Confus de se trouver en position de voyeur, Max occulte la violation de propriété privée qui lui pend au nez comme un piercing de bœuf. Devant la nudité présumée de cette femme, il ne sait que grommeler en toussant "s'il-vous-plaît, ne me regardez pas !". Sa toux fait virer son masque au rouge cramoisi. Il s'étrangle en s'arrachant des touffes de barbe qui l'empêchent de mettre la main devant sa bouche. Dans l'affolement, n'ayant trouvé d'autre solution que la retraite, il court cracher ses poumons dans la pièce à côté. Aveuglé, il se heurte au mobilier invisible et trébuche, se cognant brutalement contre quelque chose de pointu. Il sent l'entaille et l'odeur du sang auquel il attache une importance inhabituelle pour le commun des mortels. En décryptant sa fluidité, sa couleur, son goût, l'animal est capable d'en tirer des indices qui en disent long sur la personne dans telle situation donnée. Ça lui fait une belle jambe ! Son esprit s'est égaré. La faim peut-être. Il repense à la fille. Il n'arrête pas de tousser. Lorsque ça commence, il ne sait pas quand ça finit. Trois semaines la dernière fois. Rien à faire qu'attendre que ça se tasse. Son souffle se fait plus régulier, il réapprend à respirer. S'étant relevé doucement, il s'approche de l'embrasure de la porte. Personne ! Seul le grand rectangle de lumière qui s'enfonce à la cave. Il hésite. S'avancer, c'est se jeter dans la gueule du loup. Une voix lui dit de prendre sa barbe et ses jambes à son cou, l'autre lui susurre que la curiosité est une vilaine qualité dont même lui ne saurait se défaire. Emberlificoté dans ses poils et ses pensées, Max préfère rebrousser chemin pour faire le tour de la maison. Cela ne tient pas debout, mais il a la désagréable impression qu'on l'attendait. Parmi les herbes qui poussent et se repoussent, il aperçoit un drôle d'épouvantail dont la tête en papier est empalée sur une lame de sabre. J'ai affaire à un fou, se dit-il, en connaisseur. À un fou ou à une folle ? On se moque de moi. Les évènements s'enchaînent depuis quelque temps sans queue ni tête, comme une improvisation littéraire, comme si une phrase en appelait une autre, comme si j'étais le jouet du hasard et de la nécessité. Avec le temps qu'il fait, la tête de l'épouvantail à qui l'on a donné les attributs de l'empereur devrait être transformée en papier mâché. Non, c'est qu'on vient de le planter là, à son intention, à lui d'en deviner le sens. À la rigueur, il peut comprendre pourquoi lui, mais qui est ce "on" ?