70 février 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 28 février 2010

Comment devient-on propriétaire ?


Face aux perspectives historiques qui se profilent je ne cesse de m'interroger sur les racines du mal, que je pourrais aussi bien écrire avec un accent circonflexe. La question qui me taraude concernant l'exploitation de l'homme par l'homme, je ne peux me contenter de la lutte des classes pour expliquer le fléau. Aussi loin que remontent mes recherches, la bataille du pouvoir fait rage et cause commune avec la propriété. Avant de s'entretuer, les êtres humains ont conquis le territoire en asservissant les autres espèces ou en les cantonnant dans des réserves. Cet animal se pensant supérieur est incapable d'imaginer que ses facultés exceptionnelles portent en elles les germes de la destruction. Aussi loin que l'on remonte dans le passé l'homme est en guerre pour défendre sa propriété, individuelle ou collective, mais d'où lui vient-elle ? De qui prétend-il avoir hérité ? Si les riches possèdent les moyens de production, à qui les doivent-ils ? De tout temps furent inventés des stratagèmes pour faire croire aux populations ce qui serait bon pour elles, le goupillon et le glaive sauront faire passer le message. La propriété engendre la guerre. Si la préhistoire garde ses mystères, la conquête des Amériques montre bien comment on y accède. Comment les propriétaires nord-américains acquirent-ils leurs titres ? Comment furent décimés les empires aztèque et inca ? Comment disparurent les Caraïbes et les Arawaks ? Mais avant tous ces génocides, ces massacres et ces asservissements (les femmes, par exemple, semblent avoir toujours obéi à la tradition de l'esclavage) il s'est agi de défendre son territoire contre les autres bestioles. Les deux pratiques peuvent coexister : on peut très bien s'entretuer en agissant comme si nous étions la seule espèce digne de respect sur la planète. Ce qui n'est pas exploitable est détruit ou ignoré. En nous multipliant, nous bétonnons, polluons, détruisons, et ce de plus en plus vite, dans un mouvement entropique vertigineux. La préservation de l'espèce a fini par se retourner contre elle. Si de nouvelles utopies ont tant de mal à se formuler, est-ce le signe d'un profond blocage de l'inconscient collectif ou une lassitude passagère de la fibre révolutionnaire ? La fuite en avant est patente, le délire toujours vivace. Le crime de fait-divers est bien banal et insignifiant devant l'énormité de ceux perpétués socialement qui, à leur tour, peuvent sembler dérisoires à l'échelle de la vie au sens le plus large du terme. Perversion polymorphe, paranoïa, schizophrénie sont réunies dans le même corps, le corps humain. Va-t-on jusqu'à détruire l'objet du désir quand il s'avère inaccessible ? L'immaturité de l'homme n'a d'égal que sa brutalité.

samedi 27 février 2010

Rochers à la noix de coco


Non, ce n'est pas la suite de ma fiction où les trois naufragés se retrouveront bientôt sur la plage en drôle de compagnie. Ce n'est pas non plus une façon de faire passer la pilule de mon faux suicide au pistolet intergalactique, ni même une pause me permettant de souffler après une semaine exténuante où les rendez-vous se sont succédés sans temps mort avec des individus plus agréables les uns que les autres. Quand j'aurai retrouvé mes sens et vaincu la grippe que je traite par le mépris qu'elle mérite, je prendrai soin de revenir sur chacun d'eux et sur chacune. Les projets s'amoncellent, certains se concrétisent, de nouveaux pointent leur museau. Au milieu de toute cette excitation, Pascale, avant d'attraper son TGV, enfourne des rochers à la noix de coco dans le four à 160°. À l'heure de mon sucre, j'ai une pensée émue pour ma camarade.
Elle a battu 125g de noix de coco rapée, 80g de sucre et un œuf. Elle a pris la cuillère à glace pour faire des petites boules avec la pâte obtenue qu'elle a déposées sur un papier sulfurisé. 20 minutes plus tard, il ne restait plus qu'à attendre qu'elles refroidissent. La prochaine fois j'essaie avec du sucre en poudre 100% non raffiné de cocotier que j'ai trouvé aux Nouveaux Robinson à Montreuil. Nous avons rapporté également des poireaux si sucrés que je n'ai pas souvenir d'en avoir mangés d'aussi bons. Idem pour les blettes.
J'adore les recettes rapides et simplissimes qui produisent un effet bœuf, comme ces rochers à la noix de coco, le pâté de foie ou le caviar d'aubergines. Bonne dégustation ! Vous nous en direz des nouvelles...

vendredi 26 février 2010

Sonner la retraite ou monter à la charge ?


S'ils appliquent les consignes mécaniquement, les salariés seront immanquablement remplacés à terme par des machines. Seuls leurs initiatives, leur bon sens et la relation humaine qu'ils entretiennent avec les usagers pourront sauver des milliers d'emplois de l'informatisation de la société. J'aurais pu aussi bien titrer "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?". Mon calme olympien m'aura-t-il permis de me sortir d'un nouvel imbroglio kafkaïen qui fait la renommée de notre pays ?
À l'origine le groupe de protection sociale chargé de ma future retraite (on ne rigole pas svp) me réclame l'ensemble des feuilles de salaire de 2006 remplies par une association pour qui je travaille depuis 1982 comme intermittent du spectacle. La quarantaine de cachets semble avoir été malencontreusement déclarée comme activité à temps plein, soit 365 jours par an, m'empêchant de bénéficier, lors de ma retraite, de points gratuits correspondant aux périodes de chômage indemnisées par Pôle Emploi. Il faut donc que j'envoie photocopies de mes bulletins de salaire de cette année-là. Comme j'insiste pour comprendre d'où vient l'erreur, je demande si d'autres années sont sujettes à la même erreur. En effet, elle s'est propagée depuis 1997 jusqu'en 2006. Avant et après, tout est correct. Mon interlocuteur finit par m'avouer qu'il faudra bien que j'envoie aussi celles des dix ans incriminés ! Je propose de venir avec une brouette, aussi me propose-il avec bienveillance que dans ce cas il se fera un plaisir de faire lui-même les photocopies ! J'allais m'exécuter lorsque je pense aux autres artistes salariés par la même association, tous et toutes probablement dans le même cas. Le préposé constate que certains ont en effet touché la somme dérisoire de 300 euros pour 365 jours d'activité déclarée, ce qui est bien entendu inconcevable. Comme mon sens de déduction est la hauteur de mon baccalauréat de matheux, je propose de régler le problème en amont avec l'association plutôt que d'exiger de chaque salarié la même épreuve que celle à laquelle je tente de me dérober ! Ne s'agit-il pas d'une simple case mal cochée par le comptable d'alors, voire d'une erreur informatique ?
L'employeur diligent contacte donc le service des entreprises qui cherche d'abord à le renvoyer vers le jeune homme de la matinée. Nooooooon ! Précisons que le parcours du salarié comme celui de l'entreprise est semée de culs-de-sac, d'impasses, de faux numéros, d'absences et que, contrairement à ce qui est annoncé par des humains ou des robots, personne ne vous rappelle jamais.
Dès 55 ou 57 ans, les organismes sociaux vous suggèrent de préparer les éléments qui serviront à calculer la retraite des salariés. Les intermittents du spectacle qui ont accumulé un nombre époustouflant d'employeurs ont un travail de titan sur le grill. Il leur faudra vérifier qu'aucun ne manque à la liste envoyée par la sécurité sociale ou, comme ici, que les déclarations ont été correctement remplies. J'ai une pensée affectueuse pour Louis Daquin qui, directeur des études de l'Idhec, m'exhorta à conserver précieusement toutes mes feuilles de salaire alors que je n'avais que 20 ans ! Grâce à lui, j'ai réussi à les rassembler et les ranger méthodiquement dans 37 enveloppes. Il me reste à comparer le listing dont la lecture n'est pas d'une clarté exemplaire avec des feuillets dont la lecture s'avère parfois difficile, l'encre s'étant partiellement effacée avec le temps. Cette opération peut paraître dérisoire, mais toucher sa retraite est un véritable travail, comme celui de pointer aux Assedic pour y faire valoir ses droits.
Tout cela me semble surréaliste, comme il y a deux ans lorsque la Sacem me proposa de percevoir désormais la retraite à laquelle mon rang hiérarchique dans la société d'auteurs me donnait droit. Les cotisations qu'elle prélève annuellement ne sont en effet effectives que si l'on a touché suffisamment de droits pendant trois ans consécutifs, vous faisant par exemple passer au rang de stagiaire définitif. Je me mélange peut-être les pinceaux dans les termes et les conditions, mais il est certain que seuls les adhérents les plus aisés seront secourus. Comme pour une partie des "irrépartissables" redistribués au prorata de ce que l'on a déjà touché ou la mutuelle prise en charge à 50% à partir d'un certain seuil, le système favorise toujours les mieux nantis au détriment des plus démunis. Cette iniquité vient d'une logique de cooptation du fait que les administrateurs qui rédigent les statuts le deviennent en montant en grade en fonction de leurs perceptions. Si l'adage dit que l'on ne prête qu'aux riches, on peut aussi ajouter que l'on ne donne qu'aux riches.

