((/blog/images/2009/Janvier 2009/ADJ23.jpg
Pour ma dernière contribution au Journal des Allumés, j'ai tapé quelques lignes en commentant la photographie de Guy Le Querrec qui fait comme d'habitude la dernière de couverture en plus de toutes celles qui animent les colonnes de caractères. Valérie avait choisi pour l'exercice la célèbre image où l'on voit un homme chauve approcher son oreille d'un microsillon 33 tours 30 centimètres. Je gardais en mémoire les v?ux du label Silex d'il y a une quinzaine d'années qui étaient justement illustrés par ce cliché quasi surréaliste. Et voilà qu'hier le téléphone sonne et j'entends mon comparse André Ricros qui en tint le gouvernail avant son rachat par Auvidis et sa mise au pilon par Naïve. L'accent de mon ami file sur les pentes volcaniques comme un aligot au son de la cabrette. Cela faisait bien sept ou huit ans que je n'avais pas de ses nouvelles autrement que par la bande. Le plaisir était immense. Les nouvelles étaient bonnes, ce qui contrastait avec l'état du disque, bien mal en point à force de bourrage de mou. L'industrie fainéante et ses suppôts naïfs feignant de se tromper de combat font tout leur possible pour publier les faire-part de deuil alors que la coexistence semblerait plausible, voire souhaitable, du moins le temps de proposer autre chose que la volatilisation des gaz à effets de griffes.
J'aurais pu évoquer ces rayures de Dalton qui font sauter les bras après les jambes, si je n'avais opportunément pensé aux vers que Brigitte Fontaine chantait avec le Drame un après-midi de 1992 : "Serait-ce le sillon où se grave la vierge ou le microsillon poussiéreux des concierges ?". Pas de question plus à propos !... La chanson est en ligne sur le site et la webradio des Allumés, mais rien ne vaut l'original avec ses notes manuscrites et une qualité sonore qui n'a rien de comparable avec un fade mp3 ! Vous l'aurez compris, même si quelques individus pressés penseront que j'ai abusé des bonnes choses et s'éviteront de revenir sur ce qui pourrait paraître abscons à première lecture, les dés étaient pipés, cela va de soi, ça ira sans. L'aventure était belle, mais les sirènes du midi sonnaient la retraite. Or il existe d'autres soleils, d'autres virages. J'en ai donc profité pour prendre officiellement congé de l'association puisque l'espace m'était offert et que la chose semblait déranger au point qu'on l'escamote comme au bonneteau, passez muscade, ni vu ni connu je t'embrouille...


J'avais déjà "feuilleté" le dernier numéro du Journal des Allumés, vingt-troisième du nom, en le téléchargeant en pdf sur le site, mais j'étais heureux de pouvoir le tenir entre mes mains, d'autant qu'il avait doublé de volume depuis la dernière fois et probablement avant la prochaine, la crise exigeant certains sacrifices humains dont les quotas dépassent l'afflux des volontaires. Particularité dont je m'enorgueillis dans un dernier souffle avant de naviguer sous d'autres tropismes, ce n°23 se moque des nouveautés et présente 123 disques de l'immense catalogue, 49 labels dont les fleurons sont ici offerts en pâture à 35 plumes et 21 illustrateurs/trices avant de se retrouver dans les boîtes aux lettres des abonnés ravis qui en commanderont le plus possible avant rupture des stocks et fin des soldes. Et si la solde est réduite à portion congrue, raison de plus pour se faire plaisir en acquérant ce qui se fait de plus seyant en matière de musiques différentes, puisque de jazz il est heureusement rarement question chez ces Allumés qu'aucune dénomination ne réussit jamais à étiqueter au grand dam des marchands, même si c'est nous qui en faisons toujours les frais au bout du compte. Nous, ce sont les artistes et le public, réunis dans la même galère dès lors qu'on ne surfe pas sur le mainstream, un courant froid et cynique qui ne se préoccupe pas trop des amateurs, leur préférant la horde des consommateurs.
Or plutôt que de confier la chronique de leurs propres disques à des producteurs trop systématiquement tentés par l'hagiographie, Jean Rochard eut l'excellente idée de proposer l'exercice tantôt littéraire tantôt graphique à toute une bande d'illuminés qui ne sont, pour la majorité, pas partie prenante dans l'affaire. La liste est fastidieuse, mais elle pourra donner l'envie à certains ou certaines de se plonger dans toute cette prose (il y a même des poètes comme Emmanuelle K qui vient, je n'en suis plus à une digression près, de publier un décapant recueil en 4 petits volumes rouge et noir intitulé "Quand l'obéissance est devenue impossible" aux éditions réunies du Krill et de la Différence) qui commente les 123 albums choisis par thématiques plus ou moins évidentes, soit Jean Annestay, Rachid Bordji, Didier Boudet, Philippe Carles, Luce Carnelli, Cattaneo (passé à la critique de disques, mais si !), Philippe Charton, Dominique Dompierre, Olivier Gasnier, Nicole Lat, Guy Le Querrec, Vincent Menière, Paul Merval, Mocliher, Leonard Peltier, Hervé Péjaudier, Marc Péridot, Jacques Petot, Germain Pulbot, Christelle Raffaëlli, Jean-Paul Ricard, Michel Souris, Christian Tarting, Jacques Thollot, Sylvain Torikian, Benoît Virot, Jean-Louis Wiart, Patrick Williams, je reprends ma respiration pour annoncer les petits mickeys de Jean-Claude Claeys (pour la une), Stéphane Courvoisier, Chloé Cruchaudet, Efix, Nathalie Ferlut, Sylvie Fontaine, Laurel, Ouin, Sangram Majumdar, Muzo, Percelay, Pic, Jeanne Puchol (pour L'origine du monde des disques en haut de ce billet, sur une idée de Rochard), Rocco, Andy Singer, Marianne Trintzius, Jonathan Thunder, Zou, etc., parce qu'il y a même des et caetera ! Pardonnez-moi si pour une fois je me passe d'aller chercher les liens Internet de toute cette joyeuse bande de gens graves...
La plupart des invités prennent la tangente pour nous parler des disques, peu de critique culinaire, à savoir l'âge du capitaine ou la chemise à fleurs du soliste à l'avant-scène, cela nous change de la "littérature" spécialisée. En sait-on plus sur les galettes ? Ici ou là parfois. Mais le plus souvent la musique résonne dans les boîtes craniennes évoquant mille et une nuits de veille aux sons des tambours, des anches et des cordes. Les chants trouvent leurs échos par les mots des esprits frappeurs, par les arabesques des crayonnés, par les bouches grandes ouvertes d'oreilles bienveillantes. Tous cherchent le terrible secret du son, l'envoûtant mystère du chant, le terrible reflet du monde qui les enveloppe, le silence des marges, le fracas des courants, l'alternance des tensions et des détentes, la nature recomposée, la machine apprivoisée, le corps démonté, le temps remonté, la musique des sphères... Il y en a pour tous les goûts.