70 juillet 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 31 juillet 2008

Polémiques


Les commentaires des internautes restent attachés au billet d'origine quelle qu'en soit la date, tandis que les billets d'un blog apparaissent dans l'ordre chronologique (inversé). Lorsque les lecteurs laissent des commentaires sur des articles anciens, Dotclear, le logiciel utilisé pour mon blog, me permet de les découvrir au fur et à mesure de leur émission, mais ils restent enfouis sous le millier de billets rédigés sans interruption depuis trois ans.
Pour mes lecteurs les plus assidus, je signale donc aujourd'hui quelques récents échanges de commentaires, générateurs de polémiques, accompagnant les billets suivants :
- La réponse de Siné
- Les garçons sauvages
- Camille fait son trou
- La BD vocale de Nosfell
- Dans le regard omnipotent des mâles
- Deux parallèles se croisent à l'infini
- L'habit ne fait pas le moine
- Kusturica, le renégat
- Le cirque du soleil pour Robert Lepage
...

mercredi 30 juillet 2008

Oblades et mustelle


Partis à 5h du matin, nous sommes arrivés au large de Cassis une heure plus tard. La pêche à la traîne n'ayant rien donné, nous avons lancé les rusquiers (du provençal "rusque", l'écorce) par dessus bord. Ce sont des flotteurs en liège d'environ 15 centimètres de diamètre, peints en blanc pour qu'on les repère plus facilement, auxquels sont fixés trois hameçons garnis de pain frais pas trop cuits. Les poissons mordent au piège et ne pouvant entraîner le bouchon au fond de l'eau remontent deux ou trois fois pour finir par se noyer. On n'a plus qu'à repasser avec le pointu et les repêcher. Nous nous battons contre les gabians (goélands) qui fondent sur nos proies. Moisson d'oblades, avec en prime une énorme mustelle à la mine patibulaire, mais à la chair succulente, que Jean-Claude cuira au court-bouillon dans la turbotière que ses filles ont chinée à l'Emmaüs de Marseille. J'ai rapporté de Paris des algues fraîches (nori) conservées dans le gros sel qui se fondent très bien avec les tomates, les oignons et les herbes aromatiques du jardin... Suit une bonne sieste !

mardi 29 juillet 2008

L'étoile rouge


Voilà deux ans que je garde cette photo sous le coude. Après avoir laissé ce commentaire sur mon propre site et sur celui d'Étienne Mineur, j'ai décidé d'enfoncer le clou en le reproduisant ici :

À la lecture des attaques répétées du rédacteur en chef de Libération, Laurent Joffrin, une question m'assaille :
" celui qui voit des antisémites partout n'invoque-t-il pas, sans s'en rendre compte, son propre racisme ? "
Si(g)né
Un sale youpin (puisque propalestinien)

Ce qui me rassure, en lisant la liste des signataires de la pétition pour Siné et les positions des uns et des autres, c'est que je ne suis pas le seul.
Quant à la photo, elle m'a été inspirée en août 2006 pour illustrer le mur de la honte entre Israël et la Cisjordanie.

lundi 28 juillet 2008

Midomi reconnaît ce que je fredonne


Depuis le passage de mon iPhone en version 2.0, j'ai téléchargé sur l'Apple Store quelques applications gratuites. VoiceNotes le transforme en dictaphone : j'ai enregistré un air composé en marchant sur le gravier. La nuit, Light ou FiatLux éclairent ma route. Je tchate avec AIM et convertis devises, poids et mesures. Le Yi-King (iChing) prend le relais en débloquant les situations où c'est moi qui débloque. Je me connecte directement à mes MySpace et FaceBook. Quelques jeux (iMaze, Labyrinth...) sont basés sur le centre de gravité de l'engin... Tous gadgets dont on se passe très bien.
Mais plus fort que Shazam qui reconnaît une chanson qui passe à la radio, Midomi va me chercher ce que je fredonne. On n'arrête pas le progrès ! J'ai essayé et cela fonctionne remarquablement. Midomi trouve même des occurrences inédites. Je jette un coup d'œil à la liste proposée ou j'écoute quelques secondes des résultats pour être certain de mon choix. Il suffit de chantonner, marmonner, siffler, et voilà Midomi qui me projette le clip en ligne sur YouTube ou me propose l'achat sur iTunes ! Évidemment, l'application est de parti pris. Pas question de trouver l'une des chansons que j'ai écrites, mais je ne suis pas certain de la chanter correctement, alors...
J'aurais pu tout aussi bien dire à haute-voix le titre de la chanson ou d'un artiste (mais cela n'apporte pas grand chose), taper son nom (idem) ou lui faire deviner ce qui se joue à la radio (comme Shazam), mais cela ne m'aurait pas esbroufé comme de chantonner vaguement La complainte de la butte ou un machin des Beatles et me retrouver avec le clip ou la chanson identifiée automatiquement en quelques secondes : et hop, c'est dans la poche !

P.S. : J.R. m'envoie cette requête par mail "Peux-tu me retrouver cette chanson : tan tantan tantantantantantan tin tintin tintintintintintin tantan tantantantantan tan tantantantan tan etc." Le système n'est pas aussi performant que je l'avais supposé. Ça ne marche pas !

