Dans les gradins
Par Jean-Jacques Birgé, mercredi 15 juillet 2009 à 00:31 :: Multimedia :: #1400 :: rss
Si je hurle dans l'aquarium en verre qui tient lieu de clapier aux 100 lapins de Nabaz'mob c'est pour me faire entendre de la caméra que tient Olivier Souchard qui a réalisé tous les petits films de l'exposition Musique en Jouets pour le site du Musée des Arts Décoratifs. J'ai eu l'idée de situer là l'entretien, bien qu'il reste très peu de place pour nous deux, parce que c'est une position impossible et intenable. Impossible car les vitrines sont fermées à double tour. Intenable à cause de la chaleur diffusée par les 100 transfos qui alimentent en électricité notre chœur lagomorphe. L'équivalent de seulement 1kW, mais nous sommes dans un milieu quasi hermétique. Il y a tout juste l'espace pour que je me place à un bout et Olivier à l'autre avec les bestioles de profil. Si nous avions diffusé l'opéra, le son qui sort du ventre de chaque lapin aurait couvert ma voix, même avec un micro-cravate. Les vitres parallèles renvoient le son dans tous les sens, faisant rebondir la musique comme autant de balles de ping-pong inépuisables. C'est vrai que souvent je parle fort. Parfois Françoise s'écarte comme si le vent la décoiffait. J'ai trouvé amusante la réflexion qui me dédouble en remplacement d'Antoine, bloqué dans les embouteillages, qui n'arrivera jamais à temps pour le tournage...
Même si je fais des efforts, je ne suis pas toujours très clair. Par exemple, j'annonce qu'il n'y aura qu'une seule œuvre comme celle-ci. C'est vrai et c'est faux. C'est faux, parce que les lapins se reproduisent. Le premier clapier a donné son titre à notre opéra : nous l'avions nommé en référence aux mobs, ces rassemblements d'individus qui ne se connaissent pas et se rencontrent juste le temps d'une action instantanée et souvent loufoque ; 90 propriétaires de Nabaztag avaient ainsi apporté chacun le leur pour participer à l'opéra au Centre Georges Pompidou et Violet avait complété pour arriver à la centaine. Mais la contrainte était trop forte pour continuer ainsi. Il fallait programmer chaque animal et le reprogrammer ensuite avec les réglages de chaque propriétaire, sans compter les annonces et la disponibilité du nombre selon les lieux où nous jouons. Le second clapier, acheté par Atari pour le NextFest organisé par le magazine Wired, est resté à New York. C'est avec un troisième clapier que nous sommes partis en tournée. Lorsqu'il a fallu immobiliser Nabaz'mob pendant cinq mois aux Arts Décos, nous n'avions pas d'autre choix que de mettre une second ensemble en activité, la quatrième centurie. Et ce n'est pas terminé, nous espérons mettre sur pattes très bientôt un troisième clapier, donc le cinquième cent, pour pouvoir nous produire plus facilement en fonction des dates et des lieux. Nos lapins seront ainsi jusqu'au 8 novembre au Musée à Paris pendant que leurs frangins joueront successivement à Linz pour la grande nuit musicale d'Ars Electronica le 6 septembre, puis à Metz le 2 octobre lors la Nuit Blanche et il est question que la troisième fratrie investisse les nuits électroniques d'Ososphère à Strasbourg entre le 24 septembre et le 3 octobre. Un vrai cirque !
Ah oui, j'ai dit que c'était vrai aussi, qu'il n'y en aurait pas d'autre... En effet, nous nous sommes refusés à créer une seconde œuvre avec les lapins et ce pour plusieurs raisons et malgré les possibilités énormes et inexploitées que recèle Nabaztag. D'abord, nous avons, Antoine et moi, déjà pas mal œuvré en participant à l'invention du lapin domestique Nabaztag proprement dit. Ensuite, et c'est lié, nous ne souhaitons pas être systématiquement associés à un animal en plastique. Nous avons une vie en dehors du clapier ! Par contre, nous avons cherché à donner une suite à notre collaboration, après Machiavel et Nabaz'mob, et nous avons enfin trouvé. C'est très avancé. Le script est rédigé, il ne suffit plus qu'à trouver des partenaires avec qui nous entendre. Machiavel jouait sur un rapport un/un, la machine contre l'individu. Nabaz'mob interrogeait encore le contrôle et le chaos, la liberté individuelle et la discipline du groupe, cette fois avec 100 robots. Notre troisième collaboration se concentrera sur un groupe d'êtres humains et sera un spectacle vivant.
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