70 septembre 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 30 septembre 2008

Grandeur et décadence


Après une journée à passer des coups de fil sur trois lignes en même temps, régler des détails de régie pour le spectacle de samedi et découvrir que mes problèmes de mail venaient une fois de plus de mon fournisseur d'accès Online, je ne trouvais rien à raconter de passionnant. En désespoir de cause, j'ouvre un tiroir dans lequel j'ai rangé des babioles lors de mon emménagement, des trucs qui ne servent à rien mais dont je n'arriverai probablement jamais à me défaire. Les souvenirs portent bien leur nom. Ils font remonter à la surface des histoires oubliées, des pans entiers de nos vies, anecdotes tragiques ou amusantes, petits cadeaux attendrissants, rencontres sans suite... Côte à côte, je tombe sur des reproductions des premiers dollars américains rapportés de mon premier voyage en 1965 et des paquets de cigarettes bosniaques vides, fabriqués avec des pages de livre, des emballages de savonnettes et de bas de femme recyclés. Le contraste me saute aux yeux. La misère et l'opulence. Un nouveau monde et la fin d'un autre.
Les assignats ont gardé le parfum sucré du faux parchemin, 4 dollars "espagnols" de 1778 de Caroline du Nord, trois de Rhode Island portant le numéro 2298 avec le taux des intérêts, 8 de la Baie du Massachusetts, le tout échangeable contre des pièces d'or ou d'argent... Dans la même boutique, j'avais acheté des facsimilés de la Déclaration d'Indépendance du 4 juillet 1776 et de la Constitution de 1787. Leur texture me faisait rêver, comme la carte de l'île au trésor du Capitaine Flint. Le texte ouvrait des perspectives qui se refermeraient trois ans plus tard.
Les paquets de clopes raplaplas, fabriqués avec des papiers de récupération, sont moins glamour. Il n'y avait plus grand chose à manger, mais les Sarajéviens continuaient à fumer. Allez savoir de quoi étaient faites leurs cigarettes ! Ça esquintait moins les bronches que les obus des monstres ne vous arrachaient la tête. C'est tout ce que j'avais réussi à rapporter, un billet de 5000 dinars sans valeur, un timbre-poste sans utilité puisqu'aucune lettre ne pouvait sortir de la ville assiégée et deux paires de privglovke (orthographe approximative), soit les dernières chaussettes à semelles d'une vitrine vide qui n'aurait plus de raison d'être le lendemain matin. J'ai aimé vivre avec ces gens qui n'avaient rien, partageaient tout.
Je jette tout cela en vrac sur le scanner. Le blason des Etats Unis s'est bien terni. À défaut d'être craints, ils ont réussi à se faire haïr par le reste de la planète. La fin d'un nouveau monde. La boucle est bouclée. Les dollars d'aujourd'hui n'auront bientôt pas plus de valeur que ces bouts de papier jaunis. Souvenirs. On gardera les meilleurs. Sans tabac, les emballages de fortune ne signifieront plus rien à celle qui les découvrira un jour dans ce capharnaüm. Heureusement, j'ai conservé trois paquets pleins, plus explicites, évidemment infumables. L'ont-ils jamais été ? Une autre fois, je vous raconterai ce qu'il y a de chimères entassées dans ce tiroir du bas.
Plus le temps avance, plus le tri devient nécessaire. Les souvenirs n'ont pas tous la même valeur. L'accumulation est étouffante. Je dois me replonger dans les archives sonores exhumées pour mon disque et que j'avais laissées de côté ces derniers jours. Là, je me laisse aller...

lundi 29 septembre 2008

Design sonore pour Mir:ror et Dal:dal


Liés par le secret professionnel, ni Antoine Schmitt ni moi ne pouvions parler de notre travail pour Violet, à savoir les deux nouveaux objets qui font suite au lapin Nabaztag. À peine leur sortie prévue pour le 23 octobre prochain vient-elle d'être dévoilée lors de la conférence de Violet à l'IFA de Berlin et dans Le Monde 2 que l'annonce fleurit sur le Web... Comme d'habitude, Antoine crée le design comportemental et je suis en charge du design sonore tant de Mir:ror que de Dal:dal.
Encore aucune photo pour la lampe Dal:dal, "objet sphérique qui change de couleur et qui émet des sons", et pour laquelle j'ai conçu et enregistré une palette de carillons. Comme la boule de cristal sonne les heures, j'ai cherché à créer des timbres et des mélodies mnémotechniques pour éviter d'avoir à compter les coups dès lors que l'on aura pris l'habitude de les entendre. Les sons du boot et de la connexion sont joués par le synthétiseur midi interne tandis que l'horloge est diffusée en mp3.
Sonoriser le Mir:ror (photo) fut une autre paire de manches, car nous n'avions comme instrument qu'un petit buzzer ressemblant de prime abord au son des premières puces musicales et un langage de programmation relativement archaïque (en opposition au système de gestion très sophistiqué de Violet). Leur nouvelle invention ressemble à un petit miroir rond de sac à main qui se branche sur la prise USB de son ordinateur (Mac et PC) et qui reconnaît les objets qu'on lui présente. Lecteur de RFID (Radio Fréquence IDentification à la norme ISO 14443 comme les passes Navigo ou Velib'), Mir:ror lit les Ztamps (petits timbres carrés de 1 cm de côté) que l'on peut coller sur tout et n'importe quoi. Un peu comme un code-barres dont chaque exemplaire est unique, il permet d'envoyer une information sur Internet, grâce à une console d'administration sur le site de Violet, comme déjà le lapin, pour déclencher des actions diverses. Le nez de Nabaztag/tag, la v2 du petit mammifère en plastique, abritait déjà un lecteur RFID, offrant par exemple de lire automatiquement à haute-voix un livre aux enfants qui lui auraient frotté le museau avec ! On affectera donc à chaque Ztamp une action comme envoyer un mail, délivrer la météo, compter le nombre de cafés ingurgités, etc. dès lors que l'on aura collé un Ztamp sur ses clefs (par exemple un message pour annoncer à son conjoint que "je suis arrivé" ou que "je m'en vais du bureau"), sur son parapluie (le prends-je ou pas aujourd'hui ?), etc. Peu importe le lecteur, lapin ou miroir de qui que ce soit, le lapin destinataire reconnaît le message. C'est donc un complément astucieux des 200 000 Nabaztags déjà écoulés... Mir:ror sera vendu 45 euros dès le 23 octobre avec 2 Nanotazs (supports en forme de lapineau de dix couleurs différentes pour qu'on s'y retrouve) et 3 timbres RFID Ztamps (les étiquettes identificatrices aux couleurs et logos divers et variés). Les Ztamps supplémentaires seront commercialisés au prix de 19€ la douzaine et les nanolapins 9€ pièce.
Comme pour tous les autres objets de Violet, Antoine a conçu les chorégraphies de couleurs. Pour sonoriser le Boot et le Quit (brancher et quitter), le WakeUp et le GoToSleep (réveil et sommeil, lorsqu'on retourne Mir:ror), la détection et l'enlèvement des Ztamps (Mir:ror peut en reconnaître plusieurs à la fois), les messages d'erreur (pas de réseau, logiciel non installé, objet non enregistré, crash), nous avons dû faire preuve d'ingéniosité avec les mélodies que j'ai composées. Grâce au tableau trouvé sur mon précieux Leipp (Acoustique et Musique, ed. Masson), j'ai traduit les notes en fréquences, puis les durées en secondes, et en jouant sur la rapidité des fondus nous avons pu varier les timbres sonores artificiellement, sans abuser des glissés de note à note. De son côté, Antoine fabriquait des codes lumineux colorés pour rendre ces messages explicites.
Il faudra donc encore attendre trois semaines pour pouvoir jouer avec ces nouveaux gadgets qui trouveront leur utilité selon chaque utilisateur. Comme pour un projet artistique, le temps de développement industriel est long entre les premières ébauches et l'objet fini, d'autant que le système développé par Violet est particulièrement complexe pour gérer tous les flux qui vont transiter par la Toile. Comme l'écrivent Olivier Mével et Rafi Haladjian dans leur déclaration d'intention, Let all things be connected (Après un lapin, connectons tout ce qu'il est possible de connecter) et traversons le miroir !

P.S. : dans Le Journal du Dimanche d'hier, le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr, président du Palais de Tokyo, suggère les douze artistes "à ne pas louper" lors de la Nuit Blanche de samedi prochain 4 octobre : "deux compositeurs qui convoquent des génies comme John Cage, monument de la composition, de l'art conceptuel..." Notre opéra Nabaz'mob, présenté à Bercy Village, fait partie des élus : "C'est une œuvre enveloppante tournée vers le futur, et toutes les possibilités qu'elle annonce me rendent optimiste." Quelle carotte ! Nos cent petites bestioles ne vont plus tenir en place...

dimanche 28 septembre 2008

Mad Men versus all women


Mad Men est la nouvelle série dont on parlera bientôt avec des étoiles dans les yeux. C'est encore une fois par la télévision que le cinéma américain populaire se renouvelle. La première saison du feuilleton, diffusée au printemps dernier sur TPS Star, a certes moins de fantaisie que Six Feet Under, la référence du genre, mais elle est autrement plus profonde et plus critique. Le monde impitoyable de la publicité sert essentiellement de toile de fond a un portrait au vitriol des rapports hommes-femmes.
En la situant en 1961, Matthew Weiner, un des scénaristes des Sopranos, évoque notre actualité contemporaine, parce qu'il en montre les fondements. Pour comprendre où nous en sommes, il faut savoir d'où l'on vient et ce qui nous a engendré. On notera les différentes manières de se comporter selon les générations, du vieux patron humaniste au jeune loup sans scrupules en passant par le héros, Don Draper, plus complexe que prévu, sous ses faux airs de tueur impassible. Quant aux femmes, elles sont traitées comme elles le méritent, à savoir que le machisme ambiant est à son comble, les reléguant en Desperate Housewives, obligées à se prostituer dans les limites bourgeoises d'une société qui va devoir se transformer malgré le pouvoir des mâles, ou sacrifiant leur vie privée pour la cause.


