Le fil magnétique
Par Jean-Jacques Birgé, samedi 27 juin 2009 à 08:24 :: Musique :: #1384 :: rss
C'est dans le XVème arrondissement. "Descendre" jusque là m'apparaissait probablement une montagne. Me faisant une douce violence, j'enfourche un Velib' jusque la rue de Lourmel. L'engin roule bien, mais la selle est sévère. Il fait beau.
Il m'aura donc fallu un an pour répondre à l'invitation de Hugues Genevois de visiter le LAM (Laboratoire d'Acoustique Musicale ou encore Institut Jean Le Rond d'Alembert). Pourtant ce n'est pas l'envie qui me manque depuis que le Leipp fait partie de mes bibles. Acoustique et Musique est l'ouvrage de référence pour qui s'intéresse au sujet, une mine d'informations : Données physiques et technologiques, Problèmes de l'audition des sons musicaux, Principes de fonctionnement et signification acoustique des principaux archétypes d'instruments de musique, Les musiques expérimentales, L'acoustique des salles. Depuis sa réédition en 1976, j'y reviens chaque fois qu'une question physique se pose dans mon travail. L'ouvrage, simple et passionnant, se lit comme un livre policier. Je dis cela aussi de L'interprétation des rêves et des Cinq psychanalyses de Freud !
Le laboratoire, fondé par Émile Leipp en 1963, fourmille de physiciens-musiciens qui étudient tous les processus sonores, expérimentent des protocoles bizarres et fabriquent toutes sortes d'instruments acoustiques ou électroniques. Caroline Cance me fait passer des tests amusants et instructifs sur une interface gestuelle avec palette et stylet pour Puce Muse. En sortant, l'un des ingénieurs me montre sa collection d'appareils reproducteurs de son et en particulier un magnétophone à fil en état de marche. C'est l'ancêtre de la bande magnétique. Les premiers ont servi à l'armée, comme d'habitude. J'évoque la bobine qui trône sur une étagère de ma bibliothèque musicale et qui appartenait à mon père. N'ayant même jamais vu de lecteur, j'ignore tout de cet enregistrement. Je l'expose comme le rouleau de piano mécanique signé et numéroté de l'Étude n°7 que j'achetai un soir à Conlon Nancarrow, espérant rencontrer un jour quelqu'un qui possède l'instrument pour le lire. À ma prochaine visite j'apporterai la bobine de fil magnétique en même temps que je leur offrirai la paire de dictaphones Grundig qui appartenait à mon père. Mais il n'existe aucun enregistrement de sa voix plus fidèle que ma mémoire. J'entends son timbre quand il parle posément ou lorsqu'il pleure de rire, à la fois douce et articulée, un peu métallique. Vingt deux ans déjà...
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