70 juillet 2006 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 31 juillet 2006

La plus vieille salle de cinéma du monde


Le jour de l'arrivée de notre train en gare de La Ciotat, j'ai raconté la filiation étonnante de Françoise avec l'histoire du cinématographe. En passant en décapotable devant l'Eden Théâtre, j'ai pris une photo du plus vieux cinéma du monde. Aucune carte postale en vente nulle part ! Le 21 septembre 1895, eut lieu, la première projection, sur invitations, du Cinématographe Lumière. C'est là que les spectateurs s'affolèrent devant les images du train fonçant dans leur direction, et non pas à Paris deux mois plus tard, le 28 décembre, au Salon Indien du Grand Café, première séance publique payante du Cinématographe Lumière, car le programme parisien ne comportait pas ce film-ci.
Dès 1892, Antoine Lumière, le père des illustres Auguste et Louis, acquit 90 hectares, de la plage jusqu'à la colline, à la Ciotat. Nombreux de leurs films y furent tournés lorsque la famille s'y réunissait le week-end. Leur résidence, le Palais Lumière, existe toujours également, transformée en appartements.

dimanche 30 juillet 2006

L'animalité de l'homme


Le titre de cet article ne suggère nullement qu'un baiser pourrait transformer cette grenouille en prince charmant. Rien ne me détend plus qu'admirer la nature. La contemplation des animaux me plonge dans un abîme de perplexité et me renvoie à l'animalité de l'homme. Voilà longtemps que j'essaie d'imaginer une vision complexe de l'être humain, quelque théorie qui associerait Freud, Marx et cette troisième composante. Tenter de comprendre l'homme sans évoquer sa nature de mammifère me semble vouer à l'échec. Si le matérialisme historique me semble toujours le meilleur système analytique pour comprendre les grands mouvements de civilisation et si la notion d'inconscient renvoie aux motivations secrètes qui forgent chaque individu dans leur différence, la biologie me séduit par ce que tous les êtres vivants ont de commun, et la génétique fait parfois exploser à notre figure des évidences brutales. Le pourquoi reste toujours aussi énigmatique, mais on commence à effleurer une réalité complexe montrant que nos motivations ne peuvent s'arrêter à un seul système d'analyse. On ne pourra comprendre nos créations, nos crimes et nos suicides en restreignant l'analyse aux phénomènes sociaux (Marx) et à ce qui leur résiste en chaque individu (Freud). S'en contenter, c'est réfléchir comme si l'homme était seul sur Terre. C'est vrai, il agit comme tel. Pourtant, quel vecteur porte donc l'espèce, qui nous rapproche de ce qui nous est le plus étranger, la nature ? De quelles forces sommes-nous les enjeux, voire les véhicules ?
Hier soir, près de la piscine, sur une frite bleue rêvait une rainette arboricole. Les canards ne l'avaient pas encore repérée. Le matin, nous suivions sous l'eau les bancs de girelles, de saupes et d'autres petits poissons très joueurs comme ces minuscules virgules violet électrique. Pas de rapport. C'est dimanche.

samedi 29 juillet 2006

Architecture navale


Ce n'est pas l'angle auquel j'avais pensé, j'aurais préféré prendre le cliché d'un peu plus loin pour qu'on aperçoive aussi la ville, depuis l'autre côté du chenal, devant l'ancienne mairie transformée aujourd'hui en musée - la nouvelle est une immense bâtisse hideuse qui n'arrive pourtant pas à défigurer la beauté du site, le chantier naval désaffecté et le golfe transformé en joli port de plaisance - mais nous nous sommes retrouvés au bout du quai pour dîner. C'est étonnant comme on mange mal dans le sud-est de la France. Trouver un restaurant correct à La Ciotat tient du pari stupide. J'étais tout de même content de pouvoir prendre les grues et les ponts devant les Trois Secs, les gros rochers qui se jettent dans la mer. Michel Simon y possédait une maison isolée, repérée depuis les hauteurs du Chemin de Sainte-Croix. J'ai eu la chance de le voir jouer Du vent dans les branches de sassafras avec Caroline Cellier à ses débuts au Théâtre Grammont en 1965, mes premiers émois amoureux. On peut se rendre compte de la taille des installations près des hangars qui, à côté, semblent minuscules. Colossal, comme avait dit mon correspondant allemand devant la Tour Montparnasse fraîchement construite !

vendredi 28 juillet 2006

Faut-il rayer la Colombie de la carte du monde ?


Hier, une auditrice de France Culture s'interrogeait en direct à l'antenne. Si Israël attaque le Liban parce que le Hezbollah a enlevé un soldat israélien d'origine française, la France n'est-elle pas en droit de raser immédiatement la Colombie si Ingrid Betancourt n'est pas libérée par les FARC ?

Lire billets du 14 juillet (Autodestruction) et du 24 juillet (Pétitions pour le Liban).

jeudi 27 juillet 2006

La mue


Il n'est pas facile de changer de peau. Parfois les événements nous y aident. Que l'on perde son emploi ou la personne qui partage notre vie par exemple, et nous y sommes forcés. Toute résistance à ces transformations est encore plus dangereuse, jusqu'à s'y perdre, corps et âme. L'animal reste le même, mais il change de peau pour s'adapter à ses nouvelles conditions de vie. Le besoin de ce que l'on a coutume d'appeler "changer" n'est rien d'autre que la nécessité d'accepter ce que nous sommes, pour réduire la souffrance que génère la "difficulté d'être".
Nous ne sommes pas à un paradoxe près. La douleur ne se contrôle pas en la refusant, mais en l'apprivoisant. Le fakir connaît la chanson. Lorsque la douleur se présente, donnons lui des noms, décrivons la avec force détails, elle s'estompera comme par magie. Sur les montagnes russes de la fête foraine, il y a deux sortes de réactions devant la peur, certains hurlent en se penchant dans le sens de la pente et s'amusent, les autres crient tout autant mais se cabrent en arrière et finiront par aller vomir dans un coin sombre. Je rends grâce à Jean-André Fieschi qui, lorsque j'avais vingt ans et souffrant d'un panaris, me donna à lire Le bras cassé d'Henri Michaux. Je réussis à m'endormir. Vingt-cinq ans plus tard, j'en cueillis enfin les fruits en contrôlant la douleur par le seul fait de l'accepter. N'oublions pas que je suis un homme, et les garçons supportent beaucoup moins bien d'avoir mal que les filles. En 1975, je n'avais assimilé de Michaux que l'exergue : "Nous ne sommes pas un siècle à paradis, nous sommes un siècle à savoir". Pas si mal !
Revenons à nos moutons, ceux sur lesquels nous comptons pour sombrer dans les bras de Morphée. Du dieu des rêves à leur maître il n'y a qu'un pas, et la lecture de leur interprétation fut d'une aide précieuse pour comprendre comment ça marche. Comme je me plaignais à une amie philosophe de reprocher toujours les mêmes griefs à mes compagnes et ce malgré leurs différences fondamentales, je compris que le seul point commun était moi. Je ne pouvais donc leur en vouloir que de moi-même. Les conflits se désamorceraient d'eux-mêmes dès lors que j'accepterai l'autre au lieu de tenter vainement de le changer. Car on ne change personne, ni soi ni les autres. Un peu bouddhiste, n'est-ce pas ? Et pourquoi pas ! Les religions partent souvent de bons sentiments et d'analyses brillantes. Les prêtres les pervertissent en voulant les rendre accessibles au peuple et en profitent pour les transformer en armes de contrôle. Toutes les révolutions sont brèves, ou plus justement, les rêves durent peu, mais les conter prend du temps.
Les différents âges de la vie exigent d'adapter notre vision à notre corps. Chaque période a ses bienfaits et ses inconvénients. Réussir sa mue, c'est accepter qui nous sommes, en en précisant les perspectives vectorielles, sans se réfugier dans le passé par crainte du futur. Il faut toute une vie pour apprendre qui nous sommes, à savoir autre que ce que nos parents ont rêvé faire de nous. Et nous nous éteignons enfin dans la paix retrouvée. Entre temps, il aura fallu plusieurs fois changer de peau pour conserver l'équilibre précaire qu’on appelle une vie.

mercredi 26 juillet 2006

David et Goliath


Dans la petite barque de profil en bas à droite, rame Jean-Claude, le père de Françoise. Il embarquait souvent sa fille regarder les mises à l'eau. Le port de La Ciotat a été désarmé, les chantiers fermés, la ville communiste est passée à droite. Il reste de nombreuses traces de cette période d'intense activité. Les grues sont toujours là. Il faudrait les classer monument historique avec le reste des installations monumentales toujours en place. J'essaierai d'en faire une photo ces jours-ci, aucune carte postale ne les montre comme elles sont, surplombant la ville de toute leur majesté. Le long de la plage, il n'y a pas une seule construction de plus de trois étages, ça tranche avec le reste de la côte. La Ciotat n'est pas encore défigurée par le tourisme comme sa voisine Cassis. Les navires ont disparu, mais Jean-Claude continue de pêcher avec son nouveau pointu. La dernière fois, Françoise et moi avons joué à la pêche miraculeuse, dix kilos de sévereaux, nous étions fiers comme Artaban.

mardi 25 juillet 2006

La tarente


Depuis le temps que je passe mes dîners ciotadens la tête en l'air, à admirer les tarentes se repaître des insectes qui volètent autour du globe lumineux, j'ai fini par les chercher sur Google. La Tarentola mauritanica, dite gecko des murs, est protégée en annexe 2 de la convention de Berne. Je lis avec surprise qu'elle chante, émettant un petit cri que je vais maintenant tenter de surprendre, "vu" qu'aucun d'entre nous n'y a jamais fait attention. Cela ressemblerait à un truc aigu du genre "Gekk - Ho !".

lundi 24 juillet 2006

Pétitions pour le Liban


Dix jours après mon billet du 14 juillet (Autodestruction), je recopie les messages des cinéastes libanais et israéliens, en les faisant précéder par un texte de Berger, Chomsky, Pinter et Saramago que je viens de traduire.

UNE LETTRE

Le dernier épisode du conflit entre Israël et la Palestine a commencé quand les forces israéliennes ont enlevé deux civils, un docteur et son frère, de Gaza. Un incident à peine relaté, sauf par la presse turque. Le lendemain, les Palestiniens ont fait prisonnier un soldat israélien - et proposé de l'échanger contre des prisonniers en Israël - ils sont approximativement 10 000 ans dans les geôles israéliennes.
Que ce "kidnapping" soit considéré comme une provocation, tandis que l'occupation militaire illégale de la rive ouest et l'appropriation systématique de ses ressources naturelles - en particulier l'eau - par les forces de défense (!) israéliennes sont considérées comme un regrettable, bien que réaliste, fait divers, est typique du double discours régulièrement servi depuis 70 ans par l'Occident aux Palestiniens, sur la terre qui leur a été allouée par des accords internationaux. Aujourd'hui la provocation en suit une autre ; des missiles artisanaux en croisent des sophistiqués. Ces derniers atteignent habituellement leur cible là où vivent entassés les déshérités, attendant ce que l'on a coutume d'appeler la Justice. Les deux catégories de missiles déchiquètent les corps dans l'horreur - qui d'autres que les officiers sur le terrain peuvent l'oublier un seul instant ?
Chaque provocation et contre-provocation est contestée et prônée. Mais tous les arguments, accusations et vœux qui s'en suivent, ne servent qu'à distraire et détourner l'attention du monde d'une incessante pratique militaire, économique et géographique à long terme dont le but politique n'est rien d'autre que la liquidation de la nation palestinienne.
Ceci doit être clamé haut et fort parce que cette pratique, seulement à moitié avouée et souvent secrète, avance ces jours-ci rapidement, et, à notre avis, doit être reconnue, sans délai et pour toujours, pour ce qu'elle est, et dénoncée.