jeudi 25 février 2010

36. La plonge


L'eau était le meilleur moyen d'échapper à la brûlure du temps. Ilona a fendu le flot comme une torpille. Sa peau semble huilée par la sueur. Une impression d'apesanteur. Animaux, végétaux, minéraux se confondent en une géométrie qui tient tant de l'ordre que du chaos. Un jardin sous-marin comme il existe des jardins de pierre, des jardins zen. Le paysage se projette en petit derrière le temple pour laisser place à la rêverie, pour que le vide nous envahisse, pour l'habiller des oripeaux du futur, pour que les perspectives s'inversent, pour que, pour que, pourquoi ? Voir autrement laisse l'esprit libre de réinventer le cadre, de retrouver son propre corps, encore. Ilona voit parfaitement sans masque. Ses yeux ont changé. Elle cabriole, attendant les deux autres. Elle descend, remonte. Les grands oiseaux en plongeant retrouvent leurs nageoires. Ils glissent sans cette lourdeur de battoirs qui les empêchent de marcher. Vivre double. Être triple. Jamais la nature n'avait été si belle. Aujourd'hui la machine à laver a la forme d'un globe. Ilona se frotte aux molécules d'hydrogène et d'oxygène comme si elle se faisait masser avec des billes de mousse. Au fond, elle devine des barrières, des clôtures, des alignements, des herbes folles et des clowns jouant à cache-cache ou à chat parce qu'ici il n'y a pas de vitrine, pas de cage, ni d'autre prison que le bout du monde et la surface, interdite. Comme elle, ils veulent connaître l'envers du décor, apprendre à nager là où règne la sécheresse, sentir autrement. Les expériences peuvent devenir fatales. Il n'y a que l'autre qui permette de savoir qui l'on est ou qui l'on est supposé être. Ilona connaît ses classiques, pas les poissons. Sans cette soupape, ce subalterne qui nous gouverne, on s'infligerait à soi-même les épreuves pour effleurer du bout des nageoires les limites du monde. Dans sa geôle le détenu danse avec lui-même. Il croise ses bras sur sa poitrine, les mains sur les épaules, et il danse. Il peut bouger ainsi, léger, aérien, sensuel ; de l'autre côté de la cloison il sent l'autre esquisser d'autres pas en pensant à lui ou à quelque friture à se mettre sous la dent. Il fait faim. Ça creuse.

Quatre pieds font exploser la surface. Les poissons affolés reviennent aussitôt pour tâter le liège de la bouée de leurs lèvres babouines. Qui craint de goûter ne saura jamais qu'il existe d'autres passages. Ilona vient chercher l'air qui les berce. Étrange comme on oublie vite ses blessures, comme la mémoire reconstruit le passé selon ses inclinations au bonheur ou au regret. Certains nagent sur le dos feignant ne pas savoir où ils vont. D'autres coulent et remontent, oscillant comme le chien sur la planche à chapeaux les jours de grand départ. Si la tête seule dépasse, ils brassent à fleur de peau. À l'horizon n'émerge aucun sportif à ramper dans les vagues pensant fendre les flots quand la lame s'aiguise pour leur trancher le cou s'ils s'éloignent trop des côtes. Le dénuement favorise la renaissance. Les instruments du bord étaient bloqués sur le zéro. Comment vivre heureux quand les noyés referont surface, quand les naufragés les rejoindront sur la plage ? Les uns espèrent une nouvelle vie quand les autres ont perdu la seule qui leur a jamais été permise. Oserai-je encore contempler mon visage dans le miroir au clair de lune ? Est-il possible dans le même temps de jouir et résister ? Il n'y a de solution que dans le partage. Se taisant désormais pour conserver leur souffle, ils sentent qu'enfin la plage se rapproche.

mercredi 24 février 2010

35. Le pont des sourires


Les deux autres formaient la seule preuve du réel. Aucun d'entre eux n'aurait pu imaginer qu'ils se retrouveraient libres, ensemble avec le ciel comme unique perspective. Plate et courbe à la fois. Les ondes sinusoïdales, les triangles et les dents de scie de la chorale monotone des gabians produit un chaud vertige qui les cloue sur le pont. Hébétés, ils se relèvent doucement dans l'effort conjugué de leurs membres ankylosés. Comme on relie ses abattis autrefois méticuleusement numérotés, sans n'oublier personne. Mon pied, ma jambe, mon ventre, mon bras, ma main, mes doigts, ma tête, mes lèvres, mes yeux... La terre est toute proche. Ils ne sont pas pressés. L'étendue amniotique les protège. Mare nostrum. Comment s'y faire ? Renaître. Ils apprendront que deux mois ont passé sans qu'aucun souvenir ne remonte jamais à la surface. Pour l'instant ils veulent respirer. À plein poumons. L'air du large. Le vent de la liberté. Un mirage, mais c'est bon. Le vacarme les saoûle. Il sont ivres de soleil, heureux qu’il existe encore. S'ils savaient ! Ils l'ont su. Ont oublié l'aimant qui les attire et les dévore. La présence de la mort. La fusion. Eux ne connaîtront jamais le terme. Ni même les enfants des enfants de leurs enfants. Il est inutile d'appuyer sur le champignon. Le mouvement inexorable qui nous rapproche de l'étoile se moque de nos folies d'espèce. Ils n'y pensent pas. Après avoir frotté leurs doigts avec leurs pouces comme pour reconnaître leurs empreintes, pour s'assurer qu'ils sont bien eux, ce sont les embrassades. Après les effusions on saute sur place, on danse avec les oiseaux toujours plus excités qui tournent autour du rafiot empestant le poisson. Faire une ronde à trois c'est un peu court, mais il faut bien en convenir, ils sont seuls à bord. Stella baissera les bras devant le contact qui ne se fait pas. Max découvrira que le réservoir est à sec. Ilona, déjà nue, sera la première à se jeter à l'eau. Les poches des autres sont vides. Chacun fait un paquet avec ses affaires et l'on emballe le tout dans un bout de bâche qu'on fera flotter sur une bouée du Lucifer. C'est le nom du bateau. Cela ne s'invente pas.

Rappel : le premier chapitre a été mis en ligne le 9 août 2009, inaugurant la rubrique Fiction.

mardi 23 février 2010

José Berzosa en bonus de Thème Je


Dimanche Pauline Fort filme José Berzosa commentant Thème Je, le quatrième film de Françoise Romand qui sortira cette année en DVD, après Mix-Up ou Méli Mélo, Appelez-moi Madame et Ciné-Romand (dist. Lowave). En plus de Rencontres, tourné à l'Idhec en 1977 et retrouvé récemment dans les archives de Harvard à Boston, Françoise a décidé d'ajouter cet entretien amusant où son ancien maître espagnol critique les scènes qui le choque dans l'autofiction qu'elle a réalisée de 1999 à 2004. Elle remonte le volume d'un coup de téléphone occulté dans le mixage initial. On revoit le plan litigieux... Ce n'est pas la seule séquence qui dérange dans Thème Je. Le film fait beaucoup rire en projection publique, il met parfois mal à l'aise en comité restreint. Passé ses énormes qualités cinématographiques, sa réputation de "film maudit" justifie largement sa publication en DVD. C'est à mon avis le meilleur de Françoise depuis ses deux premiers, celui qui éclaire l'ensemble de son œuvre.
À table, j'interroge José sur Luis Buñuel qu'il a connu à Paris et Mexico. Comme Frédéric Rossif lui avait demandé de tourner un sujet sur Buñuel, Don Luis accepte à condition que José joue le rôle du premier diacre de Priscillien dans La Voie Lactée et de ne jamais apercevoir sa caméra. Lorsqu'il entend le mot "Moteur !", notre ami reste pétrifié de devoir réciter son long monologue en latin ! Le premier assistant, Pierre Lary, l'emmènera boire un café pour le détendre pendant qu'une centaine de personnes attendent dans la forêt éclairée en nuit américaine... Qu'il raconte son tournage au Vatican avec Françoise ou qu'il commente avec élégance les couleurs que j'arbore, José, qui pour venir nous voir a enfilé des lacets oranges à ses souliers, ne manque jamais d'un humour pince-sans-rire que l'autre Espagnol n'aurait pas désapprouvé. J'ai toujours beaucoup ri à La voie lactée, surtout après avoir lu dans L'avant-Scène Cinéma les explications de Buñuel sur les hérésies. Ça tombe bien, Thème Je est un film hérétique dans l'histoire du cinéma.

