Plus ça va, plus la droite envahit la Toile. En ces temps de crise qui se précise hélas chaque jour, j'aurais dû plutôt écrire : moins ça va, plus les propos ineptes, non argumentés et réactionnaires envahissent Internet. Je m'en suis aperçu à la teneur des commentaires sur divers blogs que je consulte régulièrement. La droite a compris l'importance des nouveaux médias, elle aura mis le temps. Mais comme les plagiaires elle aura heureusement toujours deux ou trois métros de retard, à moins que le pouvoir ne lui facilite la tâche en censurant l'expression sous diverses formes voilées auxquelles adhère sans s'en rendre compte une partie de ce qu'il est coutume d'appeler abusivement la gauche. La planète n'était déjà pas au meilleur de sa forme, rendue exsangue par l'ultra-libéralisme, forme cynique et arrogante du capitalisme, mais nous sommes entrés depuis peu dans une logique inique et suicidaire qui dépasse les bornes.
La liste est longue des signes dépresseurs : l'État renfloue les bandits du secteur bancaire, il accumule les lois répressives au lieu de développer l'information et la formation, la religion envahit l'espace public et laïque, les riches se sucrent et les pauvres tirent la langue, les marchands d'armes s'en fichent plein les poches, les pollueurs s'en donnent à cœur joie, les victimes continuent à voter pour leurs bourreaux, le colonialisme a repris du poil de la bête sous de nouveaux masques, etc. etc. Je repense à l'évêque brésilien qui, affirmant que le viol est moins condamnable que l'avortement, excommunie à tour de bras alors que la gamine a neuf ans, c'est dire ce qu'il pense des femmes ! Dans Libération, la liste des artistes mal informés qui soutiennent la loi absurde, inapplicable et répressive sur Internet (Hadopi) est renforcée par une quatrième de couverture désespérante (mieux vaut lire dans le numéro de samedi l'entretien avec Benjamin Bayart)... Je découvre encore que le Pôle Emploi (fusion ANPE-Assedic) a payé 500 000 euros leur logo alors que les Assedic cherchent des noises aux chômeurs sous le moindre prétexte (vous avez bien lu, 500 000 € pour un logo... En plus il est laid à mourir ! Pour l'anecdote, Geoffroy Roux de Bézieux est président de Mobile Virgin France et de l’Unedic). Etienne Mineur, sur le même lien que je viens de souligner, nous gratifie de l'arrogance de Jacques Séguéla pérorant que "si à 50 ans on n'a pas une Rolex, on a raté sa vie !" Comment s'étonner ensuite des idioties que laissent certains internautes en commentaires si nous sommes abreuvés d'aussi pitoyables exemples ?
Non, mais je ne vais pas commencer la beaucoup trop longue liste des sujets de déprime alors que le soleil printanier nous exhorte à prendre l'air. Pourvu que ce soit sur celui des lampions (j'ai croisé une énième manif à République en allant chercher mes nouvelles lunettes) et que l'on ne sombre pas avec tous les déçus dans une révolution en chemises brunes. C'est toujours le danger en cas de crise lorsque la population n'est pas du tout formée politiquement et que son immense majorité répète stérilement le discours creux et efficace seriné par la presse, que ce soit les chaînes de télévision à la botte du gouvernement ou les quotidiens qui appartiennent presque tous aux marchands d'armes évoqués précédemment.
Moralité : il n'y en a pas.