John Berger, Noam Chomsky, Harold Pinter, José Saramago

PÉTITION POUR LE LIBAN DES CINÉASTES LIBANAIS

Le Liban brûle.
Depuis une semaine, Israël bombarde le Liban, Jusqu'à présent, le bilan est de plus de 300 morts et d'un millier de blessés. 500 000 personnes ont quitté leurs maisons et sont devenues des réfugiés. Et le peuple libanais est pris en otage sur son sol, en violation de toutes les conventions internationales. Parallèlement Israël procède à la destruction de toutes les infrastructures (routes, ponts, centrales électriques, aéroports et ports civils...) et institutions de la République Libanaise (armée, défense civile, croix rouge...).
À l'heure où certains clament que toute nation a le droit de se défendre, le Liban, même à genoux, refuse cet engrenage irresponsable. L'armée libanaise, continuellement bombardée, a reçu comme consigne de ne pas répliquer. Face à ce message de Paix, Israël poursuit pourtant ses attaques.
Face à une situation humanitaire catastrophique, nous cinéastes, intellectuels, artistes libanais demandons l'arrêt de la violence et exigeons un cessez le feu immédiat.
Nous lançons un appel à la communauté internationale et particulièrement au peuple français, à ses cinéastes, à ses intellectuels, à ses artistes, afin de faire pression sur ses représentants politiques et exiger le respect des résolutions des Nations Unies sans exception et surtout le respect des droits de l'homme.
C'est un cri, un appel pour la défense de la République et de la Nation Libanaise, message et symbole de pluralité et diversité. Votre mobilisation, votre signature, comptent.
Envoyez vos signatures à : info@neabeyrouth.org / danielle@neabeyrouth.org

MESSAGE DE SOLIDARITÉ AUX CINÉASTES PALESTINIENS ET LIBANAIS

Nous, cinéastes israéliens, saluons tous les cinéastes arabes réunis à Paris pour la Biennale du cinéma arabe. À travers vous, nous voulons envoyer un message d'amitié et de solidarité à nos collègues libanais et palestiniens qui sont actuellement assiégés et bombardés par l'armée de notre pays.
Nous nous opposons catégoriquement à la brutalité et à la cruauté de la politique israélienne, qui a atteint de nouveaux sommets au cours des dernières semaines. Rien ne peut justifier la poursuite de l'occupation, de l'enfermement et de la répression en Palestine. Rien ne peut justifier le bombardement de populations civiles et la destruction d'infrastructures au Liban et dans la bande de Gaza.
Permettez nous de vous dire que vos films, que nous nous efforçons de voir et de faire circuler autour de nous, sont très importants à nos yeux. Ils nous aident à vous connaître et à vous comprendre. Grâce à ces films, les hommes, les femmes et les enfants qui souffrent à Gaza, à Beyrouth, et partout où notre armée déploie sa violence, ont pour nous des noms et des visages. Nous voulons vous en remercier, et vous encourager à continuer de filmer, malgré toutes les difficultés.
Quant à nous, nous nous engageons à continuer d'exprimer, par nos films, par nos prises de paroles et par nos actions personnelles, notre refus de l'occupation et notre désir de liberté, de justice et d'égalité pour tous les peuples de la région.

Nurith Aviv, Ilil Alexander, Adi Arbel, Yael Bartana, Philippe Bellaïche, Simone Bitton, Michale Boganim, Amit Breuer, Shaï- Carmeli-Pollack, Sami S. Chetrit, Danae Elon, Anat Even, Jack Faber, Avner Fainguelernt, Ari Folman, Gali Gold, BZ Goldberg, Sharon Hamou, Amir Harel, Avraham Heffner, Rachel Leah Jones, Dalia Karpel, Avi Kleinberger, Elonor Kowarsky, Edna Kowarsky, Philippa Kowarski, Ram Loevi, Avi Mograbi, Jad Neeman, David Ofek, Iris Rubin, Abraham Segal, Nurith Shareth, Yael Shavit, Julie Shlez, Eyal Sivan, Eran Torbiner, Osnat Trabelsi, Daniel Waxman, Keren Yedaya.
contact :
Simone Bitton : simoneb@noos.fr / Avi Mograbi: mograbi@netvision.net.il

PÉTITIONS A SIGNER :
http://epetition.net/julywar/index.php et http://www.PetitionOnline.com/Jul06Leb/

MANIFESTATION : Cessez le Feu !
Rassemblement pacifique mardi 25 Juillet, à 19h30, Mur de la Paix, Champ de Mars.

Giraï, 96 ans


L'oncle de Françoise a survécu au génocide arménien de 1915. Les paysans turcs, qui ne pouvaient pas avoir d'enfant ou qui avaient besoin de main d'œuvre, adoptaient les garçons ravis à leurs parents. À Trébizonde, le père de Giraï, négociant en tabac, a été pendu à la cave, le bébé a été étouffé, sa mère s'est cachée pendant deux ans derrière une commode aménagée chez des amis. Elle a laissé filer son fils pour lui sauver la vie. Le petit s'est retrouvé à garder des vaches dans la montagne. Au passage de l'armée russe, les soldats montrèrent des photos aux gamins. Giraï aurait reconnu ses parents sur l'une d'elles. Récupéré par un oncle à Batoum et envoyé seul sur un cargo vers Constantinople, il ne retrouvera sa mère que quatre ans plus tard. Dans ce qui deviendra Istamboul, on ne persécutait pas les Arméniens comme en Anatolie. La mère et son fils fuirent à Paris, où ils vivront ensemble dans une toute petite chambre, même après la naissance de Rose en 1927. Rosette a dix-sept ans d'écart avec son frère.
Giraï, bien qu'il ait été freiné par le bris du col du fémur, est toujours aussi drôle, taquin et passionné par le monde en mouvement. Il y a encore deux ans, il grimpait toujours la côte à vélo, fomentant de nouvelles inventions vélocyclistes qu'il comptait faire breveter au Concours Lépine à Paris. Il déteste se sentir assisté, ayant très tôt compris que sa longévité dépendait de son agilité, intellectuelle et physique. Giraï (Gérard en arménien) a toujours préféré marcher plutôt qu'on le raccompagne chez lui en voiture. Et tandis qu'il trotinne, il fredonne des chansons des années 30-40, que dis-je fredonne, chante à tue-tête avec un trémolo à donner le vertige, pour exercer sa mémoire. Les jambes et la tête, gages de mobilité !
Cela m'amuse toujours qu'il m'appelle "mon petit", me renvoyant au paradoxe de l'âge. Il se passionne pour les nouvelles technologies, la mémoire des ordinateurs, la qualité des images numériques... Même s'il avait acheté deux magnétophones à bande, dès 1955, pour correspondre avec Françoise et Anny qui vivaient avec leur mère et leur grand-mère à Marseille, ce n'était pas sa sphère d'intervention. Il avait vendu des journaux à une terrasse de café de la Porte de Montreuil fréquenté par tous les gitans. Rosette se souvient bien de Django Reinhardt. Refait à neuf avec des fauteuils en skaï, le café fut déserté. Giraï livrait ensuite les kiosques le dimanche. Lorsqu'Adriana, la nièce de Françoise, est venue avec la décapotable de son père, Giraï n'attendait qu'une chose, aller faire un tour sur le port et le long de la plage. La capote automatique, encore plus que le GPS, le fascine comme le reste de nos gadgets électroniques. Il y a trois ans, je lui avais demandé quel était le plus beau moment de la vie. Il répondit sans hésiter "la jeunesse" et que s'il avait su alors ce qu'il avait appris depuis... Impatient, je le coupai, comme cela m'arrive souvent : "Tu serais une bombe ?!". "Non non non", hocha-t-il, "tout en délicatesse !".
Françoise a tourné une quantité de cassettes vidéo avec et sur Giraï qui serviront très probablement au prochain film qu'elle prépare.

dimanche 23 juillet 2006

Le jardin des délices (1)


C'est une tarte à la crème, mais elle a goût de tomate, chaude et sucrée. Impossible de trouver ce parfum sur les marchés. À vouloir calibrer les formes, on a fait disparaître le goût. Sur les hauteurs qui surplombent la mer, nous dévorons les fruits avec un appétit sexuel que l'été suscite avec ses abandons de sieste, chair moite et veloutée, rougeurs éclatantes. Le suc vous en dégouline des commissures des lèvres, coule le long du menton et caresse le ventre. Arrêtons là les métaphores que susurre ce jardin des délices, nous risquerions de sombrer dans le superlatif, perversions polymorphes et concours puérils, tant la taille des légumes est impressionnante : courgettes, aubergines, potimarrons, poivrons, oignons, tomates et les flagrances enivrantes... Nous cueillons les figues et les amandes fraîches, les prunes japonaises, les raisins verts, les derniers abricots, les premières noisettes... Et nous nous endormons.

Suite le 17 août !

samedi 22 juillet 2006

Sextant, une revue musicale digne de ce nom


Sextant est une revue "acoustellaire" et, il me semble, trimestrielle. Deux numéros sont déjà sortis, le premier consacré au contrebassiste Henri Texier, le second au duo constitué, tête-bêche, du claviériste Benoît Delbecq et du batteur Steve Argüelles. Chaque numéro tourne autour de sa tête d'affiche, entourée d'entretiens avec ses proches collaborateurs et d'articles satellites. La mise en pages, aérée et intelligemment illustrée, est particulièrement soignée, la qualité des articles nettement au-dessus de la moyenne et le tout est accompagné d'un CD ou d'un DVD truffés d'inédits. Les entretiens sont suffisamment longs pour que les compositeurs interrogés aient le temps de s'exprimer et leur approche est d'une précision et d'un niveau rarement abordés dans les journaux de musique (voir billet du 29 juin).
Le n°1 convoque Noël Akchoté, Guy Le Querrec, Julien Lourau, Manu Codjia, Tony Rabeson, Label Bleu, avec des articles sur l'esclavage ou la spiritualité navajo... Le DVD offre des extraits du très long entretien avec Texier, plusieurs petites pièces sonorisées avec la guitare d'Akchoté et le court-métrage sur Sangatte de Laura Waddington, Border.
Le second rassemble Guillaume Orti, Olivier Sens, Christophe Disco Minck, Charlie O., Olivier Cadiot (écrivain à découvrir absolument si ce n'est déjà fait, j'y reviendrai, ses pièces de théâtre font partie des rares où je ne me suis pas ennuyé), Sylvie Astié, Marcelline Delbecq, Dominique Petitgand, des articles sur le label Plush, l'alchimie et l'Oulipo. J'avoue être plus sensible aux préoccupations des invités de ce second numéro, et le CD qui l'accompagne propose une série d'inédits passionnants : Ambitronix, Argüelles et Req, Charlie O., un remix de Rokia Traoré par les Recyclers, les mêmes avec Olivier Cadiot, plus Ashley Slater, et Jay Gottlieb interprétant une pièce pour piano de Delbecq. Cette compilation est extrêmement agréable et m'a tenu en éveil jusqu'à ce que je m'endorme délicieusement sur le dernier morceau, heure de la sieste oblige.