Cela a été dit et répété, il n'y a jamais eu autant de cigarettes à l'écran. Tout le monde fume, allume et rallume, la publicité en vantant les mérites. Nous sommes bien le produit de ce que l'on nous a vendu. Les séquelles se feront sentir plus tard. Pierre Klossowski écrit : "Si nul n'échappe au conditionnement, tout revient à savoir ce qui nous conditionne". Petit gag : iTunes a effacé la cigarette du dernier plan du générique, comme en France celle de Jean-Paul Sartre censurée sur un timbre postal à son effigie !
Les acteurs sont comme d'habitude remarquables, le moindre détail si bien étudié que c'en est un plaisir de sophistication scénaristique, les décors, les costumes, le lumière, jusqu'à la musique, d'époque, qui ne se croit pas obligée d'envahir les scènes sentimentales, bien au contraire, préservant leur brutalité brute. Mad Men vient de recevoir six Emmy Awards ! Douglas Sirk y reconnaîtrait ses petits.
Dans la première saison de 13 épisodes, le duel Kennedy-Nixon rappelle furieusement Obama-McCain, tant les attentes sont fortes et que le résultat n'y change pas grand chose. Ici et là, des allusions sociales replongent l'action dans l'actualité de l'époque, l'homosexualité ne peut encore qu'être suggérée... Tandis que la première saison est sortie en zone 1 sous un étui original rappelant le célèbre briquet Zippo, s'annonce déjà la seconde, dont le neuvième épisode est actuellement diffusé aux USA sur la chaîne productrice AMC.

samedi 27 septembre 2008

Des guides pour les arts numériques


Nicolas Clauss, Françoise Romand, Antoine Schmitt, Xavier Boissarie, Antoine Denize, Electronic Shadow, Servovalve (je cite ici ceux avec qui j'ai déjà collaboré) et plein d'autres camarades figurent sur le nouveau guide Arts Numériques (Tendances-Artistes-Lieux et Festivals) réalisé sous la houlette d'Anne-Cécile Worms (M21 Editions, 330 pages, 29€). Nous avons tous envoyé une image de 16x22cm et une biographie, soit cent artistes numériques français préfacés par toute une ribambelle de textes passionnants dans leur diversité, totalement à côté de la plaque, visionnaires ou remettant salutairement les pendules à l'heure. Tous font ressortir la question de l'art, ce qui en est ou ce qui en naît.
Pour ma part, selon les jours et les humeurs, j'y cherche l'émotion, le rêve ou la critique. L'émotion du beau, le rêve de l'inouï, la critique de la narration, fut-elle abstraite ou d'essence philosophique. Quant à la technologie, je n'en ai absolument rien à fiche, si ce n'est pour m'allonger régressivement par terre à pervertir mes jouets. Le numérique ne signifie rien d'autre qu'un protocole industriel. Les concepts appris dans les écoles de beaux-arts assurent essentiellement la pérennité de professeurs souvent dépassés et de leurs élèves s'embourbant dans le scolaire et les nouveaux académismes. Les modes se suivent et se ressemblent par leur inanité heureusement éphémère. De ces marais fangeux, qui rappellent les univers sociaux de la publicité et de l'entertainment, émergent quelques personnalités portant sur leurs épaules des mondes, des visions, des souffrances et des colères. Encore faut-il avoir appris à ne pas confondre les phénomènes de foire (je n'y vois aucun inconvénient, à condition de savoir les identifier, comme se détendre devant un gros blockbuster macho américain ou jubiler devant une œuvre du septième art) et les véritables démarches artistiques. Pauses snobinardes de classe contre urgences hospitalières.
Mais comment s'y prendre pour trier le bon grain de l'ivraie ? Rechercher la nécessité : le choix ne fait que tatouer la surface de son encre délébile. Apprécier le rejet quand prend la greffe : combat ou soumission ? Le texte de Gilles Alvarez me surprend par son acuité à cerner les faux-semblants jusqu'à terminer par une phrase de Claude Debussy : "qu'il vaut mieux regarder le lever du jour qu'écouter la Symphonie Pastorale". Les œuvres ne sont que le reflet du monde, son inconscient monstrueux. Il y a ceux qui s'y plaisent et s'y complaisent, et de pauvres hères rêvant naïvement de le bousculer et qui enragent. Pour un artiste, le repos n'existe pas. Le sommeil est habité. Le mystère seul le calme. Il n'y a pas d'abonné au numéro que vous avez demandé. Aucune réponse n'est satisfaisante. Mais il avance. En aveugle. Qu'importe ! Il sait où il va. Nulle part. Parce que ce sera toujours mieux qu'ici et maintenant. Ses gestes lui sont dictés par une morale qui rejette tout ce qui est convenu sans être interrogé. Le travail est si colossal qu'il restera inachevé. J'écris il, mais c'est en nombre que leur pouvoir s'exercera. Les initiatives de regroupement sont indispensables.
Parallèlement à l'édition de l'ouvrage autour des artistes qui comprend également une importante partie sur les lieux et festivals, Anne-Cécile Worms qui s'occupe de la revue bimestrielle MCD (Musiques & Cultures Digitales) édite la version 2008-2009 du Guide des Festivals Numériques (MCD, 9€) dans lequel le président du Cube, Nils Aziosmanoff, cite les temps forts du dernier festival en commençant par notre opéra pour 100 lapins communicants, photo à l'appui.
Décidément, Nabaz'mob a la cote ! Avec Antoine Schmitt, notre clapier participe à la Nuit Blanche à Paris le 4 octobre pour 6 représentations (20h-21h-22h-23h-0h-1h) à Bercy Village, Passage Saint-Vivant (Métro Cour St-Émilion). Nabaz'mob sera aussi à Besançon le 2 novembre au Festival Musiques Libres et en 2009 il est fortement question d'une tournée sur trois autres continents en même temps qu'une installation durant six mois dans un musée parisien. J'en fais tout un fromage sans être dupe de la carotte qu'il représente. Nos élucubrations nous échappent, reprises par les vulgarisateurs que nous alimentons et qui, à leur tour, nous font gentiment manger du frais plutôt que des pissenlits par la racine. Un artiste doit aussi apprendre à voir avec les yeux de son public, savoir apprécier les déplacements de sens, partager les émotions. À moins de basculer dans l'autosuffisance, quand l'échec ne sonne pas comme une injustice, le succès a le goût de l'usurpation. L'insatisfaction est le moteur de l'œuvre. L'avenir est pavé de mauvaises interprétations. Rien n'a de valeur que le prochain geste.

vendredi 26 septembre 2008

L'information transpire dans les médias américains


Lorsque la presse est aux mains des marchands d'armes et des puissantes multinationales qui dirigent la planète, le rôle d'Internet, pour l'instant ouvert à tous, devient de plus en plus déterminant. Les pouvoirs n'auront alors de cesse de le museler, de le discréditer, comme si les informations véhiculées par les professionnels étaient plus fiables... On peut regarder le Journal Télévisé chaque soir à la messe du 20 heures sans qu'aucun fait ne soit expliqué, sans que les motivations des uns ou des autres soient analysées. On joue sur le sensationnel et l'émotion, sans jamais donner les clefs pour comprendre de quoi il retourne. La presse s'engouffre souvent à une vitesse déconcertante sans vérifier ses sources et l'on voudrait nous faire croire que tout ce qui passe sur Internet n'est que la somme d'élucubrations de conspirationnistes paranoïaques. Il y en a sûrement, les grands médias n'ont pas le monopole du mysticisme. Mais il abrite aussi des foyers de résistance.
Il en existe aussi sur quelques chaînes de télévision, et aux États-Unis, comme Keith Olbermann de la chaine MSNBC fustigeant la récuperation des images du 11 septembre par la machine électorale republicaine au profit de John McCain déposant la marque 911 (TM) ! Ce n'est pas la révolution, mais Olbermann a tout de même été "déplacé" illico par sa chaîne.

Les questions que l'on peut se poser sur le 11 septembre dérangent. Parmi elles, il y a probablement des faits qui pourraient s'expliquer si le gouvernement américain n'avait pas bâclé l'enquête. D'un côté, l'accumulation des interrogations est telle qu'il est impossible de penser que toutes les allégations sont le fruit de l'imagination d'un paquet de fadas paranos (les faits sont là, les questions sont légitimes, ceux qui les posent sont responsables et compétents, et aucune réponse n'est apportée par le pouvoir), d'un autre il faut croire en l'Amérique (on peut se demander qui sont les mystiques) et la seule parade qui tienne un peu debout est qu'il devrait y avoir des fuites s'il y avait complot parce que trop de monde serait impliqué. Ce n'est peut-être qu'une question de temps, parce que les Nord-Américains commencent à avoir des doutes sur ce qu'on leur a raconté. Le téléfilm Recount qui vient de recevoir un Emmy Award évoque la manipulation électorale qui a permis à George W. Bush d'être illégalement élu. Ou rappelez-vous ce que le 11 septembre a permis et les raisons invoquées pour aller envahir l'Afghanistan et l'Irak (où sont les armes de destruction massive ?). Je risque encore de ranimer le débat, mais la planète est à un tel tournant de son histoire que je ne voudrais pas nous entendre plus tard raconter que nous ne savions pas.


Dans un article du 22 septembre de l'Huffington Post, la journaliste Naomi Wolf dénonce le putsch de Karl Rove et Dick Cheney, et surtout le risque énorme de retrouver Sarah Palin à la tête de la Nation. Car John McCain n'est qu'un arbre qui cache la forêt. Atteint d'une forme de cancer de la peau, les médecins lui pronostiquent seulement deux à quatre ans de survie. Si Barak Obama perpétuera la politique américaine sans grand changement, Sarah Palin pourrait faire sombrer les États-Unis dans le fascisme, une société de la peur que les lois actuelles permettent. Déjà huit militants du RNCWC sont poursuivis pour conspiration et terrorisme après les événements qui ont entouré la Convention Républicaine à St Paul (nous en avions parlé ici il y a deux semaines) et risquent des années de prison alors que l'on sait par ailleurs que des agents provocateurs les ont infiltrés... Si vous lisez l'anglais, l'article est édifiant.

Wall Street s'effondre. Les USA vivent à crédit sur le reste du monde. Les immenses capitaux des pays arabes et de la Chine ne suffisent même plus à assurer leur économie. Mais personne ne veut donner le coup de grâce, parce que nous sommes tous mouillés dans le délire libéral mondialiste d'un capital arrivé au bout du rouleau. Notre économie est directement liée à la leur. Nous ne sommes que des satellites. En s'écroulant, les États-Unis entraîneront un chaos total dans le monde, et personne ne sait encore ce qui en sortira. Doit-on en avoir peur ? La misère généralisée, la famine seront-elles pires pour les 80% de la planète qui ne mange pas à sa faim ? Nous devrons changer nos petites habitudes. Quoi qu'il arrive, c'est devenu inévitable ! La peur est mauvaise conseillère. Bonne journée à toutes et à tous !

jeudi 25 septembre 2008

Le téléphone gâche le papier à la tonne


Lorsque le préposé livreur a essayé de nous refiler cinq exemplaires du paquet sous plastique regroupant Les Pages Jaunes et L'Annuaire de la seule Seine-Saint-Denis, soit 1kg400 de papier recyclé par ligne téléphonique de l'usager, je me suis demandé si quelqu'un à France Telecom ou aux Pages Jaunes avait de la famille dans l'imprimerie ou le papier ? 197 308 exemplaires, ça pèse tout de même 276 tonnes ! Imaginez le volume... Comme je refusais d'en prendre cinq, le type a insisté en précisant que nous avions droit à trois, probablement parce que nous possédons trois lignes fixes (dont une seule chez "l'opérateur historique", c'est comme ça qu'on dit maintenant pour éviter une répétition). J'ai eu beau lui expliquer qu'un jeu par foyer me semblait largement suffisant, surtout à l'heure d'Internet, le bonhomme contrarié bougonnait. De notre point de vue, nous étions contents d'avoir résisté, nous demandant tout de même à quoi allaient bien nous servir ces pavés, lorsque je me suis aperçu que le coquin avec sa poussette avait balancé un autre jeu par-dessus la grille du garage. On pourra toujours apprécier les pages de garde du volume blanc, avec ses sections informatives "Se déplacer", "Se renseigner" et "Se divertir", en tout 50 pages des 1680 totales, le gros de l'objet étant occupé par "Se contacter" d'une part et la liste des professions d'autre part... Quant aux exemplaires de l'an passé, c'est direct la poubelle à papier. Est-ce bien raisonnable ?
En cherchant Les Pages Jaunes sur Internet, à côté de la recherche professionnelle et privée, je découvre deux autres onglets. Le premier permet de savoir à qui appartient un numéro de téléphone (l'anonyme ne se cache plus derrière son numéro), le second de trouver quelqu'un dans toute la France après avoir tapé son nom (moins fastidieux que par le passé). Par contre, la recherche proposée sur Voila est totalement nulle, car si on y trouve quelques curiosités, le plus important, à savoir cette page, n'est pas indexé ! Plus bas, le site propose des informations sur votre ville, sa météo, ses webcams, ses distractions, ainsi qu'un index vers les Pages Pros donnant moult renseignements sur telle ou telle société au registre du commerce (parfois très précieux avant de signer un contrat), et d'autres vers Mappy (cela ne vous évitera pas forcément de vous perdre quand vous serez sur le terrain), les petites annonces ou les recherches de stage.
Si vous vous fichez de tous ces services, vous pouvez toujours prendre un paquet au bout de chaque bras et faire vos exercices de gymnastique avec, ou apprendre à marcher en les tenant en équilibre au-dessus de votre crâne... Cela vous permettra peut-être d'attendre la nouvelle édition l'an prochain.

