Le musée du quai Branly s'admire d'abord du quai lui-même. Le jardin vertical de Patrick Blanc orne la seule façade qui ne soit pas de verre, les plantes poussant dans des poches de feutre sans apport d'aucune terre. À sa gauche, l'extérieur ressemble à la Fondation Cartier, un très haut mur de verre abritant le jardin "naturel", théâtre de verdure conçu par Gilles Clément pour qui Raymond (Sarti) avait réalisé Le jardin planétaire à la Grande Halle de la Villette. Le bâtiment, dessiné par l'architecte Jean Nouvel, est un somptueux et malicieux écrin qui n'attendait plus que les "bijoux" offerts en pâture aux visiteurs...
Si l'architecture est formidablement réussie, la circulation dans les galeries intelligente et tortueuse favorisant une certaine intimité, la décoration chaleureuse et confortable et la lumière sombre et douce mettant en valeur les œuvres exposées, on ne peut en dire autant du sens de la démarche. Ce musée qui présente des formes artistiques d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et d’Amérique, préserve avant tout l'esprit colonial. Le décor est formidable, mais, coupés de leur sens, les objets, plus merveilleux les uns que les autres, sont réduits au statut de belles images. La scénographie ne réfléchit absolument pas la dimension ethnologique qu'on est en droit d'espérer. L'ethnographie y deviendrait-elle une trahison de l'ethnologie ? Une impression de vol honteux se dégage de la contemplation de tous ces trésors.
Le 20 juillet dernier, Aminata Traoré, ancienne ministre de la culture et du tourisme du Mali, a publié dans les pages Rebonds de Libération un remarquable article intitulé Quai Branly, musée des oubliés : "Nos œuvres ont droit de cité là où nous sommes, dans l'ensemble, interdits de séjour... Les œuvres célébrées appartiennent avant tout aux peuples refoulés par la loi Sarkozy."
Malgré toutes ces réserves, le musée mérite la visite, et plus d'une fois tant les objets font rêver. C'est un des plus agréables à arpenter, y compris la galerie multimédia, c'est tout dire ! Je dois avouer que j'ai participé, très humblement, à l'ensemble des bornes interactives disséminées dans tous les espaces en en réalisant, pour Riff, le sobre habillage sonore. La réserve d'instruments de musique, sur plusieurs niveaux, m'a évidemment attiré, mais il est si dommage qu'ils ne soient jamais à portée de mains. Les musées resteront toujours des endroits morbides...