Rappel : Henri Texier fut l'invité d'Un Drame Musical Instantané en 1992 sur Pour garder l'ADN en état 409 où il joue du oud (Opération Blow Up, GRRR 2020). Nous lui devons l'initiative de Sarajevo Suite que je dirigeai artistiquement en 1994. C'était la première fois qu'Henri enregistrait avec son fils Sébastien.
Benoît Delbecq et Steve Argüelles jouèrent sur plusieurs morceaux de Machiavel en 1998 (GRRR 2023). J'ajouterai que j'ai adoré jouer sur scène avec Henri lorsqu'il improvisait, que Steve est l'un des meilleurs batteurs que j'ai rencontrés (nous nous sommes connus lorsqu'il remplaça Jacques Thollot au pied levé sur Birgé Hôtel aux Instants Chavirés ; je n'aime que les batteurs qui font chanter leur fûts) et que j'adore la gentillesse et la subtilité de Benoît, que j'appelle Bip Bip tant il est difficile de saisir au vol ce camarade enjoué, toujours parti par monts et par vaux !

vendredi 21 juillet 2006

Une ferme en plein centre ville


On n'entend que le chant assourdissant des cigales ponctué de quelques roucoulements des tourterelles venues voler le grain des canards. De temps en temps, les cols verts et les espagnols s'appellent ou s'intimident les uns les autres. Les canes protègent leurs petits des mâles assassins. Ce matin, nous étions inquiets de leur approche lorsque nous assistâmes à une volte face paradoxale. Une des canes dirigeait ses canetons comme un capitaine exhortant ses troupes à l'assaut des envahisseurs. C'était à croquer. Les trois adultes furent repoussés hors de la mare. À force de travail patient et obstiné, les 3000 mètres carrés de terrain vague avec mobile home et cabanon sont devenus verger et potager devant trois maisons souriantes. Il y a même une piscine gonflable pour se rafraîchir. La canicule est certainement plus supportable ici que dans le Nord. Près des ruches gît une 2CV fourgonnette abandonnée qui donne une touche définitivement campagnarde à ce miracle ciotaden. Nous sommes à deux pas de la mer où nous pouvons descendre en maillots de bain, et nul ne pourrait imaginer un tel havre de paix au sein de la ville.

jeudi 20 juillet 2006

La cigale ayant chanté tout l'été


La Ciotat, le jour.
L'image du son.

mercredi 19 juillet 2006

Les Histoire(s) du cinéma aux oubliettes


Nous souhaiterions vous informer des derniers changements concernant votre commande. Nous avons le regret de vous informer que la parution de l'article suivant a été annulée : Jean-Luc Godard (Réalisateur) "Histoire (s) du cinéma - Coffret 4 DVD". Bien que nous pensions pouvoir vous envoyer ces articles, nous avons depuis appris qu'il ne serait pas édité. Nous en sommes sincèrement désolés. Cet article a donc été retiré de votre commande. Le compte associé à votre carte de paiement ne sera pas debité. En effet, la transaction n'a lieu qu'au moment du départ d'un colis.
Dans le dernier numéro du journal des Allumés, j'annonçai la sortie imminente d'une œuvre majeure de JLG : On attend toujours avec impatience cette ?uvre audio-visuelle unique, indis-pensable, duelle et unique, L'Histoire(s) du cinéma (...) dont la sortie est sans cesse repoussée, probablement pour une question de droits tant le maître du sampling y accumule les citations cinématographiques. Oui, en voilà de l'information, du monumental, du poétique freudien, de l'image et du son, de la musique (catalogue ECM) et des voix? Chacun y fait son chemin, alpagué par une citation intimement reconnue et qui vous emporte très loin. Chacun y construit sa propre histoire, la sienne et celle du cinéma. C'est un film interactif, plus justement, participatif. Devant ce flux incessant et multicouches (Godard accumule au même instant des images d'archives, son quotidien, des photos, les voix d'antan et la sienne, la musique, les bruits, tout cela mixé et superposé) à vous de trier, d'extraire, d'y plonger ! Un conseil : laissez le poste allumé et vaquez à vos occupations sans vous en soucier. En fond, mais à un volume sonore décent. Passant à proximité, vous aurez la surprise de vous faire happer par tel ou tel passage. Là tout chavire, ça vous parle, à vous seul, indentification due au jeu des citations, nouvelle façon de voir et d'entendre. Le génie de J-LG retrouvé. Et vous, au milieu, le héros de cette saga, l'unique sujet. (JJB, ADJ n°16)
Ici même le 16 juin, après plusieurs annonces de report, je commentai : Comment Godard négocie-t-il l'emprunt de ces milliers d'extraits protégés par le droit d'auteur ? Il est à parier que cette question n'est pas étrangère à l'ajournement des Histoire(s) en DVD. Godard cite, certes, mais avec ces emprunts il produit une œuvre nouvelle, totalement originale, à la manière de John Cage en musique. De toute façon, sa filmographie n'est qu'un tissu de citations, littéraires lorsqu'elles ne sont pas cinématographiques. Il n'y a pas de génération spontanée, Godard assume le fait que nous inventons tous et tout d'après notre histoire, la culture. Le travail du créateur consiste à faire des rapprochements, à énoncer des critiques, à produire de la dialectique avec tous ces éléments.
Existaient déjà l'édition papier Gallimard et la version audio en CD remixée pour ECM, mais il manquait fondamentalement l'original filmique. Grosse déception, Amazon avertit que ce chef d'œuvre absolu ne sera pas édité. Il ne me reste plus qu'à recopier l'enregistrement VHS réalisé sur Canal+ il y a une dizaine d'années, grâce à mon graveur DVD de salon, simple comme bonjour, Bonjour Cinéma !

Photo de Guy Mandery parue dans Le Photographe en 1976 : à droite, de trois quart dos avec catogan, on reconnaîtra le jeune collaborateur de Jean-André Fieschi, ayant mission de récupérer une paluche (caméra prototype Aäton qu'on tenait au bout des doigts) rapportée de Grenoble par JLG. Entre nous, le chef opérateur Dominique Chapuis. De dos, en costume blanc, je crois me souvenir qu'il s'agissait de Jean Rouch. Je fus nommé représentant de Aäton à Paris, mais je perdis l'affaire au bout de deux jours, après une mémorable soirée chez les frères Blanchet avec Jean-Pierre Beauviala, où Rouch se montra à mes jeunes yeux tel un grotesque mondain se gargarisant d'histoires que je considérai du plus mauvais goût, soit simplement sexistes et racistes. Le second degré avait dû m'échapper, mais Rouch était extrêmement différent sur le terrain et à Paris, et chaque fois que nous nous rencontrâmes je ne pus m'empêcher de me retrouver en profond désaccord avec lui, comme, par exemple, sur la diffusion des archives Albert Kahn qu'il aurait préféré voir projeter muettes et non montées, quitte à ce que cela ne touche qu'une poignée d'aficionados élitistes. Ceci n'enlève rien à la beauté de ses films (revoir Chronique d'un été coréalisé avec Edgard Morin, et le passionnant coffret incluant, entre autres, Les maîtres fous).

mardi 18 juillet 2006

L'arrivée de notre train en gare de La Ciotat


Année après année, Françoise filme ses départs de la gare de La Ciotat. À mon tour, je filme son arrivée tandis que Rosette nous attend sur l'autre quai. L'arrière grand-père de Françoise était le chef de gare à l'époque du film des frères Lumière, il avait préféré être chef de gare à La Ciotat plutôt que sous-chef à Toulon. Ce qui est magnifique, c'est que son autre arrière grand-père, Louis Trotobas, fut l'un des premiers acteurs de l'histoire du cinématographe puisqu'il était le gamin farceur de L'arroseur arrosé, celui qui marche sur le tuyau ! Françoise en a tourné un remake coquin au début de son film Thème je, elle raconte cette histoire le samedi, jour d'orgueil (parmi les 7 péchés capitaux du site, un pour chaque jour de la semaine).

lundi 17 juillet 2006

Sous les parasols


Comme il est agréable de se chamailler entre amis sur des sujets les plus variés, encore que cet après-midi tout le monde semblait d'accord sur les manipulations médiatiques, qu'on s'en foot ou qu'on assiste impuissants aux paranoïas guerrières... Le matin, nous avions commencé par le statut des intermittents pour terminer poussières d'étoiles. Tandis que les actualités squattaient mes derniers billets, nous nous reposions dans le Gard, partagés entre l'ombre et la piscine posée près des chevaux. Pascale et Jean ont transformé un ancien chai en somptueuse habitation et salle de spectacle lorsque l'envie s'en fait sentir. Quitte à venir s'isoler à la campagne, autant que le lieu soit accueillant, et nos amis de Nûba s'y entendent à merveille. À droite sur la photo, on reconnaîtra Jean-Pierre, un autre Allumé, cette fois du Triton, qui passait dans le coin avec Anna, nous faisant la surprise de leur visite. Antoine, le fils de nos hôtes, se joint à nous au déjeuner pour lequel j'avais confectionné des rillettes de sardines et Françoise avait composé un riz aux étrilles. Tout cela peut paraître anecdotique, mais la vie est aussi faite de ces moments de tendresse, plaisir de se retrouver entre amis, où la nature reprend ses droits et où nous pouvons laisser vibrer notre fibre animiste...

dimanche 16 juillet 2006

Le jugement de Salomon


Trois millions et demi de Libanais, peut-être seulement trois aujourd'hui avec la désertion des Chrétiens Maronites qui fuient leur pays depuis vingt ans, en goutte à goutte, la mort dans l'âme. Ils se sont disséminés partout sur la planète, marchands phéniciens, restaurateurs (ah, le mezzé !), hommes d'affaires... Où que l'on tourne son regard, le jardin idyllique est devenu un champ de ruines ou un immense chantier en construction. Comment est-il possible que le pays des cèdres ait de tous temps été l'enjeu de tant de convoitises ? Voyons les choses en face : une immaturité politique totale de la classe possédante, les Maronites précités (les quelques communistes ont disparu, Maroun se serait tué en tombant dans son escalier il y a près de quinze ans), un système tribal, mafieux (secret bancaire ; lupanar des Saoudiens ; tout y a un prix), moralement arriéré (prépondérance de la religion, dix-sept confessions officielles différentes ! Je rentrerai un de ces jours dans les détails, comme la chape de plomb qui pèse sur les filles, là-bas aussi)... Lorsque les Maronites se plaignaient du Hezbollah (en anglais Hizballah), parce que l'Iran finançait les villages et donnaient de quoi manger aux plus démunis, je demandais qui donc avait le pouvoir et l'argent avant la guerre. Et pourquoi n'avaient-ils pas alors un peu partager avec les pauvres, ceux qui, comme par hasard, sont de confession musulmane ? À leurs yeux, j'avais presque l'air d'un prophète en posant ces questions. Bon sens ne saurait mentir ! Au pays de Gibran Khalil Gibran, il n'y a plus qu'une poignée de cèdres millénaires dans la montagne, presque un square. La verdure a cédé la place à la poussière.
Qui se préoccupe de cette minorité entourée d'Arabes et, au sud, Israël, admirée et crainte à la fois. Ils sont pris en étau et aucune communauté internationale ne se soucie de leur sort. Il n'y a pas plus d'enjeu à Beyrouth qu'à Sarajevo. Tout se joue au niveau du symbolique. Pas totalement : il y a l'accès à la mer, mais surtout les pays arabes, Israël, les USA, l'ONU, tous cherchent un parc pour les Palestiniens, et le Liban est tout indiqué. Les Maronites seront-ils sacrifiés à leur tour, diaspora dispersée sur le globe ? Une injustice en chasserait une autre. Alors ? Doivent-ils collaborer avec l'agresseur (Sabra et Chatilah sont encore dans toutes les mémoires) ou défendre leur terre avec le Hezbollah (personne n'oublie non plus l'occupation syrienne). Serait-il temps, aux uns comme aux autres, de rappeler le jugement de Salomon ? Car ici la terre porte ses traces...

P.S.: quatre jours après ce billet, devant l'agression disproportionnée de l'état d'Israël, préparée en réalité depuis des mois avec le soutien des États Unis et quelques complicités locales, il semble que les Libanais commencent à comprendre que l'agresseur est bien Israël et qu'il ne s'agirait pas de refaire les erreurs de 1982 en se divisant. Nombreuses réactions de solidarité se sont exercées entre les anciens ennemis. Des Chrétiens recueillent et apportent leur soutien aux populations déplacées du Sud-Liban. Les bombardements sur des sites chrétiens comme Achrafieh finissent par leur mettre la puce à l'oreille. Le but d'Israël est, cette fois encore, de détruire systématiquement le Liban pour y installer un nouveau gouvernement fantoche. Rappelons encore que la Ligue Arabe n'a jamais sérieusement soutenu les Palestiniens, c'est l'Iran qui finance le Hezbollah. On a les alliés qu'on peut, en fonction des intérêts des uns et des autres ! La communauté juive internationale se fait honteusement complice d'un état impérialiste, inique et paranoïaque. Il est absolument indispensable que dans le monde entier des voix juives s'élèvent pour condamner la politique criminelle et suicidaire d'Israël et refusent d'être complices de ce délire. Voir le billet du 14 juillet intitulé Autodestruction.