mercredi 24 septembre 2008

Si "Les bourreaux meurent aussi", "Verboten!" recadre la chute de l'Allemagne


À voir les jaquettes de ces DVD, il est prudent de s'y prendre à deux fois avant de tourner à l'angle d'une rue ! La vermine n'est jamais très loin. Les hors-champs sont dans le cadre, deux plans dans la même image, avec le son comme si on y était, perspective menaçante.
Carlotta édite le film de Fritz Lang en version intégrale tel qu'il fut présenté aux USA en avril 1943. La version française, tronquée de vingt minutes, est également présente sur le double dvd comprenant une introduction et une analyse passionnantes de Bernard Eisenschitz abordant la collaboration du metteur en scène avec le dramaturge Bertolt Brecht, co-auteur du scénario. Les bourreaux meurent aussi (Hangmen also die) raconte la résistance du peuple tchèque contre les Nazis avec l'assassinat du Bourreau Heydrich, la solidarité des uns et la lâcheté des autres. Les récits parallèles entretiennent un suspense palpitant tout en rappelant les qualités sémantiques de Lang et la distanciation malicieuse de Brecht. Notons que Hanns Eisler composa la musique de cet excellent Fritz Lang, un avertissement contre l'organisation des forces du mal comme le réalisateur les multiplia tout au long de son œuvre.
En 1959, Samuel Fuller réalise un film sur la chute du 3ème Reich où il mêle images d'archives exceptionnelles (villes totalement détruites par les bombardements alliés, procès de Nuremberg...) à l'intrigue mettant en scène un soldat américain rencontrant une Allemande et brisant ainsi la loi anti-fraternisation du Plan Marshall.
Verboten!, signifiant "interdit" et bizarrement traduit en français par Ordres secrets aux espions nazis, insiste sur la différence entre Allemands et Nazis, une distinction rarement évoquée, mais que j'ai souvent entendue dans ma famille, que ce soit du côté maternel où mon grand-père, Roland Bloch, combattant des deux guerres, fait prisonnier et libéré, résistant devenu responsable du ravitaillement pour le Cantal, militait dans les années 50-60 au sein de la Protection Civile aux côtés de collègues allemands, ou du côté paternel malgré la déportation de mon autre grand-père, Gaston Birgé, à Auschwitz et les sévices endurés par mon père, dont le meilleur ami, fils d'un commissaire de police d'une ville de province allemande et militant anti-Nazi, périt hélas dans le torpillage de son sous-marin. Fuller insiste aussi sur la connaissance de l'existence des camps de concentration qu'il avait contribué à libérer lorsqu'il était soldat au sein de son régiment, le Big Red One. Mes parents, qui ne mélangeaient pas nationalités et choix politiques, me firent apprendre l'allemand en seconde langue, et, lorsque je souhaite faire la part des choses, me viennent souvent les mots de Manouchian dans sa dernière lettre à sa femme Mélinée, repris par Aragon dans son poème L'affiche rouge, mis en musique par Léo Ferré : " je meurs sans haine pour le peuple allemand ".


Depuis 35 ans j'ai gardé le souvenir indélébile de la première scène de Verboten! citée dans le Cinéastes de notre temps (réalisation d'André S. Labarthe non rééditée) consacré à Samuel Fuller. Son incroyable bande-son ponctue le premier mouvement de la Vème symphonie de Beethoven par le bruit des combats au milieu des ruines. Le rythme du montage et la chorégraphie s'appuient sur le thème universellement célèbre du compositeur allemand, paradoxalement utilisé par Radio Londres pour symboliser la victoire : ti-ti-ti-taaa = V en morse..._ Beethoven avait dédié sa 3ème (l'Héroïque) à Bonaparte pour se rétracter lorsque celui-ci s'autoproclama empereur : «N'est-il donc, lui aussi, rien de plus qu'un homme ordinaire ? Maintenant, il va, lui aussi, fouler aux pieds tous les droits de l'homme pour n'obéir qu'à ses ambitions. Il s'élèvera au-dessus de tous les autres et deviendra un tyran.» Bien que ce soit le seul film de Fuller que je n'avais jusqu'ici jamais vu en entier, dans mes conférences j'ai souvent pris en exemple la partition, qui passe sans transition de percussions contemporaines aux accords de Richard Wagner et au thème de Ludvig van, pour évoquer l'utilisation de la musique préexistante au cinéma et l'intégration des bruitages à la partition sonore. J'ai toujours été un grand fan de Fuller pour son style direct et entier, jouant des images pieuses et des tartes à la crème en les retournant comme des gants, manipulant les McGuffins hitchcockiens et les poncifs de manière outrancière pour révéler les intentions cachées de l'inconscient collectif.
Avec le triple Criterion présentant ses trois premiers films, I shot Jesse James, The Baron of Arizona et The Steel Helmet (J'ai vécu l'enfer de Corée), ce dvd édité par Warner enrichit la cinémathèque fullerienne déjà riche de Fixed Bayonets, Pick Up on South Street (Le port de la drogue), House of Bambooo, Run of the Arrow, Forty Guns, Merrill's Marauders, Shock Corridor, The Naked Kiss, The Big Red One (Au-delà de la gloire), etc. Je suis toujours à la recherche des éditions dvd de Park Row, The Crimson Kimono, Underworld U.S.A., Dead Pidgeon in Beethovenstrasse et de ses réalisations pour la télévision... Il existe aussi un film sur lui d'Adam Simon intitulé The Typewriter, the Riffle & the Movie Camera.
Quant à Lang, je suis à l'affût de son dernier film, Die tausend Augen des Doctor Mabuse (Le Diabolique docteur Mabuse), qui reprend une fois de plus le thème du complot mafieux et de la manipulation de masse de façon visionnaire.

mardi 23 septembre 2008

Les lys tâchent


En quittant sa villégiature parisienne, Pascale nous a offert un magnifique bouquet de lys qui a éclos après son départ. Les liliums donnent au salon des allures printanières qui tranchent avec l'automne frisquet qui nous fait allumer le feu dans l'âtre dès le matin. Revers de la médaille, le parfum exhalé est d'une telle puissance que je dois les écarter pour arriver à consommer le moindre aliment. Travailler à proximité m'est impossible sans suffoquer. Pire, en les déplaçant j'ai frotté les pistils sur ma chemise vert pomme, laissant une trace de poudre rouge sang sur mon épaule. Françoise, qui crut d'abord que je saignais du nez, a arrêté brusquement mon geste tandis que j'allais rincer les traces de pollen sous le robinet. Le lys est indélébile. C'est le bouquet ! La tristesse me guette de perdre la chemise très Sergent Pepper's trouvée à New York dans la même boutique SM que mon kilt, mais ma compagne me conseille de chercher sur le champ le remède sur Internet en googlisant "lys tâche". La recette était simple, il suffisait de coller délicatement un morceau de ruban adhésif sur le tissu et le pollen se détache comme par miracle. Scotch et scotch et scotch et rescotch... Eurêka ! Cette chemise portée au concert de samedi est sauvée. À ce propos, ce n'est pas pour nous jeter des fleurs, mais la soirée D'autres Cordes fut très réussie. Le spectacle a confirmé à Nicolas et moi-même le choix du duo...

P.S. : de plus, j'apprends que flyingpuppet.com, où Nicolas expose ses tableaux interactifs, souvent en collaboration avec ma pomme, est nommé aujourd'hui "site du jour" par Libération - Ecrans.fr...

P.P.S. : deux jours après Nicolas, c'est au tour d'Antoine de se retrouver site du jour sur Ecrans.fr avec TimeSlip... Bravo les gars !

lundi 22 septembre 2008

Michel Séméniako expose ses paysages humains


Qu'ont donc d'humain les paysages de Michel Séméniako si ce n'est la présence invisible du peintre hantant chaque photographie tandis qu'il promène son pinceau lumineux sur les terrains vagues et les constructions improbables ? Lorsqu'il enclenche son appareil, le temps s'arrête. La pellicule, vivement impressionnée, se fige dans une pause de modèle endormi. Il peut dès lors entrer dans le cadre sans se faire voir et taguer les monuments d'une civilisation qui s'éteint à l'aube du nouveau siècle. Il n'y a que des gars comme lui pour en faire celui des Lumière, coude à coude avec sa compagne, la photographe Marie-Jésus Diaz, qui prend le temps de se battre pour les sans-papiers, entre deux tirages qu'ils réalisent eux-mêmes en numérique. Ce sont des œuvres somptueuses aux couleurs invisibles comme on dirait inouïes, contrastes qui font sens, autant d'énigmes...
Le 18 juin 2006, j'avais écrit un premier article intitulé L'ectoplasme : Michel Séméniako est notre frère en somnambulisme. Je livrais alors le texte du portrait chanté que nous fîmes de lui en 1997 sur le CD-Rom Carton (Birgé-Vitet, GRRR 2021, dist. Orkhêstra). Les images des modules interactifs étaient toutes les siennes. La pochette aussi. Beaucoup de noir et blanc. Les débuts de la couleur. Les images négociées côtoyaient les paysages nocturnes. Je ne savais pas encore glisser du son dans mes articles. La voici, chantée par Bernard Vitet :

La Galerie Le Feuvre, sise 164 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, expose les human landscapes de Michel Séméniako jusqu'au 18 octobre. L'accrochage est généreux, les noir et blanc sont en sous-sol, les couleurs explosent dans les trois salles du rez-de-chaussée. Les tirages sont à couper le souffle. Il y en a même quelques uns de très grands, comme celui reproduit ici. J'en ai rêvé la nuit.

dimanche 21 septembre 2008

Waking Life, la philosophie animée


Il y a peu j'avais écrit un article sur le film de Richard Linklater inspiré d'un roman de Philip K. Dick, A Scanner Darkly. Ce n'est pas toujours simple de relater mes découvertes lorsqu'elles ne se cantonnent pas à un objet unique. Les plus complexes à chroniquer sont les intégrales, les coffrets, les séries qu'il est nécessaire d'avoir entièrement regardés avant d'en rendre compte. Ainsi il me faudra encore du temps avant d'aborder les 25 films du coffret Kaurismäki ou les seize DVD envoyés par Bach Films, j'ai honte !
À la lecture du verso du boîtier de Waking Life, nous nous attendions à une comédie, pensant qu'il s'agissait pour Linklater d'une première tentative d'animation rotoscopique à partir d'images réelles. Le traitement graphique de Waking Life (bonus du DVD très étayés, 20 Century Fox, Zone 1, sous-titres français) nous a encore plus emballé que celui de A Scanner Darkly (Warner, Z1, s-t français, les deux films existent aussi en Zone 2 anglais...), l'absence d'acteurs vedettes permettant peut-être une plus grande latitude avec la réalité que la présence de Keanu Reeves ou Wynona Ryder empêchait dans l'autre ?


