Si, comme on l'a démontré ici et ailleurs, la loi Hadopi est absolument inacceptable, par son inefficacité et les dangers qu'elle implique, si les raisons invoquées par ses initiateurs sont de l'ordre de la désinformation pure, la question de la défense des droits des auteurs reste entière face au piratage et à la gratuité. En ce qui concerne la rétribution des artistes, créateurs d'œuvres de l'esprit, un modèle type licence globale pourrait être envisagé, plutôt que laisser les majors conclure des accords directs avec les fournisseurs d'accès ou les pourvoyeurs de contenu "gratuit". Ces tractations reviennent à un accord global entre producteurs (de musique ou de cinéma) et nouveaux maîtres du jeu, sur le dos des artistes, quoi qu'en disent les sociétés d'auteurs qui soutiennent, par ce fait, le capital ! En résumé, taxons les fournisseurs d'accès et les fabricants de matériel informatique qui font leur beurre sur le dos de tous les créateurs de contenu, quitte à répercuter ces sommes sur les abonnements des utilisateurs sur le modèle de la redevance audiovisuelle.
Quant à la protection des données personnelles des citoyens, la technique du tunneling permet de rendre indécelable l'adresse IP de chaque internaute, et donc de surfer et télécharger des fichiers sans être repérable. Le service de VPN, Virtual Private Network (Réseau Privé Virtuel), permet ainsi de relier deux réseaux, par exemple un site Peer to Peer et votre ordinateur, de manière sécurisée, sur le réseau Internet qui ne l'est pas. Le principal site de téléchargement pirate, The Pirate Bay, sous les feux de l'actualité grâce à son procès en Suède, propose depuis peu ce service, en fonctionnant à flux tendu, c'est-à-dire ici sans qu'aucune donnée, ni aucun fichier log ne soient conservés. Personne, même pas le site en question, ne peut remonter jusqu'à l'internaute. Là où le bât blesse, c'est que le site pirate facture 5€ par mois ce service de tunneling. Tant que le système voguait sur la gratuité, la question des droits se posait en des termes très différents. En payant The Pirate Bay plutôt qu'en s'acquittant des droits d'auteur, il s'agit dorénavant d'une démarche explicitement malhonnête qui permet à ce site de s'enrichir sur le dos des auteurs. Si elle passe, la loi Hadopi, déjà stupide et dangereuse, profitera donc à des entrepreneurs sans foi ni loi. Mais certains fournisseurs d'accès proposent déjà le tunneling de manière plus générale : en plus de votre abonnement à Internet, il suffira de débourser un petit complément pour ne pas risquer d'être vu et puni, en cas de téléchargement illégal, mais surtout camouflant tout le reste de votre navigation sur Internet, et ce de manière transparente pour l'internaute. Conclusion : si la loi Hadopi est votée, elle enrichira les brouilleurs de pistes au lieu de profiter aux artistes. Ne préfèrerions-nous pas verser 5 euros de redevance plutôt que cette somme serve à protéger notre vie privée sur le Net ?

P.S. : The Pirate Bay a perdu son procès à Stockholm aujourd'hui. Les quatre accusés ont été condamnés à un an de prison ferme et 2,69 millions d’euros. Ils ont fait appel. L'un d'eux, Peter Sunde alias Brokep, écrit sur son Twitter ce matin, « d’après des informations qui ont fuité du Tribunal, nous avons perdu (j’ai appris la nouvelle hier soir). Une source de confiance l’a confirmé ». Avant d’ajouter, taquin : « Franchement, c’est un peu LOL. On savait pour les films, mais maintenant, même les verdicts sont disponibles avant leur sortie officielle ».