P.P.S.: Pétitions pour le Liban et lettre de Berger, Chomsky, Pinter, Saramago

samedi 15 juillet 2006

Le mani sullo calcio (Main basse sur le foot)


Sans sentiment national, je ne me sens nullement concerné par les championnats de foot ou de n'importe quoi (billet Rien à foot du 2 juillet), ce qui ne m'empêche pas de me passionner pour les énigmes. La réaction de Zidane pendant la finale finit par m'atteindre. C'est à n'y rien comprendre. Son réflexe impulsif n'est ni de son âge, ni cohérent avec les circonstances. Les athlètes sont parfaitement préparés à essuyer les quolibets et provocations de la partie adverse. Ils connaissaient parfaitement les talents en la matière de leurs opposants italiens. Ce n'est pas la première salve d'insultes du Mondial que dut essuyer l'équipe de France magnifiquement métissée. Il est si admirable d'assumer nos anciennes et actuelles colonies qu'on en est tout émus et fiers d'être français ! Même qu'on y repensera lorsqu'on assistera à un contrôle de papiers à Belleville et qu'on apprendra l'annonce d'un nouveau charter. Alors ?
On connaît les bruits de corruption que le sport véhicule, et l'Italie en a fait un sport national (actuel scandale du Calcio). Ce ne sont pas les seuls. Cela pourrait-il signifier que le match était arrangé ? Zidane aurait-il finalement été acheté ? On peut en douter évidemment. Deuxième interrogation, Zidane aurait-il préféré échapper à une quelconque complicité en se faisant expulser avant les tirs au but ? Tout le délire (ou son absence ?) qui tourne autour du coup de boule, devenu via Internet le nouveau tube de l'été, évacue toute interrogation au profit d'une humanisation du saint. Tant pis pour sa béatification, ce n'est qu'un homme, oune matcho veritabile, dont le sang ne fait qu'un tour devant les insultes visant possiblement sa mère ou sa sœur.
L'honneur est sauf, tout le pays soutient le réflexe brutal et impulsif. On n'est pourtant pas dans une cour de récré. C'est vrai qu'aller se faire traiter d'"enculé de musulman" mérite qu'on ne se laisse pas faire (si c'est "terroriste", ça pourrait même être un compliment dans la bouche d'un facho), mais nous sommes en finale de la coupe du monde, sur un terrain de foot pendant les dernières minutes d'un match où toute équipe se doit d'être solidaire. Zidane s'excuse, mais ne regrette rien. C'est beau le sport. Coubertin doit se retourner dans sa tombe, même si ce ne sont pas des Olympiades. Bel exemple pour les jeunes qui ne ratent jamais une occasion pour jouer des biscotos ! Il suffira d'invoquer quelque insulte familiale ou homophobe pour justifier la prochaine brutalité, il y aura eu jurisprudence. Le spectacle sponsorisé, l'usine à fric, ne met pourtant en scène qu'une guerre des boutons agrémentée d'un sacré refoulement homosexuel, sujet tabou, de quoi se faire casser la gueule. Ah, tous ces hommes ensemble qui défendent leurs couleurs et lavent leur honneur dans le sang ! J'exagère, il n'y a pas eu mort d'homme, du moins pas sur le terrain. Juste quelques démonstrations viriles sous le drapeau et pour l'amour des femmes. C'est vrai qu'en France les femmes ne se font jamais insultées dans la rue, j'oubliais. Donc, si c'est pour l'honneur, évidemment... J'aimerais tout de même qu'on me rappelle les chiffres, pas le score des matchs, mais ce que ça rapporte aux industriels du secteur. Ça pourrait tout de même nous mettre la puce à l'oreille, et nous oserions peut-être nous poser les vraies questions. Les jeux du cirque, une gigantesque affaire médiatique, une collection de placards de publicité, une mascarade ?

Photo © AP

vendredi 14 juillet 2006

Autodestruction


J'ai commencé par demander pourquoi je n'avais pas de grand-père. Il avait été déporté Auschwitz et gazé à Buchenwald. Mon père avait sauté du train qui l'emportait en Allemagne. J'ai essayé de comprendre pourquoi les Juifs avaient toujours été persécutés. Mes parents me répondaient que les gens étaient jaloux de notre réussite. Nous étions des marchands, des banquiers, des artistes, des savants, nous avions su lire avant tous, survivant à tous les pogromes, traversant les siècles sans jamais être du côté du manche. Nous avions préféré fuir l'horreur et l'intolérance en nous battant avec la seule ressource de notre intelligence. Voilà comment naît le complexe de supériorité. Je n'avais pas d'autre choix que de me retrouver premier de la classe, presque une tradition, quoi qu'il m'en coûtasse. Nous n'étions pas très sportifs, la compétition ne pouvait s'exprimer que sous l'angle de l'esprit. Aucune icône, mais des exemples, Christ, Marx, Freud, Einstein, Schönberg, où que je me tourne l'écho de leur voix résonnait en moi. Séduisante paranoïa ! Une réponse à l'angoisse du "pourquoi moi ?". Mes parents avaient beau affirmer que ma circoncision n'était qu'hygiénique, comme les Américains et les Africains, je n'aurais pas supporté d'avoir un fils qui ne le soit pas, qui ne me ressemble pas. Où l'histoire va-t-elle se nicher ? Habillé, rien ne se voit. Pourquoi moi ? Ma non-violence, "Peace and Love", ma "citoyenneté du monde" découlèrent logiquement de cette conscience inculquée par des siècles de questions sans réponses.
La fierté d'appartenir à ce peuple géographiquement informe, à cette communauté que nous ne fréquentions pourtant pas plus que la famille, allait se transformer en la plus grande honte, celle de ressembler à tous les hommes, de partager enfin les mêmes valeurs que le reste de l'humanité : intolérance, colonialisme, et la brutalité la plus vulgaire. Comment est-il possible qu'un peuple dont une partie a vécu l'holocauste sombre dans la barbarie et le crime organisé ? Quelles sont ses motivations profondes ? Je reste interdit devant tant de stupidité et d'horreur. Ma culture n'en finit pas de mourir. Je ne pourrai jamais transmettre à ma fille ce qui m'avait rendu si fier d'être un être humain. Élevé dans la laïcité, sans religion, voire dans un anticléricalisme œcuménique, ayant plus tard mûri dans l'athéisme, je n'ai jamais tant revendiqué mes origines juives que depuis la guerre des six jours et tout ce que la paranoïa israélienne suscita d'exactions. Comment vivre dans un pays où l'état et la religion ne sont pas séparés ? Qu'il était agréable d'être français ! Les Juifs israéliens sont tous responsables, toute la diaspora porte une lourde responsabilité dans ce qu'il adviendra du Moyen Orient.
Certains diront qu'ils ne savaient pas. Qu'ils ne savaient pas comment vivaient les Palestiniens, qu'ils ignoraient tout des sévices, des brimades quotidiennes et des privations que ce peuple endure depuis des décennies. Mais tout aura été dit. Les pays arabes ne veulent pas d'eux, sinon le problème serait réglé depuis longtemps. Septembre noir fut l'œuvre des Jordaniens, il est important de se souvenir. Les Arabes parlent des Palestiniens comme j'ai toujours entendu évoquer les Juifs. Ils ont contre eux les mêmes griefs. Ce sont les Juifs arabes. Nous partageons l'antisémitisme avec eux. Au lieu de se solidariser, le gouvernement israélien n'a eu de cesse de les persécuter, au nom du terrorisme. Mais comment appelait-on les résistants qui luttaient contre l'occupation allemande, me rappela un jour l'ancien ministre des Affaires Extérieures, Claude Cheysson ? Des terroristes ! Avoir trente ans aujourd'hui en Palestine, c'est n'avoir jamais connu autre chose que l'occupation. Sartre, dans On a raison de se révolter, rappelait que le terrorisme n'était que le fruit du désespoir. Comment a-t-on pu cautionner ces persécutions quotidiennes ? Comment les Juifs peuvent-ils accepter de reproduire ce qu'ils ont subi. Israël n'est pas Auschwitz, mais jusqu'où ses dirigeants sont-ils prêts à aller ? La paranoïa a toujours créé les pires actes de barbarie. Les Serbes disaient qu'on voulait les exterminer. Voyez les Tutsis et les Hutus. Anéantissons les autres avant qu'ils ne nous tuent, frappons les premiers, le schéma est toujours le même. On apprend souvent que le violeur d'enfants a lui-même été abusé lorsqu'il était petit. Les Juifs ont même reconstruit chez eux le mur du ghetto de Varsovie, le mur de la honte.
Il faut que du monde entier s'élèvent les voix de ceux qu'on ne pourra pas taxer d'antisémitisme pour dénoncer les actes absurdes et suicidaires d'Israël. Il faut que la diaspora, en particulier celle qui alimente l'économie désastreuse de ce pays, comprenne qu'il n'y a pas d'issue dans les armes, que si elle devenait finale, la réponse détruirait le pays d'abord, toute une culture ensuite. Il ne suffit pas aux États Uniens de continuer leur politique impérialiste, ils sont les plus grands complices de l'horreur qui se perpétue en Israël comme en Irak, en Afghanistan et dans bien d'autres pays. Quelle sont les motivations des uns et des autres ? Est-ce la peur de la démographie inégale entre Arabes et Juifs qui, dans une supposée démocratie, donnerait le pouvoir aux Palestiniens ? Est-ce la nécessité des USA d'avoir le maximum de bases au Moyen Orient ? Est-ce une manière de faire indirectement la guerre à l'Iran ? Qui cédera un bout de territoire, légalement reconnu en 1948 (mais rejeté par la Ligue Arabe, il faudra revenir sur la responsabilité des uns et des autres) pour créer enfin un état palestinien ? Qui donc a intérêt à ce que la guerre continue éternellement ? Quel rapport avec le prix du baril de pétrole ? À qui profite le crime ? Certainement à aucun des peuples qui vivent sur une terre qu'ils ont le culot de considérer comme sainte. Il faut que s'élèvent les voix de la morale, de tous côtés. L'ONU s'est partout montrée impuissante. Les enjeux économiques ne concernent pas les populations locales. Les manipulations dont ils sont les victimes les détruit. Réveillez-vous, camarades, ne vous laissez pas entraîner dans cette troisième guerre mondiale commencée il y a soixante ans. N'acceptons pas l'horreur ni l'arrogance des puissants ! Il n'y a pas de fatalité. Nous sommes tous responsables.