L'interrogation sur la réalité justifie pleinement la transposition dans l'univers de l'animation : "sommes-nous des somnambules ou les personnages réels de nos rêves ?" Le film, bien qu'il soit très bavard, avec des traits franchement comiques, est fascinant par le sérieux intellectuel qu'il aborde, références francophiles plus que nombreuses, de Bazin à Debord. C'est une réflexion politique et philosophique qui enchantera toutes celles et ceux qui aiment se poser des questions métaphysiques et que les apparences dérangent. Film rare, plastiquement admirable, il plongera le spectateur dans un abîme de perplexité tout à fait salutaire, dans ces temps où le doute à fort à faire avec les intoxications péremptoires déversées sur tous les écrans du pouvoir.

samedi 20 septembre 2008

Soirée D'autres cordes à 20h30 à La Comète 347


Ce soir, je serai avec Nicolas Clauss à La Comète 347 (45 rue du Faubourg du Temple à Paris, Métro Goncourt ou République, entrée 6 euros) pour notre duo musico-graphique sur grand écran. Nous avons choisi de créer une pièce inédite, encore toute fraîche (façon de parler au vu de la noirceur du sujet !) intitulée Modified (photo ci-dessus), en plus de Jumeau Bar, L'ardoise et Les dormeurs que nous avions interprétés à L'échangeur en mars dernier (extrait vidéo). Je retravaille en direct les sons des tableaux interactifs de Nicolas, je fais passer tout cela à la moulinette de mes effets électroniques, jouant aussi de la flûte et de la trompette à anche, du Tenori-on et du Kaossilator, deux petits synthétiseurs sans clavier qui tiennent presque dans la poche. C'est aujourd'hui ma version préférée de notre spectacle Somnambules. En duo, je suis plus concentré sur les images que mon camarade projette que lorsque je dois diriger un petit ensemble de musiciens. La musique, plus sobre, n'écrase pas les projections. Une partie de plaisir !
Il y a d'autres raisons de vous déplacer ce samedi jusqu'à cette ancienne usine. D'abord, l'endroit a quelque chose d'envoûtant, squat biscornu où les musiciens jouent souvent dans une fosse sous les gradins abrupts. L'ambiance y est plus sympathique que dans de nombreuses salles subventionnées. Mais surtout, nous ne serons pas seuls. La soirée, programmée par le guitariste Franck Vigroux qui dirige le label de disques D'autres cordes, verra nous précéder Antonin Rayon à l'orgue Hammond B3 et au piano Rhodes, le duo formé par "Supersonic Riverside Blues", dernier pseudonyme de Vigroux qui jouera de ses machines électroniques avec le vidéaste Éric Vernhes, et Philippe Nahon qui interprétera Silence must be, pièce pour chef d'orchestre seul de Thierry de Mey. Ouverture des portes à 20h30. Alors, à tout à l'heure ?


P.S.: en "montant sur scène" ce soir, j'aurai une pensée émue pour Maurizio Kagel qui vient de mourir à l'âge de 76 ans. Son art de ressusciter les classiques au vitriol m'a encore plus impressionné que ses perversions instrumentales. Il personnifiait à lui seul le théâtre musical contemporain. Dès le début des années 70, je l'ai souvent vu en scène tandis qu'il accompagnait ou dirigeait ses œuvres. Ses enregistrements préservent la magie et l'humour de ses élucubrations virtuoses. Espérons que ses films, aussi passionnants que sa musique, seront un jour édités en DVD. C'est l'un des derniers grands compositeurs du XXe siècle qui vient de s'éteindre.
Avec Ligeti et Berio il formait à mes yeux un triumvirat qui rattachait la musique contemporaine aux racines de la tradition occidentale tout en développant un langage personnel loin des Écoles et des tics du milieu. Tous trois avaient su s'affranchir de l'influence étouffante du dodécaphonisme schönbergien et des tics varésiens de nombre de leurs pairs, sans parler du néoclacissisme qui sévit encore. Ailleurs, les iconoclastes Cage ou Ferrari, l'exilé Nancarrow, les répétitifs inspirés par l'Orient Riley ou Reich, les jazzmen libres et les rockers inventifs creusaient d'autres chemins... Maurizio Kagel n'en ignorait aucun.

vendredi 19 septembre 2008

Encenser ses sens


Chaque fois qu'un État tente de contrer les résistances sociales en promulguant de nouvelles lois ou en installant de nouveaux verrous, les réfractaires s'organisent pour déjouer les derniers systèmes de sécurité ou de répression. Il en est ainsi de la fausse monnaie qui refleurit toujours au lendemain de l'annonce de nouveaux billets prétendument infalsifiables, des codes technologiques anti-piratages, des interdictions de sites en peer to peer, etc.
La répression gouvernementale et policière contre les drogues illicites pousse une foule de jeunes gens vers des substances plus dangereuses que celles qu'ils consommaient. L'alcool, drogue légale effroyablement meurtrière (c'est, comme le reste, une question de dosage), se développe comme une traînée de poudre. Dans les quartiers, les ados ayant de plus en plus de mal à trouver du haschich, devenu financièrement inabordable, passent dangereusement à la consommation de cocaïne, autrement plus toxique, mais dont les prix ont drastiquement chuté. Balcons et jardins des jeunes bobos avertis abritent de plus en plus de plants de marijuana en vue de leur consommation personnelle.
Des sites Internet proposent des cocktails de plantes autorisées aux effets variés, souvent hallucinogènes. La devise de Biosmoke, qui sous-titre "détente, plaisir, liberté", est "Encensez vos sens". Le commerçant en ligne présente ses créations comme de l'encens à fumer : Gorilla est un "mélange sauvage et complexe associant plantes rares et extraits de plantes naturels, reconnus pour leurs vertus relaxantes, sédatives, ou euphorisantes. C'est le calme et la puissance du gorilla en sachet. Toujours prêt à l'emploi et agréable à utiliser, Gorilla est teinté de myrtille, son arôme subtil et sucré". L'effet de chaque plante, historiquement commentée, est expliqué : baybean, queue de lion, indian warrior, dwarf scullcap, machona brava, laitue sauvage, lotus bleu ou rose, estragon mexicain, scutellaire casquée, dream herb, marihuanilla, verbascum thapsis, kanna, kratom, houblon, siberian motherwort, salvia sont associés selon les effets souhaités.
Il y a quelques jours le quotidien Libération lui-même évoquait l'arrivée massive sur notre territoire de la salvia, dite sauge des devins !
J'avoue n'avoir goûté aucun des substituts proposés. Certaines personnes interrogées m'ont rapporté que la Gorilla les avait abrutis agréablement, sans euphorie particulière. D'autres, en voyage en Colombie, ont tâté de l'ayahuasca en présence d'un chaman, mais n'en ont pas tiré plus d'enseignement que lors de mes amusantes escapades au pays hmong sur la piste de l'opium. Car il ne suffit pas de singer les pratiques ancestrales de tribus lointaines, encore faut-il savoir s'en servir à propos ! Le poète Henri Michaux, grand expérimentateur de substances révélatrices, écrivait : "nous ne sommes pas un siècle à paradis, nous sommes un siècle à savoir".

jeudi 18 septembre 2008

C'est ce qui reste sur le papier


Je devais être énervé. Je sortais de la Maison RougeChristian Boltanski expose Les archives du cœur, une installation un peu bâclée autour de son ego grandissant à mesure que son aura s'éteint. La mort rôde, on aura compris. L'ampoule clignote pourtant de manière régulière. Malheureusement le cœur est épargné. À force de décliner un thème, le verbe devient intransitif. Je vais encore me faire des amis. J'entends déjà : "Va mourir !". La frontière entre art et entertainment devient de plus en plus ténue. Il y a même un laborantin en blouse blanche qui enregistre les pulsions cardiaques des visiteurs qui ont pris un numéro et leur en propose une repro contre quelques euros. On se croirait à la Foire du Trône quand il fallait payer un franc pour admirer "le clou de la fête", un bout de métal rouillé trônant majestueusement au centre de la tente. En termes forains, on appelle ce genre d'attraction une arnaque. Il y a aussi celle du "plus grand tour de la Foire" où un guide vous promène tout autour de l'enceinte. Aujourd'hui cela vaudrait des sommes folles si un "artiste" s'en emparait. Le cinématographe a bien commencé là pour terminer Septième. Revenons à nos moutons. Rien ne justifie la taille de la salle, le morphing est désuet, l'accrochage des cadres noirs (radioscopies ?) sans fondement. Un de mes potes, pourtant fan de C.B., est furieux d'avoir déboursé 6,50 euros pour une unique pièce. Il n'y en a qu'une, exception faite des Sans titre de Marie Cool et Fabio Balducci, installés in vivo dans la pièce à côté. Là on frise le ridicule. Vous repartez avec une belle coupe, bien pleine. Si au moins les responsables se marraient ! Ils sont sérieux comme des papes : dans les galeries d'art aujourd'hui on fait des miracles, on reproduit les saints pères comme certains fabriquaient des multiples dans les années 60, cette fois le propos est de rendre rare le banal, le public est contaminé par le ton compassé qui fait rage chez les jeunes artistes conceptuels.
C'est bizarre, j'ai pourtant adoré nombre d'œuvres de Boltanski, j'aime bien les performances un peu tordues, les arts plastiques me font rêver, mais le Mémorial des Martyrs de la Déportation au bout de l'île de la Cité est autrement plus émouvant. J'ai des doutes sur la tournure des évènements, comme si le monde de l'art s'était emballé, comme un jeune poulain, comme si tout était pesé... Aux Beaux-Arts, les professeurs ont su façonner leurs élèves à leur image. Au quotidien, un peu d'hygiène remet l'œuvre à sa place. Au moment de se lever, que reste-t-il sur le papier ? Adelaide me dit que la cage d'Andrea Blum dans laquelle on pénètre pour regarder et écouter les petits oiseaux qui tournent autour s'appelle un café. Mais on n'y consomme rien. Les volatiles sont évidemment enfermés sous un grillage à peine plus grand, surplombé par ce que l'on avait coutume d'appeler des cages à lapins, fenêtres bien rangées les unes au-dessus des autres, voisins créchant derrière ces falaises de maison close. Si l'on apprécie les oiseaux en cage, on dira que c'est de la déco. Les galeristes ne savent plus où donner de la tête. On essaie de nous faire passer la moindre idée farfelue ou prétentieuse, pontifiante ou rigolote, pour un geste artistique et le résultat des courses pour de l'art. Ah Marcel, tu nous a joué un bon tour ! C'est comme Schönberg affirmant qu'avec son système à douze sons il "assurait la suprématie de la musique allemande pour un siècle". Le pire, c'est qu'on l'a cru. La prophétie s'est donc réalisée. En art contemporain, c'est la même histoire. S'il y a des croyants, c'est que c'en est.

