La merveilleuse visite de l'exposition des installations en relief réunies à La Bellevilloise justifie le billet rageur que j'ai écrit sur la soirée de lancement des Rendez-vous du Festival Nemo, tant le choix des films présentés à l'Élysées Biarritz était fortement dissuasif et peu représentatif des vrais trésors que recèle la cuvée 2008.
Nous avons chaussé les lunettes polarisantes, gravi trois marches et nous voilà sur la passerelle qui surplombe le fleuve où n'en finit pas de passer un immense pétrolier dont la taille démesurée me fait irrésistiblement penser à la phrase de Tex Avery "Very long, isn't it ?" et au film Marée noire de Samuel Sighicelli vu jeudi soir. Des différentes séquences qui se succèdent sur les deux écrans posés horizontalement sous nos pieds de chaque côté des planches que nous faisons doucement grincer, nous retenons surtout l'époustouflante plongée sur ceux qui vivent dans la décharge à ciel ouvert, une Ile aux fleurs vénézuélienne. La lenteur des mouvements de la caméra nous laisse le temps de les détailler, d'échanger un regard lorsque l'un d'eux lève la tête vers la caméra, d'apprécier qu'au delà de la beauté plastique des formes il y a une histoire, terrible et brutale, qui n'efface pas les sourires des petits bonshommes qui vivent sous nos pieds. La scène rappelle à Nicolas les maquettes de train électrique de notre enfance tandis que je plane au dessus de cet aquarium où se meuvent ces hommes-fourmis destinés à la mort. Rupture d'espace, l'installation vidéo en relief de Sabrina Montiel-Soto et Fabrice Croizé, sous-titrée Vision en 3D et en plongée d'une décadence attendue (site), nous requinque après l'usure habituelle de tant d'œuvres insipides. Ses séquences cinématographiques n'auraient pu être montrées autrement que dans le cadre de ce dispositif scénographique, le relief participant au vertige des écrans en contrebas. La création sonore de Thomas Giry et Arnaud Riedinger accompagnant l'immersion dans ce monde à la fois poétique et politique est suffisamment sobre et intelligente pour absorber les bruits discrets des visiteurs ou le battement cardiaque d'une autre installation exposée dans l'espace obscur de La Bellevilloise.


L'autre morceau de choix est la rénovation de World Skin, probablement l'œuvre la plus intéressante de Maurice Benayoun. Le "safari photo en pays de la guerre" où les visiteurs jouent leur rôle de touristes en se laissant absorber par l'écran interroge le statut des journalistes au milieu des conflits. L'un après l'autre, nous arpentons la scène des crimes avec un joystick wi-fi ou prenons les clichés photographiques, effaçant les cadres en les remplaçant par un éclair blanc. Cette œuvre immersive de 1997 a, de plus, le mérite de faire jouer ensemble deux visiteurs auxquels sont anecdotiquement offerts des échantillons de ce qu'ils ont shootés.
Bump it de Bertrand Planes est une intéressante anamorphose vidéographique qui transforme un mobilier blanc en voyage historique des couleurs possibles qu'un projecteur peint habilement. Un sympathique clip à bord d'un train sillonnant une ville qui semble construite de papiers découpés, jeu de cubes rythmé par une musique techno de percussion en bois, boucle ce petit panorama réussi de la 3D.
Si vous vous demandiez quoi faire aujourd'hui dimanche à Paris, c'est tout trouvé !