Mets exotiques
Par Jean-Jacques Birgé, mardi 4 avril 2006 à 07:44 :: Cuisine :: #78 :: rss
La devise de ma famille est : "Manger avec quelqu'un qui n'a pas d'appétit, c'est discuter beaux-arts avec un abruti".
J'ai tenté de commander du serpent à sonnette ou de l'alligator, chez Exotic Meats|http://www.exoticmeats.com], mais, situés sur la Côte Ouest des USA dans l'état de Washington, ils ne livrent pas de produits frais en Europe. Je me suis rabattu sur les criquets en chocolat de chez Fluker's, mais c'est la même chose, pas d'envoi hors Amérique du Nord. Pas moyen de trouver le site de la firme thaïlandaise Proglen Trading Co., Ltd, je fais une croix sur le flan de larves de cafards, la fricassée de chenilles à la tomate, les cookies de fourmis, les guêpes au riz dont j'ai trouvé les recettes dans l'excitant livre de Christophe Casazza et Virginie Descure, Le cabinet des curiosités culinaires.
Je peux toujours tenter d'attraper 450 grammes de mites pour en faire un cake, mais je suis loin du compte, et il ne suffit pas de cueillir les gratte-culs sur mon églantier, je sais bien que c'est un boulot monstrueux pour en tirer de quoi faire une soupe. Un petit tour chez Tang Frères ou l'une des nombreuses épiceries du XIIIème ou de Belleville me consolera avec une petite salade de méduse, des œufs centenaires, des crabes à la carapace molle, des tortues frites, des holothuries (limace de mer appelée aussi concombre de mer pour ne pas effaroucher le touriste), des langues de canard ou toutes les viandes laquées. Je suis particulièrement friand de l'oreille de porc, des tripes ou d'un simple œuf traités de cette manière. On trouve des trésors chez Paris Store, encore faut-il savoir les cuisiner. Parfois je fais des petites erreurs qui terminent à la poubelle ou qui me font inventer une petite recette merveilleuse. Dommage qu'on trouve rarement dans les restaurants la cuisine familiale autrement plus riche et variée, et surprenante !
Les adresses du livre cité sont hélas inaccessibles et le bouquin est plus facteur de rêves que réellement pratique. Dommage ! Je me souviens que lorsque j'étais petit mes parents nous emmenaient chez Paul Corcellet à l'Opéra pour acheter quelques plats exotiques surgelés. Corcellet fut le premier à concevoir ce type de conservation des aliments à cette fin, il fut aussi le premier à importer les avocats ou les kiwis, et à proposer des vinaigres et des moutardes aromatisés. Grand bonhomme toujours en nœud pap, il vous faisait goûter un vinaigre de cidre au miel dans une petite cuillère, à dix heures du matin, en prétendant que c'était "comme un bonbon". Il expliquait à mon ami Bernard Vitet, un peu choqué par les propos de l'inventeur, que les végétariens n'avaient que peu d'imagination, de ne pas entendre le cri de la carotte quand on l'arrache de terre. Il prétendait honorer les animaux qu'il nous faisait dévorer en les cuisinant avec amour. J'ai ainsi goûté du serpent, du caïman, de la girafe, de l'hippopotame, du buffle, de l'antilope, de l'ours, du singe, du chocolat aux termites (qui se coincent dans les dents), j'ai même bouffé du lion et le plus succulent de tout, la trompe d'éléphant. C'était il y a quarante ans et toutes ces espèces n'avaient pas été décimées pour bien d'autres raisons que la cuisine. Aujourd'hui il y a des troupeaux de bisons en Auvergne, des élevages de kangourous en Bretagne, je ne sais pas d'où viennent les steaks d'autruche, mais toutes ces viandes n'ont rien de particulièrement extraordinaire comparées aux viandes que nous consommons sous nos tropiques. La plupart du temps, c'est la recette qui fait la différence, il y a une façon de cuire le requin pour qu'il ne soit pas sec et bourratif.
Mes voyages lointains m'ont parfois poussé à braver certains tabous culinaires, je ne veux choquer personne ou je ferai cela une autre fois. Il me reste encore un bon kilo de chenilles grillées dites Mopani découvertes dans le township d'Alexander à Johannesburg en compagnie de Johnny Clegg. Vous auriez dû voir la tête des zoulous lorsque Clegg leur raconta qu'en France on était friands de grenouilles ou d'escargots ! Je ferais bien le voyage exprès à Marrakech à l'automne pour savourer l'excellente soupe d'escargots relevée que les marchands ambulants proposent place Djema El Fna, mais j'éviterai désormais les cocons de vers à soie dont sont friands les écoliers de Séoul et qu'on trouve au coin des rues, mais je me referais bien une tournée de sushis ou une bonne soupe Phò au petit-déjeuner.
Tiens c'est justement l'heure du petit-dej. Je me contenterai de mes classiques barres de céréales au chocolat et d'un jus d'orange. C'est une journée où il faut prendre des forces. Nous installons toujours Les Portes galerie Royale, tandis que la grève générale bat son plein. Le temps printanier est parfait pour une grande manif...
Commentaires
1. Le jeudi 15 janvier 2009 à 19:00, par voiture
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