N.B.: j'ai eu l'idée de ce billet en repensant à ''Sculpture physique'', le court-métrage de Jean-Marie Maddedu et Yann Piquer que je revois toujours avec le même plaisir et dont la cote devrait grimper au firmament des galeries d'art et des musées idoines. Ne ratez pas la chute !

mercredi 17 septembre 2008

Appelez-moi Madame (3)


Françoise a cru devenir folle. Elle calait les sous-titres anglais de son film Appelez-moi Madame pour les envoyer à Igor qui terminait l'authoring du DVD, mais ce n'était jamais synchrone. Ils raccourcissaient, se décalaient de une seconde, puis de deux, de trois... On reprenait nos marques, incriminant la conversion en NTSC, format choisi pour que le public américain puisse voir le film. En France, tout le monde peut le lire, mais les Amerloques ne peuvent pas faire de même avec le PAL. Alors on réduit par le plus petit dénominateur commun, le PAL étant autrement meilleur que le NTSC utilisé également par les Japonais. Ils forment la zone 1. De toute manière, Appelez-moi Madame est multizones et non verrouillé. Il n'y a que les majors et les grosses boîtes pour coller des verrous qui ne servent à rien puisque n'importe quel pirate en herbe est capable de les faire sauter en un ou deux clics. Alors à quoi ça sert ?
Vu le succès des films de Françoise Romand outre-atlantique, le choix du NTSC s'explique très bien, d'autant que c'est la maison de production de la réalisatrice, alibi, qui édite. Nous avons fini par comprendre que les sous-titres étaient corrects, mais que le lecteur DVD sur lequel nous faisions les tests pataugeait dans la semoule, n'arrivant pas à lire correctement le film et à récupérer le fichier texte de ces fichus sous-titres, pourtant refaits amoureusement par Françoise pour corriger les approximations de la version de 1987.
Le master est donc parti à l'usine. Je récupère mon studio, mes machines et mon temps. Le design graphique d'Étienne Mineur est superbe, parfaitement adapté au projet. 22 ans plus tard... et Onboard, les deux compléments de programme ont été mitonnés aux petits oignons pour accompagner le plat de résistance. Je les ai cadrés, sonorisés, mis en musique et mixés. Françoise a enregistré un film en français, l'autre en anglais. Les deux entretiens sont "same same but different" ! Bel exercice de montage. Doriane distribuera le DVD qui sortira début novembre. D'ici là, Françoise aura créé son nouveau Ciné-Romand à La Bellevilloise (réservez impérativement le dimanche 26 octobre), j'aurai participé à la soirée D'autres Cordes à La Comète 347 avec Nicolas Clauss (c'est samedi, il y aura du monde), les 100 lapins de Nabaz'mob auront dégourdi leurs oreilles pour la Nuit Blanche à Paris le 4 octobre (Bercy-Village), le reste à l'avenant...

mardi 16 septembre 2008

Êtes-vous heureux ?


Celluloïd, encre, laque, allumette. Nous allons encore nous faire passer pour de grands paranoïaques. Il n'y a pas grand chose à y faire. Avec quelques amis, nous évoquions la thèse du complot dont nous affublent celles et ceux qui préfèrent ne pas faire de vagues, absorbant docilement la potion. C'est que le soporifique a prouvé son efficacité ! On nous dit que la manipulation serait trop énorme. Et Dieu(x) dans tout ça ? Oui, que pensez-vous de Dieu(x) ? Pour un athée, n'est-il pas la plus extraordinaire manipulation de l'histoire de l'humanité ? C'est gros comme une maison, mais la grande majorité des bipèdes de la planète s'y conforment. Ciel, nous sommes faits ! Conditionnés. Toute organisation sociale est pensée pour nous assujettir. Les esprits rebelles sont dénoncés, torturés, lapidés, brûlés, ou plus "humainement" enfermés. La famille est un des piliers de l'entreprise. Nous mangeons ce que l'on nous dit de manger, nous roulons ce que l'on nous dit de rouler, nous volons comme on nous dit de voler, nous pensons ce que l'on nous dit de penser, nous rêvons dans les limites de ce raisonnable. Nous consommons, nous cautionnons. Je comprends les ermites, mais je me vois mieux en phalanstère ! Impossible de s'échapper. L'engagement politique est encore une manière de l'accepter. Le refus passe par la délinquance, la folie ou l'art.
Il y a des nuances, mais rien ne s'acquiert sans douleur. Le vrai travail n'est pas celui qui profite aux patrons. Résistance active. Le devoir de penser par soi-même. Agir. Tout est organisé pour ne profiter qu'à un tout petit groupe, suffisamment important pour permettre au système de perdurer. Les "révolutionnaires" en sont aussi les garants. Sans controverse, le système s'épuise de lui-même. L'étau est bien serré. Notre civilisation est en bout de course. Le découragement gagne les militants. Après quelques grosses catastrophes économiques ou écologiques, de nouvelles utopies verront le jour. Anesthésiés, les êtres humains n'ont jamais su faire autrement. Faut que ça saigne pour remettre les prétendues valeurs immuables en question et faire masse. Je ne suis pas certain d'être clair. Nous acceptons les us et coutumes pour argent comptant. Pas question d'imaginer d'autres manières de vivre. Ordre, travail, famille, patrie, propriété, tout est cadenassé. Les politiques jouent sur la sécurité, il n'y en a aucune. C'est un rappel à l'ordre. Ne pas se révolter. Accepter son état de petit soldat. Avaler le poison jour après jour, 20 heures après 20 heures, la messe est dite. Nerf des rapports homme-femme, la sexualité est tabou. Quelle est notre marge de manœuvre ? À chacun de la définir si nous ne voulons pas vieillir prématurément. Il y a tant de morts-vivants (clin d'œil à Romero). Une question en attendant, reprise du formidable film de 1961 d'Edgard Morin et Jean Rouch, Chronique d'un été : "êtes-vous heureux ?"

lundi 15 septembre 2008

L'audiovisuel s'écrit sans tiret


Laurent Jullier a publié un petit livre de 96 pages aux Éditions des Cahiers du Cinéma absolument passionnant. Tous les réalisateurs de films, auteurs multimédia, scénaristes, monteurs, en fait quiconque a affaire avec les médias audiovisuels, devraient le lire, que l'on y découvre l'importance du son ou qu'ici et là un détail nous rafraîchisse la mémoire.
Il y a quelques années, j'avais commencé à rédiger un livre sur le sujet en m'appuyant essentiellement sur mon expérience personnelle et sur mes propres œuvres. Je commençais par une histoire du son depuis la préhistoire jusqu'à nos jours pour développer ensuite ses ramifications dans les médias interactifs et les expositions-spectacles, mettant en valeur les concepts hérités de Michel Fano sur la partition sonore. Les mutations industrielles (abandon du CD-Rom, déclin de la création sur Internet, développement de la téléphonie mobile, du 5.1, du direct-to-disk...) et les pratiques afférentes (dont la mienne, dispensée lors de mes conférences en perpétuelle mutation) m'arrêtèrent dans mon élan alors que j'avais presque terminé ! Je n'y ai pas renoncé, tous les ingrédients étaient en place, mais l'ensemble réclamerait d'être amendé et réactualisé.
Plus explicitement pédagogique, le livre de Jullier, édité avec l'aide du CNDP (Scérén), conviendra tout autant aux lycéens ou aux étudiants qui s'intéressent à l'audiovisuel, "audiovisuel" écrit sans tiret pour bien montrer à quel point les deux paramètres sont liés et interdépendants. Ouvrage de vulgarisation, le petit fascicule qui se lit d'une traite donne d'abord quelques repères historiques, avant d'aborder la pratique, métiers du son (enregistrer, monter, mixer), techniques variées (son direct ou post-synchro et bruitage, spatialisation), constituants (paroles, musique, bruits), etc. S'il diffère évidemment de mon approche, je n'ai rien noté qui me chagrine, bien au contraire. Les exemples toujours bien choisis fourmillent, l'énoncé est clair, le rappel salutaire. La seconde partie de l'ouvrage rassemble des témoignages de réalisateurs et d'ingénieurs du son, des analyses de séquences et des documents de premier choix. Vivement conseillé à tous les amis, sans exception.

dimanche 14 septembre 2008

Objets inanimés possédez-vous mon âme ?


J'ai choisi cette image avec la plus grande mauvaise foi pour faire mentir Pascale qui trouve que mes tableaux des années 60 (1 2 3) étaient beaucoup plus sombres que ce que je produis aujourd'hui (bien que je n'ai plus aucune activité graphique depuis 35 ans, mais Pascale se réfère aux illustrations et photos de mon blog). D'après mes souvenirs, l'époque était beaucoup plus douce que la nôtre, nous étions en pleine adolescence, c'était le temps des hippies et des révolutions de mœurs, nous croyions pouvoir rendre le monde plus beau, réduire les inégalités, etc. Nous expérimentions les substances hallucinogènes que le light-show était censé transposer sur les écrans géants derrière les musiciens. Il me semble que c'est le support qui donnait sa noirceur à mes travaux sur diapositives, je grattais, brûlais, dissolvais, j'attaquais le film dans l'épaisseur. Ce vitrail bleu met en jeu des techniques plus traditionnelles. Je n'ai pas plus de recul qu'un parent s'émerveillant devant son bébé, c'est trop loin. Le bébé est devenu une grande personne. Tout est trop loin, une autre vie, un autre bonhomme, comme si j'avais volé la mémoire de quelqu'un d'autre. Ou bien ce sont les objets qui se souviennent de moi, le contraire de ce que j'aurais pu imaginer. Si je repense aux musiques que je composais, je me dis que Pascale a raison, j'étais plus sombre, ou je le suis devenu en grandissant très vite. Les titres de mon premier disque formait la phrase : "Défense de - Crever - La bulle opprimante - Le réveil - Pourrait être brutal". Alors ? J'aurais aimé être plus léger, composer de la musique de danse, jouer la comédie. Au lieu de cela, nous avons fondé Un Drame Musical Instantané et la principale critique qui a toujours été faite à mon travail est sa gravité. Je suis un type grave avec une voix haute.

samedi 13 septembre 2008

Une étoile s'éteint


Sur son blog, Etienne Mineur rend hommage à Nagi Noda, décédée dimanche dernier à l'âge de 35 ans des suites d'un accident de voiture dont elle fut victime un an auparavant. La maîtrise et l'inventivité de la graphiste japonaise parlent d'elles-mêmes. Nous avions découvert son travail il y a seulement deux ans et demi. Ses œuvres sont son plus bel épitaphe.

