Si The Wind Shakes the Barley (Le vent se lève) de Kenneth Loach est filmé à la papa, si la première heure aurait pu être allégée de sa moitié, trop de brutalités appuyées pour que le public comprenne que l'on a raison de se révolter, il pose des questions intéressantes et révèle une page d'histoire comme il s'en écrit hélas tous les jours. L'authenticité des accents irlandais profite à cette épopée et lui donne un aspect documentaire sans manichéisme excessif, faille de presque tous les films du cinéaste anglais.
En rentrant à la maison, j'avais envie d'en savoir plus sur la constitution de la République d'Irlande, c'est déjà ça. Comme chaque fois, la famine précède cette révolution. Les idées de 1917 ont mis le feu aux poudres. Trois ans plus tard, la Couronne britannique défend le capitalisme contre les velléités républicaines des catholiques irlandais. Cette guerre d'indépendance préfigure toutes les guerres coloniales à venir, en Inde, en Afrique...
La trahison, le compromis, la radicalisation sont le lot des batailles et des guerres civiles qui suivent souvent la Libération. Un samedi soir de 1994, tandis que je suis encore sous le coup de mon séjour à Sarajevo pendant le siège, je vais à une fête chez mon ami Alain pour me changer les idées. Préférant la tchatche au sport, j'ai l'habitude de fréquenter la cuisine au détriment de la piste de danse. Recherchant donc un coin calme, je tombe sur un type taciturne occupé à changer les disques. Comme nous faisons connaissance, le gars me dit qu'il est responsable de mission humanitaire dans les cas de grande urgence. Il en a gros sur le cœur. Je comprends qu'il revient du Rwanda. Il est écœuré que 80% de l'humanité qui ne mange pas à sa faim... Il souligne que "pourtant il y a des justes", mais, et cela continue à me faire dresser les poils sur les bras chaque fois que je l'évoque, il ajoute "mais ce ne sont pas toujours les mêmes".
Rien n'est jamais acquis. Le qui vive et la réflexion s'imposent chaque fois. Il arrive que l'on prenne les mauvaises décisions, que l'on se trompe d'amis, que l'on se fourvoie, mais il n'est jamais trop tard pour rectifier le tir.