Il faut parfois une certaine gymnastique pour me retrouver là tous les jours. Hier la foudre est tombée à quelques mètres, suivie de grêlons gros comme des olives. Le déchirement du ciel produit un son inimitable, bruit blanc plus blanc que le blanc. Nous étions sous l'arbre à l'entrée du jardin. Cela nous a pris comme une douche de sabres au-dessus de la tête. Les mots claquent. Je me souviens d'une image de Cocteau dans Heurtebise : "un trousseau de clefs qui éclate". Surpris par l'éclair, Daniel a heurté brutalement le mur en sursautant. Je ne savais pas encore comment Adelaide s'était sortie du traquenard tendu par la police aux Tamouls rassemblés sur la Place de la République. Les uniformes avaient bloqué les manifestants au centre et ne laissaient personne passer ni dans un sens ni dans l'autre. Notre amie a cherché du secours auprès des passantes. Une jeune blonde trentenaire en civil lui a expliqué qu'elles n'étaient pas là pour le même motif. "Circulez ! Il n'y a rien à voir." Il n'y avait surtout personne pour soutenir les Tamouls ou témoigner de ce qui était en train de se passer. Ici, mais d'abord au Sri Lanka. Coup de fil. Je conseille à Ade de filer chercher des gens de Libé dont l'immeuble est à vingt mètres. La télé a fini par débarquer. Quelle télé ? "Surveillance vidéo" est affichée sur la porte au dessus de "images enregistrées à distance". Plus bas on lit surtout "courrier interne sans valeur". Éviter les tentations. On ne laisse pas traîner l'argent sur un coin de table. Tout est dans la dissuasion. Des fois qu'on ait l'idée de ne plus y croire ou de penser qu'un autre monde est possible... Les réflexions dans la porte en verre de la banque font énigme. Un sac ? Un corps ? Deux fois. Petit et grand. Opérateur ou modèle, je plie les jambes pour assurer la photo... Assez naïf pour croire que demain sera un jour de repos.

P.S. : en effet, juste avant de m'endormir je m'aperçois que j'ai oublié mon rendez-vous de demain matin avec Antoine pour un gros déménagement. Le moment n'est décidément pas encore venu de m'allonger avec la version papier de Mes voisins les Yamada (Hisaichi Ishii, Volume 1/3, chez shampoing). Après quatre pages, j'ai déjà ri trois fois. Il y en a trois cent cinquante.