Envoyé spécial dans le meilleur des mondes


Jean Rochard, producteur des disques nato, partage sa vie entre Paris et St Paul dans le Minnesota. Il était sur place au moment de la Convention Républicaine qui s'est tenue dans sa ville où Sara tient le Black Dog Café, lieu de rencontres pour tous les habitants qui ne sont pas rentrés dans le rang. Des expositions comme celle du dessinateur Andy Singer, des concerts comme avec The Coup, le festival de "jazz" Minnesota-sur-Seine animent l'endroit. Leurs moyens n'égalent pas ceux de la partie adverse : 50 millions de dollars ont été dépensés pour mettre en place et sécuriser la venue de John Mc Cain à St Paul (sans compter 10 millions de dollars supplémentaires pour l’assurance couvrant les brutalités policières anticipées, 3 millions de dollars pour sécuriser l'Hotel Hyatt où le vice-président Dick Cheney aurait dû passer une nuit si l'ouragan Gustav ne s'était pas trouvé opportunément menaçant, etc.) !
Sur son blog (c'est ici qu'il faut cliquer cette fois), Jean relate par le menu la répression policière qui s'est exercée du 27 août au 4 septembre contre les supposés terroristes américains, anarchistes du RNC Welcoming Commitee ou nombreux adolescents dont c'était souvent la première manif...
Si la presse professionnelle faisait son travail, elle n'aurait pas besoin de dégoiser à tous bouts de champ sur les blogueurs d'Internet. On peut en effet s'interroger sur le black out autour de ces événements comme autour de tant d'autres. Le pouvoir n'aura donc de cesse de tenter de décrédibiliser le medium qui lui fait honte. Et lorsqu'on nous raconte que les informations sur le Net ne sont pas fiables, on peut se poser légitimement la question en ce qui concerne les médias officiels qui appartiennent presque tous aux marchands d'armes, Journal de 20 heures, quotidiens de plus en plus à la botte du gouvernement, etc. Les news ne relatent qu'anecdotiquement et superficiellement les faits, s'abstenant le plus souvent d'en expliquer les tenants et les aboutissants. Bonnes gens, dormez en paix, la presse veille, la police vous surveille, et moi je me réveille de temps en temps avec une sacrée gueule de bois idéologique...

N.B. : l'illustration d'Andy Singer montre les symboles des deux partis qui se confondent dans la super démocratie étatsunienne, l'âne démocrate et l'éléphant républicain.

vendredi 12 septembre 2008

L'harmoniseur vocal plein gaz


On connaissait l'effet de l'hélium inhalé qui transforme la voix en Donald Duck. L'hexaflorure de soufre, cinq fois plus lourd que l'air, produit l'effet inverse en modifiant la voix en basse profonde, effet de ralenti obtenu artificiellement en ralentissant la vitesse de défilement d'une bande sur un magnétophone. La vélocité du son dans SF6 est 0,44 fois plus lente que dans l'air. Dans l'hélium, la vitesse est trois fois supérieure. La fréquence fondamentale de la cavité buccale étant proportionnelle à la vitesse du son dans le gaz, ces manipulations respiratoires attaquent les formants et produisent ces étonnantes transformations. Attention, ces produits peuvent être dangereux : l'expérience doit rester courte et exceptionnelle. Depuis l'apparition des harmoniseurs sur le marché des effets sonores électroniques, on peut transformer sa voix en temps réel sans aucun risque, mais c'est évidemment moins drôle qu'émis acoustiquement par sa propre bouche.
Pratiquement lors de tous mes concerts j'utilise un vieil Eventide H3000, dit harmoniseur intelligent, qui me permet d'intervenir sur de nombreux paramètres, effets de glissés, découpages mélodiques par sauts de fréquences, infra-sons, etc. J'ai également conservé un Korg DVP1, l'un des premiers harmoniseurs polyphoniques contrôlables au clavier, utilisable aussi en vocodeur. Pour le concert du 20 septembre avec Nicolas Clauss à La Comète 347 (45 rue du Faubourg du Temple à Paris), je transformerai tous les sons du module interactif Jumeau Bar avec mon Eventide, ainsi que ma voix et une flûte sur White Rituals... Mes autres instruments seront une trompette à anche et des synthétiseurs récents, légers et ludiques, sans clavier ! La soirée organisée par le label D'autres Cordes commencera avec Supersonic Riverside Blues + Scorpéne Horrible suivis de Philippe Nahon qui interprètera une pièce pour chef d’orchestre seul de Thierry de Mey intitulée Silence Must Be. J'apprends par la bande qu'il y aura aussi un solo d'Antonin Rayon à l'orgue B3 et au clavier. Réservez votre samedi soir, l'endroit est étonnant, ancienne usine transformée en squat, et les spectacles rarement montrés en région parisienne...

jeudi 11 septembre 2008

Siné tout en doigté


Siné va trop loin, il ne respecte même plus les chats ! N'empêche que Siné Hebdo, "le journal mal élevé", est très agréable à lire, mise en pages aérée, grands dessins, chroniqueurs spirituels... Voilà qui fera de l'ombre à Charlie (pub dans Libé !) tant nombre de ses lecteurs ont décidé d'en suspendre la lecture après l'affaire Val (en plus c'est le même prix, 2 euros, même format, même sortie le mercredi) ! Je ne le lisais pas, pas plus que le Canard Enchaîné, mais je vais par contre acheter celui-ci pendant quelques semaines, histoire de voir et pour soutenir la rage qui anime ses acteurs.

7 ans, l'âge de raison ?


Au risque d'être traités d'obsessionnels du complot, commémorons une des plus grosses manipulations de l'Histoire, les attentats du 11 septembre 2001 commis contre le World Trade Center de New York, avec une vidéo en français du site Reopen911 qui étudie la démolition des trois tours (compilation de plusieurs films avec musique un peu ronflante en vue d'appâter un public trop jeune pour avoir vécu l'évènement). Si la démonstration ne vous convainc pas ou si cela ne suscite pas le moindre doute en vous, vivez tranquille dans le meilleur des mondes !
Si vous voulez en savoir plus, rendez vous sur leur site où 430 architectes et ingénieurs indépendants de l'association AE911Truth concluent que l'effondrement du WTC7 ne peut être que le résultat d'une démolition contrôlée... À l'image des deux précédentes ! Reopen911 montre également comment la piste américaine de l'anthrax trouve ses justifications et offre la traduction française du dossier Northwoods lorsque l'armée américaine préconisa au Président Kennedy d'organiser des attentats sur le sol américain attribués à Fidel Castro afin de justifier l'invasion de Cuba... Combien de temps faudra-t-il attendre pour que les prétendus professionnels de la presse fassent leur travail d'enquête sérieusement ? Leur mauvaise foi jette un discrédit sur la liberté des journaux qui les emploie. On peut toujours être suspicieux sur ceux qui ne croyaient pas au goulag ou sur ceux qui prétendaient ignorer l'existence des camps de concentration... Plus c'est énorme, mieux ça passe dans l'opinion. Quand la réalité dépasse la fiction, le spectateur n'y voit qu'une surenchère romanesque. Les assassins ont les mains libres.

mercredi 10 septembre 2008

La séduction du biidoro


Lors de mon passage à Kyoto, j'avais acheté deux copies d'une sorte de criquet en verre de l'ère Edo que je reconnus plus tard sur une carte postale reproduisant la gravure du célèbre artiste Kitagawa Utamaro. Le biidoro (ビードロ), du portugais vidro, verre, est constitué à un bout d'un petit tube dans lequel on souffle et à l'autre d'une sphère sur laquelle est tendue une membrane qui se tend et se détend lorsque l'air pulsé vient déplacer un petit cylindre placé à la moitié du tube. Le son rappelle celui de nos criquets en métal, mais c'est l'extrême fragilité du verre, unique constituant du jouet, qui surprend lorsque la membrane se bombe :

L'instrument était utilisé par les courtisanes, les geishas, pour attirer les hommes !
Le peintre fut mis en scène par Mizoguchi Kenji dans son magnifique Cinq femmes autour d'Utamaro, édité en coffret par Carlotta avec L'épée Bijomaru, L'amour de l'actrice Sumako, Les femmes de la nuit et Flamme de mon amour, soit "cinq films sublimes autour de Mizoguchi", dans les années 40. Mizoguchi est, avec Max Ophüls, un des cinéastes qui sut le mieux filmer les femmes, même s'il fut lui-même victime en 1925 d'une blessure au dos infligée par les coups de couteau de son amante Yuriko Ichijo, rencontrée dans un club de nuit. Ou peut-être cela lui servit-il de leçon, car ses films, souvent pessimistes, sont fondamentalement féministes. Carlotta a également édité trois films méconnus des années 30, La cigogne en papier, Oyuki la vierge, et Les coquelicots tandis qu'Arte a sorti deux coffrets avec d'une part Les amants crucifiés, L'intendant Sansho, L'impératrice Yang Kwei Fei, Le héros sacrilège, et d'autre part, Les contes de la lune vague après la pluie, Miss Oyu, La vie d'O-Haru femme galante, Les musiciens de Gion et mon préféré, son dernier, La rue de la honte. Tous les films sont envoûtants, avec un coup de chapeau pour les bonus de Carlotta, comme toujours cuisinés aux petits oignons.

mardi 9 septembre 2008

Comme un poison dans l'eau


Mes métiers ne me permettent pas de savoir si et quand je suis à l'œuvre ou pas. Penser, réfléchir, rêver pourraient suffire à me donner cette impression de bien-être, mais j'ai besoin de voir les résultats pratiques pour y croire. Croire que ce n'est pas que du vent, une idée éphémère qui passerait comme un ange. Il faut que ça bruisse et que ça crisse. Les mots s'affichent, les sons explosent, les images s'échappent. Je ne pourrais vivre sans me surprendre. Tôt le matin, je suis poussé hors du lit par cet impétueux besoin d'inventer quelque chose, de résoudre la question sur laquelle je me suis endormi la veille, ou une autre, peu importe, du moment que ma cervelle frémit délicieusement au beurre noir de l'à poil. Mon corps suit le temps bien que mâle, à condition que je l'entretienne comme le reste. Balance du matin chagrin, gymnastique du soir espoir. Le reste de la journée, je m'active, sueur bien portante, mes yeux suivent les deux doigts qui tapent sur le clavier lorsqu'ils n'arpentent pas l'écran de long en large, mes jambes se plient et se déplient comme un ressort lorsque je glisse du salon au studio, mes oreilles rebondissent d'un combiné à l'autre, je marque une pause pour faire un son, une suite de notes, une respiration musicale. Tu parles, ma langue tourne sept fois dans sa bouche pour autant de syllabes ! La musique m'oblige nez en moins à une concentration encore plus resserrée, sans rature, comme un archer. Rien ne remplace cette fébrilité de cachet effervescent, ever adolescent, quinquadulescent comme m'appelle Annick Rivoire pour présenter mon PopLab. Je me laisse emporter par les mots alors que je voulais parler du travail en cours ou de la vie sous la mer. D'une part, le DVD de Françoise m'accapare depuis des jours et des nuits (elle squatte le studio en plus de son atelier), d'autre part la vie aquatique me fascine plus que toute autre, envers du décor mégalanthropique, milieu naturel où les poissons s'ébattent comme on ne peut l'imaginer si l'on n'y est pas allé voir de soi-même. Bouteille. Cocktail détonnant que cette oscillation entre l'hyper-activité et l'abandon ! La comédie du travail. Vivre ? J'efface un s pour me noyer dans l'élixir.