P.S. : photo réalisée sans trucage.

lundi 22 février 2010

Wallander assassiné par le doublage


En prime time, Arte continue de diffuser des films étrangers en version française (ou allemande) plutôt qu'en version originale. Quelle honte pour une chaîne prétendument culturelle ! Nous avons tenté de regarder la première enquête de Wallander, production anglaise adaptée des romans suédois d'Henning Mankell, mais le doublage est insupportable. Les comédiens français jouent comme s'ils étaient dans une série américaine de l'après-midi. C'est déjà bizarre d'entendre parler anglais plutôt que suédois, mais Kenneth Branagh, excellent dans le rôle de l'inspecteur Wallander, comme la plupart des acteurs anglais y entretient un accent du nord de l'Angleterre. Les somptueux paysages d'Ystad sont les mêmes que dans la série suédoise tournée simultanément, production totalement indépendante de celle de la BBC.
Dans les films correctement doublés avec de bons comédiens bien dirigés, le malaise persiste pourtant. Le test est facile à faire avec un dvd en plusieurs langues. D'une part les voix y sont mixées plus fort, d'autre part l'ambiance qui les entoure n'est jamais soignée comme dans l'original. L'espace dans lequel évoluent les personnages rend plausible la reconstitution. Si la scène se passe en extérieur ou en intérieur, si la pièce est grande ou petite, meublée ou vide, la réverbération n'est pas la même. Dans un film doublé, tout est aplati, au même niveau. Question de budget évidemment. Il est aussi un fait dramatique, ou du moins déterminant, pour comprendre la logique des chaînes de télévision. L'âge moyen d'un téléspectateur d'Arte est passé de 55 à 58 ans, quand sur France 2 on arrive à 64 ans de moyenne ! La nouvelle m'a époustouflé. Les jeunes ne regardent plus la télé, mais ça c'est une autre histoire...
Il reste que voir un film qui se passe en France ou en Suède avec des acteurs américains parlant anglais peut paraître absurde. Cette convention peut néanmoins se laisser accepter si la qualité de la production est à la hauteur, et puis là, par contre, on n'a pas le choix ! Regarder Wallander en doublage français relève du massacre quand la BBC diffuse les six épisodes, trois par saison, en streaming et déjà en DVD. Attention, ceux vendus actuellement en France ne sont pas ceux avec Branagh, mais la production suédoise qui n'a rien à voir.


Après dix minutes du supplice infligé par la version française j'ai donc décidé d'acquérir la version originale anglaise. La qualité de la réalisation de ces premières minutes (ci-dessus la scène d'ouverture) avaient au moins suscité le désir. Tournées avec une caméra Red One, les images somptueuses du sud de la Suède donnent l'impression d'avoir été filmées en 35mm. C'est beau l'image de la Red ! Le premier épisode signé Philip Martin vaut surtout par l'intelligence des plans, leur rythme échappant au découpage frénétique à la mode qui camoufle l'absence de vision ; les angles font sens, les flous entretiennent le climat, les arrière-plans en disent long sur la société, les sous-entendus psychologiques ne nécessitent pas d'être appuyés...
On est loin des séries françaises où la moitié des plans ne servent à rien d'autre qu'à rallonger la durée. Le remarquable travail de Martin qui a chapeauté la série est difficile à suivre par les réalisateurs et réalisatrices qui assurent sa succession. La musique, aussi banale dans sa facture que dans son utilisation, n'est pas non plus à la hauteur. Mais les polars suédois savent entretenir le suspens sans perdre de vue la réalité sociale qui sert de terreau aux affaires criminelles. Les comédiens anglo-saxons travaillent leurs rôles, loin de la paresse hexagonale la plus courante. Il y a une différence énorme entre un cinéaste qui prend parti et les tâcherons qui accumulent les plans. La télévision n'est plus le parent pauvre du cinéma dès lors qu'on laisse le champ libre à l'imagination.

dimanche 21 février 2010

Mascarade, fantaisie musicale pour deux présentateurs


" Mascarade est une performance audio-visuelle live dans laquelle deux performers sur scène utilisent le flux audio provenant en temps réel des chaînes d'information continue pour construire un drame musical instantané d'environ 30 minutes. Détournant la scénographie des journaux télévisés contemporains, les bustes-troncs des deux newsmen apparaissent en vidéo sur grand écran en fond de scène. Grâce à un logiciel développé spécifiquement pour l'occasion, ces mêmes bustes, que l'on voit retraités et analysés dans leurs formes et leurs mouvements, servent d'instruments de musique, déclenchant boucles, filtres, mémoires de samples, etc. selon des modalités de mashup et de plunderphonics. Avec la concentration des vrais directs, les deux newsmen transforment les flux d'information, leur contenu, leur musicalité, leurs timbres, leurs rythmes, pour leur donner une forme neuve, une nouvelle dramaturgie musicale. Mascarade porte un regard distancié, critique, joyeux et désespéré sur les médias comme instruments de manipulation. "
Voilà, on a tout dit, on n'a rien dit. Lors des tests la musique se précise. Le flux submerge l'auditeur. Sa densité impose des choix, une certaine forme de dialogue entre Antoine Schmitt et moi. Présenter Mascarade à Victoriaville en première partie de Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins, oblige à une certaine retenue dans les dernières mesures. Nous imaginons trois mouvements dont celui du milieu est le seul en véritable tension. Les radiophonies sont tellement chargées de sens que le cerveau produit d'innombrables connexions qui nous échappent. Le trafic du flux me pousse vers une musique à laquelle je ne m'attendais pas plus que lors de la composition de Nabaz'mob. Le sujet impose sa forme. Je me découvre un autre visage. La mutation m'est apparue lors de l'enregistrement de G10 pour Sun Sun Yip. Si le puzzle et le drone ont toujours été présents dans mes travaux je n'imaginais pas que le temps les révélerait comme une évidence. Je redécouvre par hasard le travail de Charlemagne Palestine qui est également programmé au Festival de Victoriaville où nous créerons l'œuvre. Tout a un temps et il y a un temps pour tout. Si nous avons travaillé ensemble sur différents projets depuis 1995, la collaboration artistique avec Antoine prend tout son sens dans la durée, depuis Machiavel en 1998 jusqu'au futur Mascarade en passant par Nabaz'mob.

Image extraite du reportage de Migu TV.

samedi 20 février 2010

Une belle patte


Amusant comme une image peut donner une impression très différente selon le contexte ou l'époque... Sans nous en informer, Ars Electronica utilise une des photos de notre opéra de lapins, prise par mes soins, comme identifiant de leur appel à nomination pour le Prix 2010. Antoine et moi en sommes très flattés, c'est bon pour le buzz, je sens le wasabi monter délicieusement à mes narines, mais l'an passé nous avions plutôt eu l'impression, malgré notre Award of Distinction for Digital Musics, d'être accueillis sur un strapontin. Peu de presse et de communication, peu d'acheteurs conviés à notre prestation dont nous avions dû faire cadeau au festival, ce qui couvrait à peu près le montant du Prix qui nous était octroyé, salle excentrée (malgré sa proximité géographique) avec difficultés extrêmes quant à l'intendance, un seul catalogue pour nous deux, bataille pour que ma compagne réalisatrice ne paye pas son entrée, pratiquement aucun contact avec la direction, une somme de petites contrariétés qui font toute la différence entre les festivals qui vous valorisent et ceux où l'on se sent à peine tolérés... Était-ce notre nationalité sous-représentée au profit des anglo-saxons ? Tous les efforts étaient-ils concentrés sur les Golden Nicas ? Les coutumes autrichiennes nous échappaient-elles malgré notre germanophonie ? Sommes-nous mal tombés ? Tout s'est pourtant bien passé. La petite salle du Musée Lentos était comble lors de l'unique représentation où nous avons dû refuser une foule de spectateurs alors que nous aurions très bien pu interpréter plusieurs fois l'opéra pour contenter tout le monde ou bien jouer sur la scène de la Brucknerhaus plus adaptée à nos cent petits rongeurs. Nous avons même remporté quelques contrats. Les Français sont vraiment des râleurs ! Sérieusement, c'était bien les seuls à critiquer la programmation et l'organisation. On en riait chaque fois que l'on en croisait un. Nous avons donc passé un excellent séjour car rien ne vaut la révolte pour entretenir le moral. Et puis voilà ! Cette année, les lapins se retrouvent virtuellement invités dans les pages du site d'Ars Electronica. Ça leur fait une belle jambe, à eux qui n'ont pas de pattes ! Serait-ce le secret de l'énigme ? C'est la patte qui porte chance, pas les oreilles ! Pour un opéra, c'est cuit...

