Quatre disques acquis pour une bouchée de donut, dans les 10 ou 12 euros pièce, remplissent mon week-end dans les moments volés au traitement de fichiers sonores au fond du studio. Trois cents hier samedi, même punition prévue pour aujourd'hui, mais j'ai commencé jeudi par les plus ennuyeux, les séries de chifffres, degrés d'abord, les heures ensuite. Je sors au soleil, j'ouvre grand les fenêtres, me laissant envahir par la sensualité nerveuse de Betty Davis ou les élucubrations de Sly and the Family Stone.
Je connaissais les disques de la panthère noire du temps où j'habitais rue du Château à Boulogne-Billancourt, mais je ne m'attendais pas à trouver tant d'invention chez Sly. L'un et l'autre ont défriché le terrain à toute une ribambelle de musiciens noirs et fiers de l'être. Sly influence Marvin Gaye, Stevie Wonder, Prince et toute la new soul. Dans certains cas, cela frise même le vol... Lorsque j'étais ado, le rhythm 'n blues était beaucoup trop classique à mon goût, trop religieux. Je guettais la révolte là où mes potes cherchaient à emballer les filles sur fond d'Otis ou d'Aretha. J'étais passé à côté de Sly and the Family Stone, m'étant cantonné aux tubes Don't call me Nigger, Whitey et I want to take you higher... Je découvre émerveillé deux disques réédités, les psychédéliques Stand! et There's a riot goin' on. Swing d'enfer, recherche de timbres inouïs, mélange de pop West Coast et de funk acide, papier de verre velouté, festival vocal, kaléidoscope multiracial. À la même époque, Love mêlait la voix d'Arthur Lee aux trompettes mexicaines et aux cordes symphoniques. Ike et Tina dépotaient salement. Les guitares électriques étaient sorties du bois, déchirant définitivement les usages.
Bombe sexy indépendante, Betty Davis provoque à mort. Cela n'a pas dû plaire aux machos de service, à commencer par son brutal, mais néanmoins génial, mari prénommé Miles. C'est elle qui lui fait connaître Hendrix. Suivra bientôt Bitches Brew. L'électricité ! Leur liaison n'aura qu'un temps. Betty Davis écrit elle-même ses textes et sa musique, elle compose ses arrangements. On ne sait rien de ce qu'elle est devenue ensuite. Écœurée par le business, elle a rangé son cri pour toujours et refuse de répondre aux interviews. Là encore le petit Prince a laissé traîner ses oreilles (af)futées.
Livrets très épais pour les deux Bette Davis de 1973-74 (lightintheattic.net). Bonus en prime aussi avec les deux Sly de 1969-71 (Epic).
Des disques pour l'été qui semble enfin décidé à se montrer. Il faut l'accompagner !