Perception rétinienne de la machine. Sur iChat, l'écran conserve la dernière image de notre conversation. Depuis l'intégration d'une caméra aux derniers Mac, les échanges vidéos se multiplient. Pierre-Étienne me montre son épaule trois fois démise et parle de son métier de pilote de Boings depuis le village de Navata en Catalogne, Fred me laisse espérer des nouvelles de FluxTune depuis son château de St Laurent-le-Minier, Françoise envoie ce cliché ciotaden alors que je prends congé de Giraï qui, malgré ses 97 ans, jubile de ces avancées julesverniennes. C'est devenu très simple. Il suffit d'un double-clic pour amorcer la connexion. Ce n'est pas qu'un gadget pour se voir en plus de s'entendre. Je montre une mise en pages, vérifie des numéros, précise les dimensions d'un objet... Plein écran. Nous nous amusons à faire courir deux réalités simultanées comme dans le projet iKitchenEye de Françoise. On peut s'y mettre à trois ; une foule d'applications vont se découvrir d'elles-mêmes.
Derrière moi, on aperçoit la valise d'Aldo Sperber, des années où il réalisait plus de sculptures que de photographies. La figurine dans la cavité centrale s'allume le soir, comme un autel païen à une divinité du voyage. Si c'est cela, c'est raté, je fais du sur-place. Je suis en peignoir de bain malgré une heure très avancée de la journée. J'ai beau commencer très tôt, 6 heures ce matin, j'ai du mal à m'arrêter de travailler. Même pour aller faire ma toilette. Si je suis invité à une vidéo-conférence, je fais attention de ne pas être à poil ! Je me débrouille néanmoins pour ne pas faire le tour du cadran dans cet état. Ce serait déprimant, destructurant. Sur la capture-écran, je vois ma fausse incisive qu'il faudrait remplacer. Auparavant, on s'en rendait compte seulement lorsqu'elle était éclairée par une lumière noire. Ma main expose impudiquement ses lignes à tous les chiromanciens.