vendredi 19 février 2010

Les ondes de Mascarade


Hier, nous avons trouvé les deux postes de radio dont nous avions besoin pour Mascarade, la prochaine création réalisée avec Antoine Schmitt. Il a pris le noir, j'ai choisi le rouge. La marque Etón fabrique de jolis objets et les nôtres peuvent fonctionner grâce à une dynamo. Il suffit de s'acharner sur la manivelle comme un malade et le tour est joué ! Ils sont également équipés d'une lampe et d'une sirène, mais ne sont pas waterproofs ni ne fonctionnent à l'énergie solaire comme d'autres modèles de la marque. Certains ont même une connexion USB pour recharger un iPhone tandis que les nôtres ont des connexions téléphoniques classiques qui ne nous servent à rien. Ils ont par contre les trois gammes de fréquence, FM - AM - ondes courtes, ainsi qu'un réglage fin pour syntoniser les stations. Leur sortie mini-jack nous permettra de récupérer le signal pour le transformer grâce à l'application originale qu'Antoine met au point avec SuperCollider. Je crois que je vais tout de même commander deux petits transfos pour éviter de me démettre l'épaule.
Mascarade ouvrira le Festival de Victoriaville le 20 mai au Québec (FIMAV) en première partie de Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins, et en première mondiale. D'ici là, nous ferons quelques présentations-tests en public, probablement à Paris vers la mi-avril, avant de nous envoler pour Bucarest.
À suivre pour connaître bientôt la nature de Mascarade...

jeudi 18 février 2010

Amnésie programmée


Directive européenne aidant, les fabricants sont tenus de conserver leurs pièces détachées pendant cinq ans. Passé ce délai légal, la maintenance ne sera plus assurée. Il est donc vivement conseillé aux propriétaires de magnétophones à bandes et DAT de faire des reports numériques en attendant la dématérialisation des supports comme le souhaite Microsoft. Tout sera stocké sur quelques énormes serveurs dans le monde et nous irons chercher nos biens au gré de nos besoins grâce à la connexion à très haut débit qui nous y reliera. Tout cela est bien fragile et on comprend de mieux en mieux le trou de mémoire que risque de présenter notre époque dans l'histoire de l'humanité. J'ai deux Revox et un Teac qui rendent l'âme, deux DAT qui font des bruits bizarres au rembobinage et divers autres supports de stockage qui ne sont plus en usage. Quelques laboratoires conservent des machines en état, mais je me vois mal leur confier la numérisation de centaines d'heures d'archives. De plus, à terme leurs machines risquent de rencontrer le même problème, la pénurie de pièces de rechange. Que faire ? D'abord numériser à tour de bras toutes affaires cessantes si votre machine est encore en état. Sinon, croiser les doigts en attendant qu'un bidouilleur trouve les pièces sur Internet, comme je l'ai fait récemment sur eBay pour la pile d'un de mes synthétiseurs arrivée des États-Unis quand tout espoir semblait perdu. Méfions-nous également des nouveaux espaces de stockage. Faire une copie de ses disques durs, dvd-r et cd-r car les uns comme les autres ont une vie extrêmement limitée en comparaison des supports analogiques, contrairement à ce qu'on nous a raconté à l'avènement du numérique. En plus, je dois refaire les collures au fur et à mesure des copies. Quelle angoisse ! J'en deviendrais bègue. Je finis par avoir du mal à trouver mes mots pour écrire, comme si les touches sautaient dans le vid au fur et à msur que j tap sur mon clav

mercredi 17 février 2010

Pierre Boulez n'en démord pas


Sur une idée initiale du physicien Pierre-Gilles de Gennes et avec le soutien du sociologue Pierre Bourdieu et du biologiste Jacques Glowinski, le réalisateur Ramdane Issaad a filmé une série d'entretiens avec des membres illustres du Collège de France (Editions Montparnasse). Les quatre premiers DVD sont consacrés au généticien François Jacob, à la philologue Jacqueline de Romilly, à Pierre-Gilles de Gennes et à Pierre Boulez. Je n'ai regardé que celui consacré au compositeur et chef d'orchestre qui, en 53 minutes, évoque sa vie professionnelle selon le principe de la série, mais il ne peut aborder décemment son intimité qu'il protège derrière une pirouette sur l'absence de vie de famille. Quelques rares photographies illustrent les propos découpés en chapitres. C'est très sage, entendre un peu trop radiophonique à mon goût. Ce genre de documents audiovisuels manque cruellement d'une vision cinématographique pour me combler, même si c'est la loi du genre.
Malgré les questions insidieuses de Ramdane Issaad, Boulez ne fait que répéter son absence de perspectives en dehors de son propre chemin sacerdotal. Lorsque le réalisateur le titille sur le jazz, il laisse le compositeur critiquer l'aspect non définitif de l'improvisation, "basée sur des idées reçues, sur des idées transmises... des clichés", sans pointer que la même chose pourrait être avancée sur son sérialisme emprunté à Schönberg. Idem avec la musique électroacoustique taxée de bricolage et manque de rigueur alors qu'il laissa l'IRCAM s'enferrer avec la 4X. Il reproche le manque d'interprétation de cette musique enregistrée, mais on ne lui connaît pas de partitions qui laissent aussi peu de liberté aux interprètes. Le reste de l'entretien survole la création de l'IRCAM en 1968, l'influence de ses origines mathématiques, avec en coda la rencontre organisée avec Foucault, Barthes et Deleuze auquel il rend hommage pour son concept de temps strié et de temps lisse dans Mille plateaux.
Abordant un domaine musical dont je suis familier, j'ai eu certainement tort de commencer par le musicien officiel de la Vème République. Connaissant très mal leurs œuvres, écouter Jacob parler de génétique moléculaire, de Romilly de la Grèce antique ou de Gennes de l'invention de l'écran à quartz m'auraient laissé plus libre d'apprécier leur apport...

mardi 16 février 2010

L'institution du mariage


Lorsque nous fûmes en âge d'y être confrontés, ma génération trouva le mariage complètement has been. Comme si nous avions besoin de l'assentiment social pour valider notre amour ! Nul besoin de rendre officielle une histoire qui ne concernait que deux amants. Les choses se sont corsées dès lors que nous avons procréé ou acquis des biens, que ce soit le fruit d'un labeur ou par héritage. On est toujours rattrapés par la famille et la cohorte de névroses qu'elle traîne à sa suite.
Je me suis marié alors que ma fille avait déjà trois ans, à une époque où la loi était différente d'aujourd'hui, essentiellement pour obtenir l'autorité parentale s'il arrivait quelque chose à sa mère. L'affaire fut expédiée en cinq minutes ; devant courir chercher Elsa à la crèche, nous n'avons même pas eu le temps d'offrir un coup à boire à nos deux témoins. Le divorce est toujours à l'image du mariage. Treize ans plus tard, le nôtre fut simple, prononcé en consentement mutuel avec une avocate commune. La charge symbolique que l'on place dans le mariage explose forcément dans les mêmes proportions si une séparation doit avoir lieu.
Avec des enfants parvenus à l'âge adulte, les enjeux ne sont plus les mêmes. Le mariage répond alors en général au souci de protéger le survivant en cas de décès de l'un des conjoints. Là encore il s'agit plus d'un contrat pratique que d'une histoire d'amour. L'amour n'a rien à voir avec les petits arrangements et les grandes cérémonies, surtout lorsque l'on a su apprendre à vivre ensemble depuis bon nombre d'années. Quand à le fêter c'est d'un morbide achevé. Il y a des raisons plus joyeuses d'inviter celles et ceux que l'on aime qu'à l'occasion d'un contrat envisageant la mort d'un des deux hôtes.
Reste que l'institution du mariage abrite, quoi qu'il arrive, de lourds réflexes symboliques qui interrogent la famille et la place qu'on lui donne souvent inconsciemment. Comme le service militaire obligatoire permettait à certains garçons d'échapper à leur milieu social, le mariage permet de s'affranchir partiellement de "la loi du sang" en exerçant une coupure avec son passé dans une perspective de construction de l'avenir. Si l'on subit inéluctablement ses antécédents génétiques, allant même pour beaucoup jusqu'à les reproduire, se marier peut représenter un choix personnel pour décider de ce que nous voulons garder ou laisser de notre héritage familial, entendre là ce qui tient de la névrose ô combien reproductible autant que des valeurs intellectuelles prodiguées. Pour s'en affranchir, le mariage n'est nullement indispensable, mais il a le mérite, sans évoquer les avantages fiscaux, de mettre les choses au point en affirmant ses propres choix face au pouvoir des siens et d'entériner le métissage en faisant entrer l'un et l'autre conjoints dans un système complexe et forcément réactionnaire, la famille, agrandissant même le cercle puisque la symétrie implique le doublé. Avec cette nouvelle cellule on perpétue la coutume en la régénérant, mais on assume aussi son passé en privilégiant l'avenir. Car la véritable famille n'est pas celle qui nous fit, que nous subissons sans n'avoir rien demandé, mais celle que nous nous choisissons, sans nécessairement recourir aux exclusions pour autant. Le qui-vive s'impose pourtant, car il restera à quotidiennement inventer sa vie, et ce en la partageant autant que possible avec toutes celles et ceux que nous aimons.