dimanche 27 juillet 2008

Anh-Van comme


Voilà plus de vingt ans que je connais Anh-Van. Nous habitions dans le même immeuble à Père Lachaise. Je grimpais au 3ème. Il descendait au 1er. Les enfants étaient chez les uns, chez les autres. À tour de rôle, les voisins faisaient les nounous. Nous pouvions décider de sortir sur un coup de tête. Michèle et moi n'avions pas une fille, mais une demi-douzaine ou pas du tout. Une véritable ruche. La quinzaine de moutardes (à deux près il n'y avait que des filles) avaient presque toutes le même âge. Certains dimanches, il y avait des fêtes d'immeuble que je filmai au fil des années. Marie-Christine et Anh-Van organisaient des soirées avec des dizaines de convives où se produisaient des musiciens classiques, des jazzmen, des danseurs de tango, des comédiennes... Lui, c'était le bon docteur, fidèle au serment d'Hippocrate, des comme on n'en voit plus beaucoup, dévoué à ses patients. J'en faisais partie, mais lorsqu'il a déménagé, j'ai arrêté d'être malade. Ce serait devenu trop compliqué. J'ai raconté les mardis soir où ensuite Anh-Van Hoang faisait table ouverte et plus tard ses dimanches après-midi à Belleville...
Lorsqu'il est passé à La Ciotat, entre ses plongées en Corse et Carnoules où jouait son fils Antonin-Tri, je lui ai suggéré que nous mettions en ligne les 26 numéros de notre revue ABC comme, quatre ans et demi, de 1992 à 1996, pour arriver à la lettre Z. Cela consisterait essentiellement à scanner un paquet de pages 21x29,7, textes et images. On pourrait en reproduire un florilège. Je rappelle que l'ABC comme tirait au nombre d'exemplaires qu'il y avait de rédacteurs. À l'époque où mes films tournés à Sarajevo rassemblaient 20 millions de téléspectateurs tous les soirs, je trouvais cela très sain. Selon les numéros qui grossissaient au fur et à mesure de la chronologie, on était assuré d'être lu par huit, dix-sept ou trente-trois lecteurs attentifs, d'autant que l'on s'en parlait mutuellement à la fête qui célébrait chaque sortie. Il sera impossible de restituer la variété de textures, les papiers variant pour chacun d'un coup sur l'autre, papier glacé, papier buvard, papier dessin... Marie-Christine Gayffier, qui assurait le secrétariat de rédaction en plus de tout le reste, reliait parfois des matières plus exotiques, grillage, carrelage en plastique... Nous livriions chacun les copies de notre contribution, image et texte associés. Tout était fait à la main, parfois numéroté. Pour la lettre K, nous avions édité une cassette audio dont j'avais réalisé le montage. Parmi les rédacteurs il y avait autant de pros (Françoise Petrovitch, Alain Monvoisin, François Davin, François Figlarz, Joseph Guglielmi et tant d'autres) que d'amateurs (Elsa qui était toute petite avait même écrit et dessiné un O comme Oeuf !). La revue vit naître des amours, des couples se séparer, des amis disparaître, des créativités se révéler... C'est dans ce cadre que j'écrivis mon M comme Mobilisation Générale et mon P comme Papa. En bon archiviste, je suis un des rares à posséder toute la collection, comme celle du Journal des Allumés qui publieront leur vingt-deuxième numéro à la rentrée.
J'aurais pu parler de la musique, des rêves, des filles, de politique ou de bouffe, de fumée ou d'alcool (en bon médecin, Anh-Van est l'auteur avec Yves Charpak du Guide de la Cuite !)... L'ABC comme fait partie des souvenirs que je partage avec Anh-Van et des beaux jours du boulevard de Ménilmontant.

samedi 26 juillet 2008

Démix de Marvin Gaye


Sur le FunWall de mon FaceBook, Marie m'envoie ce petit clip trouvé sur YouTube. Trois mots ésotériques pour qui n'est pas un aficionado du Net. Et de quatre ! Les "amis" de ce réseau de relations font suivre régulièrement ces petits films amusants ou militants. J'évite de me débarrasser vite fait de mes billets quotidiens en recopiant sans commentaire ces amuse-gueule qui circulent par mail ou par ce type de réseau. Avant-hier soir, je tombe ainsi sur Marvin Gaye chantant I Heard It Through The Grapevine dans une version a capella, probablement la piste voix isolée du mixage de ce clip télévisé. Les passages de silence font dépression en regard de l'intensité de la voix. Grâce à Fredo qui dirige l'excellent magazine Muziq où je rédige régulièrement une chronique des cd qui m'ont enthousiasmé, j'avais découvert ses albums What's Going On et Let's Get It On, respectivement de 1971 et 1973.
Adolescent, j'étais passé totalement à côté de la soul qu'écoutaient les dragueurs patentés, lui préférant les élucubrations hirsutes des Mothers of Invention, les avant-gardismes électro de White Noise, les planeries psychédéliques de Pink Floyd et les mélodies des Beatles. J'ai vogué ensuite de style en style, d'époque en culture, espérant toujours découvrir des vallées cachées où les trésors s'accumulent pour le plus grand bonheur des explorateurs. Muziq fait d'ailleurs souvent partie de mes révélateurs, mais pour les musiques actuelles je ne vois toujours rien d'autre que l'immersion indigène où je dois prendre des risques et payer de ma personne !

vendredi 25 juillet 2008

La trilogie de la jeunesse


La Trilogie de la Jeunesse (3 dvd Carlotta) est un triptyque formé des trois premiers films de Nagisa Oshima : Une ville d'amour et d'espoir, Contes cruels de la jeunesse et L'enterrement du soleil. De film en film, le cinéaste japonais s'enfonce dans une noirceur extrême. Les jeunes héros s'enferrent dans une lutte désespérée contre la société qui les a engendrés. Tournés en 1959 et 1960, ces films qui ont marqué les débuts de la nouvelle vague japonaise montrent le pays du soleil levant incapable de se relever de la guerre dont le terrible échec restera inavouable jusque très récemment. C'est le combat des traditions ancestrales contre de nouvelles aspirations encore inaccessibles, d'une indépendance revendiquée et de la domination américaine, des générations précédentes qui se sont perdues et de celle qui ne s'est pas encore trouvée, des rêves d'amour et de la cruauté de la misère. Le décor est celui des bidonvilles de l'après-guerre, des sans-travail et sans-logis, avec à l'horizon lointain la vague silhouette d'une nouvelle classe moyenne urbaine. On sera bouleversé par cette critique sociale qui montre les miséreux s'entretuer. La prochaine révolution pourrait être plus brune que rouge. Alerte. Se vendre ou mourir, se vendre et mourir. La critique politique est tout aussi saignante. La même année, le réalisateur tournera Nuit et brouillard au Japon (article à venir) marquant la fin de sa collaboration avec la production Shochiku pour devenir indépendant.
Les bonus sont absolument remarquables : Une histoire du cinéma japonais par Oshima lui-même, des entretiens lumineux avec Donald Richie et Yoichi Umemoto, les carnets d'Oshima pour Contes cruels de la jeunesse...