lundi 8 septembre 2008

C'est arrivé demain


Sorti en 1944, le film de René Clair It Happened Tomorrow racontera l'histoire d'un journaliste qui entrera chaque soir en possession du journal du lendemain. L'anticipation le plongera dans une aventure étonnante, lorsqu'il apprendra les news 24 heures à l'avance jusqu'à l'annonce de sa propre mort... Passionné depuis toujours par l'idée d'anticiper les évènements, j'en donnerai le titre français à une rubrique du Journal des Allumés pour évoquer le futur au travers des arcanes de la technologie.
Avec Time Slip, la nouvelle œuvre qu'Antoine Schmitt aura mis en ligne, l'artiste retournera le procédé et nous projettera dans le passé. Il conjuguera simplement au futur, et paradoxalement en temps réel, les nouvelles de l'AFP ou d'autres agences de presse pour les faire défiler en journal mural (sur l'image j'aurai empilé des morceaux de phrases, mais il n'y aura évidemment qu'une seule ligne qui défilera). Lorsque nous ignorerons l'actualité, la découvrir au futur nous donnera le vertige, avec parfois comme Dick Powell dans le film de René Clair, l'envie d'intervenir sur les évènements pour empêcher la prophétie de se réaliser. Time Slip interrogera le mouvement des informations, le délai nécessaire à ce qu'elles nous parviennent, leur urgence, soulignant le pouvoir ou l'incapacité de chacun à enrayer le Cours du Temps (autre rubrique que j'initierai dans le Journal des Allumés !). Antoine souhaitera que l'œuvre soit projetée sur des supports habituellement "porteurs de vérité" (affichages publics) afin de déstabiliser le public et provoquer le doute sur ce qu'il absorbe quotidiennement sans broncher.
Imitant ses principes, je recopierai ses propres mots au futur : "Time Slip sera un travail plastique lié à un questionnement philosophique sur le destin, son écriture préalable ou son déterminisme causal, et au bout du compte un travail sur le libre arbitre dans un univers où le temps et sa causalité pourront vaciller. Il renverra le spectateur au contrôle de sa propre destinée. Ce sera aussi une réflexion sur la force motrice de l'imprédictibilité et du risque, de plus en plus centrale dans le monde contemporain. Il y aura quand même une porte de sortie pour le spectateur par la prise de conscience de la vanité intrinsèque de ce système qui fera semblant de savoir ce qui va se passer, mais qui en fait ne saura rien. Mais cette porte ne sera pas facile à trouver. Time Slip sera construit sur un programme spécifique qui puisera ses sources dans les agences de news officielles, en sélectionnera certaines et changera le temps de leur verbe du passé ou du présent au futur. Time Slip sera toujours à jour. Ce sera une œuvre générative programmée."
Tel le CD-Rom Machiavel que nous réaliserons ensemble en 1998, les œuvres d'Antoine que je préfèrerai seront les plus critiques du monde où nous vivrons et que nous façonnerons. Engager notre responsabilité dans le phénomène de manipulation que nous subirons sera un des enjeux les plus excitants pour les citoyens que nous serons, donnant à nos œuvres une raison d'être et de devenir, bien au delà des poses esthétiques qui pourront nous séduire.

P.S. : à l'instant où j'écrirai ce billet, Antoine aura terminé d'installer Façade Life sur le mur extérieur du Musée de Séoul où s'inaugurera la 5ième Biennale sous le thème "Turn and Widen", et quand vous me lirez il sera probablement déjà dans l'avion du retour. Il y a deux ans Nicolas et moi y présentions Somnambules. Voilà, à présent, le passé cohabite avec l'avenir. Il aura fallu quelques lignes qui défilent.

dimanche 7 septembre 2008

L'amertume résorbe le diabète


Comment ça se mange ? La question se pose souvent dans les épiceries chinoises lorsque l'on est appâté par les formes et les couleurs de fruits et de légumes plus étonnants les uns que les autres. Nous voyant perplexes, nos voisins nous ont offert à goûter un concombre amer ; ne pas confondre avec le concombre de mer, nom trompeur donné à l'holothurie pour ne pas effaroucher celui qui commanderait une soupe à la limace de mer ! Cet échinoderme spongieux dont Erik Satie affubla l'une de ses délicieuses pièces est très curieux, mais n'a évidemment rien à voir avec la cucurbitacée. Le concombre amer ou margose (photo) se consomme en tranches fines, revenu dans un peu d'huile. Cela ferait considérablement tomber le taux de glucose dans le sang, comme les algues feraient la peau du cholestérol. Je l'ai simplement assaisonné avec de la sauce de soja et j'ai saupoudré des algues nori séchées et du piment en poudre (mélange de piment, peau de mandarine, graines de sésame, poivre japonais, graines de chanvre...) sur le riz.

samedi 6 septembre 2008

John Jacks in the Box


Quelle folie ! Pour illustrer le billet d'hier je suis monté dans les archives chercher un tableau que j'avais "peint" dans les premiers temps du light-show, de mes balbutiements en 1966 aux exploits scéniques de 1970, époque où je brûlais des diapositives, où je les aspergeais d'acide avant de les flamber, où je grattais la pellicule, accumulant les épaisseurs ou redessinant sur la surface de 2,4 sur 3,6 centimètres. Creusant mon chemin parmi les boîtes en plastique numérotées et les paniers Leitz, je tombe sur une mine oubliée depuis plus de trente ans, désaffectée. Les découvertes se succèdent à mesure que je progresse dans l'ouverture fébrile de chaque boîte, les polarisations dont je m'étais ensuite fait une spécialité, les cinétiques achetées à Londres en 1970, les milliers de photographies de Thierry Dehesdin mises en scène avec force figuration et décors somptueux, les reproductions de tous les dessins d'Antoine Guerreiro, les repros de comic books américains, les diapos grivoises des années 50 aux couleurs passées, les liquides séchés mis sous verre par Luc Barnier et Antoine...
Sur les diapositives que je regarde vite fait devant une ampoule électrique, j'aperçois la scène des Morts où nous posions tous nus dans une lumière blafarde, Michaëla, Annabelle, Luc, Philippe, Laura, Antoine, Bernard, Brice... Certains ont traversé le Styx pour de vrai depuis belles lurettes. Nous avions tourné la séquence des Lotophages dans le Jardin botanique en friche du Jardin des Plantes, d'autres scènes à Vert dans la maison incroyable d'Annabelle et dans le jardin anglais qui l'entourait, Michaëla Watteaux un boa autour du cou, iguanes menaçants, yeux sortis de leurs orbites comme des boules de billard japonaises, carcasses pendues aux abattoirs de La Villette, Gaby en chevalier dans les bois de Chaville... Je n'ai fait qu'entrevoir.
Plus au fond, caché sous les cartons, je retrouve mes photos de voyage du temps où je prenais des diapositives, les USA en 65 et 68, le Maroc et Londres en 67, l'Italie, la Sicile, la Sardaigne, etc. Une mine pour continuer à illustrer mon blog. Plusieurs vies. La mienne ne suffira pas pour exhumer tous ces trésors accumulés dans cette grotte alibabesque.
Toujours plus surprenant, je mets la main sur des diapositives de Birgé Gorgé Shiroc à la Gaîté Montparnasse en 1974, à l'ARC en quartet avec Gilles Rollet, et le Drame à la Vache Noire invité par Dominique Meens alors qu'il était agitateur culturel. Lorsque nous avons rééditer Défense de en double album, cd+dvd, Francis avait soutenu qu'il existait des témoignages en couleurs quelque part dans mes archives. Je n'en avais aucun souvenir. J'avais cherché tout ce que j'avais du groupe qui avait précédé Un Drame Musical Instantané, six heures trente de musique inédite, les clichés de Thierry en noir et blanc, quelques abstractions que j'avais réalisées pour H Lights, c'était tout. Je croyais avoir fait le tour. Les fantômes sortent des boîtes comme des diables. Je commence à scanner comme un fou. La reproduction des petites images destinées à être projetées en grand s'accommode plutôt bien de l'écran de l'ordinateur. On retrouve la transparence avec la lumière qui vient de l'arrière.

St Paul, Minnesota, ville assiégée


Jean envoie chaque jour des nouvelles (nombreux liens) de l'état de siège qui sévit à Saint Paul dans le Minnesota pour "protéger" la Convention Républicaine, les Repus comme j'ai pris l'habitude de les appeler. Les images et les textes ne correspondent nullement aux informations relayées par nos médias nationaux suivant à la lettre l'intox américaine. Il existe heureusement des sources indépendantes où l'on peut lire et voir la réalité des faits grâce aux articles et à de nombreuses vidéos. Jean ne manquera certainement pas de raconter l'affaire sur son propre blog dès que les choses se seront un peu tassées. Le Black Dog Café de Sara, point de ralliement des activistes résistants, organise des concerts avec des groupes tels The Coup, Ill Chesmistry (Carnage, Desdemona), Los Nativos, M.anifest, Kill the Vultures, Anthony Cox, Dean Magraw & Friends... Comme je l'écrivais il y a peu dans mon billet sur les films autour des Black Panthers, les méthodes de la police américaine rappellent la répression terrible du début des années 20 contre les ouvriers ou les émeutes de Chicago lors de la Convention Démocrate fin août 1968...

vendredi 5 septembre 2008

Kafka s'invite chez Free


Pour celles ou ceux qui l'ignorent encore, Franz a beaucoup d'humour. Tandis que je venais de répondre par courriel à ma fille enfin localisée sur une des centaines d'îles d'un gigantesque archipel ensoleillé, ma ligne Free a soudainement sauté, la FreeBox affichant sobrement son fatal chenillard. Ni une ni deux, après une heure d'une patience toute relative, je compose le numéro de la Hotline. Un "technicien" me donne celui d'un collègue "local" censé passer sur place dans les deux heures qui suivent. Je rêve. Évidemment. Ce serait trop beau : le nouveau numéro est saturé. En désespoir de cause, je tente le tchat de l'Assistance Free. Saturé également. J'envoie un mail à tous zazars. Ces manipulations sont accessibles grâce à la FreeBox de Françoise que je squatte sans scrupules. Travaillant tous les deux avec Internet, nous avons eu la prudence de doubler notre abonnement.
J'arrive enfin à joindre une conseillère qui me demande d'interchanger les deux machines pour identifier la panne, appareil ou réseau ? La manipulation semble indiquer que c'est la ligne qui hait défèque tueuse ! Chaque machine est associée à un numéro, donc irremplaçable, mais permettant tout de même de faire quelques tests. Je rappelle donc, puisque j'ai dû raccrocher pour tout débrancher et rebrancher. Réseau saturé, rappelez ultérieurement. Je réitère l'opération sauvetage et chaque fois l'automate me fait tout un laïus et me réclame de taper mes identifiants avant de m'envoyer paître. Est-il possible que l'opérateur souhaite me les faire apprendre par cœur ?
Eurêka ! Après plusieurs tentatives, j'ai en ligne une nouvelle conseillère qui me demande pour la troisième fois tout un paquet de renseignements que Free a déjà. C'est avec les 34 centimes par minute de la Hotline que Free se rattrape sur les abonnements bon marché. Cette saga m'amuserait moins si nous n'avions une seconde ligne qui fonctionne. Le rendez-vous est pris pour dans treize jours, ce qui diffère légèrement des deux heures précédemment annoncées. Je note que les salariées de l'entreprise sont solidaires de leur employeur qu'elles défendent contre mon persiflage longuement rôdé à ce genre de gymnastique.
Je ne résiste pas à rappeler que depuis plus de vingt ans où nous dépendons des ordinateurs et des satellites qui les entourent leur fiabilité est un élément toujours aussi peu domestiqué. Les constructeurs de matériel, les éditeurs de logiciels, les fournisseurs d'accès n'ont aucune morale, puisqu'ils commercialisent des marchandises et des services qui ne sont que rarement, ou éphémèrement, au point. Les consommateurs leur avancent systématiquement les frais de finition, mais comme le décalage se poursuit et que le résultat est aussi fragile, l'arnaque est patente, assumée et acceptée. Imaginez que les constructeurs automobiles ou les laboratoires pharmaceutiques fassent de même (argh, mes exemples sont très mauvais, me voilà obligé d'aborder prochainement le sujet) ! En définitive, ce n'est pas si grave, puisqu'ici il n'y a pas mort d'homme et que la connexion est revenue en fin de journée... La menace d'en parler ici y est peut-être pour quelque chose. Le coup du journaliste marche une fois sur deux ! Le soir, j'ai tenté d'annuler le rendez-vous, mais après dix minutes d'attente, le sempiternel message de saturation de la Hotline m'a raccroché au nez. Demain je réessaierai et cela me coûtera encore 0,34 € la minute...

