J'ai toujours eu l'impression que faire la sieste me plombait, me réveillant complètement crevé alors que je m'étais endormi en forme. J'ai les jambes coupées, les paupières lourdes, à moins que ce soit le contraire, les yeux déchirés et les jambes qui pèsent une tonne. Serait-ce un mal nécessaire, comme les enfants qui grandissent après une poussée de fièvre ? À terme, les heures de sommeil s'ajoutant au relâchement des tensions, me referais-je une santé en repartant du bon pied, le troisième œil s'entrouvrant sur le monde comme une genèse, le point zéro recherché, la perte indispensable pour regagner son centre, un jeu de pistes battu, coupé, rebattu, qui laisse monter la bonne carte sur le dessus du paquet ?
La maison de Pascale et Jean ne me facilite pas le travail. Si l'ancien chais abrite une salle immense, open space rehaussé de chambres modernes se cachant derrière des voiles indiennes, murs de pierres grimpant à plus de dix mètres, escaliers de métal, empilement de terrasses menant à l'horizon comme un promontoire surplombant des collines de végétation romaine, l'ancienne maison où nous avons élu domicile est un labyrinthe de pièces dramatiques mettant chacune en scène un petit théâtre de rêve. L'escalier blanc mène à quelque île grecque tandis qu'une antichambre aux papiers peints d'origine laisse espérer que l'une des pièces qu'elle dessert abrite le trésor convoité. Est-il besoin de sonder chaque mur ou devrions-nous nous diriger directement vers la cave conçue pour que s'y écoule une rivière entre ses arches fraîches en cas d'inondation ? Mais, contrairement au reste du pays, aucun déluge n'est programmé pour ces jours-ci.


L'atmosphère de fin d'été est douce, reconstituante, tendre comme le nuage qui semble enrober les hôtes de ces lieux, une collection de mammifères aimables, placides ou sautillants. Ce havre de paix abrite des chimères ancrées dans le réel. L'illusion est parfaite. Il existerait à portée de train une vie alternative qui s'appuierait sur les conclusions morbides que le monde d'aujourd'hui nous donne en pâture, une autre façon de marcher. Point de spéculation à en croire les témoignages sur pattes de ceux qui la traversent, mais une foule de questions laissées en suspens.