Cinq heures de trajet dans le Paris-Brest, c'est pas de la tarte ! Surtout si la crème s'emmêle... On se prend au sérieux sur la question de l'art numérique, parce que la question ne nous paraît pas sérieuse. Je compare Internet à l'invention de l'imprimerie... L'imprimerie ce n'est pas les livres. L'outil n'engendre pas la fonction. L'artiste se sert de ce qu'il a sous la main. Ce sont ses instruments. Des instruments de musique dans la valise d'Al Capone. Nous participons à une table ronde sur la question des arts numériques dans le cadre de la deuxième édition des Immédiatiques pendant le festival de radio Longueur d'ondes.
Cinq heures de trajet dans le Paris-Brest, c'est pas de la tarte ! C'est ce qu'une jeune femme nous a signifié après nous avoir entendu palabrer à haute-voix pendant des heures. Elle a attendu d'être à dix minutes de l'arrivée pour s'en plaindre brutalement. Aucune intention de nuire évidemment de notre part, mais nous étions alignés sur la même rangée sans pouvoir nous entendre autrement qu'en parlant assez fort, probablement plus fort à mesure que les wagons se vidaient. Pas à la cheville d'une équipe de foot pourtant, ni d'un quatuor de joueurs de cartes, ni d'un bébé qui s'exprime comme il peut, voire d'une bande de gosses mal élevés. Ou simplement des gosses. Dans un autre wagon José Artur avait eu à supporter deux gamins de dix ans, mais ne peut que s'en émouvoir, même si c'était usant. La vitalité, la sève, qu'a dit que le passeur. J'étais passé de Salut les copains au Pop Club. Les titres des émissions sont éloquents. Ce sont des musiques que j'aime toujours. Toutes les musiques.
Assise face à Karine, la jeune plaignante elle-même faisait hurler son walk-man déjà avant que nous montions. La musique suait de ses petits écouteurs. Rythmique aiguë, insupportable, là encore on finit par s'habituer. "Je ne doute pas que ce soit intéressant, mais ça fait quatre heures que je vous supporte..." C'est sur le ton de l'intéressant qu'il eut fallu que je braque mon micro. Un complexe culturel. Le Quartz. Marabout. Bout de ficelle. On tourne la tête. Un cirque sous la fenêtre. Les illuminations de Noël rappellent Tim Burton. Ben voyons on change de sujet ! On évite le débat.
Cinq heures de trajet dans le Paris-Brest, c'est pas de la tarte ! Il faut la comprendre. Mais pourquoi ne pas nous avoir demandé plus tôt de parler moins fort. On aurait forcément obtempéré. Elle suffoquait. C'est sorti comme ça, dix minutes avant d'arriver. L'insurrection. Nicolas qui ajoute : "On vote ?" et la fille avec qui elle partageait les haussements de sourcils de lever la main. C'était mignon et bien embêtant. Hélas on pouvait comprendre qu'il ne s'agissait pas du niveau sonore de l'outil de diffusion, mais de la nature du propos. Des enculades de mouches, qu'on était en droit de penser si l'on n'était pas curieux de nature. Et même, allez savoir.
Cinq heures de trajet dans le Paris-Brest, c'est pas de la tarte ! La SNCF pourrait proposer des compartiments calmes pour ne pas être ennuyés par toutes sortes de personnes bruyantes, sur le modèle de IDzen dans l'ITGV. On pourrait être moins coincés en proposant d'échanger nos places. La fille excédée aurait pu aussi s'asseoir un peu plus loin. À partir de Rennes, il y avait plein de places partout. On était un peu embêtés, mais ses sous-entendus nous empêchaient de culpabiliser, ni même de nous excuser. Comment vivre ensemble ? Avec le sourire quand la rage n'est pas à propos. Que nos actes soient conformes à nos intentions ! Nous étions embêtés, mais pliés comme des baudruches... C'est étonnant comme la musique des mots en dit long sur le non-dit.