modes passent et repassent.


Après être descendus jusqu'au Panthéon et la fontaine de Trevi, sous prétexte d'un sublime espresso au Caffè Sant'Eustachio sur les conseils de Laure, nous regagnons notre appartement situé exactement en face de l'École des Beaux-Arts. Une petite pause ne fait pas de mal avant de nous rendre au Teatro Olimpico pour la première de Carmen par l'Orchestra di Piazza Vittorio où Elsa incarne "la pure, amoureuse, courageuse, déterminée Micaëla"...

jeudi 3 novembre 2016

Vol pour Rome


Vision inattendue après avoir décollé de Charles De Gaulle... J'ai d'abord photographié la Place de l'Étoile avant de survoler la rive gauche... Je pense chaque fois aux quatre cuvettes dans laquelle la Tour trempe ses pieds...


Un petit nuage coiffait le Mont Blanc. En voyant les montagnes qui se succèdent, arides et saillantes, j'imagine Hannibal franchissant les Alpes, sauf que cette fois nous sommes sur le dos de l'éléphant, avec Sun Ra et son Arkhestra jouant la Parade synchronisée avec la séquence rêvée par Salvador Dali... Délire d'altitude ?


Alors Rome dans tout cela ? La nuit est tombée. L'embouteillage de l'autoroute filmé par Fellini s'est résorbé depuis longtemps. Ni l'un ni l'autre n'étions retournés dans cette ville merveilleuse depuis plus de trente ans. Nous marchons jusqu'à un restaurant familial comme nous en avons souvent cherchés lors de notre voyage dans le sud en juin dernier. Pâtes al dente, accueil charmant... Le Tibre est à deux pas. Tout est d'ailleurs à deux pas de l'appartement que nous avons loué via Ripetta, près de la Piazza del Popolo...


La Tour Eiffel, le Mont Blanc, Walt Disney !... Afin d'être crédible je photographie Françoise Piazza di Spagna. Peu de touristes. Douceur de l'automne. Les automobiles sont interdites dans le centre. Les seules que nous croisons sont celles des carabiniers. En remontant le Corso nous remarquons le design inventif de certains magasins, mais les vêtements exposés sont d'une triste banalité. Des glaciers me font de l'œil à tous les coins de rue. Je craque.