jeudi 4 septembre 2008

Vis à Vis : Idir et Johnny Clegg a capella


Tout avait commencé par une étude de faisabilité. En 1993, Jean-Pierre Mabille me demande d'imaginer deux artistes qui se parleraient chacun aux deux bouts de la planète et qui communiqueraient par satellite en vidéo compressée pendant trois jours. C'est le protocole initié par les auteurs de la série Vis à Vis, Patrice Barrat et Kim Spencer. Se "rencontreront" ainsi un Israélien et un Palestinien, une adolescente des villes et une des champs, un syndicaliste allemand et un français, etc. Après remise de mes conclusions, Jean-Pierre me propose de réaliser l'émission alors que je n'ai plus filmé depuis vingt ans !
Je cherche deux musiciens qui me branchent et soient d'accord pour se prêter au jeu. J'approche du but lorsque Robert Charlebois me parle d'un guitariste qui joue sur son premier disque, un certain Frank Zappa. Je suis aux anges. Nous sommes début 1993, le compositeur mourra quelques mois plus tard ; France 3 refuse car ses responsables ne trouvent pas Zappa assez "commercial". No commercial potential ! Je suis catastrophé. Un ami producteur, ancien violoniste du Drame, Bruno Barré, me suggère le Kabyle Idir, un des initiateurs de la world music, auteur du tube Avava Inouva. Pour lui répondre, nous réussissons à convaincre le Zoulou blanc Johnny Clegg qui vit à Johannesburg, auteur d'un autre tube, Asimbonanga. Je trouve intéressant de faire se confronter deux artistes qui ont choisi la musique comme mode de résistance au pouvoir dominant, et ce aux deux extrémités opposées de l'Afrique.
Idir ne pouvant se rendre en Algérie sans risquer sa vie, j'irai tourner sans lui en Kabylie les petits sujets qu'il compte montrer au Sud-Africain (son village, le forgeron, le printemps berbère de 1980, sa mère à Alger...). Nous réussissons à passer au travers des tracasseries, barrages, interrogatoires, confiscation du matériel, etc., et je rentre à Paris monter les petits sujets avec Corinne Godeau avant de partir à Joburg filmer ceux de Clegg (le township d'Alexandra, son copain Dudu assassiné, la manifestation en hommage à Chris Hani, un dimanche à la maison...). Devant les manifestations racistes (Mandela n'est pas encore au pouvoir), je pète les plombs le premier jour lorsque mon assistant noir se fait ceinturer en franchissant la porte à tourniquet d'un grand hôtel. Plus tard, je saute en l'air lorsque je vois le revolver dans la ceinture du monteur blanc avec qui je continue la préparation, il m'explique qu'il ne s'en sépare jamais, dort avec sous l'oreiller et qu'il n'a jamais vu d'enfant noir jusque l'âge de vingt ans ! C'était cela l'apartheid. Pendant le tournage, le dirigeant de l'ANC Chris Hani sera assassiné.
J'ai beaucoup de mal à équilibrer les personnalités des deux artistes. Idir semble mépriser Clegg qui a l'air de planer complètement. Le premier était ingénieur agronome, le second est un universitaire qui parle et compose en zoulou. Au montage, je fais tout ce que je peux pour rendre son côté sympathique à Idir et son esprit à Clegg. Je pense que le Kabyle ne croit pas totalement à la sincérité du Zoulou blanc qui a été adopté par deux familles. Au moment où nous filmons, ses deux familles d'adoption sont opposées dans la guerre des taxis et les morts se comptent par dizaines. Johnny ne sait plus où il se trouve, si ce n'est dans cette colonie juive anglaise régie par des femmes qui l'ont fait se diriger vers la masculinité noire des guerriers zoulous. Le film tourne progressivement en un échange psychanalytique où les mères des deux musiciens occupent toute la place ! La dernière séquence montre Clegg danser zoulou en hommage à la maman d'Idir dans son salon de Johannesburg devant son poste de télé où le Kabyle, dans son pavillon du Val d'Oise, joue en hommage à la celle du Sud-Africain.
Avec la monteuse, nous réussissons à imposer le dépassement au delà du formatage de 52 minutes, les sous-titres plutôt que le voice over et quelques fantaisies que le sujet et notre regard exigent. Nous fignolons, calant nous-mêmes les sous-titres qui font partie intégrante de la réalisation. Sous-titres français pour Clegg dans la version française, anglais pour Idir dans la version internationale. Quelques mois après, lors de son passage à l'Olympia, Idir aura la gentillesse de me confier que le film relança sa carrière... J'aurais au moins été utile à quelque chose !
Après le succès de Idir et Johnny Clegg a capella, Jean-Pierre Mabille qui travaillait toujours à Point du Jour me demande de partir à Sarajavo pendant le siège. Après les tensions algériennes (je suis un des derniers à pouvoir y tourner à cette époque) et sud-africaines (il y avait déjà des snipers dans les townships), c'est la cerise sur le gâteau pour terminer 1993. Mais ça, c'est une autre histoire.

P.S. : LE FILM

mercredi 3 septembre 2008

Spécialité : généraliste


J'ai un peu amélioré les informations du blog en ajoutant dans la colonne de droite une rubrique Événements, une courte biographie et rappelé que mes écrits sont d'ordre généraliste. Cette particularité attire évidemment moins les internautes que les blogs spécialisés, mais j'ai toujours préféré me penser généraliste avec des spécialités que spécialiste du son ou de je ne sais quoi. Mon goût pour les surprises, les changements d'angle, les volte-faces et les paradoxes y trouve son compte. Analysant les situations sous l'angle unique de leur fonction, les spécialistes risquent de passer à côté des points déterminants dès lors que ceux-ci échappent aux classifications entendues.
Je me souviens, par exemple, que mon père était tout le temps essoufflé. Il fit donc des analyses, un check-up complet à l'Hôpital américain de Neuilly, pris rendez-vous avec un cardiologue, un pneumologue, etc. Tous ne lui trouvèrent rien d'anormal. Son médecin de famille mit en relation ses chevilles enflées et ses difficultés respiratoires, et mon père se retrouva de justesse avec une valve en peau de porc à l'intérieur du cœur !
Il me semble intéressant d'analyser une situation en changeant de repères. La polysémie, le poly-instrumentisme ou la pluridisciplinarité me permettent d'essayer des vues inédites sur des sujets que je ne maîtrise pas toujours très bien.
C'est le cas de le dire.

mardi 2 septembre 2008

J'ai installé Ubiquity sur mon ordi


Considérez Ubiquity comme une extension de Firefox. Vous sélectionnez un mot, une ligne ou un paragraphe dans le texte de la page et vous lui affectez une fonction dans le menu déroulant d'Ubiquity : traduire (translate=t), wikipédia (w), Google (g), email, map, calculate (c), Amazon (a), weather, etc. Instantanément Ubiquity traduit, recherche, envoie un courrier, ouvre le plan, calcule, transforme le style de ce que vous tapez, etc. C'est rapide, efficace, renversant pour qui passe du temps devant son écran. On peut même créer ses propres commandes ! Installez la version 0.1 et testez, Ubiquity bouleverse nos habitudes en nous simplifiant la tâche. Lisez aussi le mode d'emploi, je ne veux pas être trop technique, mais c'est très simple. En tapant help je suis dirigé vers la liste des commandes actuellement disponible. Ubiquity en est encore à ses balbutiements… Les commandes, essentiellement des verbes, s'obtiennent en tapant option(alt)-espace sur un Mac (control-space sous Windows). Les abréviations accélèrent encore le processus. D'un certain point de vue, il y a des points communs avec le nouvel objet communicant de Violet sur lequel Antoine et moi avons travaillé ces jours derniers, mais chut, c'est encore top secret…

P.S. : en expérimentant Ubiquity, je tombe sur TinyURL qui transforme les adresses url de dix pieds de long en minuscules adresses, et ce automatiquement dès lors que l'on a fait glisser TinyURL dans sa barre de liens...

lundi 1 septembre 2008

Ce répondeur restitue les messages


Article du 1er septembre 2008

Mon projet d'album me pousse à numériser des dizaines d'heures d'archives. J'ai presque terminé de recopier les cassettes du répondeur téléphonique dont j'ai conservé nombreux messages des années 80. C'est émouvant. Je découvre la mort de mon père vécue de façon elliptique, sa voix affaiblie, celle de ma mère après, ma soeur... Il y a des passages très drôles, particulièrement au début : comme c'était l'un des premiers appareils du genre, les interlocuteurs sont souvent décontenancés ou bien ils laissent un message dans le style des fantaisies sonores que j'inventais pour personnaliser les annonces, effets de ralenti, délai, etc. Il y a des voix mémorables comme celles de Bernard Vitet, de Colette Magny, d'André Dussollier, de Franck Royon Le Mée, beaucoup d'amis, des anonymes, la mienne lorsque j'appelle à la maison...
À la fin des années 70, Luc Barnier faisait le trafic de répondeurs pour arrondir ses fins de mois. M'en ayant rapporté un de New York, il avait fait son petit bénéfice sur mon dos sans m'en avertir. Je l'avais mal pris et nous sommes restés brouillés pendant trente ans. Luc était un de mes meilleurs amis, nous nous étions connus au lycée, nous avions été très proches, je lui avais mis le pied à l'étrier en le faisant entrer dans H Lights, puis à l'Idhec. Ma mère lui avait prêté de l'argent et il lui en devait encore au moment de son retour indélicat. Contrarié, j'avais inscrit le mot FIN au dos de l'enveloppe contenant mon chèque. N'étant pas rancunier, c'est le seul moyen que j'ai trouvé quand tout dialogue est devenu impossible. Je tourne la page, à contre-cœur. D'autres s'écrivent. Sauf qu'un jour, le passé refait surface. Seulement les bons moments, bien heureusement. Le reste est anecdotique. Time is on our side. La mémoire est moins cruelle que les traces. Luc est devenu un des grands monteurs du cinéma français et cela m'a fait plaisir de lui reparler l'année dernière. J'aimerais bien le revoir... J'ai amorti le répondeur !
À l'époque on fabriquait du solide. Je suis allé ramper pour récupérer l'appareil dans la sous-pente et j'ai pu recopier deux messages d'annonce enregistrés sur des bandes spéciales sans fin. Je n'en ai retrouvé que deux, mais ni les marrants ni ceux en musique. Pour le premier j'utilisai un harmoniseur et sur le second on entend les miaulements de Lupin et Monsieur Hulot derrière Elsa :

En m'esquintant les genoux sur le sol rêche du grenier, j'ai aperçu sur le chemin les boîtes contenant 30 000 diapositives que je n'ai jamais regardées depuis l'époque du light-show, celles que nous avons mises en scène avec des comédiens pour H Lights, les polarisations, les abstraites, les cinétiques, les liquides séchés... Il doit y avoir aussi notre périple aux USA en 1968, le Maroc et l'Italie les années précédentes. Je ne me souviens plus quand j'ai commencé à prendre des diapos. Il faudra que je m'y plonge un de ces jours, mais le projet sur lequel je travaille est purement sonore.