lundi 15 février 2010

Panne sèche


Il fallait bien que cela arrive un jour. C'est comme la bouteille de gaz qu'il faut toujours changer au moment du dîner. Autant que ce ne soit pas dans un moment de panique lorsque l'on est pressé. La panne tournerait au cauchemar. J'avais décidé de réattaquer la numérisation de mes archives, cette fois pour mettre en téléchargement gratuit des inédits d'Un Drame Musical Instantané à l'occasion de la réactualisation du site, prévue pour début avril. J'ai été bloqué net par l'entraînement du magnétophone à bande. Courroies détendues ? Points de graisse figés, étalés dramatiquement au-delà de leurs limites ? Pour entretenir la bonne santé de ce genre d'appareil, il faut les faire tourner régulièrement, ce que je ne fais pas assez souvent. Le pire, c'est que les deux autres 4 pistes sont à peu près dans le même état critique. Les 8 pistes ont depuis longtemps disparu du studio, mais j'ai absolument besoin des 2 pistes, 4 pistes et lecteurs à cassette pour relire et copier la foule de bandes originales accumulées avant l'ère numérique. Cela commence par des problèmes de rembobinage et dégénère rapidement vers un pleurage qui n'a rien à voir avec la vitesse ajustable du PR99. Il ne me reste plus qu'à espérer que Mélison ou Scoop aient une solution pour les pièces de rechange. J'avais passé pas du temps à nettoyer à l'alcool le chemin encrassé par le résidu magnétique de bandes vieilles d'un demi-siècle. Les particules se collent sur les têtes et filtrent le son. Mais là, je suis aussi stupide que devant un moteur automobile.
J'avais retrouvé quantité d'inédits : Socialize, un album entier issu de la mise en musique du film muet L'argent de Marcel L'Herbier ; la longue série des Poisons en trio ou en quartet avec la chanteuse Tamia ; des commandes des chorégraphes Karine Saporta et Jean Gaudin ; d'autres pour des films ; les remix du Drame par Thurston Moore, Le Tone, Yoshihiro Hanno, Aki Onda ; des concerts, des pièces de théâtre musical et des ciné-concerts ; deux créations radiophoniques de plus de trois heures ; un enregistrement du K en public avec Daniel Laloux ; notre adaptation de Let My Children Hear Music de Mingus en trio ; une pièce de John Cage ; une quinzaine de chansons et autant d'inédits des plus grands compositeurs joués au piano par la jeune prodige Brigitte Vée, sans oublier le raton-laveur. Nous sommes peu de chose face à une technique que l'on ne maîtrise pas. Ici, en plus, on risque la perte de mémoire. Dimanche aurait dû figurer une journée de pause avant de remonter dans le train en marche. Mais le passé traîne les pieds. Beaucoup plus encombrant à négocier que l'avenir, il se rappelle à notre bon souvenir pour exprimer qu'il n'est pas aux ordres. On peut tout inventer, mais pas faire marche arrière. Les courroies ou les points de graisse ? On sait rêver de jours meilleurs quand le passé ne propose qu'un travail de deuil. Le soir, le gaz est tombé en panne.

dimanche 14 février 2010

Les lapins envahissent Victoriaville


Une fois de plus, les lapins font la une, et non des moindres ! À l'occasion du 26ème Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville, le FIMAV a choisi Nabaz'mob pour tout son matériel promotionnel (affiche, programme, brochure, site internet…). Je ne sais pas encore à qui l'on doit la superbe affiche, mais une de mes photos se retrouve déjà dans DownBeat, Wire, All About Jazz New York, Exclaim / Toronto, Rock-a-Rolla, Signal to Noise, MusicWorks, Improjazz, Point of Departure pour annoncer le programme du festival auquel j'ai préféré participer, entre tous, dans le passé. La programmation de Michel Levasseur a toujours été inventive et exceptionnelle. L'ambiance y était géniale, tous les bénévoles ne pensant qu'à faire vite et bien leur travail pour courir assister aux concerts. Le festival a souvent été marqué par la présence de John Zorn et de la scène musicale québecoise extrêmement vivace. Je me souviens avoir assisté seul avec mes deux camarades à une longue répétition solo de Cecil Taylor. Un Drame Musical Instantané était venu au Québec la première fois en 1987 pour accompagner un film muet et la seconde en 1990 avec Le K et Jeune fille qui tombe... tombe de Dino Buzzati, deux oratorios avec Daniel Laloux comme récitant. Vingt ans plus tard, je reviens sur le lieu de mes crimes, cette fois avec Antoine Schmitt, pour ouvrir le festival le 20 mai prochain au Cinéma Le Laurier. Nous y présenterons la création mondiale de Mascarade et la première canadienne de Nabaz'mob. Nous partageons l'affiche avec une ribambelle d'artistes plus excitants les uns que les autres : Bill Dixon «Tapestries for Small Orchestra», Catherine Jauniaux / Malcolm Goldstein / Barre Phillips, Lydia Lunch / Philippe Petit, Sam Shalabi «Land of Kush», Vialka, Aun & Michel Langevin, Carla Kihlstedt / Matthias Bossi / Shahzad Ismaily «Causing A Tiger», Jim Denley / Philippe Lauzier / Pierre-Yves Martel / Kim Myhr, Alexis Bellavance / Nicolas Bernier / Érick d’Orion «Bold», Les Filles électriques «La salle des pas perdus», Kim Myhr & Trondheim Jazz Orkester, Jacques Demierre / Urs Leimgruber «Six», Les Momies de Palerme, Éric Normand «Musique de batailles», Xavier Charles / Ivar Grydeland / Christian Wallumrod / Ingar Zach «Dans les arbres», René Lussier «7 Têtes», Anne-James Chaton / Andy Moor, Tanya Tagaq, Perlonex & Charlemagne Palestine... Mais avant de partir vers l'ouest, les lapins auront fait un saut dans l'autre sens, jusqu'au Festival de musique électronique et arts numériques Rokolektiv au Musée d'art contemporain de Bucarest dans l'ancien palais de Ceausescu !

samedi 13 février 2010

10 psaumes & une explosion de 6000 tonnes de TNT


Me reconnaissant parfois dans les personnages du film High Fidelity de Stephen Frears adapté du roman de Nick Hornby, mon propos n'est pas ici de classer mes disques par couleur de pochette pour réinitialiser mes choix ou initier de nouvelles pratiques d'écoute, mais je note, pour l'instant sans aucune arrière-pensée, que les deux disques reçus ce matin-là sont de la même couleur que ma boîte aux lettres, elle-même aussi orange que le mur qui l'abrite. La galette noire à paillettes immaculée du nouvel album de Massive Attack marque un avantage sur la banalité de celui de Charles Ives, le groupe de Bristol restant fidèle à ses graphismes épurés. Ce n'est pas le fort des disques de musique classique de sortir de l'ordinaire. Le boîtier du DVD de Massive Attack, Eleven Promos, était déjà transparent et sans motif apparent tandis que le gros coffret de 11 disques The singles collection 90/98, mon préféré parmi leur maigre discographie, est recouvert d'une encre thermosensible qui laisse nos empreintes digitales en blanc sur fond noir le temps que la température ambiante reprenne le dessus. Les notes de pochette de l'intégrale des Psaumes par le SWR Vokalensemble de Stuttgart dirigé par Marcus Creed sont par contre plus parlantes que les dessins intérieurs du disque trip-hop. Je me demande parfois à quoi riment les pages d'un livret si elles ne nous incitent pas à la contemplation ou simplement à l'envie d'y retourner. Les meilleurs livres ne sont-ils pas ceux vers lesquels nous revenons pour y piocher une phrase, un passage, un chapitre, voire les relire entièrement ? J'évalue ainsi une bande dessinée ou un bouquin de photographies à leur potentiel attractif. Retrouver chaque fois le désir de la découverte comme si c'était la première ! Aux extrémités du spectre de mes humeurs, les deux disques semblent posséder le même pouvoir. Les Psaumes me font planer sur un nuage de coton zen. Heligoland me file le peps dont j'ai besoin pour m'activer dans la maison. Rien d'extraordinaire. Un accompagnement. J'alterne plusieurs fois. D'un côté mon compositeur préféré dont l'invention dépasse toute velléité mystique, de l'autre un entrain de bon aloi sans aucune vague. Les 6000 tonnes restent dans la virtualité. Parfaits pour une après-midi de détente.