P.S.: Pétitions pour le Liban et lettre de Berger, Chomsky, Pinter, Saramago

jeudi 13 juillet 2006

Farniente


36° à l'ombre. La chaleur aussi, c'est les vacances. Mardi, la Méditerranée était à 25°. Hier, la piscine marquait 30°.
Libération annonçait la mort de Syd Barrett, 60 ans. On ne l'imagine pas autrement que jeune adolescent torturé. L'année dernière, j'avais fini par acheter le coffret, quatre disques envoûtants où sa voix grave et chaude cache les angoisses vertigineuses qui l'ont éloigné de la scène et de Pink Floyd, dont il fut l'un des cofondateurs et le premier guide, pour retourner vivre chez sa mère d'où il ne sortait plus. Depuis plus de trente ans.
Au centre du journal, huit pages sur Godard et son expo, pas mal, sans plus, à bout de souffle. Sa mauvaise foi a été autrement plus productive. Attendre, sans impatience - des fois que ce soit encore ajourné, la sortie DVD des Histoire(s) du cinéma. J'imagine que JLG doit se coltiner de sacrés problèmes de droits d'auteur, allez savoir, cinq heures de citations, des milliers d'emprunts, pour une digestion exemplaire. Je termine mon article Îles licites du numéro des Allumés qui vient de sortir par son évocation. J'y tiens, entre autres, une chronique DVD régulière sous la rubrique Sur l'écran noir de vos nuits blanches.
Je retourne me baigner. Le temps se couvre, mais trois gouttes n'arrangeront rien à l'affaire. J'ai toujours été attiré par l'eau. Faute de mer, je passe mon temps dans la piscine. Faute de piscine, j'adopte la baignoire. Faute de baignoire, je me noie dans un verre d'eau. Petit, j'aurais bien aimé être goutteur d'eau. J'aime l'eau, mais la douche n'est pas l'océan, c'est la pluie. La pluie, c'est cool, mais le soleil c'est mieux. Je n'aime pourtant pas le feu autant que l'eau. Coup de soleil. L'eau calme ma soif... Sur les rares photos de moi enfant, je suis tout au bord avec seulement la main de ma mère qui entre dans le champ pour me retenir de ne pas plonger. Amniotique.

mercredi 12 juillet 2006

Palavas-les-Flots


L'horizon respire les vacances, l'horizon, c'est le signe. Je pourrais rester des heures à le contempler. Des voiles emportent des anges harnachés vers le ciel, d'autres disparaissent derrière la courbure de la terre engloutie. La Maguelone n'est pas la plage des familles, les tous nus et les emmaillotés s'y croisent sans questions, épilés et bikinis, crânes rasés et chevelus, enfants et vieillards. L'atmosphère est douce, détendue, le vent atténue la canicule. Les filles parlent d'amour. Comme d'habitude, il n'y a personne dans l'eau. La mer est à nous. Mare Nostrum.

mardi 11 juillet 2006

Le coin de l'obsessionnel (2)


Quelques trucs à ne pas n'oublier d'emporter.
Mon couteau suisse, accroché à ma ceinture, ne me quitte pratiquement jamais, sauf en vacances, et encore ! Je m'en sers absolument tous les jours, en particulier le tournevis de précision pour mes lunettes qui se desserrent tout le temps, le stylo, le cure-dents, un couteau... Magnétophone portable et appareil photos. PowerBook avec iSight, borne Airport Express, câbles Ethernet, Ethernet croisé (pour connecter directement un vieil ordi), modem interne (en cas d'absence de connexion), FireWire, audio, lampe USB, disques vierges et d'installation, quelques DVD... Je pense à faire des copies de sécurité de toutes les données récentes. Une lampe de poche. De quoi écrire, de quoi lire (on trouve des bouquins partout, mais j'emporte le Diplo, les Cahiers, SVM Mac). Un maillot de bain. Des lunettes de soleil, même si ce n'est que pour se protéger des néons d'aéroport. Mon passeport et la carte du CNC qui permet de rentrer gratoche dans les cinémas d'art et essai. J'ai toujours sur moi mon attestation Assedic itou pour les musées nationaux. Je prends parfois mes jumelles, enfin la suite dépend de la destination. Cette fois, nous laissons Scotch, il a tout compris, monstrueusement inquiet par toute cette débauche de détails préparatifs, mais Elsa va très bien s'occuper de lui.

lundi 10 juillet 2006

Le coin de l'obsessionnel (1)


Je suis démasqué, mais on ne se refait pas, n'est-ce pas ? Comment, sinon, peut-on avoir la discipline de rédiger un billet chaque matin ? Je reprends le mode d'emploi de la maison avant le passage des pouvoirs à Jonathan en notre absence. Chacun porte sa petite névrose. Il y en a de banales, lorsque la vie nous a épargné de trop forts traumatismes. Pour les plus douloureuses, le recours à quelque thérapie s'impose de lui-même. Ce n'est jamais simple de laisser sa maison derrière soi et j'appréhende de la retrouver, dans quel état, à l'issue de mes voyages. Pour ne pas radoter, de la même façon que je raconte ici ma vie une fois pour toutes, je me débarrasse des obligations domestiques par un fichier Word que je laisse au gardien du temple. Lorsque je vivais seul, j'avais coutume d'appeler Xanadou cet édifice acquis avec mes droits d'auteur, une fierté de nouveau riche. Je passais mes soirées devant le grand écran, un morceau de chocolat dans une main, un joint dans l'autre. Je ne suis plus seul, je vis heureux, mais je ne suis pas certain d'avoir changé tant que ça. Quel travail !

Le mode d'emploi de la maison débute avec une liste de numéros de téléphone à appeler en cas d'urgence : les nôtres, ceux de ma fille, ma mère, les voisins, les amis. Suivent ceux de la maison, une tripotée, dont celui qui permet de joindre tant la métropole que les États Unis gratuitement (Jonathan est new yorkais). Je copie-colle la suite, toute une littérature qui peut paraître débile et sans intérêt à qui ne vit pas là, mais qui en dit pourtant long sur les us et coutumes, non ?
POUBELLES : Recyclables (papier, plastique) MERCREDI Verte (passe à partir de 17h) - Le reste LUNDI et JEUDI Bleue - Verre sur la petite place du boulanger.
GAZ bouteille de rechange dans garage, clef sous cuisine avec bouteille en cours.
CHAT 1/3 boîte matin ET soir – et laisser toujours de l’eau. En cas d’absence, opter pour croquettes (sous plaques cuisson) : une poignée par repas. Scotch passe par la chatière pour aller derrière, et par le soupirail de la cave pour devant. En cas de "son" absence, condamner les deux accès pour empêcher d'autres matous de venir pisser dans la maison.
ARROSAGE * extérieur tous les 2 soirs s'il ne pleut pas, bien arroser les grands bacs (conifères, noyer bambous !), arroser devant en traversant le salon avec le tuyau !!! (surtout pots et bambous) * intérieur 1 fois par semaine (le week-end, par ex.) = 2° : chb bleue & salle de bain – Escalier –1° : SdB et salon – RdC : cuisine, bureau Françoise dont tout en haut attention pas déborder, et entre fenêtres studio.
JARDIN Devant : Romarin, Estragon, Sauge, Thym, Thym citron, Ciboulette, Laurier / Derrière : Menthe, Sariette, Verveine, Thym, Laurier, Fruits selon saison.
INTERNET en cas de problème débrancher/rebrancher la prise électrique FreeBox et borne Airport – Ne pas éteindre le G5 si on s’en sert tous les jours - Pour imprimer avec la R300 il faut que le G5 soit réveillé. Sinon, prendre l’Epson 740 qui est par terre dans le studio - Suivent les mots de passe Mac et PC ainsi que tout ce qui concerne les alarmes que je ne suis assez fou au point de les détailler ici.
ELECTRICITÉ Ne pas mettre le four à la position maxi. En cas de panne, les sécurités compteur sont au-dessus de la grande loupe et à l’entrée du studio.
FENÊTRES Bien les fermer en cas d’orage.
VIDÉO Penser à allumer/éteindre le caisson de basse en cas de 5.1 - Projecteur : régler sur S-Vidéo pour VHS et Satellite, ainsi que le format 1=Normal, 2 ou 3= deux formats 16/9, 5=sous-titres… Éteindre en 2 coups (le projecteur met 2mn pour arrêter de souffler) - Ampli : VCR1=satellite et graveur DVD, VCR2=VHS, DVD=conserver position "standard" sur bouton gauche doré, etc. - Visiopass : satellite. Pour regarder la TV : allumer le graveur DVD, le Visiopass, l'Ampli sur VCR1- Modes d’emploi vidéo sous proj - Bases de données « vidéothèque », « carnet d’adresses » sur G5 - Ne pas ranger un CD ou un DVD à une mauvaise place, en cas de doute mieux vaut l’empilement et je rangerai en rentrant.
HI-FI RdC CD=appuyer sur Tape 1 (lit aussi les dvd si on allume le moniteur !). Pour radio, rien d’appuyé. Pour DVD, comme CD, en allumant en plus la TV avec télécommande appuyer 3 fois sur AV pour avoir AV3 !
FEU Attention d’ouvrir la trappe avant de se servir de la cheminée. Charbon de bois dans le cagibis jardin.
CAVE Allumer la seconde cave avec le bouton gris du bas à l'entrée de la buanderie (celui du haut éteindrait la chaudière !)... Lessive à droite de la machine, on peut rajouter du Soupline dans le compartiment de droite pour que le linge soit plus doux, choisir le textile, la température (en général 40° sauf les tissus délicats 30°), appuyer sur le bouton de droite "Marche"... on peut sécher avec l'essoreuse à gauche : choisir dans cet ordre le textile (je mets souvent "mélangé"), puis "prêt à ranger", puis "Marche"... À la fin nettoyer le grand filtre qui est à l'intérieur à gauche (in-dis-pen-sable !)... Penser à mettre les deux machines sur "Arrêt" quand terminé !
QUARTIER Très bons boulanger et boucher sur la petite place, épicier dix mètres plus loin... Au bout de la rue, tabac-journaux... Marché sympa mercredi et dimanche matins (au métro, c'est la rue qui part à gauche à la patte d'oie), fromager à gauche et poissonnerie à droite en entrant... Bonne librairie en face... Le supermarché le plus proche est Champion (seul rayon poissonnerie de la ville)... Bons films en bas au ciné (v.o.), 5 minutes à pieds... VÉLOS dans garage...
C'est grave, docteur ?

dimanche 9 juillet 2006

Appuyez là où ça fait mal !


Passé le massage de confort, je n'ai jamais compris comment ça fonctionnait. L'ostéopathie reste assez mystérieuse, en particulier l'ostéopathie crânienne. Les praticiens ont du mal à l'expliquer lorsqu'on leur pose des questions. Bien sûr que c'est efficace, mais pourquoi ? Au pire, on vous sert un discours baba de comptoir où se croisent méridiens et énergie. Pour les patients, il y a les kinés, jugés souvent basiques, et les ostéos qui font craquer ou pas, mais craquer quoi ? Les termes sont souvent impropres, on ne se déplace pas une vertèbre sans se retrouver en chaise roulante. On peut se coincer un nerf, mais la plupart du temps ce sont des micro-entorses, des tensions musculaires qui vous font prendre des positions antalgiques, de quoi ressembler à un bonzaï. Le bruit serait simplement du gaz accumulé entre les articulations. Que les spécialistes m'écrivent, ils ont gagné. Comprendre, nous ne demandons que cela.
Lorsque j'avais 18 ans, je portais ma sono qui pesait 60 kilos par élément de 1,80m. Il m'arrivait de me faire mal en chargeant la voiture en porte-à-faux et ça passait en deux ou trois jours. À 31, à la fin d'une répétition vers 4 heures du matin, je me suis coincé le dos pour la première fois. Les ennuis avaient commencé. J'ai d'abord accumulé les séances de kiné, puis chaque mois je voyais un ostéo crânien, mais ça ne m'empêchait pas de me retrouver par terre, à genoux, avec un grand cri japonais. Mes amis me disaient que j'en avais plein le dos, qu'il fallait que je change de vie. On me traitait d'hypocondriaque, on sous-entendait que c'était psychologique jusqu'à ce que je passe radios et scanner. Bilan des courses : une hernie discale et trois disques écrasés. Il y a dix ans, mon lumbago a fini par me ficher la paix, lorsqu'un médecin-kiné m'indiqua quelques mouvements simples à effectuer au coucher et au réveil. Il m'est encore arrivé de me faire très mal, mais de plus en plus rarement, et je ne manque plus jamais de faire mes exercices sans me mettre en danger. Je vois de temps en temps un ostéo ou un kiné (variation géographique) pour la révision des 10 000, mais j'ai surtout fait l'expérience du massage chinois. Voilà, on y vient.

