Nous avions d'abord été surpris par le long-métrage d'animation Princess (2006) où Anders Morgenthaler entrelardait les séquences dessinées de bouts de film tournés avec une caméra amateur. La violence du propos justifiait que le passé traumatisant resurgisse incarné par des acteurs prétendument involontaires. En face, un trait original, aiguisé, où le monde de l'enfance peut virer au cauchemar : à la mort tragique de la mère, star du porno, une petite fille de cinq ans est récupérée par son oncle. Les flashbacks filmés, tremblés et maladroits, censés fournir les clefs du comportement du tandem, colère de l'oncle et précocité de l'enfant, sont insérés dans le lecteur VHS qui recrache l'horreur leur collant à la peau.
Trois ans plus tôt, cette noirceur existait déjà dans le court-métrage d'animation Araki: The Killing of a Japanese Photographer induisant la mort imaginaire du célèbre photographe japonais dont les clichés sulfureux firent et font encore scandale. Même scénario, même morale sans complaisance. Les cinéastes nordiques n'y vont pas de main morte.
Un an après Princess que l'on peut considérer comme une œuvre marquante de l'animation adulte, le cinéaste danois récidive en 2007 avec un film où l'on sent la patte d'un auteur dès les premières images. Tourné exclusivement avec des comédiens, Ekko ne fait référence aux antécédents d'animateur de son auteur que par le journal en forme de flip book que tient le jeune héros. Le sujet est tel qu'il ne fait plus aucun doute quant aux références personnelles qui le poussent à filmer l'enfance volée. Cette fois un policier en pétage de plombs enlève son fils. L'inconscience des adultes entraîne certains enfants à prendre leur place, quitte à payer le prix de leur innocence. Comme dans ses précédentes œuvres, Morgenthaler fait preuve d'invention tant dans le montage que dans le scénario qui réserve des surprises. La transmission des névroses familiales sont remarquablement mises en images ou en scène. La violence règne là où elle a semé ses germes, les sentiments de culpabilité entraînant les pires désastres. À ne pas régler son compte au passé, l'histoire risque de se reproduire de génération en génération.