vendredi 12 février 2010

Le temps n'a pas de prise sur Servovalve


L'univers technoïde du binôme de l'entité Servovalve échappe aux effets de mode. La ferveur d'Alia Daval et Gregory Pignot fait plaisir à voir et à entendre. Leurs images évoluent au gré des algorithmes bidouillés sur la machine qu'ils domptent comme on dresse un animal. Jamais à l'abri d'une révolte du code dont les mâchoires peuvent être redoutables, ils chevauchent des serpents de mer microscopiques qu'ils projettent en grand sur les murs de leur maison vide ou devant un public immergé dans leur univers halluciné. Dans le documentaire que Laurent Carlier et Joan Giner leur consacrent, ils semblent tout droit sortis d'un film de Cronenberg. Qui de l'œuf ou de la poule ? Qui de l'homme ou de la machine ? Les sons électroniques accompagnent les mouvements programmés dont l'indétermination est gelée sur le DVD, Time Creatures taxidermisées mais étrangement vivantes dans le CD-Rom. Les deux galettes sont insérées dans la pochette de Temps Fixe dessinée par Kros et publiée par Optical Sound. Si Temps Fixe est bloqué sur 130 minutes, Time Creatures se joue à l'infini quel que soit le module, Skrone, Neon9 ou Public Anemie, chacun se déployant en huit chapitres génératifs dont la logique échappe au commun des mortels, mais dont la succession structure l'espace. Servovalve fait passer notre existenz dans un continuum où le temps n'a plus de prise.

jeudi 11 février 2010

Complet


Quatre heures après l'annonce sur Internet il ne restait plus une place disponible pour le 11ème volume de PechaKucha qui se tiendra au Centre Pompidou dans le cadre de Hors-Piste(s). Histoire de faire pester toutes celles et ceux qui ne pourront y assister, les douze participants de ce soir seront le Collectif H5, Nicolas Clauss (avec qui je travaille sur 2025 Ex machina), Maroussia Rebecq pour le collectif Andréa Crews, Germain Bourré, Eric Dalbin (pour qui j'ai composé la musique du rideau d'eau du stand de la RCZ), Marina Weiner et Valérie de la Chapelle, Gwenola Wagon et Stephane Degoutin, Thierry Fournier, Anne Lise Dugat et Anne Charlotte Blanchot (Les bouchées doubles), Jacques Perconte (avec qui je planche sur la refonte de mon site drame.org !), Étienne Mineur et Bertrand Duplat (dont quelques uns de mes sons devraient accompagner les livres interactifs) et moi-même qui présenterai Machiavel à l'occasion de sa mise en ligne récente en téléchargement gratuit.
Initiées à Tokyo en 2003 par Marc Dytham et Astrid Klein et "répandues" dans 279 villes du monde entier les soirées PechaKucha sont un spectacle vivant consacré au design et à la création. 12 designer(s), toutes disciplines confondues, sont conviés sur scène pour présenter leur travail en public, dans un format concis et imposé de 20 images projetées et commentées durant 20 secondes.
Si je suis incapable de me plier au règlement technique des 20 vues fixes, je ne suis pas le seul. Comme moi, Nicolas Clauss manipulera la souris de son environnement interactif. Jacques Perconte et Étienne Mineur auront recours à la vidéo. Mais tous respecteront la durée de 6mn40s. Il y a toujours des limites, mais certaines sont plus frustrantes que les autres. La jauge de 154 places est complètement idiote devant le succès remporté par les soirées PechaKucha : pourquoi avoir cantonné l'évènement dans la petite salle du Centre lorsque toutes les précédentes éditions au Divan du Monde réunissent plus de 500 personnes emballées par la variété des expériences exposées ?
Avant de partir je prépare mon petit laïus. Si en général je préfère improviser, l'exercice d'expliquer en manipulant m'impose d'écrire ma présentation, d'autant que Machiavel, objet comportemental farceur, est assez coquin pour se jouer de moi lorsque je serai en scène ! Antoine, avec qui j'ai créé ce scratch vidéo interactif en 1998, me fournit une nouvelle référence en la personne de Schopenhauer qui compare la vie à un pendule oscillant, de gauche à droite, entre la souffrance et l'ennui, sauf qu'ici il s'agit de plaisir et non de souffrance. Mais l'inconscient ignorant les contraires...

mercredi 10 février 2010

Bande-annonce de Ciné-Romand


Après le happening à Barbès en 2007 (1 2) et à La Bellevilloise en 2009 (3 4 5 6), après la publication du DVD dans son magnifique étui conçu par Étienne Mineur, après le site réalisé par Caroline Capelle et Sébastien Pons, c'est au tour d'une nouvelle bande-annonce de Ciné-Romand d'être mise en ligne à l'occasion du lancement du film aux États-Unis par Microcinema. Françoise Romand avait déjà réalisé un trailer plus explicatif. Celui-ci, énigmatique, ouvre une piste féministe. J'en ai composé la musique. À l'image on reconnaîtra Serge Dupire, Florence Thomassin, Marc Lavoine, Anne Jacquemin et Feodor Atkine.

mardi 9 février 2010

2025 ex machina


Le premier des six modules de 2025 Ex machina est mis en ligne aujourd'hui. "Serious game" à destination des 12-16 ans, ce jeu est censé les sensibiliser à comment leurs actes d'aujourd'hui sur Internet pourront influencer leur avenir. Sorte de thriller de science-fiction, il oscille entre deux périodes, 2010 et 2025. La découverte est également binaire avec l'histoire proprement dite suivie d'une enquête. De même, la narration peut être interactive ou linéaire, selon les supports utilisés. L'originalité de l'aventure commence par le choix audacieux de Nicolas Clauss dont l'univers graphique très personnel, sa noirceur dramatique, son goût pour l'interactivité contrastent forcément avec les jeux existants. Les personnages sont traités en ombres chinoises, les décors sont des à-plat sombres (2010) ou clairs (2025), mais nous sommes très loin des tons vifs qui ont fait longtemps la mode sur la Toile. Saluons l'équipe de Tralalère qui, dès le début du projet, sut lui apporter sa confiance.
Je suivis mon camarade en proposant un monde sonore, sans commentaire, où tout est musique. La partition rassemble des bruits organisés interactivement et des compositions plus classiques, le futur proche autorisant quelques hardiesses pour ce projet grand public. Dans l'introduction générale, le thème sifflé, personnifiant le joueur face à son clavier, surgit de la communauté en pleine fête et réapparaît dans le silence au moment de la réflexion à la fin de la séquence, annonçant le début de l'épisode. Entre temps, les images ont envahi l'écran. Pour le film du Chat démoniaque réalisé par les jeunes protagonistes j'ai composé un environnement symphonique quasi hollywoodien avec le logiciel GarageBand comme ils auraient pu eux-même le faire. Le reste de la partition, enregistré sur Cubase, a une couleur électro confectionnée avec mon V-Synth et toute ma panoplie de synthétiseurs vintage en dur. Je fais ce que je peux pour éviter les instruments virtuels dont les commandes sont toujours limitées, ce qui ne m'empêche pas de retraiter ensuite ce que j'ai joué en temps réel. La finalisation s'exécute en général sur Peak. J'ai également utilisé quelques rares bruitages et ma propre voix. J'apprécie également les silences qui laissent la place aux intertitres et permettent de tourner la page entre des passages très variés. L'unité s'imposera au fur et à mesure des épisodes.
Loin d'être un gamer, je suis plus gauche avec la partie "enquête" sur laquelle travaille la scénariste Anne Schiller. N'empêche que j'y suis arrivé du premier coup à ma grande surprise ! Mon inquiétude naturelle me fait craindre que les impatients zappent les passages interactifs qui ont fait la renommée de Nicolas, comme les mélodies que l'on compose soi-même en cliquant sur la scène à la montagne ou le mix de boucles symphoniques sur celle du Chat. Il me reste à rejouer et faire tout mon possible pour perdre afin d'admirer la séquence de fin qui se déclenche en cas d'échec.

