Je ne comprends pas. Je ne sais pas. Les évènements se suivent trop rapidement. Les rendez-vous se sont tuilés toute la journée sans que j'ai le temps de reprendre ma respiration. Chaque fois je leur ai laissée. Mon asthme siffle tard l'arrêt de jeu. Pierre s'est cassé le dos en remontant le vin depuis le sud. Deux reporters amateurs de Radio Campus sont descendus du nord pour m'interroger sur le festival d'Amougies. Contrairement aux professionnels ils prennent le temps de me poser les questions qui les animent. Les uns comme les autres aiment faire partager leur passion. Je suis touché par leur sincérité et leur générosité. Les amis font coucou. Philippe passe. Aldo passe. Lucie fait un reportage sur mon travail sonore. Depuis le matin, j'aurai parlé près de huit heures sans discontinuer. Olivia passe. Thierry passe. J'appelle Pascale qui a retrouvé son entrain après sa péritonite aigüe et quatorze heures d'attente aux urgences. Alors je file au dîner d'automne de Fani, Mathilde et Fabien. J'écoute.
On parle des ravages de la psychiatrie comportementaliste, légiférée, institutionnelle. L'automatisme pharmaceutique évite de questionner le rôle de la société dans la folie. Comme si l'incarcération pour des actes non commis mais supposés prévisibles allait découler d'une science prétendument exacte... On parle d'Israël et de Jean-Luc Godard. On parle des Juifs comme exemple de mot interdit qui escamote l'analyse. Personne ne dit plus "un noir", mais "un black"... On parle de l'échec financier de la majorité des films qui sortent chaque semaine, de la perte de l'assistanat, de l'indépendance des artistes... On parle des enfants qui ont besoin de se brûler pour savoir que c'est chaud, de ceux qui ne marchent pas encore, de ceux qui volent de leur propre zèle. On parle de la mort et de la maladie. On parle de l'animal infiniment petit dont la durée de vie représente à peine un éclair en regard du cosmos. On parle du temps qu'on n'a plus. On parle de cul avec une jeune fille qui s'émancipe. On parle de toi. En rentrant je croise Jessie et Momo. On parle du vaccin. Chaque fois que la peur, mauvaise conseillère, est convoquée, on peut être certain qu'il s'agit d'une manipulation. On parle salaires et profit. On parle des victimes. On parle en attendant d'agir. On parle peu de notre léthargie.