Les bambous atteindront huit mètres cette année. La jungle gagne sans cesse du terrain. J'ai choisi de quitter Paris pour voir les arbres pousser et sentir les saisons se succéder. C'est une farce, la lisière est à trois cents mètres ! Sous l'assaut des plus vivaces, les espèces se raréfient. D'autres apparaissent, graines apportées par le vent et les oiseaux. Je n'aimais pas tailler les branches, mais j'ai fini par accepter comment la nature fonctionne. Malgré tous les conseils m'exhortant à empêcher le lierre de s'accrocher à la maison, je l'ai laissé proliférer. Je pensais qu'il lui faudrait du temps avant qu'il n'arrive à attaquer la pierre et que son manteau de verdure m'éviterait de ravaler les quatre hauts murs. Tout semblait rouler comme sur des roulettes jusqu'à ce que le lierre atteigne le toit, envahissant la gouttière et soulevant les tuiles. Plus le choix ! J'ai commencé à sectionner les branches au rez-de-chaussée, à arracher celles qui adhèrent à la façade, à me tordre dans tous les sens, m'esquintant une fois de plus les doigts. Je dois encore emprunter une échelle ou un harnais pour repousser l'invasion de la toiture. Ce n'est pas gagné. Françoise est inquiète que je grimpe à plus de dix mètres en hauteur. Je crains pourtant moins l'escalade que l'arrachage... Entre les bambous et le lierre, c'est auquel sera le plus coriace. Je regretterai l'épaisse toison qui donnait à la maison un air champêtre hiver comme été. Maintenant la reprise du crépis semble inévitable. J'ai toujours rêvé repeindre la maison d'une couleur flashy, je ne me suis jamais décidé pour laquelle...