Carnet 1 : Les voir tirer un pigeon au fusil de chasse ne leur fait rien. OK. Cette fois-ci je leur balancerai une bombe... Carnet 2 : Prendre le sexe comme objet, c'est observer tous les personnages du point de vue du sexe... Rebellion fondée sur une anarchie sexuelle populaire, effondrement de la morale établie, nature marchande du sexe... Histoires de parents qui font payer leur sort à leurs enfants... Carnet 3 : Drame de la conscience de soi. En est-ce bien un ? Rencontre, blessure, séparation, réconciliation. Sinon, tout se passe contre leur volonté, puis conformément à leur volonté, dépravation progressive. Monde où il faut vendre et se vendre... Leur ennemi, le système lui-même, ceux qui l'incarnent... Carnet 4 : Subjectivité de la caméra, rapports de position entre personnes, composition, panoramiques multiples, couleurs sombres de peinture à l'huile, mouvements juste avant que ça coule, les personnages disparaissent en traversant l'avant-plan, utilisation percutante du son, y penser si modification du scénario, mouvements des gros plans, filmer les choses longuement, la lumière minutieusement, plans dont les personnages débordent, au moment où très gros plan dézoomer, ne jamais faire entrer le moindre morceau de ciel... Croire ou ne pas croire en la solidarité... Les distorsions de la société c'est que les hommes se vendent et s'achètent, c'est ça qui les oblige à commettre de tels actes... Les hommes sont les seuls à conférer de la valeur à ce qui n'en a pas, alors il faut les respecter, alors il ne faut pas mourir... C'est l'histoire de jeunes gens qui ne peuvent laisser éclater leur colère que sous une forme distordue... À travers la tragédie de cette distorsion qui réduit cette belle jeunesse qui devrait être la leur à une défaite cruelle je veux exprimer ma colère contre la situation dans laquelle est prise la jeunesse contemporaine. No comment !

La bande-annonce de ce second volet de la Trilogie la résume parfaitement : Abruti ! Ce n'est pas une façon de se comporter... OSHIMA FRAPPE FORT... Je dis ça pour votre bien. Vous devriez rompre avant qu'il ne soit trop tard... C'est parce que tu étais lâche que tu as échoué... Tu es certaine de leur fidélité ?... Dis pas n'importe quoi ! Nous, on ne se laissera pas déshonorer comme vous. DISPARAISSEZ, BANDE DE LÂCHES ! ON CHOISIT LA JEUNESSE ASSOIFFÉE DE SANG ! C'est vrai, on a consacré notre jeunesse à essayer de changer la société. Mais il est impossible de casser ce mur. DEUX GÉNÉRATIONS S'AFFRONTENT. DE VIOLENTS DÉSIRS. UN FILM SANGLANT !

jeudi 24 juillet 2008

La réponse de Siné


En général, j'évite les sujets traités par les autres médias qui le font beaucoup mieux que moi. Je préfère débusquer des inédits, des raretés, exhumer des méconnus, creuser, fouiller, ou bien exprimer un point de vue s'il prend le contre-pied de la majorité. Et puis, de temps en temps, je me fiche en colère et ne peux résister de me joindre aux camarades épris de justice ou de liberté, deux mots galvaudés certes, qui ne veulent pas dire grand chose, deux fantômes qu'il est bon de faire surgir certaines nuits de pleine lune.
Ainsi, j'ai immédiatement signé la pétition pour défendre Siné contre la dictature autoritaire du rédacteur en chef de Charlie Hebdo, devenu douteusement de plus en plus consensuel. Je l'ai par ailleurs commentée sur le blog d'Étienne Mineur.
J'ai reproduit ci-dessus la chronique de Siné non publiée par C.H. et envoyée au Nouvel Observateur, car je ne peux supporter l'utilisation frauduleuse de la critique du sionisme qui tente de la faire passer pour de l'antisémitisme. C'est honteux et dangereux. C'est confondre racisme et critique politique. Se battre contre le colonialisme israélien n'a rien à voir avec la Shoah comme l'utilisent les paranoïaques pour justifier leurs crimes actuels. Et fustiger l'opportunisme de l'Aiglon n'a rien d'antisémite ; pour preuve, voici l'article initial de Siné qui lui a valu d'être exclu de Charlie Hebdo : Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le parquet (encore lui!) a même demandé sa relaxe! Il faut dire que le plaignant est arabe! Ce n'est pas tout: il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit!
Pour les amateurs, je rappelle enfin l'entretien avec Siné dans le cadre du Cours du Temps du Journal des Allumés du Jazz (n°16, automne 2006).

mercredi 23 juillet 2008

Une faille dans le poudingue


Faille, poudingue : fente, pou dingue, femme, pudding, flamme, badine, flemme, bedaine, forme, régime... Faux-semblants, à l'origine du monde... Sieste...

mardi 22 juillet 2008

Animal domestiquant


Le réchauffement climatique, la pollution, la famine, la misère, l'exploitation de l'homme par l'homme, je n'en ai rien à battre. Il m'arrive d'être chagriné par ce qu'un vieil ami des bêtes appelle la mégalanthropie, cette mauvaise manière de penser l'homme en mammifère supérieur. J'ai, quant à moi, réussi à mettre au pas l'espèce humaine : gîte, couvert, massages, quand je veux, comme je veux... Mais chut ! C'est un secret. Je leur fais croire que c'est eux qui gouvernent !

lundi 21 juillet 2008

La Bible de l'underground


Évoquée à la sortie de la réédition de l'album Défense de signé Birgé Gorgé Shiroc, la Nurse with Wound List intrigue nombre des amateurs de musique expérimentale. En 1979, le groupe anglais Nurse With Wound publie la liste des disques qui les ont influencés, jointe à leur premier disque, Chance Meeting on a Dissecting Table of a Sewing Machine and an Umbrella, et augmentée avec le suivant, To the Quiet Men from a Tiny Girl. Au fil des ans, la liste établie par Steve Stapleton, John Fothergill, et Heman Pathak devient la Bible des amateurs de musique expérimentale. Ainsi le vinyle Défense de, épuisé depuis sa sortie en 1975, acquiert le statut de disque culte et s'arrache à prix d'or sur le marché de l'occasion. Il sera réédité en 2004 par Mio Records sous la forme d'un cd (30 minutes de bonus tracks) et d'un dvd (6 heures inédites du trio + mon premier film, La nuit du phoque, sous-titré en anglais, japonais, hébreu, français !).
Thurston Moore (Sonic Youth) tannera Philippe Robert jusqu'à ce que celui-ci lui cède son exemplaire original. À sa sortie de scène à l'Olympia, la première question qu'il pose aux journalistes présents sera : "Est-ce que Un Drame Musical Instantané ça existe toujours ?" ! Thurston ira jusqu'à enregistrer un étonnant remix des 33 tours du Drame intitulé 7/11, toujours inédit. Le Drame fut fondé en 1976, deux ans après Défense de, avec Francis Gorgé et moi-même, plus le trompettiste Bernard Vitet. Trent Reznor (Nine Inch Nails) et bien d'autres musiciens atypiques n'ignorent rien de la liste.
En 1984, le label United Dairies de Steve Stapleton éditera In Fractured Silence, une compilation où figurent des inédits du Drame (Tunnel sous la Manche / Under the Channel, 12'), d'Hélène Sage, Sema et NWW.
Quant à la liste, elle existe sous différentes formes, divers amateurs l'ayant étayée, illustrée (pochettes des disques) ou annotée (Défense de y est signalé comme une influence majeure de NWW). Encore aujourd'hui nombreux collectionneurs tentent de réunir l'ensemble de la liste magique.

