Ce soir, je serai avec Nicolas Clauss à La Comète 347 (45 rue du Faubourg du Temple à Paris, Métro Goncourt ou République, entrée 6 euros) pour notre duo musico-graphique sur grand écran. Nous avons choisi de créer une pièce inédite, encore toute fraîche (façon de parler au vu de la noirceur du sujet !) intitulée Modified (photo ci-dessus), en plus de Jumeau Bar, L'ardoise et Les dormeurs que nous avions interprétés à L'échangeur en mars dernier (extrait vidéo). Je retravaille en direct les sons des tableaux interactifs de Nicolas, je fais passer tout cela à la moulinette de mes effets électroniques, jouant aussi de la flûte et de la trompette à anche, du Tenori-on et du Kaossilator, deux petits synthétiseurs sans clavier qui tiennent presque dans la poche. C'est aujourd'hui ma version préférée de notre spectacle Somnambules. En duo, je suis plus concentré sur les images que mon camarade projette que lorsque je dois diriger un petit ensemble de musiciens. La musique, plus sobre, n'écrase pas les projections. Une partie de plaisir !
Il y a d'autres raisons de vous déplacer ce samedi jusqu'à cette ancienne usine. D'abord, l'endroit a quelque chose d'envoûtant, squat biscornu où les musiciens jouent souvent dans une fosse sous les gradins abrupts. L'ambiance y est plus sympathique que dans de nombreuses salles subventionnées. Mais surtout, nous ne serons pas seuls. La soirée, programmée par le guitariste Franck Vigroux qui dirige le label de disques D'autres cordes, verra nous précéder Antonin Rayon à l'orgue Hammond B3 et au piano Rhodes, le duo formé par "Supersonic Riverside Blues", dernier pseudonyme de Vigroux qui jouera de ses machines électroniques avec le vidéaste Éric Vernhes, et Philippe Nahon qui interprétera Silence must be, pièce pour chef d'orchestre seul de Thierry de Mey. Ouverture des portes à 20h30. Alors, à tout à l'heure ?


P.S.: en "montant sur scène" ce soir, j'aurai une pensée émue pour Maurizio Kagel qui vient de mourir à l'âge de 76 ans. Son art de ressusciter les classiques au vitriol m'a encore plus impressionné que ses perversions instrumentales. Il personnifiait à lui seul le théâtre musical contemporain. Dès le début des années 70, je l'ai souvent vu en scène tandis qu'il accompagnait ou dirigeait ses œuvres. Ses enregistrements préservent la magie et l'humour de ses élucubrations virtuoses. Espérons que ses films, aussi passionnants que sa musique, seront un jour édités en DVD. C'est l'un des derniers grands compositeurs du XXe siècle qui vient de s'éteindre.
Avec Ligeti et Berio il formait à mes yeux un triumvirat qui rattachait la musique contemporaine aux racines de la tradition occidentale tout en développant un langage personnel loin des Écoles et des tics du milieu. Tous trois avaient su s'affranchir de l'influence étouffante du dodécaphonisme schönbergien et des tics varésiens de nombre de leurs pairs, sans parler du néoclacissisme qui sévit encore. Ailleurs, les iconoclastes Cage ou Ferrari, l'exilé Nancarrow, les répétitifs inspirés par l'Orient Riley ou Reich, les jazzmen libres et les rockers inventifs creusaient d'autres chemins... Maurizio Kagel n'en ignorait aucun.