70 Voyage - janvier 2017 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 24 janvier 2017

Tête en l'air


Dans la nuit glacée. Dans la ville déserte. Pas âme qui vive. Pas un chat. Pas à pas. Nez en l'air. Les toits. Fumée. Le temps n'existe plus. Le temps qu'il fait. Le temps passé. Le temps de voir et d'écouter. La nuit des temps. Ne plus bouger. Un peu. À l'œil. Bruit sec dans le froid. Disparaître. Avancer. Doucement. Observer. Un cygne. Mémoire. Des gants. Il suffit de souffler trois fois dans ma capuche pour que mes oreilles se réchauffent. Mais le plus étonnant vient d'ailleurs. De ma voix. Dans le grave. J'ignore encore pourquoi j'ai émis ce son soufflé sur le houx. Pour me donner du courage ? Pour souligner les pas ? Pour me réchauffer ? Comme ça ? Sur ce son, mais seulement sur ce son, toute la capuche, mais alors toute la capuche, entre en résonance. Sans aucune possibilité de le dupliquer. Battent les tempes. Je suis mon unique auditeur. Le spectateur d'une scène étrange. J'avance le long de l'Ill au son répété de ce grave qui m'envahit comme une torpeur. Une drogue. Y ai mis un terme de peur de suffoquer. La chaleur autour de mon crâne fait exploser le thermomètre. Fais sauter les pressions des boutons. Bascule ma capuche sur la mire asymétrique de l'éléphant Elmer. L'air file. Vivifiant. Ranimé. Intransmissible.

jeudi 19 janvier 2017

La Petite France


Le temps est plus clément que je ne l'avais imaginé alors que la météo annonce -10°C à Strasbourg. Comme j'ai l'impression d'être ailleurs dans ma doudoune à damier multicolore, je fais attention en traversant les rues qu'un tramway ne m'écrase pas. Je n'ai jamais oublié Gaudí. En tournant la tête complètement, sans faire bouger la capuche qui tient mes oreilles au chaud, mon œil gauche voit à droite et le droit à gauche. Le conducteur aurait néanmoins du mal à ne pas m'apercevoir. Ce sont toujours des Africains ou de vieilles dames qui me complimentent sur mon accoutrement. Je ne m'attendais pas à réunir autant de suffrages, enfoncé dans mon duvet portable qui me fait ressembler à Arlequin, l'éléphant Elmer ou un Rubik's Cube.
Le trajet en TGV n'a duré qu'une heure quarante cinq minutes alors qu'il y a quelques années il fallait quatre ou cinq heures. La frontière est la porte à côté. Sur le chemin de l'hôtel je passe saluer Philippe Ochem qui fête la fin de son festival de jazz dans un bar à bière où nous étions allés avec Birgitte et Linda lorsque nous avions joué La chambre de Swedenborg au Musée d'Art Moderne et Contemporain il y a déjà cinq ans. Chaque membre de l'équipe de Jazzdor a choisi un livre qu'il ou elle a aimé cette année pour fêter les soixante ans de Philippe. Le carton, terriblement lourd, déborde de merveilleuses promesses.
Si ma famille est originaire d'Alsace, je viens toujours à Strasbourg pour la musique ou pour enseigner à l'HEAR (Haute École des Arts du Rhin) que l'on appelait autrefois les Arts Décos, mais qui a fusionné avec l'École supérieure d'art de Mulhouse (Le Quai) et des enseignements supérieurs de la musique du conservatoire de Strasbourg. Toujours invité par Olivier Poncer, cette fois pour les sections Didactique Visuelle, Communication Graphique et Illustration, je commencerai demain matin par "ma vie, mon œuvre", puis je suivrai des ateliers dont le thème est cette année Léonard de Vinci. Notre Machine à rêves est au goût du jour !
En 1983 le grand orchestre du Drame avait créé L'homme à la caméra de Vertov et la pièce de théâtre musical Chambre noire à l'occasion de la première édition de Musica. Nous sommes revenus pour un ciné-concert au MAMC en trio avec Bernard Vitet et le violoncelliste Didier Petit, puis en 2009 l'opéra Nabaz'mob avait occupé la salle historique de l'Aubette pour les Nuits Électroniques de l'Ososphère. Heureusement qu'il y a des festivals à Strasbourg et des étudiants curieux, sinon je me ferais encore plus rare.
Que le centre soit piéton, rempli de jeunes gens à bicyclette, rend cette ville toujours aussi agréable. Le quartier de la Petite France a quelque chose de mystérieux, entre le voyage dans le temps et un parc d'attraction désert. Il faut dire que c'est déjà la nuit. Je marche seul à la recherche d'un Winstub où dîner, mais les restaurants ferment tôt. Celui sur lequel j'avais jeté mon dévolu a totalement disparu. Un trou noir. J'avais heureusement grignoté une flàmmeküeche avec une blonde pression tout à l'heure à L'Abattoir. Le froid a fait chuter la batterie de mon iPhone. Sans repère, je n'avais plus le choix si je voulais manger quelque chose avant d'aller me coucher. La choucroute sera correcte, mais banale. En rentrant à l'hôtel j'ai récupéré un petit plan, à l'ancienne, un qui se plie. J'ai vérifié mon itinéraire pour demain matin en passant par la magnifique cathédrale gothique avant d'enjamber l'Ill.