dimanche 20 juillet 2008

Sages passages


Très jeune, j'aidais mon père à corriger l'annuaire Qui représente qui ? en France pendant la période des vacances. Comme son bureau était sis 1 rue Turbigo, nous nous promenions souvent dans les Halles Baltard et il m'emmenait déjeuner au Pied de cochon. Lorsque j'avais 14 ans, il me trouva des boulots d'assistant chez Tadié Cinéma dont les studios étaient rue des Peupliers à Boulogne-Billancourt, à quelques numéros d'où nous habitions. J'ai ainsi passé une semaine à souder des câbles XLR, me dégoûtant définitivement de ce genre d'activité et du bricolage en général. Plus tard, j'assumai le rôle de second assistant sur My Old man, un moyen métrage américain inspiré d'Hemingway. Je faisais le traducteur, tenais le clap et m'occupais de toutes les basses besognes. Le film se déroulait sur les champs de course d'Auteuil et Maison-Laffite... Lorsque j'obtins mon permis de conduire, j'accompagnai Philippe Arthuys pour une tournée où il présentait un mur d'écrans pour Renault. À Nantes, je me retrouvai au volant d'une Alpine, je crois ne pas avoir dépassé la seconde vitesse !
À ma sortie de l'Idhec, Papa voulait absolument m'aider dans mes recherches de travail. Il avait connu nombreux producteurs, réalisateurs et comédiens, mais je déclinai toutes ses offres, craignant que ses contacts datent beaucoup trop, et donc qu'il soit pris pour un ringard, et moi avec...
À son tour, ma fille n'a jamais voulu que je l'aide en quoi que ce soit dans ses démarches professionnelles. Elle ne veut devoir sa "réussite" qu'à elle-même. Cela ne nous empêche, ni sa mère ni moi, chacun de notre côté, de rêver réaliser quelque chose avec elle. La seule chose qu'elle me demande de temps en temps est la mise à jour de son site web. Ainsi, nous venons de créer deux nouvelles pages de photos prises par Gérard Harten et de coller une nouvelle vidéo où elle évoque son travail. J'ai bien rigolé en l'entendant raconter : "Mes parents ne savaient pas trop quoi faire de moi. Ils se sont dits on va lui faire faire du sport, donc ils m'ont casé à l'École du cirque..." Ou à la fin lorsqu'elle rit en revendiquant "du caractère et pas qu'un peu !"

samedi 19 juillet 2008

La bataille d'Alger


Nous avons enfin regardé ''La bataille d'Alger'' de Gillo Pontecorvo. Le résumé et les notes de Wikipédia sont suffisamment remarquables pour que je n'ajoute rien. On trouve le film en 9 parties sur DailyMotion (que vous soyez pour ou contre ces petites reproductions illicites, ne m'en voulez pas de le signaler : chaque fois que je fais ce type d'annonce, la copie est retirée le jour-même, j'en deviens parano), mais rien ne vaut l'acquisition du dvd (Studio Canal ; on le trouve à 10 euros, 2 dvd dont les passionnants entretiens réalisés par Jonas Rosales avec le réalisateur, Jean Martin qui joue le rôle du Colonel Mathieu, l'historien Benjamin Stora et, pour finir, Yacef Saadi, l'un des chefs historiques du FLN interprétant son propre rôle, producteur du film et auteur du livre qui l'a inspiré).
Si le film sur l'insurrection armée de 1957 et sa répression date de 1966, il ne sera réellement visible en France qu'en 2004. Comme chez Eisenstein, on a l'impression d'assister à un documentaire exceptionnel auquel le sublime noir et blanc donne une étonnante impression de vérité. Tourné à la fois avec de gros moyens, caméra à l'épaule, avec des acteurs non professionnels, cet épisode historique est réalisé sans aucun manichéisme, même si le propos est objectivement anti-colonialiste. Retour de bâton, les Américains s'en sont inspiré pour analyser les guérillas urbaines, en particulier pour comprendre leurs difficultés pendant la guerre en Irak. La musique de cette coproduction italo-algérienne, signée par Ennio Morricone (c'est sa période la plus prolifique) et Pontecorvo lui-même, dicte le rythme des scènes et joue d'effets dialectiques confondants. Acquisition vivement conseillée.

vendredi 18 juillet 2008

Daniel Caux, un défricheur s'éteint


Des pans de mémoires s'envolent. Les défricheurs ne font pas long feu. Après le compositeur Luc Ferrari, le patron de presse Jean-François Bizot, c'est au tour du journaliste et homme de radio Daniel Caux de nous laisser orphelins.
Je l'avais rencontré en 1970 aux mythiques Nuits de la Fondation Maeght, alors que je sillonnais les routes du sud de la France avec ma petite sœur. Je n'avais pas 18 ans, Agnès en avait 15. Ce petit monsieur gentil et passionné avait fait venir Albert Ayler et Sun Ra dont l'orchestre nous adopta. Il y avait là Yasmina (a black woman), les photographes Philippe Gras (tous deux disparus eux aussi) et Horace. La Monte Youg et Marian Zazeela jouaient un interminable raga qui envahissait doucement les jardins... L'année suivante, je lui devrai la découverte de Steve Reich dont les interprètes se nommaient Philip Glass, Jon Gibson, Arthur Murphy, Steve Chambers.
Daniel, qui écrivait dans la revue L'Art Vivant auquel je m'étais aussitôt abonné, jouait le rôle de directeur artistique pour le label Shandar dirigé par Chantal Darcy, galeriste à qui je rendais régulièrement visite rue Mazarine. Les premières syllabes de ses prénom et nom donnèrent leur titre au label et à la galerie d'art. On raconte que tout disparut, stock, masters, etc. avec l'inondation de leur cave... Ce malheur arriva une fois dans la nôtre, engloutissant les derniers exemplaires des vinyles Trop d'adrénaline nuit et Mehr Licht !.
Je continuai à croiser sa silhouette hors des sentiers battus, aux concerts de musique marginale, sur les ondes où il officia longtemps. Nous partagions avec Daniel le goût pour Terry Riley, Harry Partch, John Cage, la techno ou les musiques arabes. Je ne lui ai jamais dit à quel point je lui devais mes premiers pas dans le monde hors du monde.

jeudi 17 juillet 2008

Pieds joints


J'ignorais le vertige
Lorsqu'arriva l'enfant.
La terreur me fige...
Un jeune adolescent
Me rendra le courage
De rentrer à la nage
Pour jouer sur tous les temps
Comme si j'avais dix ans.

