Depuis plusieurs années, à l'École des Arts Décos de Strasbourg comme dans de nombreuses autres écoles et universités, je prêche la bonne parole du design sonore en exposant mes "vues" sur les rapports qui régissent le son et les images dans l'audiovisuel. J'y dirige régulièrement un workshop dans le cadre du passionnant atelier de didactique visuelle dont s'occupe avec zèle Olivier Poncer. Cette année, comme j'avais accepté, pour la première fois, de participer au jury de diplôme, je reçus une feuille contractuelle à remplir qui eut le mérite de me mettre en boule lorsque j'en découvris les termes. Un défraiement de 45 euros m'était octroyé tandis qu'une chambre d'hôtel m'était réservée à 77 euros la nuit ! J'appelai illico l'administration de l'ESAD nullement surprise par mon coup de téléphone et précisai alors par écrit ma position :
" ... Je suis absolument désolé de décliner votre invitation, mais les conditions proposées m'apparaissent inacceptables : il est impensable qu'un professionnel paye la différence entre le prix de l'hôtel et le défraiement afférent...
Ou, hélas pratique courante dans notre pays, qu'il avance les frais de déplacement pour être remboursé des semaines plus tard. Tout doit être fait pour lui faciliter la tâche car les indemnités versées sont généralement une maigre compensation à la perte ses revenus habituels.
Participer à un jury de diplôme n'est pas une mince affaire ; si la responsabilité morale que cela exige justifie que l'on y sacrifie quelques jours de son temps et de son travail, il ne s'agit ni d'œuvre de solidarité ni d'engagement militant. Malgré la satisfaction d'avoir pu être utile aux jeunes gens impliqués, on en ressort le plus souvent exténué.
Aussi, et je compte écrire un article sur le sujet dans les semaines qui suivent et en débattre ouvertement et publiquement avec mes collègues, il est inacceptable de participer à un jury de diplôme sans que les tracasseries administratives nous soient autant que possible épargnées et en aucun cas il ne doit nous en coûter le moindre denier de notre poche..."
L'administration me confia que la Ville, la DRAC et la direction de l'École avaient déjà été averties de cette clause inacceptable, mais qu'aucun membre du jury n'avait jamais râlé ouvertement. Par contre, grand nombre d'entre eux ne s'y prêtaient qu'une seule fois et ne revenaient plus jamais, ce qui laisse planer une grave inquiétude sur la remise des diplômes (DNSEP), compromise puisqu'il devient de plus en plus difficile de convaincre des professionnels d'y participer. Les trois instances ayant opposé, une fois de plus, un refus de prendre en charge correctement la venue des professionnels sollicités, j'engage mes collègues à ne pas céder face à ces choix aussi dévalorisants qu'absurdes. Cela permettra de faire fléchir les autorités de tutelle qui comprendront peut-être que, tandis que les fonctionnaires et salariés ont leur revenu assuré lorsqu'ils participent à ce genre de responsabilités, les professionnels, subissant forcément déjà un manque à gagner, ne peuvent, en plus, accepter d'en être de leur poche... Je précise que cette situation n'a rien d'exceptionnel et qu'il est donc important d'avoir une position solidaire sur ce genre de pratique : les conférences, participations à des tables rondes, à des jurys, etc. doivent être justement rémunérées et défrayées si l'on veut maintenir la qualité des interventions professionnelles extérieures dont les étudiants sont en droit de bénéficier.