Cinénato sort le CD de la bande originale du dernier film de Jean Marboeuf, Coup de sang, qu'Ursus Minor a composée. Détournée de son contexte, la musique nous entraîne dans un longue aventure, voyage dans une bouteille, jetée à la mer.
Sa simplicité apparente rend l'oreille plus analytique que dans les deux précédents albums, Zugzwang et Nucular. La musique est devenue tendre. Chaque musicien s'écoute plus intimement. On peut découvrir, à certains moments, de nouveaux alliages de timbres : les sax de François Corneloup, baryton et soprano, colorent l'orchestre de manière originale, ses basses sont incisives, son aigu carresse ; la voix de Stokley Williams double ses peaux en human box... Ce peut être une ouverture convaincante pour Tony Hymas et Jef Lee Johnson vers la musique de film.

Si vous n'avez pas lu le Journal des Allumés du Jazz (s'abonner gratuitement pour le recevoir chez soi), je recopie ici le petit article paru dans le récent n°17 après avoir vu le film, mais sans avoir encore entendu le disque (dist. Orkhêstra).

La chanson Deeper Still rythme le décompte des jours qui mène à la catastrophe : Meurtre J-7. La voix de Stokley Williams rappelle Stevie Wonder. Les paroles effroyablement tristes de Jef Lee Johnson se font l?écho des deuils impossibles.
La chanson Deeper Still rythme le décompte des jours. Meurtre J-6. Le groupe Ursus Minor a composé la musique du dernier film de Jean Marboeuf, Coup de sang, une ?uvre en noir et un peu de couleurs, fleur rouge dans la grisaille du cimetière Montparnasse. « Des larmes? », plaque Marie Christine Barrault sur les derniers accords du générique de fin. On n?apercevra la comédienne que dans le cadre d?une photographie ou sur sa pierre tombale. Tout respire l?absence, pire, la suffoque, car même le héros est invisible, Pierre Arditi restant cantonné à une caméra subjective, amère et chaotique.
Deeper Still. Meurtre J-5. Le choix de l?orchestre est intéressant parce qu?il empêche le film de sombrer dans le pittoresque parisien. Impression actuelle d?éternité. Le soprano de François Corneloup glisse un peu de tendresse. Les harmonies du clavier de Tony Hymas, la batterie de Williams, la guitare tantôt hésitante tantôt déchirante de Johnson rythment la répétition des gestes. Un paso doble renvoie aux injustices du temps.
J-4. Les jours défilent. Grands ensembles. Troquet du coin. Sur l?affiche de Tardi, il y a une fleur dans la main gauche du tueur. Sandrine le Berre, la petite fleuriste, ne pourra rien changer au cours des choses. J-3. Le sol se dérobe sous nos pieds. La chanson Deeper Still rythme le décompte des jours. Meurtre J-2.
Pourquoi une chanson dans un film ? Les cinéastes y sont souvent attachés. Est-ce par souci mnémotechnique, un pense-bête, un emblème, la dernière impression qui persiste tandis qu?on sort de la salle de cinéma pour se retrouver sur le trottoir ? Une chanson raconte une histoire. J-1. L?histoire du film, déclinée autrement. Sur le déroulant du générique, il est temps que la musique, qui a soutenu l?action ou les sentiments, croise enfin le chemin du scénario. Rencontre impossible, toujours, mais un fredonnement qui vous suit, souvent.
Deeper Still, J-0 : coup de sang.