Comme je n'ai pas le temps d'écrire de billet ce matin, car je dois aller voter, que ce soit pour un des clans alternatifs ou en appuyant sur le bouton blanc tout en bas à gauche, pour ensuite passer la journée à diriger l'enregistrement des élèves de trois conservatoires de musique qui ont, eux, réussi à s'entendre pour jouer ensemble dans le cadre de Jazz 93, je vous livre les dernières phrases reçues de Minneapolis de l'ami Jean :
" En lisant l'édito de Laurent Joffrin dans Libération.com samedi matin, l'inverse : culpabiliser ceux qui "ne voteraient pas Royal d'être coupables de rayer la gauche de la carte" sans même estimer que cette gauche là se raye elle-même de la carte à force d'être à droite. Combien de temps va t-on nous refaire le coup des élections de 33 en Allemagne quand les sociaux démocrates avaient tant déçu, tant trahi et qu'en plus après ils montraient du doigt en les désignant coupables (1) ceux qui ne voulaient plus suivre ? Ces élections nous précipitent dans un abîme (ou le revèle) d'abandon collaborationiste par défaut.

(1) Alors que ceux-là mêmes, Spartakistes, anarchistes, communistes avaient vu les dangers du fascisme montant que les sociaux démocrates niaient (en flattant même ses germes)."

Je me reconnais aussi dans les propos d'un rédacteur de la revue Tausend Augen que je ne connais pas et qui répond par mail à un camarade ex-PC puis ex-Verts qui a omis de cacher sa liste d'adresses et appelle à voter Ségolène Royal au premier tour :

"Tout d'abord, j'éviterais de personnifier l'élection présidentielle, étant entendu que des partis sont derrière les candidats, et que les législatives qui arrivent ensuite ne confirmeront pas nécessairement la majorité présidentielle : nous avons en cas de victoire de la droite - ce qui n'est pas inévitable - la possibilité d'envoyer une majorité de gauche au Parlement. Personne n'en parle, et pourtant cela devrait être un enjeu parmi d'autres de l'échéance présidentielle. (...)
Je ne trouve pas le projet socialiste particulièrement progressiste. Étant entendu également qu'un programme aujourd'hui est avant tout pour les grands partis un outil de communication plutôt qu'un échéancier programmatique, et ayant vu les socialistes à l'œuvre, je ne suis pas convaincu.
Le danger que représente Sarkozy est réel, mais c'est avec la force de la conviction qu'on le combattra, d'où la nécessité au premier tour d'un vote de conviction, et pas d'un vote de renoncement ou de peur. La démocratie a besoin de citoyens engagés ayant des idées à défendre. (...)
Cette façon qu'ont les candidats de laisser entendre qu'ils pourront changer quelque chose une fois au pouvoir sans renégocier quasi-intégralement les traités européens a quelque chose de cynique. Ségolène Royal, partisane du oui, comme les autres. Je ne partage pas cette vision cynique et manipulatrice de la politique, qui discrédite celle-ci auprès des citoyens majoritairement partisans du "non".
Je suis atterré par l'échec de la candidature unique de la gauche alternative, et en même temps cela ne m'étonne pas. Je voterai de ce côté-là cependant, car je suis convaincu que la victoire de la gauche passe par un partenaire fort à la gauche du PS. Sinon, il n'aura plus qu'à s'allier avec l'UDF pour l'emporter. Remarquez, cela conduirait probablement à une scission du PS, à la création d'un Parti Social Démocrate, et à la recomposition à gauche de deux nouveaux pôles. Nous verrons bien.
Partageant les mêmes idées féministes que vous, je note qu'il y a d'autres femmes candidates, et féministes également qui plus est. Les exemples de Tansu Ciller, Benazir Bhutto, Indira Gandhi ou Margaret Thatcher ne m'inclinent pas à penser qu'une femme au pouvoir serait fondamentalement différente en soi... Malheureusement, sinon tout serait tellement simple. Le pouvoir, lui, pose problème.
Si Ségolène Royal est au second tour, et qu'elle rassemble à gauche, je voterai pour elle. Avec l'espoir qu'elle gouvernera avec une gauche forte, et non avec un centre dur, dont elle partage pourtant un certain nombre de postulats..."

Je suis sidéré par la lecture des tracts des 12 candidats. Seuls Olivier Besancenot et Marie-Georges Buffet font des propositions claires qui pourraient s'approcher de ma sensibilité. Je suis surtout atterré par le manque de contenu idéologique de la campagne des candidats de "la gauche". Les médias ont pris le pouvoir et la société du spectacle a acquis sa vitesse de croisière. Il m'est devenu impossible de voter pour le PCF qui, avec le Programme Commun il y a trente ans, fut le premier parti à favoriser la stratégie au détriment des idées. On ne peut pas dire que cela lui ait réussi. Restent Besancenot (mais le puzzle clanique de l'extrême-gauche ressemble à la guerre des boutons) ou le déni des institutions par vote blanc, puisque la démocratie bourgeoise montre enfin ses limites. Elsa dit que je devrais voter Besancenot pour qu'il puisse au moins rembourser sa campagne. J'ai encore quelques minutes pour réfléchir, car, en plus, on va me faire voter mécaniquement. Le bourrage d'urnes ne date pas non plus d'hier...

L'illustration est de Dave McKean.