Le massage chinois n'a rien à voir avec les pratiques occidentales. Madame J., qui opère à domicile, appuie là où ça fait mal. La douleur est insupportable, il arrive que l'on crie, il paraît même que les chinois hurlent tandis que les occidentaux se retiennent en soufflant comme des phoques. Madame J. attendrie la bidoche comme le boucher avec le bifteck. Elle s'y prend à deux mains en glissant sur la peau, enfonçant ses doigts aux nœuds de tension et malaxant jusqu'à ce que ça lâche. Difficile de résister, Madame J. rit tout le temps, d'un rire bienveillant qui rassure. On en ressort complètement lessivé, et le lendemain courbaturé comme si on avait pratiqué le triathlon pour la première fois. Certains camarades, car Madame J. est un secret que l'on se repasse entre musiciens comme si c'était un trésor vivant, se sont retrouvés avec d'énormes bleus. N'y voyez aucun masochisme refoulé, car trois jours après vous gambadez sans plus aucun souvenir de la douleur, ni celle de la séance de torture, ni surtout celle qui vous a fait crier au secours. Et Madame J. de sourire en vous expliquant les "kolok kolok" par un "quand bruit, mal". J'ai essayé de pratiquer cette technique sur moi-même et ma compagne, ça fonctionne plutôt bien : chercher les tensions avec le maximum d'écoute et masser longtemps jusqu'à ce que le muscle lâche. C'est tout simple, rien de mystique, pas besoin d'y croire : la gym pour l'entretien, l'attendrissement pour les coups durs ! Bon, d'accord, n'excluez pas la visite à un spécialiste lorsque votre cas semble sans espoir... C'est un peu comme l'homéopathie qui est une médecine formidable, mais en cas de crise aigue mieux vaut, par exemple, avoir recours tout de même aux antibiotiques. Chacun doit trouver ce qui lui convient. Un de ces jours, je ferai un article sur l'homéopathie, ça nous changera ! Et puis, j'en ferai un autre sur la douleur, comment la maîtriser en l'apprivoisant...

La photo représente différents objets du culte (physique) permettant de détendre le corps : trois différents tapis à picots (réflexothérapie, absolument géniale, au fonctionnement plus proche de l'acuponcture, tous les méridiens passant par la voûte plantaire, et par les oreilles, mais là, c'est raté, vous aurez beau écouter le train arriver en vous penchant sur les rails, ce n'est pas très pratique pour le massage des oreilles), cylindres pour les pieds toujours (très utile en avion), matchi-pouli (là j'ai des doutes, trop d'efforts des bras pour masser le dos), petits ustensiles pour frapper les endroits douloureux (font partie du quotidien asiatique, mais moi, je ne m'y fais pas), araignée pour la tête (un cadeau exquis trouvé chez Nature & Découverte), moquette (pour la gym), Syntol, Huile de massage et Baume du Tigre (ça soigne tout, des courbatures au mal de tête ou de ventre, c'est l'aspirine de l'Asie), etc. Une véritable panoplie SM (euh, Soins Massage) !

samedi 8 juillet 2006

Les dessins de Vercors


Heureusement qu'approchent les vacances. Il y a des matins où il est difficile de rédiger mon article. Je ne sais pas toujours par quel bout commencer. Souvent le sujet s'impose de lui-même. Parfois une image m'entraîne. Ce matin, j'ai pensé proposer les incunables qui hantent ma bibliothèque : Cover to Cover de Michael Snow, Bonjour Cinéma de Jean Epstein, Essays before a Sonata de Charles Ives, un rouleau de piano mécanique de Conlon Nancarrow, des partitions des années 20 magnifiquement illustrées, des 33 tours devenus introuvables... Je me suis arrêté sur deux livres de Jean Bruller dit Vercors, hérités de mon père et dont j'ignore le cheminement. Silences date de 1937, les vingt aquarelles de La nouvelle clé des songes de 1934.

Avant d'entrer en résistance et de publier clandestinement Le silence de la mer en 42, écrit l'année précédente, Vercors était le caricaturiste Jean Bruller. Je ne l'ai appris qu'en 1983 lorsque nous avons choisi le Rêve de l'incompétence inopportune (ci-dessous) comme pochette du deuxième disque du grand orchestre d'Un Drame Musical Instantané, Les bons contes font les bons amis. Recherchant l'autorisation de Jean Bruller, je tombai sur Vercors ! Symbole de la résistance à l'occupation nazie, pacifiste prônant la résistance civile, compagnon de route du Parti Communiste jusqu'à l'invasion de la Hongrie en 1956 (nationalité de son père), cofondateur des Éditions de Minuit alors clandestines, Vercors avait eu une autre vie, avant. La guerre a tout changé, son mode de vie, sa conscience, son métier. Il est devenu écrivain. Et là encore, il y a deux Vercors, le résistant (Le piège à loup, Armes de la nuit, La puissance du jour, Les yeux et la lumière, La bataille du silence) et l'humaniste (Les animaux dénaturés, Sylva, la traduction de Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy Lewis...). En 1990, Rita Vercors m'écrivait en parlant de lui, « mon mari - Vercors et Jean Bruller », et lui signait simplement Bruller. Il mourra un an plus tard à l'âge de 89 ans.


Invité à l'émission Apostrophes, comme Bernard Pivot lui demande pourquoi il n'est jamais passé à la télévision depuis trente ans, Vercors lui retourne ironiquement la question. C'est un homme intègre, un philosophe qui défend ses idées par le biais de la littérature. Chargé d’établir la « liste noire » des écrivains collaborateurs, il plaide pour la responsabilité de l’écrivain. N’acceptant pas l’intransigeance partisane d’Aragon et ne voulant plus jouer le rôle de la « potiche d’honneur », il démissionne de la présidence du Comité National des Écrivains. Il s’éloignera de toute participation à la vie publique tout en restant fidèle à ses idéaux, s’engageant contre la guerre du Vietnam. Il avait déjà été l'un des signataires de l’Appel des 121 réclamant le droit à l’insoumission pendant la guerre d’Algérie.


La qualité des gravures est exceptionnelle, les couleurs tranchent avec les impressions habituelles. Bruller les réalise chez lui, à Villiers-sur-Morin au cours de l'été 1937, et précise que « le tirage, dépendant des loisirs de l'artiste et de son courage, s'est fait par tranches... » Un dernier détail dont je me souviens, c'est la taille de ses oreilles, je n'en ai jamais vu d'aussi grandes.

vendredi 7 juillet 2006

L'Harley sienne


Quel plaisir de revoir Bernard chevaucher sa Harley ! Une nuit il y a deux ans, il s'était fait voler sa moto devant chez lui, rue Pelleport. Depuis, il ne sortait presque plus. Je l'ai toujours connu détestant marcher. Il lui arrivait pourtant de venir à pieds jusqu'ici, de temps en temps. C'était une plaie de lui appeler un taxi tard le soir : parfois les chauffeurs se perdaient, d'autres fois ils devaient prendre quelqu'un d'autre sur le chemin, mystère, il est arrivé que l'on en appelle trois ou quatre avant d'en voir venir un seul. C'était un gag récurrent qui n'arrivait qu'à lui, n'arrangeant pas son côté casanier. Depuis le temps qu'il en parlait, il a fini par avoir les moyens de se racheter le même modèle d'occasion. C'est une bonne époque pour rouler dans le vent, lorsque l'on craint, comme lui, la chaleur. J'avais acheté un casque pour pouvoir jouer les passagers motocyclistes lorsqu'une occasion se présente...
La résistance à la marche à pieds met Bernard en danger, comme ma maman qui a de plus en plus de mal à se déplacer. Je repense à Giraï, l'oncle de Françoise et Anny, qui avait compris que sa vie dépendait de sa mobilité, intellectuelle et physique. Il y a encore deux ans, il n'avait que 93 ans (rescapé du génocide arménien, il ne connaît pas sa date de naissance exacte), il préférait rentrer chez lui à pieds pour entretenir sa santé et profitait du chemin pour chanter à tue-tête des chansons françaises des années 30-40, histoire de faire travailler sa mémoire, autre pôle indispensable de sa mobilité et de son autonomie. Sa fracture du col du fémur a été un coup de frein brutal à ses escapades à pieds ou à bicyclette, il a peur de retomber, alors il marche avec une canne. J'aime beaucoup parler avec lui du temps passé comme des avancées technologiques. Il parle de mon PowerBook comme d'une gigantesque mémoire, ça lui parle. Je pousse Bernard à acquérir un ordinateur pour le sortir de son isolement. Hier, il me disait comprendre que la virtualité accentuait la réalité des individus. Les amis qui ne sont pas connectés au Net disparaissent corps et biens. Bernard adorerait Babylone. En attendant, il passe nous voir et c'est un vrai plaisir de le voir heureux sur sa moto à 72 ans.
À gauche sur la photo, on aperçoit Jonathan qui arrivait à l'instant de New York où il enseigne au Queens College. Chaque été, il vient travailler à Paris sur l'exception culturelle française dans le cinéma et en profite pour voir les copains. Il garde notre maison lorsque nous descendons vers le sud. J'aime bien ses interrogations sur le monde, sur les différentes façons de voir les choses, ici et là-bas. Nous parlons des laissés pour compte, des banlieues enflammées, du potentiel politique qu'elles pourraient représenter alors que les partis traditionnels sont devenus anachroniques. Hier soir, la discussion avec Anny, Françoise, Bernard et Jonathan portait sur les motivations différentes des Américains au Vietnam, ou en Afghanistan et en Irak... Jonathan pense que jamais son pays n'osera attaquer l'Iran qui est un état puissant, rien à voir avec l'Irak. Le ton monte lorsqu'est abordé le rôle de l'Union Soviétique, sa politique hégémonique et son éclatement... Nous louons le courage et la détermination du peuple vietnamien. Quelle idéologie sous-tend les guerres d'indépendance ? Comment cela dégénère-t-il souvent ensuite ? Il y avait longtemps que nous n'avions pas passé une soirée "café du commerce", c'était marrant.

