Il est passionnant de comparer Towelhead, le premier long métrage d'Alan Ball (à paraître le 30 décembre en DVD Zone 1 et seulement l'an prochain sur nos écrans) et sa nouvelle série True Blood (récemment diffusée par HBO), pour laquelle il a signé pour deux saisons et dont la première est diffusée pour l'instant sur Orange.
Alan Ball s'est fait connaître du grand public avec le film American Beauty réalisé par Sam Mendes, puis pour avoir créé Six Feet Under, considérée par beaucoup comme la meilleure série télévisée jamais réalisée. Au bout de cinq saisons, Ball avait eu l'intelligence de mettre fin à cette sensationnelle saga en rendant toute suite impossible par un ultime et génial ressort de scénario. On se souviendra de la première minute de chaque épisode qui voit mourir un des personnages présents après un suspense de soixante secondes, le défunt teintant l'épisode de son environnement social, ou les dialogues rêvés de toute la famille avec le père disparu dès le début, les pubs de l'épisode pilote, Brenda, fille de deux psychanalystes, les amours du fils David avec son copain flic et noir, etc. Les cinq saisons sont à voir d'un bout à l'autre ; la qualité des scénarios, du jeu d'acteurs, de la lumière, jusqu'à son générique, montrent que si le cinéma américain est engoncé dans des poncifs holywoodiens des plus conformistes sa télévision est capable d'une liberté qu'aucune autre industrie ne s'est autorisée. Pour qu'une chaîne française produise enfin une série intelligente et originale, il faudrait laisser les clefs à des auteurs autrement plus inventifs et gonflés.
Bon sang, True Blood, la nouvelle série d'Alan Ball tient ses promesses. Sans dévoiler quoi que ce soit qui ne le soit dès les premières minutes, l'action se passe dans une petite ville de Louisiane, les vampires ont été "légalisés" mais souffrent d'une forme de ségrégation raciale... L'argument permet une fois de plus à Alan Ball d'évoquer la sexualité, la politique et les mœurs de son pays. Ce "très long métrage", inspiré par les romans de Charlene Harris, de plus de dix heures, chacun des 12 épisodes durant 52 minutes, est brillant, provoquant, excitant, magnifiquement interprété, dans des décors extérieurs qui nous emmènent loin des séries claustrophobes. Il semble même que sa durée soit du double, car, cette fois, le dernier épisode nous maintient dans le suspense, l'histoire se poursuivant avec la seconde saison. Le site d'HBO recèle de savoureux bonus (extras) comme "Vampires in America" ou "Vampire Motel Commercial", votre sang ne fera qu'un tour. Si vous n'avez pas encore vu cette première saison, ne vous rongez pas les sangs en regardant les résumés de chaque épisode, vous gâcheriez votre plaisir, attendez patiemment sa diffusion en France ou sa parution en dvd.


Towelhead, également appelé Nothing is Private après des plaintes stupides de la communauté arabe et musulmane qui semble avoir compris le titre à contre-sens, est un film beaucoup plus grave faisant ressembler True Blood à une fantaisie ! Tandis que la série utilise le vecteur de la sexualité pour aborder la ségrégation, le long métrage renverse le procédé, ici le racisme révèle la sexualité, en particulier celle des jeunes filles, sujet rarement abordé au cinéma, du moins avec cette franchise, ainsi que la pédophilie. À sa vision, on comprendra facilement son échec américain ! Towelhead, adapté du roman d'Alicia Erian, La petite arabe, met mal à l'aise, il donne à réfléchir, il dérange. Que peut-on attendre de mieux d'un bon film ? C'est tout le contraire de la plupart de ceux qui vous caressent dans le sens du poil et racontent ce que nous souhaitons entendre, les films prétendument à thèse, en fait porteur d'un message qui ne convainc que celles et ceux qui souhaitent être convaincus, rassurés de ne pas être seuls à penser ainsi. Le même soir, nous avons regardé un film sympa, plein de bons sentiments, The Visitor, c'était reposant, mais il n'y avait pas la charge critique de l'œuvre de Ball, qui a d'ailleurs beaucoup de ressemblance avec son premier succès, American Beauty. Sauf que cette fois, Ball ne s'embarrasse pas de glamour. La tendresse qui s'y exprime n'a rien de démagogique, elle met en jeu les contradictions et les ambiguïtés de chacun, acteurs et spectateurs.