La gratuité est avancée aujourd'hui comme jadis les prix avantageux de la Fnac. On avait déserté les petits disquaires, plus chers, qui ont fini par fermer boutique. La Fnac, devenue quasi monopoliste, a ensuite restreint l'offre pour ne plus proposer que ce qui se vend facilement. Cette semaine encore, un vendeur de la Fnac Nîmes nous confirmait que l'enseigne dite culturelle ne travaillait plus avec les distributeurs indépendants !
Les sociétés d'auteurs, qui ont déjà pensé défendre les artistes par une loi impossible à appliquer et par la répression, ont-elles envisagé que le pacte avec Deezer pouvait cacher à terme un étranglement terrible de toute la création ? Quelles garanties ont-elles reçues ? Si la publicité alimente la libre circulation des œuvres sur Deezer ou YouTube, les annonceurs ne seront-ils pas en position de faire pression et de prendre la direction des opérations ? Souhaitons-nous que les œuvres soient transformées en support de pub ?
La gratuité ressemble bigrement à une carotte géante dans une époque où toute denrée vitale a une fâcheuse tendance à l'augmentation. Est-ce une manière de décrédibiliser les derniers acteurs de la critique sociale, empêcheurs de tourner en rond, rêveurs d'un autre monde possible ? En attendant de savoir de quoi sera fait demain, profitez de la libre circulation des œuvres, mais n'oubliez jamais qu'il n'est pas dans les usages du Capital de faire des cadeaux... Et qu'il saura réclamer son dû en temps et en heure !

Le rouleau compresseur du mp3 est à l'œuvre ce que la carte postale est au tableau, la télé au grand écran, la poupée gonflable à toi mon amour, etc. Les leurres fleurissent par milliers, plantes en plastoc qui poussent sans eau, et sans odeur...
C'était jusqu'ici le discours de l'amateur de musique éclairé... Un nouveau pas vient d'être franchi, la gratuité, légale ! Le site français deezer.com signe avec la Sacem et Sesam un accord de rétribution des auteurs indexée sur les revenus de la publicité sur le site. Deezer.com, disponible en 16 langues, créé après la fermeture de Blogmuzik.net en février dernier, propose déjà 250 000 titres à l'écoute. Il ne s'agit pas de téléchargement. Un lien redirige vers l'achat en ligne sur iTunes. Mais la nouvelle est de taille : l'écoute est gratuite, illimitée, légale et accessible via votre navigateur Internet. On peut créer ses propres listes d'écoute, partager les morceaux avec ses potes et même enrichir la base de données avec ses musiques en mp3, que l'on en soit ou non l'auteur !
La promotion des titres par leurs producteurs fera la loi plus que jamais. Le facing, la vitrine, fera la différence entre les blockbusters et le reste, musiques alternatives et bibliothèque babylonienne de toutes les pratiques "amateurs" confondues. Le Net enterrera-t-il les indépendants ou leur fournira-t-il un espace de résistance, à l'instar de MySpace dont les pages se vêtent de plus en plus d'annonces publicitaires ? C'est la grande question, l'enjeu vital pour tous les artistes qui ne rentrent pas dans le moule du formatage et de la culture Kleenex...
Il est pourtant à craindre qu'Internet, entrant dans une nouvelle phase, de services et de commerce, ne laisse que peu de place aux indépendants qui refusent de se conformer aux canons du moment. Lorsque les consommateurs auront tous adhéré aux nouvelles pratiques, il n'y aura plus qu'à les rendre payantes pour verrouiller le dispositif.