Mesures.
Lake Powell, an 2000. Le saut fait dix mètres. Si j'avais eu 15 ans, j'aurais plongé sans trop hésiter. Une fille de cet âge-là saute dans le vide. Un gamin de 11 ans, ni une ni deux, hop là ! Je me renseigne. On me répond qu'il faut surtout garder les bras bien serrés le long du corps. J'attends 20 minutes. Les mômes passent et repassent. Elsa commence à avoir faim. J'ai peur. Ce n'est que de l'appréhension. Je me jette à l'eau, ramassant mes bras avant de toucher la surface. 300 mètres de profondeur. Aucun risque. Je me détends lorsque mes pieds s'enfoncent. Les abysses me rassurent. Je veux recommencer pour être certain de n'avoir pas rêvé. Avec le temps, on ne sait plus ce que l'on sait encore faire. Le savoir s'accumule en désordre. Je sauterai une 3ème fois pour ouvrir les yeux que j'ai gardé fermés. Mais rien n'y fait. La peur me renvoie à ma nuit intérieure, aux rêves de saut, lorsque je croyais savoir voler.

mercredi 16 juillet 2008

Dans le regard omnipotent des mâles


En voyant le documentaire de Rosanna Arquette, À la recherche de Debra Winger (Ed. des Femmes / Ed. Montparnasse), je me suis demandé pourquoi toutes les actrices qu'elle interroge évitent le sujet en soulignant essentiellement qu'il n'y a pas de rôle à Hollywood pour les femmes qui atteignent la quarantaine, qu'être à la fois mère et comédienne est presque incompatible dans les règles que le métier a fixées. Le seul homme interviewé est un producteur qui révèle la cible du cinéma américain, les moins de 25 ans pour qui les femmes "mûres" ne sont évidemment pas leur truc. Heureusement que tous les scénarios n'obéissent pas à cette loi. Ce qui n'est pas dit, c'est que la motivation principale des réalisateurs à faire des films est de coucher avec des actrices, et accessoirement d'en tomber amoureux. La chair fraîche des jeunes femmes leur renvoie une image plus flatteuse que leurs bedaines ou leurs rides. Ensuite la défaillance des mâles à imaginer des histoires qui mettent en scène des femmes "âgées" est en effet stupéfiante. L'une des nombreuses stars (Melanie Griffith, Salma Hayek, Jane Fonda, Meg Ryan, Sharon Stone, Tracey Ullman, Robin Wright Penn, Holly Hunter, Frances McDormand, Emmanuelle Béart, Charlotte Rampling, Chiara Mastroianni, Debra Winger...) qui peuplent ce film très people souligne que les actrices spécialisées dans les rôles de composition s'en sortent généralement mieux avec le temps que les bimbos dont la plastique est le nerf de la guerre. Whoopi Goldberg est une des rares à ne pas tricher parce qu'elle s'est fixée une fois pour toutes le but de rentrer dans le lard du "politiquement correct" et qu'elle parle comme tout le monde le langage de la rue. On aurait aimé que l'engagement politique de Vanessa Redgrave soit creusé, car il n'y a pas que les années qui marquent une personne et l'éloignent des studios.
De même, le choix draconien entre nombreuses professions et une vie de famille équilibrée ne touche pas seulement les stars féminines d'Hollywood. La passion de son métier entraîne souvent des sacrifices, dans un sens ou dans l'autre, et pas uniquement dans le monde glamour du spectacle. Il existe aussi des hommes qui, pour voir grandir leurs enfants, choisissent de faire évoluer leurs activités vers une vie plus sédentaire. Si les scénarios de film offrent peu de beaux rôles aux actrices "mûres", le monde du spectacle, comme le reste de la société, obéit toujours aux lois du machisme, trop souvent entretenu tant par les femmes que par les hommes. Certaines actrices décideront heureusement de passer derrière la caméra (voir le très beau film d'Helen Hunt, Then She Found Me, dont la sortie française a été bizarrement ajournée), et l'on peut espérer que le cinéma change de visage, sans que cela ressemble à un simple lifting ou à un effet de "transexualité scénaristique".

mardi 15 juillet 2008

Le rocher du Rorschach


De la brume soudain émerge la tête du chien.
Au-dessus, le nuage invisible dessinait un tibia.
Serions-nous assez fins pour trouver le trésor
sans réveiller le molosse et gommer le mouton ?

lundi 14 juillet 2008

"Les maîtres fous" de la musique


Il y a trois ans la chanteuse Pascale Labbé avait sorti un disque inouï enregistré avec les patients de l'institution psychiatrique des Murs d'Aurelle (nûba, dist. Orkhêstra). Loin du cynisme ambiant, des querelles de chapelles, des effets de mode, Les lèvres nues montrait que musique et création ne sont pas qu'affaire de professionnels. La sincérité et l'authenticité des interventions vocales et sonores interrogent la société dans ses us et coutumes, par la transposition de ses conventions et de ses interdits qui canalisent universellement l'expression artistique des individus.
Benjamin Bouffioux a rassemblé à son tour 29 plages de musique en marge sous le titre Bôkan ! (Sub Rosa, dist. Orkhêstra). Tous les jeudis, il anime un atelier musical à La Porte Ouverte en Belgique, centre de rééducation psycho-social pour adolescents de 13 à 20 ans présentant des troubles épileptiques, des troubles mentaux graves, des troubles de la conduite et de la personnalité. Le résultat est renversant. Les jeunes à qui il a confié un micro, des percussions, une guitare, un piano ou un magnétophone se laissent aller sans préjugés et réinventent le son du monde qui les entoure. Ils le réfléchissent à leur manière, en en captant l'essentiel, dans sa beauté et ses tourments, dans son actualité et ses anachronismes. Là où Les lèvres nues pouvait se rapprocher de la sculpture, du théâtre musical et de l'improvisation, Bôkan ! découle directement des univers de la radio, de la télé et des rythmiques festives. Mais tous deux présentent des formes d'art brut musical, franchement revigorantes, qui devraient inspirer nos artistes officiels en mal de devenir.
Comme Les maîtres fous de Jean Rouch mettait en scène un rituel thérapeutique Hauka s'inspirant de la pression colonisatrice de l'occupant anglais au Niger, Bôkan ! brosse une critique acérée de notre environnement mondialiste, tant musical que psychologique, et nous renvoie aux origines de l'inspiration.

