Lors de mon passage à Kyoto, j'avais acheté deux copies d'une sorte de criquet en verre de l'ère Edo que je reconnus plus tard sur une carte postale reproduisant la gravure du célèbre artiste Kitagawa Utamaro. Le biidoro (ビードロ), du portugais vidro, verre, est constitué à un bout d'un petit tube dans lequel on souffle et à l'autre d'une sphère sur laquelle est tendue une membrane qui se tend et se détend lorsque l'air pulsé vient déplacer un petit cylindre placé à la moitié du tube. Le son rappelle celui de nos criquets en métal, mais c'est l'extrême fragilité du verre, unique constituant du jouet, qui surprend lorsque la membrane se bombe :

L'instrument était utilisé par les courtisanes, les geishas, pour attirer les hommes !
Le peintre fut mis en scène par Mizoguchi Kenji dans son magnifique Cinq femmes autour d'Utamaro, édité en coffret par Carlotta avec L'épée Bijomaru, L'amour de l'actrice Sumako, Les femmes de la nuit et Flamme de mon amour, soit "cinq films sublimes autour de Mizoguchi", dans les années 40. Mizoguchi est, avec Max Ophüls, un des cinéastes qui sut le mieux filmer les femmes, même s'il fut lui-même victime en 1925 d'une blessure au dos infligée par les coups de couteau de son amante Yuriko Ichijo, rencontrée dans un club de nuit. Ou peut-être cela lui servit-il de leçon, car ses films, souvent pessimistes, sont fondamentalement féministes. Carlotta a également édité trois films méconnus des années 30, La cigogne en papier, Oyuki la vierge, et Les coquelicots tandis qu'Arte a sorti deux coffrets avec d'une part Les amants crucifiés, L'intendant Sansho, L'impératrice Yang Kwei Fei, Le héros sacrilège, et d'autre part, Les contes de la lune vague après la pluie, Miss Oyu, La vie d'O-Haru femme galante, Les musiciens de Gion et mon préféré, son dernier, La rue de la honte. Tous les films sont envoûtants, avec un coup de chapeau pour les bonus de Carlotta, comme toujours cuisinés aux petits oignons.