lundi 8 février 2010

Ce Qu'il ne Fallait pas Démontrer


Catastrophé, je tente de m'accrocher désespérément au film qu'Alain Fleischer a le toupet de signer, aussi vain que vide, mais on finira par en avoir l'habitude. Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard est une monstrueuse arnaque où les protagonistes semblent sortis d'une maison de retraite pour vieux réalisateurs atteints d'Alzheimer. Godard ou Straub sont à côté de leurs pompes, rabâchant de vieux poncifs quand leur ennui de se retrouver dans cette galère n'éclate pas à l'écran. Tout est d'une paresse extrême, sorte de captation complaisante qui laisse craindre le pire opportunisme sous prétexte d'enseignement aux étudiants du Fresnoy. Comme le coffret édité par les éditions Montparnasse propose également une série d'entretiens intitulée Ensemble et séparés, sept rendez-vous avec Jean-Luc Godard, je compte sur ces bonus occupant trois des quatre DVD pour faire remonter le niveau de l'échange. C'est au mieux un portrait en creux. Godard n'a jamais été à l'aise dans le tête-à-tête. Quoi qu'on en dise, ses rencontres avec Fritz Lang (Le dinosaure et le bébé) ou Marguerite Duras (Océaniques) sont plus émouvants que passionnants. Il n'est pas à la hauteur de ses brillantissimes conférences de presse ni surtout de l'œuvre immense qu'il laissera, résumant à lui seul tout ce que fut le cinématographe depuis son invention. Dépouillés de la prétention usurpatrice d'en faire un film, la plupart des entretiens ajoutés plongent Godard dans une obscurité qui en dit long sur son implication dans cette affaire. Ses réponses sur Israël et les Juifs qui ont fait couler beaucoup d'encre sont d'ailleurs assez fumeuses et ne peuvent convaincre aucun anti-sioniste, a fortiori ses détracteurs. Son esprit de contradiction a perdu son mordant, il esquive le plus souvent au lieu de faire front. Il est toujours meilleur dans la colère, lorsqu'il prêche le faux pour connaître le vrai, comme face à Jean-Michel Frodon. André S. Labarthe dans le "film" rame en pure perte pour le sortir de l'ornière. Si Dominique Païni monologue en toute fatuité, l'universitaire Jean-Claude Conesa renvoie la filmographie de Godard à ses balbutiements en l'autopsiant. Nicole Brenez a l'intelligence de proposer des images rares, mais trop courtes, sur lesquelles elle interroge humblement "Jean-Luc". Jean Douchet et Jean Narboni, insistant avec la plus grande tendresse, arrivent finalement à le faire parler en évoquant quelques anecdotes. Aucun interlocuteur n'étant à la hauteur, tant de choses ayant été dites sur lui et son œuvre, le cinéaste est renvoyé dans les cordes au lieu d'occuper le ring. Quelle posture emprunter lorsque l'on a déjà été réduit à s'auto-parodier ? En 9h30 les amateurs n'apprendront pourtant pas grand chose et pour une leçon de cinéma on repassera. Mieux vaut voir ou revoir n'importe quel film de Jean-Luc Godard et, si vous êtes courageux, l'incontournable Histoire(s) du cinéma, un monument, le film des films.

dimanche 7 février 2010

Dessein animé


Dimanche je suis flemmard. J'ai passé trop de temps à regarder l'excellente compilation de films d'animation illustrant l'article d'Annick Rivoire sur Poptronics où elle relate le Labo 2010 du 32ème Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand. Lorsque l'on s'intéresse aux œuvres audiovisuelles imaginatives, l'animation est un lieu de prédilection. Peu importe les techniques utilisées, la transposition du réel est autrement plus passionnante que les effets des superproductions hollywoodiennes. Le résultat demande souvent un travail acharné et laborieux. Manipuler des bouts de papier ou des marionnettes pendant des journées entières semble générer un humour grinçant ou une mélancolie poétique. C'est souvent drôle ou poignant. Je "fais court" pour vous laisser le temps d'admirer les films commentés par Annick Rivoire.
Le soir j'entame la liste des comédies transgressives américaines du livre de Jonathan Rosenbaum avec Avanti! de Billy Wilder. Certainement un peu trop long (2h18), le film est truffé d'allusions sexuelles et politiques, écornant le machisme et les différences de classes avec un humour qui n'a jamais quitté le réalisateur. Même si One, Two, Three, avec son anti-communisme primaire digne de Ninotschka, reste mon favori, Avanti! a été très mésestimé à sa sortie en 1972, le contexte de la libération sexuelle rendant peut-être la satire de Wilder un peu vieux jeu à l'époque. L'héritage de Lubitsch était pourtant aussi bien assumé que la révolution de mœurs qui suggérait alors qu'il fallait mieux être bien dans son corps plutôt qu'obéir aux critères de beauté et de sveltesse toujours en vogue aujourd'hui.

samedi 6 février 2010

Les lapins à toutes les sauces et le jardin des délices


Ayant reçu copie d'un reportage réalisé par Marc Helfer pour la télévision finlandaise autour de Nabaz'mob avec entretien au Studio GRRR et extrait du film de Françoise, je me promenais parmi nos bestioles lorsque j'aperçus un enregistrement vidéo en haute définition de notre opéra réalisé par Heinz Sambs (caméra) et Ramsy Gsenger (montage) à l'occasion de notre passage au Musée Lentos de Linz en Autriche pendant le Festival Ars Electronica qui venait de nous remettre l'Award of Distinction 2009 pour la musique numérique. Leur petit montage en fondus rend bien le spectacle que nous avions donné au musée d'art moderne et l'ambiance de la soirée. Il existe nombre de vidéos tournées ici et là, à New York ou Amsterdam, Paris ou Strasbourg (ci-dessus), sans compter les passages au Journal Télévisé et tous les extraits pirates capturés avec des téléphones portables. D'autres disparaissent, découverte beaucoup plus angoissante que les mises en ligne sauvages, comme le joli film tourné aux Arts Décoratifs, brutalement effacé sans que l'on ne nous en ait avertis ni que l'on sache pourquoi. YouTube permet pourtant de stocker tout ce que l'on souhaite sans coûter un centime ni occuper la moindre mémoire sur nos sites ou nos disques durs. L'éradication laisse un grand trou noir en illustration de mon article d'alors et une certaine amertume devant les usages cavaliers de personnes ou d'institutions avec qui nous avons collaboré. Internet n'est pas un modèle de courtoisie, porteur d'autant de de goujateries qu'ailleurs.

P.S.: au moins le Blog aura servi à quelque chose. Le film tourné par Olivier Souchard a été réintégré sur DailyMotion.


Comme je jetais un œil à ce qui est en ligne, je tombe avec surprise sur une captation linéaire d'une scène du Jardin des Délices que nous avions créé avec Frédéric Durieu et la graphiste Veronica Holguin. Le projet que j'avais initié à Hyptique était resté à l'état de pilote faute de subsides, l'éclatement de la bulle Internet en l'an 2000 ayant pulvérisé toutes nos ambitions dans ce domaine pour un moment. Cherchant une idée pour un CD-Rom adulte, j'en avais eu l'idée le soir-même où nous avions terminé Alphabet. Il s'agissait d'adapter librement le tryptique de Jérôme Bosch.
Nous avions terminé la grande introduction avec navigation parmi les étoiles et les planètes du système solaire (utilisant son système en 2D½, Fred avait poussé la précision jusqu'à les situer à leur endroit exact dans le cosmos !) pour arriver sur la Terre, un globe que les éléments naturels malmenaient brutalement sans atténuer l'effet poétique de ces boules de verre que l'on retourne pour faire tomber la neige. C'était ainsi que Bosch a peint le Jardin lorsque le tryptique est fermé. J'avais fait traduire dans toutes les langues la phrase inscrite tout en haut "Ipse dixit et facta sunt, ipse mandavit et creata sunt" en substituant le pronom personnel "il" par le "on" impersonnel qui correspondait à notre perception du monde à savoir que ce n'est pas Dieu qui crée les hommes, mais le contraire : "Comme on le décide les choses sont faites", les ambiguïtés du Hollandais permettant cette interprétation sacrilège ! Il reste une trace de l'avant-propos avec le module Big Bang où matière et anti-matière se frottent l'une à l'autre pour produire le résidu qui donna naissance à l'univers d'où nous sommes issus, poussières d'étoiles. Le tryptique s'ouvrait après que nous ayons reconstitué son cadre. Nous avions également réalisé la première des sept scènes du Paradis, Forever, qui produit une musique répétitive infinie, différente à chaque redémarrage. Les deux modules Shockwave furent plus tard recyclés avec PixelbyPixel pour former Time. La première scène de l'Enfer du Musicien ne fut jamais complètement terminée. Y défilait l’histoire de la musique pendant qu’un eugénisme imbécile et cruel résolvait avec terreur la question démographique.
Le tableau qui est montré ci-dessus est le seul réalisé du tryptique central dit le jardin des délices proprement dit. Y poussent plantes, fleurs et champignons aux formes plus que suggestives, vulves et phallus suggérés par ces photographies de nature prises en forêt et dans les champs. Le rythme varie chaque minute tandis que des flûtes mélodiques accompagnent les apparitions, on entend les herbes écartées, les caresses portées aux fleurs génèrent des râles de plaisir. Les rythmes de cette forêt d’émeraude y sont moites, les flûtes si calmes qu’elles nous laissent respirer à notre tour… J'ignore comment ce module a pu se retrouver sur YouTube. Il ne fonctionne qu'en OS9 et n'a jamais été commercialisé. Il s'agit probablement d'une personne à qui nous avions offert l'un des exemplaires du pilote... Quoi qu'il en soit, il est préférable que les œuvres circulent plutôt qu'elles disparaissent sous prétexte de protection !