Article sur Les lèvres nues et entretien avec Pascale Labbé parus dans Jazz Magazine en 2005 en cliquant sur :

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dimanche 13 juillet 2008

L'instinct de propriété


Avant que les fermiers ne clôturent leurs terres, les éleveurs circulaient librement avec leurs bêtes. Un débile a transposé le western sur les hauteurs de Figuerolles. Il a cimenté une barrière de deux mètres de haut pour empêcher les randonneurs de longer le littoral. Pour parfaire son délire propriétaire il a terminé son œuvre aux barbelés. On peut espérer que cet incivisme est illégal et qu'on l'obligera un de ces jours à démonter son horreur.
Sur la plage de la Ciotat, les restaurants ont installé des transats jusqu'à un mètre de l'eau. On peut passer, mais la plage est devenue privée. Plus loin, les serviettes s'agglutinent les unes contre les autres, pare-chocs contre pare-chocs, cul à cul. Je rêve d'une jacquerie où les baigneurs prendraient d'assaut le sable confisqué par le pouvoir de l'argent, où les promeneurs s'armeraient de pinces coupantes, où l'on pourrait marcher librement en regardant le ciel...

samedi 12 juillet 2008

Plumes


Nous nous sommes endormis sur le qui-vive craignant que le chat ne fasse qu'une bouchée des petits canetons en train de naître sous notre fenêtre. Leur mère n'avait rien trouvé de mieux que de couver dans les buissons juste en dessous du perchoir de Scotch. Elle sort pour se nourrir, mais elle regagne subrepticement son nid après s'être assurée que personne ne la regarde. À minuit, nous entendons les coquilles craquer et les petits piailler.
Vers 4 heures du matin, j'entends de drôles de sifflements, comme des plaintes. Je me redresse brusquement dans le lit pour m'apercevoir que c'est ma compagne qui fait ces bruits de sirène homérique. Les canetons ne mouftent pas. En revenant des toilettes, j'aperçois comme une paire de chaussettes roulée en boule le long du couloir. Je m'approche. C'est une tourterelle, mais comme elle ne bouge pas d'un cil qu'elle n'a pas, je me demande si ce n'est pas un leurre en plastique du père de Françoise. Je retourne dans la chambre chercher une lampe de poche et j'éclaire son petit œil rond et noir. Un trou de sang coagulé marque son dos. L'oiseau reste inerte jusqu'à ce que je le saisisse pour le mettre dehors. Après un tour d'inspection dans la maison, je découvre le carnage dans la cuisine. Le lendemain matin, je peux suivre le trajet du chat aux plumes semées sur son passage, mais plus aucune trace de la tourterelle.
Avec ses copines, elles volent le grain des canards et en consomment 50 kilos chaque mois, un gouffre. Scotch, tapi à l'affût, sait faire la différence entre animaux domestiques et pilleurs célestes. La cane, de son côté, vient le narguer pour fixer les bornes avant qu'il ne se croit tout permis. Nous attendons que tous les petits soient nés. Il faudra en attraper un pour attirer la mère suivie de toute sa smala et les faire entrer dans la nurserie...

vendredi 11 juillet 2008

Musique mécanique vivante


Pour ces drôles d'instruments mécaniques Jeff Lieberman et Dan Paluska se sont inspirés des recherches virtuelles en images de synthèse de Wayne Lytle (Pipe Dream, 2001). Au lancement de leur projet, les internautes pouvaient interagir en ligne. Il est possible que l'expérience se reproduise en 2009. Sur le site des Absolutmachines, on trouvera l'Absolut Quartet et l'Absolut Choir, accompagnés de nombreuses explications et vidéos. Le sponsor qui a toujours favorisé les œuvres s'appuyant sur les nouvelles technologies est on ne peut plus explicite, skoll ! L'Absolut Quartet était exposé à New York, l'Absolut Choir à Stockholm. Le Quartet comprend un marimba de 7 mètres de long frappé par 50 balles lancées par un robot à 2 mètres de distance, un glassharmonica (orgue de verre qu'on joue en en frottant les bords) pouvant jouer jusqu'à 40 notes simultanément et quelques percussions robotisées. Le quatrième protagoniste était l'internaute qui pouvait envoyer sa propre mélodie que la machine intégrait à la composition finale. De son côté, le Choeur rassemble 22 émetteurs vocaux de synthèse. Paluska et Lieberman appartiennent également au collectif d'artistes Collision, du MIT à Boston, qui explorent les nouvelles technologies.
Avec ce genre de machines comme pour n'importe quel instrument, le tout est de savoir si l'on peut suffisamment les pervertir pour se les approprier ou si les contraintes imaginées par les luthiers figent les résultats dans un style particulier. À vous de jouer !

P.S. : Frédéric Durieu et moi-même sommes en pourparlers avec une société susceptible de commercialiser notre machine virtuelle FluxTune, version professionnelle dérivée de notre Pâte à Son.

jeudi 10 juillet 2008

Un père et manque


Ma fille a repris le train et ça me rend triste. Ce n'est pas facile d'être père, ou mère, lorsque les enfants grandissent. Ils volent de leurs propres ailes, même si l'on est toujours là pour les coups durs. On a fait notre travail. Il leur reste à inventer leur vie. On met toute la sienne à savoir qui on est et pas de qui on naît. Les parents sont des fardeaux dont il est crucial de se défaire. Cela n'empêche pas les sentiments tendres. On reviendra vers eux, plus tard, si ce n'est pas trop. Après l'enfance fusionnelle, vient l'adolescence rebelle, puis la confiance en soi rapproche les générations, et il reste encore l'épreuve parentale. Mais le cycle n'est pas terminé. Il faut apprendre à vieillir. Savoir profiter de chaque instant de son âge, lâcher sans renier, persister sans ridicule, recommencer sans cesse. Il faut encore et encore réapprendre l'indépendance.

mercredi 9 juillet 2008

Une chambre en ville


En attendant l'édition dvd de l'intégrale Jacques Demy sur laquelle travaille amoureusement la famille Varda-Demy rue Daguerre, offrez-vous le double cd d'Une chambre en ville que Michel Colombier mit en musique en 1982. Si Les parapluies de Cherbourg, Les demoiselles de Rochefort et Peau d'âne sont adulés par tous les admirateurs de Demy et de "comédies" musicales, Une chambre en ville rencontra un succès critique, mais fut un échec populaire incompréhensible. Télérama s'en émut, mais rien n'y fit. Certaines sorties tombent à un mauvais moment, d'autres profitent à un film surestimé. Les succès d'Amélie Poulain ou des Chtis correspondent à une époque de grisaille où le public avait besoin de se changer les idées et d'oublier les tracas de la vie.