jeudi 6 juillet 2006

Babylone Babil Home


En lisant allongé l'imposant catalogue de l'exposition Edgard Varèse présentée au Musée Tinguely à Bâle (Suisse) jusqu'au 27 août, je pense qu'il faut que j'insiste lourdement (le poids du livre sur mon ventre ?) et rappeler l'événement et la somme encyclopédique que représente cette somptueuse publication (508 pages, 250 illustrations dont la plupart en couleurs, 39.95 € ; édition anglaise : Boydell & Brewer, Melton, Suffolk).
Plus tard, en regardant quelques films de l'Intégrale Norman McLaren, je me dis à nouveau que je n'ai pas assez enfoncé le clou : pour tout amateur de cinéma d'animation, c'est l'achat incontournable (7 DVD, moins de 100 € port inclus). Hier soir, je découvre que McLaren est, en plus, un des pères de la musique interactive, pas du tout dans son interactivité puisque les films sont par essence linéaires, mais par le résultat produit. Dessinant à même la pellicule images et sons (sur la piste optique) et travaillant sur leur synchronisme, le cinéaste canadien construit, par ses effets mécaniques, une forme musicale que l'on retrouvera dans la sonorisation des mouvements des œuvres multimédia où le son sert souvent à valider le geste. Les mélodies de McLaren rappellent également les mélodies aléatoires que le designer sonore fabrique pour échapper à la monotonie de la machine ! Ces familiarités avec mon propre travail électronique sont tout à fait troublantes.
En me réveillant, j'hésite à rédiger ce billet sur tous les indispensables que je souhaite conseiller à mes bienveillants lecteurs. La tâche est ardue et mérite qu'on s'y reprenne en plusieurs fois. Combien de films, de livres, de disques, d'endroits à visiter, de mets à goûter, d'outils à posséder ?! Les dictionnaires et encyclopédies me semblent un bon début. La Toile (aide Google, Google t'aidera) est la première, puisqu'elle me permet de communiquer avec vous et de rechercher instantanément toutes les informations désirées. Sur Mac, le logiciel Sherlock est d'une aide précieuse car il peut traduire plus efficacement les articles écrits en langues étrangères. Mais la recherche en ligne ne répond pas à toutes les questions. D'abord, il est nécessaire de croiser différentes réponses pour en vérifier la fiabilité des sources. Ensuite, auncun site ne vaut un bon dictionnaire papier ou un atlas grand format !
Commençons par le Petit Robert, deux volumes : pratique pour vérifier une orthographe, une étymologie, un sens méconnu, une biographie succincte, pour trouver un titre, chercher un synonyme, etc. Ensuite, il y a des Robert spécialisés pour les maniaques du verbe : Expressions et locutions, Proverbes, Synonymes, Etymologique... J'utilisais parfois le Larousse des Rimes orales et écrites lorsque j'écrivais des paroles de chansons : je n'en ai jamais trouvé une seule qui me sied, mais l'exercice me décoinçait chaque fois... Le Grévisse (Le bon usage de la langue française, ed. Duculot) peut être également d'une aide précieuse, encore que je n'ai pratiquement jamais pensé l'ouvrir, préférant les divagations poétiques du Dictionnaire de l'Argot ou celui des Mots de la musique (remarquable ouvrage de Jacques Siron aux Éditions Outre Mesure). Sur mon bureau, sont encore alignés les trois volumes du Dictionnaire historique de la langue française (un truc bourré d'histoires formidables sur le sens des mots dans leur chronologie, comment ils en sont arrivés là, ça fait rêver) et les quatre Harrap's grand format pour traduire français et anglais dans les deux sens. Je suis particulièrement attaché à toute cette littérature depuis qu'à l'âge de neuf ans j'ai lu le Petit Larousse illustré de A à Z. On ne naît pas obsessionnel, mais on le devient très tôt !
Fuyant mon bureau, je glisse vers la bibliothèque où sont rangés les livres de musique. Les trois volumes du Dictionnaire biographique des Musiciens (classiques) côtoient ceux du Rock (2 volumes) et du Jazz, le tout édité dans la collection Bouquins. C'est un tel plaisir de découvrir la biographie d'un auteur ou d'un groupe qu'on a adoré sans souvent en connaître l'hsitoire. De même, au premier étage, la bibliothèque des livres de cinéma commence par le Dictionnaire du Cinéma de Jacques Lourcelles et le Guide des Films de Jean Tulard (toujours coll. Bouquins), ainsi que le Dictionnaire du Cinéma de Jean-Loup Passek chez Larousse (coll. In Extenso). Les détails sont autrement plus fournis que le très utile site d'imdb, lorsque l'on cherche des renseignements sur un film ou un cinéaste...
Aucun dictionnaire, aucune encyclopédie n'est jamais complète, mais entre le Web et tout ce papier on finit souvent par trouver son bonheur. Les versions numériques de l'Encyclopedia Universalis et du Petit Robert sont d'autres modèles du genre dont je ne me sépare jamais. J'ai toujours mon Atlas Mondial du Reader's Digest dont, adolescent, j'ai dévoré chaque page comme un explorateur de terres inconnues, je suis resté des heures devant les photographies d'aurore polaire, de tornade et de déserts. Je regardais avec autant de stupeur la double page sur les races humaines. À côté de lui, est rangé l'Atlas routier Michelin, sans oublier quelques guides touristiques au gré des voyages lointains ou des déambulations parisiennes.
Je pense qu'au jeu de l'île déserte, ce sont les livres que j'emporterai. Je peux les lire et les relire éternellement. Ils sont sources de rêves et excitent mon imagination. En les feuilletant, j'entends mes musiques préférées, je fantasme des films que je n'ai pas encore vus, je voyage dans des contrées insoupçonnées, je découvre des mots qui m'émeuvent... Si j'en faisais une compression à la César, peut-être prendraient-ils la forme d'un Faucon maltais, derniers mots du film de Huston en référence à Shakespeare, what the dreams are made of (ce dont sont faits les rêves)...

mercredi 5 juillet 2006

Version espagnole


Nicolas m'envoie l'adresse d'un site argentin qui relate nos aventures interactives sur Flyingpuppet.com. Grâce à ce billet moulte commenté depuis Buenos Aires, je découvre la version hispanophone des entretiens et articles de Turbulence sur la Paris Connection (Servovalve, Antoine Schmitt, Jean-Luc Lamarque, Frédéric Durieu, Nicolas Clauss et moi-même), le tout en français, anglais, espagnol et portugais ! Le 22 février 2003, Annick Rivoire avait écrit une page dans Libération sur ce remarquable travail de coproduction (Turbulence / CoriolisWeb / Dichtung-Digital.org / Museo do Essencial e do Além Disso) coordonné par Jim Andrews. Ainsi je commence à surfer sur des blogs sud-américains et découvre leurs sujets de préoccupation, plus politiques qu'anecdotiques. On est loin des vidéo-gags qui font fureur sur la plaNet. Je ne parle pas du tout espagnol, alors de temps en temps je passe par Sherlock, le traducteur automatique du Mac. C'est comique mais ça reste digne...
En écrivant mes billets quotidiens, je me pose régulièrement la question de la langue. Le site drame.org offre depuis ses débuts en 1996 une version anglaise. Dois-je continuer dans la langue que je maîtrise ou continuer en anglais pour profiter d'un lectorat évidemment beaucoup plus large ? Si c'est la qualité du texte qui le rend lisible, mon anglais n'est hélas pas à la hauteur. Devrais-je traduire les billets les plus importants et les publier sur un nouveau site ? Mon blog est la version de proximité du site, on s'y promène au quotidien, tandis que le site relate seulement les hauts faits professionnels ! J'hésite devant le travail colossal que cela demande. Je passe déjà entre un quart d'heure et deux heures à pondre chaque matin au réveil un texte auquel il faut adjoindre une image et trouver un titre. Je dors peu, je travaille beaucoup, mais je ne pourrai pas continuer ainsi dans les périodes de rush, c'est certain. Déjà les vacances approchent...

mardi 4 juillet 2006

Elsa, 21 ans hier


J'ai toujours un peu peur de me faire engueuler par Elsa lorsque je parle d'elle, ici ou ailleurs. À cet âge, et ça ne date pas d'hier, on a besoin d'exister par soi-même, sans que les parents viennent en rajouter une couche, on n'est plus des bébés. La photo rappelle ses 21 ans passés. À gauche, la cousine, Chloé, la famille, elle compte d'autant plus qu'Elsa en a peu ; Chloé, à qui tout réussit sans effort, est toujours aussi naturelle. En dessous, Alice, l'amie de toujours, même immeuble, même nourrice, chamailleries et réconciliations. À droite, sa petite sœur, Clara, la tendresse du regard ; Elsa, fille unique, en a toujours rêvé, une sœur. Au-dessus, Galilée, c'est la grande sœur virtuelle, passionnée, et toujours l'immeuble (il y avait une dizaine de gamines à peu près du même âge pour un seul garçon, Victor, le frère d'Alice et Clara ; je ne parle pas des plus âgé/e/s ni d'Antonin qui était plus jeune, mais dont j'aborderai certainement un des jours les prouesses musicales et artistiques). Elsa, au centre de ses amies, fêtait dimanche soir son anniversaire au milieu de tous ses copains et on recommençait hier parce qu'elle est née le 3, le même jour que Scotch, le chat ; elle adore ses trois matous, les deux autres, Ouist et Snow, vivant avec sa mère chez qui la photo est prise. Manque Agathe, l'immeuble encore, le clown de la bande, elle a appelé de Berlin... La pose de chacune leur ressemble bien... Derrière, on aperçoit le piano, un Gabriel Gaveau, la musique... Elsa est attachée aux lieux de son enfance, Ménilmontant et L'île Tudy, mais elle est déjà sur la piste d'envol, logique pour une trapéziste, départ annoncé... Elle n'habite plus avec moi depuis bientôt deux ans, elle grandit vite, je suis un peu triste de penser que je ne la verrai probablement plus avant la rentrée...

lundi 3 juillet 2006

Kimmo Pohjonen, accordéoniste finlandais


Je suis impressionné la première fois que j'entends et vois Kimmo Pohjonen dans le spectacle de Marita Liulia, Manipulator, au Musée Kiasma d'Helsinki en 2002. Avec son accordéon amplifié, Kimmo retient une énergie énorme qu'il laisse s'échapper doucement mais sûrement jusqu'au paroxysme. Le spectacle dure trois fois huit heures, trois jours de suite. Punk en jupe aux côtés de la danseuse de Buto, Aki Suzuki, leurs deux corps se fondent dans les peintures interactives de Marita qui projète en miroir sur la scène et sur le sol les manipulations qu'elle fait subir à leurs images. Le tout est retransmis en direct sur le Web.
J'ai parlé ici de la seconde fois, le mois dernier à la Cartoucherie de Vincennes, lorsque Kimmo improvisa avec les danseurs-chorégraphes Tero Saarinen et Carolyn Carlson. Entre ces deux représentations, lors de l'Europa Jazz Festival 2005 du Mans, j'avais acheté le CD Uumen (ZENCD 2100), duo avec le batteur Éric Échampard. L'art de Kimmo, force de la nature nordique, est de passer imperceptiblement d'une ambiance à une autre. Échampard joue comme d'habitude de ses airs de funambule, renvoyant au Finlandais un écho rythmé et léger à ses épais clusters.
Hier, je prends enfin le temps de regarder le DVD Kalmuk que Marita m'a offert. Le soliste l'a composé en imaginant l'orchestre de chambre Tapiola Sinfonietta comme l'extension du soufflet de son accordéon. Les images du DVD, mélange d'eau, de feu et d'extraits de vieux films, sont souvent très belles, mais elles tirent la musique vers un new age qui ne lui profite pas à mes yeux. Question de goût. La symphonie de Kimmo finit par sonner comme la musique d'un film holywoodien à la Conan le Barbare. Retour aux sources, le Nord, les études classiques… L’ensemble est trop propre par rapport aux improvisations habituelles du Finlandais qui traite en temps réel sa voix et son accordéon avec toutes sortes d’effets de réinjection… Le DVD Kalmuk (LILDVD-16, stéréo ou 5.1) propose aussi un long et passionnant interview, des extraits biographiques comme probablement son premier passage à la télévision finlandaise lorsqu'il avait 19 ans... Projet généreux qui montre bien l'ouverture d'esprit du compositeur, il devrait enthousiasmer les fans de rock symphonique et du travail de Kimmo en général. Plus contemporain, Uumen plaira aux amateurs d’improvisation structurée.

