Mes rêves urbanistiques passent par la couleur. Pourquoi tant de grisaille, de beigeasse et de fadeur autour de nous ? Les villes ont-elles peur de montrer un visage souriant ? Il n'y a pas que les maisons. Les voitures sont aussi ternes. Ce ne sont tout de même pas les lois de l'aérodynamique qui freinent les constructeurs automobiles dans la palette des tons ? Les femmes ont toujours eu droit de se vêtir de couleurs chatoyantes, mais s'habiller en orange et rose pour un homme est-ce se distinguer outre mesure ? Chercher des slips ou des chaussettes de couleur équivaut à un marathon lorsqu'on est un garçon. Nous sommes le plus souvent condamnés à la monochromie ou à la laideur. J'ai marché des jours dans New York avant de trouver des chaussettes vives dans un magasin d'East Village et chez Century 21, une enseigne qui n'a rien à voir avec les agences immobilières de notre longitude. Certaines coutumes sont vraiment idiotes. La maison d'à côté est jaune d'or et j'adore. Jacques Demy fit repeindre Rochefort en tons pastels pour y tourner ses Demoiselles. L'île de Burano près de Venise (photo) émerveille les voyageurs qui y accostent depuis des décennies. J'aimerais faire ravaler notre façade en orange sanguine ou en rose fuchsia, comme un grand sourire au milieu de la ville. Chacune pourrait avoir sa charte de couleurs ou bien laisser faire la folie de leurs citoyens, au risque de s'entendre affubler du mot clown. Pas sérieux tout ça. La plupart d'entre nous préfèrent faire la gueule et leurs villes leur ressemblent.