Le film de Demy est le plus explicitement politique de son œuvre. Le disque met en valeur ses dialogues comme toujours exceptionnels. Si la musique de Michel Colombier ne possède pas la richesse mélodique de Michel Legrand (par ailleurs plus aussi en verve pour Trois places pour le 26 ni sur le catastrophique Parking, mais quelle idée aussi de laisser chanter Francis Huster !), elle fonctionne dramatiquement à travers la suite de ses récitatifs. Au début du film, la charge des CRS contre les ouvriers des chantiers navals nantais est un morceau d'anthologie.
Dominique Sanda nue sous son manteau de fourrure, la violence de Michel Piccoli en marchand de télés impuissant au collier de barbe rouquin, la prestation extraordinaire de Danielle Darrieux en aristocrate déchue veuve de colonel, les ouvriers métallurgistes joués par Richard Berry et Jean-François Stévenin illuminent ce joyau méconnu ou mésestimé. Les images de Jean Penzer, les décors de Bernard Evein, les costumes de Rosalie Varda participent à la magie de l'œuvre. Le générique des voix est comme souvent absent du livret : Danielle Darrieux qui se double toujours elle-même dans les passages chantés (Mme Langlois), Fabienne Guyon (Violette), Florence Davis (Edith), Liliane Davis (Mme Pelletier), Marie-France Roussel (Mme Sforza), Jacques Revaux (François), Jean-Louis Rolland (Ménager), Georges Blaness (Edmond), Aldo Franck (Dambiel), Michel Colombier (arroseur), Jacques Demy (un ouvrier)...
L'INA permet de découvrir quelques extraits, des moments du tournage, l'enregistrement de la musique, grâce à un reportage passionnant de Gérard Follin et Dominique Rabourdin et à un court sujet de ''Cinéma Cinémas".


En me rendant sur le site de Michel Colombier, j'apprends que le compositeur s'éprit très jeune de jazz et d'improvisation. Si on le connaît pour avoir cosigné la musique de la Messe pour le temps présent avec Pierre Henry pour les ballets de Maurice Béjart, il écrivit énormément avec Serge Gainsbourg et collabora avec Charles Aznavour, Jean-Luc Ponty, Catherine Deneuve, Jeanne Moreau, Stéphane Grappelli. Il fut le directeur musical de Petula Clark (Wings est considéré comme la première symphonie pop) et travailla avec des artistes aussi variés que les Beach Boys, Supertramp, Quincy Jones, Roberta Flack, Barbra Streisand, Herbie Hancock, Earth Wind and Fire, Joni Mitchell, Jaco Pastorius, David Sanborn, Branford Marsalis, Bobby McFerrin, Prince, AIR, Mirwais, Madonna et le Quatuor Kronos.
Attention, ce double cd, commandé sur Screenarchives, est un tirage limité à 1200 copies édité par Kritzerland (extraits sonores).

mardi 8 juillet 2008

Deux parallèles se croisent à l'infini (2)


Rien n'est jamais joué. Combien de fois l'ai-je écrit dans mes billets ? Avec en exergue la phrase de Cocteau qui sous-titre ma carte de visite, "le matin ne pas se rase les antennes", ou bien celle de Strawinsky citée par J.C., "trouver une place fraîche sur l'oreiller", que je pratique stricto sensu... Les moments où l'on ne sait pas où l'on va sont plus sûrs que les lignes toutes tracées, mais moins excitantes que les amorces.
Il en va de même avec les amis et les amours. On marche ensemble un bout de chemin, main dans la main, mais il arrive parfois que les choix divergent. Il peut être sage de se séparer sans pour autant renier le trajet parcouru, les paysages découverts ensemble, les émotions un temps partagées. À terme, l'immuabilité des habitudes exige la fuite. Il arrive aussi que deux parallèles se rencontrent à l'infini ; naît un nouvel ami, insoupçonné la veille. C'est ce que, décidément, les rails m'inspirent. Des routes parallèles. Je pense à ma mie. Heureusement.
Chaque année je perds un(e) ami(e). C'est le drame. Je le vis mal. J'aurais tout tenté. Sans succès. Je suis triste, mais je me fais une raison. On n'a aucune influence sur qui que ce soit. Chacun reprend ses billes. Nous ne sommes plus les mêmes. Ou au contraire, la peur de la nouveauté nous empêche de bifurquer. L'un des deux doit prendre la tangente. Pas le choix. Question de vie ou de mort parfois. Mais les souvenirs restent, les meilleurs, à condition qu'il n'y ait pas eu crime. Le reste sombre dans l'oubli, à tort ou à raison. L'inconscient fait ses choix, son petit marché de dupe.
Chaque année je gagne un(e) ami(e). L'équilibre est maintenu. "Une de perdue, dix de retrouvées", me serinait ma maman. C'est faux, même si c'était gentil de l'exprimer ainsi. L'équation donne du "un pour un". Le compte ne dépasse jamais les doigts de la main. Certain(e)s sont loin, mais ils ou elles ne cessent d'exister. J'imagine leur regard posé sur moi. Ils me dictent ma conduite. Je les aime, je crois qu'ils m'aiment. On verra. J'en cherche de nouveaux. Je ne m'endors pas. Les alliances sont mon essence.

lundi 7 juillet 2008

Des nèfles !


Quelle injustice ! Ce fruit parfumé et sucré est synonyme de pas grand chose en langage populaire. On dit la même chose des prunes, mais le prunier n'est pas aussi méconnu que le néflier. Si mon père adorait les nèfles, je n'en ai pas goûté avant de venir à La Ciotat ces dernières années. Cela ne devait probablement pas coûter bien cher, un peu comme les mûres. Je me régale de celles que je cueille directement sur l'arbre, comme de la liqueur succulente que Jean-Claude concocte (pendant 40 jours faire macérer 40 noyaux avec 40 morceaux de sucre dans un litre d'alcool à 40° ; argh, nous voilà sous le signe de la quarantaine ! Pas étonnant que les nèfles jouissent de peu de réputation...) ou de ses confitures où il les mélange justement avec des "mûres du framboisier" (on dirait un peu de la confiture de cerises). C'est bizarre, certains fruits ont un, deux, trois, quatre ou cinq noyaux. J'essaie de les cueillir les fruits avant qu'ils noircissent.