lundi 9 janvier 2017

Vers la chaleur ?


Françoise a choisi de partir faire du ski pendant la seconde quinzaine de février. N'ayant aucune aptitude ni attirance pour ce sport, ni pour la neige et encore moins pour le froid, je préférerais aller voir dans un pays chaud si j'y suis. J'ai probablement été dégoûté par les sports d'hiver lorsque j'étais enfant, envoyé par mes parents en colonie de vacances. Je ne me souviens que des vingt minutes quotidiennes à défaire les lacets gelés de mes lourdes chaussures. Je sais que la technique a considérablement évolué, mais le seul attrait pour moi serait d'y observer les animaux sauvages. J'avais bien essayé le ski de fond, mais c'était encore pire. Glisser sur des rails sans pouvoir s'échapper sur les côtés m'avait procuré une sensation quasi claustrophobe. Comme la vitesse à fendre l'air n'a jamais généré chez moi de sensation de liberté je ne souhaite pas attendre toute la journée à la maison les skieurs partis s'éclater sur les pentes pyrénéennes. Évidemment le paysage de Lespone est magnifique enneigé, mais je crains de passer tout le séjour le nez dans ma liseuse ou sur un écran, sport que je pratique déjà toute l'année à taper ces lignes.
Le problème est que je n'ai aucune envie de partir seul découvrir le monde. Si je ne trouve pas de compagnon de voyage ou que je ne reçois pas d'invitation locale, je risque fort de rester à Bagnolet avec Django et Oulala, qui actuellement passent leur temps à copuler comme des bêtes, même si l'entreprise me semble un peu prématuré pour le petit. D'ici là les chaleurs de la chatte seront de l'histoire ancienne. Mon besoin de soleil sera par contre encore plus exacerbé dans un mois et mes vingt minutes de sauna chaque matin ne seront pas suffisants à apaiser ma soif de voyage. L'Asie a toujours été l'une de mes destinations favorites, pour des raisons à la fois paysagères, humaines et gastronomiques, mais je me vois bien m'envoler pour un autre continent. J'ai toujours senti la nécessité de visiter des pays où l'on ne parle pas ma langue. Le dépaysement me permet de regarder le monde sous un angle différent, que ce soit en vivant comme les autochtones ou en reconsidérant mon quotidien parisien banalisé par les habitudes. A part cela j'aime l'eau chaude et m'y baigner, les paysages sauvages qui rappellent mon humanité à son espèce de mammifère, et les couleurs éclatantes des populations qui ont d'autre préoccupation que de se plaindre !