dimanche 2 juillet 2006

L'exception culturelle


Solitude.
Je pensais échapper au Mondial. Nous ne regardons plus la télévision depuis plusieurs années pour éviter la platitude anesthésiante des programmes de plus en plus consensuels et la trépanation du Journal de plus en plus lénifiant. Il paraît que ça empire tous les jours. Chaque matin, j'enlève les huit pages centrales de Libération avant d'y avoir jeté le moindre coup d'œil, pour les mettre directement sous la cheminée où nous stockons les vieux papiers pour allumer le feu. Pas très différent des pages Sports que je saute systématiquement le reste de l'année. Libé brûle bien mieux que Le Monde. Sur Télérama, un autre canard (pas génial non plus, mais on ne peut pas lire que le Diplo) auquel je suis abonné pour surveiller les films que je continue à regarder sur le satellite, je me renseigne sur les horaires des matchs pour pouvoir rouler tranquillement en voiture dans Paris. Mais, de ne pas partager cette passion nationale, que dis-je nationale, planétaire, un sentiment profond de solitude m'envahit.
Exclusion qui ne date pas d'hier, mais de ma plus jeune enfance, où, écolier laïque d'origine juive, je me sentais exclu des activités sportives de tous mes camarades qui allaient au catéchisme. Nulle envie de ma part, mais un autrement qui me faisait poser mille questions à la maison, certaines exprimables, d'autres encore trop floues. Dans la France des années 50, le christianisme était encore omniprésent, la messe se disait en latin ; aujourd'hui, les manifestations communautaires ont tendance à glisser vers les communautés musulmanes ou judaïques. Je ne pouvais me sentir aucune accointance ni avec les culs bénis cathos ni avec les rares israélites qui défendaient leur statut communautaire. Élevé malgré tout avec des valeurs morales qui trouvent leur résonance dans la culture juive, j'imaginais que le sport n'en faisait pas partie. Ainsi naît la paranoïa...
J'avais assisté à une séance de ciné-club à l'École Communale où avait été projeté Grand-Père Miracle (Starik Khottabych), une fantaisie soviétique de 1956 réalisée par Gennadi Kazansky. Je crois me souvenir que le Génie, étonné de voir se battre les vingt-deux footballeurs pour s'emparer du seul ballon, en faisait pleuvoir autant qu'il y avait de joueurs sur la pelouse. Cette ravissante idée m'a poursuivi jusqu'à la fin de mes études secondaires. Plutôt que d'aller jouer au Parc des Princes, stade qui nous servait de terrain d'entraînement parce qu'il était situé en face de notre lycée, je demandais à me faire enfermer dans le gymnase, condition fixée par le prof de gym, pour me livrer à des exercices d'acrobatie qui m'enthousiasmait : barres parallèles, cheval d'arçon et tapis où j'allai jusqu'au saut périlleux. À la fin de ma seconde Terminale, je réussis le bac, entre autres, grâce à la gymnastique (Bac C avec 5 en physique et 2 en maths !). Les matchs du Parc des Princes m'ennuyaient au plus haut niveau, relégué au poste d'arrière ou de gardien de but. Question compétition, si je terminai quinzième de l'Île-de-France en nage libre section minime, je me débrouillais mieux avec les matières intellectuelles qui m'obligeaient à des efforts considérables pour continuer à faire plaisir à mes parents en décrochant, autant que possible, la première place (français, latin, anglais, allemand, maths…). Ayant abandonné tout esprit de compétition le jour où j’obtins de justesse ce satané bac, je réussis tout de même à entrer à l'Idhec parce que je m'en fichais et que j'avais concouru uniquement pour faire plaisir à ma maman, encore une fois, on l’a déjà dit. Les nombreux prix internationaux que je reçus par la suite n'ont jamais été convoités, ils m'ont été attribués sans que je les sollicite, condition sine qua non de leur obtention !
Mais qu'ai-je donc à mépriser tant que ça la compétition ? Car je n'ai évidemment rien contre la pratique sportive, bien au contraire : je regrette souvent que les jeunes, entrant à l'Université, abandonnent la culture de leur corps et s'encroûtent. Si je n'ai aucune discipline envers tout effort collectif dans ce domaine, je fais de la gym matin et soir, seul rempart contre mes douleurs lombaires, et de la bicyclette pour me déplacer dans Paris, seul vaccin efficace contre le virus agressif de la conduite automobile. La voiture, ça rend con, et je me retrouve instantanément en train de râler contre les chauffards dont je fais partie. Je rentre énervé à Bagnolet tandis que le vélo me rend zen, même si mon dos dégouline de sueur après la côte qui mène aux Lilas.
Retour à la compète : j'avoue n'avoir aucun sentiment national. Le phénomène d'identification, aux joueurs ou au pays dont ils défendent les couleurs, me révulse. Les mouvements de foule m'agressent et me font peur, me rappelant les grands meetings, Nuremberg 1933, et tous les lynchages que l'émulation du groupe favorise. Je supporte mieux les manifs où les slogans varient d’un groupe à un autre… Pris isolément, les gens sont souvent gentils ; en groupe, ils peuvent se transformer en meute assoiffée de sang. Le mois dernier, au sortir d'une représentation à Nanterre du Vrai-Faux Mariage de La Caravane Passe et La Clique de Pléchti, Yan-Yvon (qui joue le rôle du marié) s'est retrouvé avec le bras cassé et une broche de métal de vingt centimètres : festival gratuit, spectacle en plein air, vigiles peut-être de mèche (entendre de la famille), quinze petits fachos lui sont tombés dessus, parce qu'ils avaient seulement envie d'en découdre et qu'il a tenté de les calmer. Réflexe communautaire sur lequel je n'ai pas trop envie de m'étendre. J'ai pris ma carte de Citoyen du Monde lorsque j'avais 11 ans. Les drapeaux me font horreur, tous les drapeaux. Le seul sentiment national qui m'honore est celui de l'exception culturelle. Je me sens bêtement fier de la renommée dont bénéficie encore la France de temps en temps à l'étranger, d’ailleurs pas partout. Nous vivons sur un acquis, un terreau qui continue à enrichir notre manière de pensée, une saine tradition à laquelle le libéralisme souhaiterait bien faire la peau. Il y donc des héritages dont on peut s'enorgueillir !
Devant la liesse générale, je me sens terriblement seul, abandonné. J'écris ces lignes parce que je sais que partout d'autres solitudes se terrent ces soirs-là. Je ne voulais pas plus jouer les rabat-joie le 10 mai 1981 lorsque je refusai d'aller fêter le succès du parti socialiste. De quelle duperie aurais-je pu me réjouir ? Bien sûr, l'abolition de la peine de mort ou la disparition momentanée des forces de l'ordre dans les rues me soulagèrent, mais l'histoire est trop cyniquement répétitive. Je suis sensible à la paix, inéluctable à terme, mais combien de morts aura-t-il fallu chaque fois ? Je pleurai à la poignée de mains entre Rabin et Arafat le 13 septembre 1993, je fêtai la libération de Mandela le 11 février 1990 ou la levée du siège de Sarajevo, mais je savais que cette joie risquait de n'être que de courte durée.
Du pain et des jeux ! Le peuple est anesthésié. Avec la victoire de l’équipe de France, le gouvernement remontera dans les sondages, ou bien il fera passer de nouvelles lois scélérates pendant l’été. Ça vous redonne du cœur au ventre, « on a gagné ! ». L’ivresse vous sourit et soulage vos peines. Des leurres ! Un nouvel opium du peuple. Certains se plaisent à penser que la tolérance va de pair, lorsqu’un type crie « T’as vu le bougnoule ? » avant le but, et « Mate le Marseillais ! » juste après. On fait ce qu’on veut d’un peuple qui se tient les coudes sous le drapeau. « Tout le monde a le droit de se distraire », entendis-je encore hier. Le populisme m’écœure, il fait le lit du fascisme. Si vous pensez que j’exagère, mettez donc cela sur le compte d’une auto-analyse sauvage (résumé plus haut).

Je retrouve la reproduction d’une affiche de 1998 que Michal Batory m’avait offerte lorsque, deux ans plus tard, nous avons travaillé ensemble sur l’exposition Le Siècle Métro.

samedi 1 juillet 2006

Lysistrata


En commentaire du billet d'hier, la lectrice "Alibi à la une" écrivait :
"Alors ils s'y sont tous et toutes mis..."
toutes ??? je voudrais bien LES y voir !
Allez sans rancune (?) c'est partout les grandes absentes même si c'est la moitié de l'humanité. Je sais elles ressassent et ne prennent pas le pouvoir.
À qui la faute ?

Je commençai par répondre :
"Toutes" pas plus que "tous", mais c'est vrai, beaucoup moins. Toutes celles qui ont répondu "présente !", celles qui sont là, celles qu'on est allés chercher pour ne pas rester qu'entre hommes : quel ennui une fratrie de mecs, quelle obscénité ! Le jazz est un monde masculin où les femmes sont des emblèmes de publicité ou, au mieux, des égéries alcoolisées.
Heureusement celui de l'improvisation libre, des musiques barjos, est un peu plus ouvert, les filles y font leur place, pas facile. Les plus militantes ont d'abord revendiqué leur homosexualité, les plus ambitieuses rejetaient le féminisme pour être considérées à l'égal des hommes, les plus laborieuses se contentaient d'un strapontin...
Y a-t-il une expression féminine ? Je le crois. Leur sensibilité d'artiste ne s'exprime pas de la même manière. C'est moins tranché, arrondi aux entournures, c'est plus fin, parfois, comme chez les mecs pas trop machos, leur part de féminité s'exprimant plus ou moins librement...
C'est à ce moment-là que je choisis d'en faire le billet de ce matin, sachant bien que ce ne sera qu'une parole d'homme de plus, pas le choix cette fois !
Pour compléter le petit panorama rapide et réducteur, j'ajoute aux lignes précédentes que le monde de la musique classique, et, par extension, contemporaine, est tristement potache et réactionnaire, l'esprit de compétition qui y règne en fait une foire d'empoigne où les femmes n'ont à y gagner qu'une forme de contamination. La question des variétés se pose un peu moins, parce qu'on est en milieu populaire, l'enjeu n'est pas le même dans la chanson, l'arrogance porte un bémol à la boutonnière. On préfère y faire pousser des étoiles, quitte à mépriser là aussi le petit peuple des musiciens qui les accompagne, encore des mecs. Les musiques savantes, élitaires, sont chasse gardée, chasse à cour(re) ! On se plaît à croire qu'il y est question de pouvoir. Mais le pouvoir, c'est "pouvoir" faire, c'est le potentiel à créer, à diriger, à diriger sa vie, et malheureusement trop souvent celle des autres, et celle des femmes certainement.
Vaste sujet, "la moitié de l'humanité" ! Cela méritera qu'on y revienne, souvent ?! Alors autant commencer dès aujourd'hui. La parité me semble une mystification de plus, un truc en plumes inventé par les hommes pour que les femmes qui la ramènent leur ressemblent. Regardez Ségolène Royal sur les pas de Margaret Thatcher et Condolezza Rice, quelle horreur ! Il en est d'autres qui se battent avec plus de jugeotte, mais n'y a-t-il pas d'alternative à prendre le pouvoir en package avec la stupidité des mâles ? Faut-il qu'à leur tour les femmes nous gouvernent avec la même brutalité, carnage destructeur et suicidaire ? Au secours, Lysistrata (texte de la pièce d'Aristophane) ! Adolescent féministe et non-violent, j'avais trouvé géniale cette grève du sexe pour arrêter la guerre. Pourquoi les femmes qui y perdent leurs enfants, leurs frères, leur père et leur époux, ont-elles toujours été solidaires de ces bouchers sanguinaires ? Faut-il aller chercher quelque explication dans la biologie comme le fait le documentaire 1+1, une histoire naturelle du sexe (et dont j'eus la joie de composer la musique) ? Doit-on en passer par la barbarie ? Ou bien est-ce l'absurde qui nous gouverne ?
Ayant grandi dans les années 70 au milieu de femmes revendiquant l'émancipation féminine, la question n'a eu de cesse de me poursuivre. Sur les murs de la cuisine étaient épinglés des petits papiers découpés portant tous les slogans de l'époque, certains même ambigus : "Une femme sans homme, c'est comme un poisson sans bicyclette". J'aimais l'impossible. J'en rêve toujours. Attention à moi si, en discutant, j'accordais mal un adjectif, j'étais immédiatement repris et le e final était accentué avec sa liaison phonétique, appendice qui pour une fois dépassait du mot féminin. J'ai pris ainsi l'habitude d'accorder les fonctions, surtout en haut de l'échelle sociale, Madame la présidente, Madame la directrice, une écrivaine, etc.
Dans le Drame, nous n'avions qu'un tiers de musiciennes, cinq sur quinze, l'atmosphère y était tout de même plus digne, ça changeait des chambrées des autres orchestres. Dans le Journal des Allumés, chaque fois que nous le pouvons nous invitons ces dames au parloir, cette fois la harpiste Hélène Breschand, la compositrice et chef d'orchestre Sylvia Versini, les dessinatrices Chantal Montellier et Laurel (son blog). Nous le savons, c'est peu et ce n'est pas le reflet du monde réel, nous forçons les portes. Un seul des Cours du Temps fut consacré à une femme, la contrebassiste Joëlle Léandre, sa parole y est emblématique. Même si Valérie Crinière réalise le Journal (et pas seulement techniquement !), il n'y a que des hommes au comité de rédaction, et peu de femmes dirigent parmi les 42 labels de l'association. Notre trésorière, Françoise Bastianelli, en charge du label Émouvance, a redressé les comptes de l'assoc lorsque nous étions au plus mal. J'aurais pu écrire "au plus mâle" tant l'unisexicité peut être nauséabonde. Les femmes entre elles ne valent guère mieux, c'est pour cela que Lysistrata n'eut jamais gain de cause. Il faut la mixité, le partage des tâches, oui si c'est ensemble, pas de prérogatives ni de territoires réservés, l'échange est plus juste que le partage.
Je repense toujours aux derniers mots de L'innocente de Lucchino Visconti, son dernier film, quelque chose du genre : ''Pourquoi faut-il que, vous les hommes, vous nous portiez aux nues ou nous traitiez comme moins que rien ? "