dimanche 6 juillet 2008

Un goût amer


J'ai réussi à faire le point. Le Diable est apparu tel que Murnau l'avait imaginé. C'est à cette figure que je me référais hier en cherchant dans la glace l'ombre fixée par la chaleur.
Le Faust de F.W.Murnau est le seul film muet que je regrette de n'avoir pas mis en musique à l'époque d'Un Drame Musical Instantané, d'autant que nous en avions composé toute la partition. Tout était prêt, et la chose devait être diffusée en direct à la télévision dans le cadre du Ciné-club de Claude-Jean Philippe. Nous venions de créer L'homme à la caméra de Dziga Vertov avec le grand orchestre du Drame qui avait obtenu un grand succès au Théâtre Déjazet. Mais René Koering qui dirigeait alors France Musique et avait depuis longtemps notre projet sous le coude, la chaîne musicale devant en être partenaire par la retransmission simultanée de la musique, s'est débrouillé pour nous damer le pion. Sa version fut si catastrophique que Claude-Jean Philippe fut contraint d'abandonner le projet de programmer d'autres ciné-concerts en direct. Nous ne jouerons jamais notre Faust, la télévision ne validera pas le travail accompli depuis de longues années. Nos espoirs s'envolaient. Après avoir relancé la mode du ciné-concert dès 1976, avec plus de vingt films au répertoire, nous montâmes encore L'argent de Marcel L'Herbier qui marqua certainement l'apothéose de notre travail cinéphilique et nous voguâmes vers d'autres tropiques. Nous eûmes beau exorciser le malfaisant sous la forme d'un anagramme dans les dernières secondes de La Bourse et la vie, créé dans l'enceinte même de la Maison de la Radio par le Nouvel Orchestre Philharmonique, Faust nous laissa un goût amer. Le Diable s'était joué de nous.

samedi 5 juillet 2008

Incendie volontaire


À la lumière du soir les arbres roussis se réfléchissent dans le pare-brise du 4x4 incendié. Les feuilles sont mortes, comme un automne précoce. Très précoce, ce début juillet ! Qui a fichu le feu aux deux bagnoles ? À l'une ou aux deux ? Effet de poudre ? C'est bizarre comme le fait que ce soit un 4x4 laisse supposer un règlement de comptes. L'incendie aurait pu mettre le feu à la maison de mon amie, mais à cet endroit seule la grille a cuit. Certainement pas l'inverse, ce ne peut en aucun cas être une simple cuite qui a grillé ce signe extérieur de richesse. Le fer forgé, c'est solide. L'arbre, c'est plus triste. Dans le verre sécurit, on voit l'œil du reptile, son noir désir, avec le Diable en sourcil.
En cette période estivale, lirais-je trop de romans policiers ? L'effet est certain, je me repose enfin. Après l'excellent Un lieu incertain de Fred Vargas, je me suis attelé au second volume de Millénium. Ce n'est pas très bien traduit, mais ça tient en haleine. La littérature policière a le mérite de réfléchir les mutations du monde dans lequel nous vivons avec particulièrement d'acuité. C'est le refuge de nombre de rebelles, comme les romans d'anticipation sont censés tirer les sonnettes d'alarme ou les autobiographies affirment de nouveaux pouvoirs.

vendredi 4 juillet 2008

Valse avec Bachir


Nous n'étions que deux dans la salle n°2 du Lumière à la séance du soir. Valse avec Bachir fait la une du programme de la salle d'art et essai, mais le public préfère aller voir Le monde de Narnia 2 ou Seuls Two. À côté de ces deux niaiseries, il y a aussi le film d'épouvante de Romero, Diary of the Dead, mais pas à cette heure-là. Le film de Ari Folman est à rapprocher du Tombeau des lucioles, l'animation produisant une distance avec l'évocation troublée de la mémoire et de l'oubli. Le réalisateur aborde le massacre de Sabra et Chatila sous l'angle du refoulement. Les images d'ombre et de Lumière enrobent le cauchemar. Cet incontournable documentaire d'animation n'a hélas rien ni de la fiction ni du rêve. On prend cette enquête en pleine figure, parce qu'elle chatouille nos propres traumas. J'ai vu Beyrouth dévasté, les immeubles grêlés de millions d'impacts, j'ai vu la mer imperturbable, le soleil et la nuit. Valse avec Bachir me fait découvrir ce que je pouvais deviner, le contre-champ.

jeudi 3 juillet 2008

Mascarade


Comme je suis totalement déconnecté des compétitions sportives que j'assimile à l'école de la guerre, j'ai cru que Jean-Claude avait accroché une banderole au cul de son camion pour exprimer son soulagement face à l'échec de "la France". Il suffit que l'équipe nationale soit disqualifiée pour que dans les salons comme dans la rue on parle d'autre chose et que la métonymie du "nous" se dissipe quelque temps. Ainsi, espère-je toujours la victoire de l'équipe adverse, histoire qu'on nous lâche avec les "on a gagné !" et les débordements hystériques nationalistes.
Je suis vraiment à côté de la plaque. Jean-Claude affiche simplement son désaccord avec la Constitution Européenne en clamant sa solidarité avec le résultat du référendum irlandais.
Mais la démocratie dévoile sa véritable nature. Lorsque le vote des électeurs s'avère négatif, on parle de recommencer toute la procédure ou l'on fait passer la loi à l'Assemblée sans se soucier du résultat des urnes.

mercredi 2 juillet 2008

L'Eden-Théâtre à La Ciotat, face à la mer


Entrée gratuite d'une petite exposition avec vue sur la salle mythique de 17h à 20h du lundi au samedi. On se demande ce qu'attendent la municipalité et le syndicat d'initiative. Pas une seule carte postale des frères Lumière, pas un objet dérivé. On croit rêver, ou plutôt, ici on ne rêve plus. La salle aurait bien besoin d'une rénovation et la ville de mettre l'accent sur son patrimoine (je me répète : précédents billets ici et ).


Rien non plus sur l'invention ciotadène de la pétanque telle qu'elle se pratique aujourd'hui, "les pieds tanqués". Pas grand chose sur le magnifique chantier naval... Parallèlement à cette absence, les projets immobiliers commencent à s'étendre de façon inquiétante dans cette ville épargnée par les barres de la Côte d'Azur. Le long de la plage, pas un immeuble ne dépasse trois étages.

mardi 1 juillet 2008

Le détail qui tue


Je n'ai pas vu tout de suite le détail qui tue. Le garde-manger était couronné d'un chapeau chinois rapporté par Anny pour que Jean-Claude se protège lorsqu'il passe des heures au soleil, assis à s'occuper du potager. Pendant qu'il arrose, il compte. Il compte jusqu'à cent, sans penser à autre chose. Dans une assiette, derrière la moustiquaire de métal, sèchent les œufs de poisson salés. Il devra les rincer deux fois au vinaigre blanc et en casser les poches. Dans la corbeille, ce ne sont pas des petits camemberts, mais des flotteurs pour la pêche. La paire de ciseaux pointus est posée là par hasard. Sous chaque pied du garde-manger, une coupelle remplie d'eau empêche les fourmis de grimper et de s'infiltrer entre les mailles fines du filet.