Franck Vigroux me fait découvrir le film de Bill Morrison, The State of Decay, qui fait partie de l'opéra de Michael Gordon, Decasia, mais que l'on peut acquérir séparément. Le dvd est un montage de différentes prises live de la création à Bâle de cette symphonie environnementale pour 55 interprètes avec projections. Morrison remonta la bande-son pour coller aux images de la version film. C'est un montage d'archives érodées par le temps qu'il est d'usage aujourd'hui d'appeler "found footage", comme si ces images s'étaient perdues et que le réalisateur les avait sauvées de l'oubli, trésors engloutis dont le cinéma expérimental a toujours fait ses choux gras. Les images abîmées font surgir en nous une mémoire inventée, réinterprétée. La musique de Michael Gordon, un répétitif de la seconde génération, membre de Bang on a Can, à qui l'on doit déjà le sublimissime Lost Objects (que j'avais utilisé pour illustrer les photos des inondations d'Arles aux Rencontres), participe à cette impression de temps suspendu, de futur post-nucléaire qui est pourtant notre passé. Le temps fond ici comme la pellicule. Création et destruction procèdent d'un même mouvement vertigineux. L'hypnose nous guette, nouveaux derviches faisant corps avec nos impressions, ce qui est imprimé sur le nitrate ou le celluloïd, le cinéma.

Interview de Morrison et Gordon :

Le vent de Sjöström nous balaie. L'extrait de YouTube ne peut restituer la beauté de la matière. Pour les images, pour la musique, pour la plongée dans cet inconscient collectif, achetez le film, sans hésiter.