vendredi 5 février 2010

Epitaph, œuvre posthume de Charles Mingus pour un orchestre de 30 musiciens


Charles Mingus est l'un de mes compositeurs préférés, et certainement celui que je place en tête parmi les jazzmen, n'en déplaise à l'orthodoxie ellingtonienne. Je parle ici d'invention musicale, d'architecture, d'un monde à part, celui qu'il fait sien. Il fut le seul compositeur qu'Un Drame Musical Instantané se risqua à jouer pour un concert entier, faisant le pari fou d'adapter intégralement le sublime disque en grand orchestre Let My Children Hear Music pour notre trio (1 2 3) ! Les seuls autres exemples furent Henri Duparc, Hector Berlioz et John Cage, mais nous ne les jouâmes que le temps d'un unique morceau.
Découvrir une œuvre de Mingus de plus de deux heures pour un orchestre de 30 musiciens tient du miracle. Le contrebassiste l'avait intitulée Epitaph sachant qu'elle ne serait probablement pas jouée avant qu'on l'enterre. Il faudra même encore attendre dix ans après sa mort, qu'il appelait son illusion paranoïaque, pour l'entendre enfin. Si l'on en suit la genèse, une première tentative échoua lamentablement en 1962. À l'écoute des 18 mouvements de cette suite composée sur une très longue période qui se confond approximativement avec la vie même du musicien je ne peux m'empêcher de penser au Skies of America d'Ornette Coleman et surtout au père de la musique américaine, Charles Ives, mon compositeur de prédilection. Le début du concert au Lincoln Center de New York peut paraître un joyeux foutoir à qui ne connaît pas les expérimentations mingusiennes les plus échevelées, mais l'écriture est justement complexe et rassembler une pareille brochette de stars n'a pas dû être simple pour les répétitions. L'excellence des solistes n'en fait pas toujours les meilleurs musiciens de pupitre, mais la fougue est là, le souffle continue.
Appréciez la distribution égrainée comme un collier de perles précieuses : George Adams (sax ténor), Phil Bodner (hautbois, cor anglais, clarinette, sax ténor), John Handy (clarinet, saxophone alto), Dale Kleps (flute, contrabass clarinet), Michael Rabinowitz (bassoon, bass clarinet), Jerome Richardson (clarinette, alto saxophone), Roger Rosenberg (piccolo, flûte, clarinette, sax baryton), Gary Smulyan (clarinette, sax baryton), Bobby Watson (clarinette, flûte, sax soprano et alto)... Pour les trompettes : Randy Brecker, Wynton Marsalis, Lew Soloff, Jack Walrath, Joe Wilder, Snooky Young... Aux trombones : Eddie Bert, Sam Burtis, Urbie Green, David Taylor, Britt Woodman, Paul Faulise (basse) et au tuba, Don Butterfield. La section rythmique comprend Karl Berger (vibraphone, cloche), John Abercrombie (guitare), Sir Roland Hanna et John Hicks (piano), Reggie Johnson et Ed Schuller (contrebasse), Victor Lewis (batterie), Daniel Druckman (percussion) et, last but not least, Gunther Schuller dirige cet All Stars !
Si les pièces sont variées, elle reflètent bien la musique de Mingus, son assomption de l'histoire du jazz comme ses visées expérimentales, lointaines cousines de Stravinsky et Varèse. Schuller est le garant de l'unité et nombreux des hommes qui l'ont secondé sont là pour payer leur tribut à un musicien qui en a bavé des ronds de chapeau toute sa vie et a su innover jusqu'au bout. Ils raniment la flamme le temps d'un mémorable concert qui ne sera pas facile de reproduire. On regrette seulement qu'il manqua toujours aux compositeurs afro-américains les moyens nécessaires à leur épanouissement. Rares encore sont ceux à qui l'on commande une œuvre pour orchestre. La musique contemporaine gagnerait à noircir ses rangs comme à les féminiser. Les révolutions musicales passent aussi par des bouleversements sociaux indispensables. Il ne suffit pas d'élire un Noir à la Maison Blanche pour que l'Amérique s'affranchisse de sa ségrégation. Epitaph est une petite victoire. Il en faudra encore beaucoup d'autres pour changer le monde.
Enregistrée en 1989, l'œuvre n'est sortie que récemment en DVD et en CD. N'ayant encore reçu que le premier j'ai regardé le concert en attendant de fermer les yeux avec le CD...

jeudi 4 février 2010

La Tentation d'Antoine


Antoine rêve du Grand Chelem : terrasse au soleil + vue sur l'océan + Wi-fi ! Nous nous promenons deux heures trente sur les rochers, sur les crêtes, dans le centre-ville qui ressemble au village du Prisonnier transformé en maison de retraite, nous arpentons les rues, nous montons les marches, descendons les pentes, pour atterrir enfin chez Dodin, le café attenant au Casino de Biarritz pour la totale. Devant nous, les vagues jouent la basse continue tandis que nos doigts rythment le chœur des passants. Le miracle ne dure pas, le soleil se cache derrière les hautes bâtisses qui surmontent la plage, le vent froid se relève de la sieste et l'heure de l'envol sonne au portable. Attention : "Sous le nom de Sciences, le démon dévoile à Antoine les secrets de l'univers..."
En quelques heures nous avions vu la montagne (neiges éternelles sur les Pyrénées), la campagne (sur la route), la mer (jusqu'au Pays Basque) et nous avions pris l'air (EasyJet). Si nous n'avions aimé ni les unes ni les autres, vous savez bien ce qu'il nous restait à faire !

mercredi 3 février 2010

Divagations paloises


Traverser héroïquement la route nationale pour acheter le journal ne laissait rien présager de la journée qui venait de commencer. L'installation de Nabaz'mob s'était passée comme une lettre à la poste. Équipe diligente et efficace. Intendance délicate et prévenante. Nous étions choyés. Installés dans les anciens abattoirs de Billère près de Pau, les lapins, pourtant peu friands de ce genre d'endroit, semblaient heureux de se retrouver tous ensemble après un mois d'hibernation. Nous les avions disposés cette fois en arc de cercle sur sept podiums en pyramide dans un espace acoustique pendrillonné agréable, face à des gradins en bois. Tout l'après-midi, nous enchaînâmes interview sur interview, presse papier, télévision, radio, webTV, etc. Les questions avaient beau être toutes aussi motivantes, je tentai d'éviter la répétition en inventant sans cesse de nouvelles facéties, jeux de mots lagomorphes et références philosophiques de plus en plus profondes. Entendre par là une plongée dans les abysses de la nature humaine. Car si notre opéra évoque le contrôle et le chaos, la parabole démocratique devenait de plus en plus épineuse, dévoyée de son sens par la manipulation médiatique. Je ne pouvais m'empêcher d'interroger la question du pouvoir et les abus inévitables qu'il engendre. Remontant jusqu'à des temps immémoriaux, j'évoquai la fâcheuse habitude de notre espèce à asservir toutes les autres. Notez au passage que chaque fois que l'un des cent lapins est tombé (momentanément !) en panne, le public pense que s'il ne fait rien, c'est qu'il doit être le chef d'orchestre, le patron !
La lecture de L'enquête, tome 2 de L'affaire des affaires, bande dessinée de Denis Robert scénarisée par Robert et Yan Lindingre et illustrée par Laurent Astier, a certainement aiguisé mon sens critique. Loin derrière l'écran de fumée des rivalités Sarkozy-Villepin que la presse nous vaporise en gaz anesthésiant, la BD me permet enfin de comprendre ce qu'est une chambre de compensation, depuis sa vitrine légale jusqu'à son rôle occulte de blanchisseur. Banque des banques, intermédiaire pour tractations secrètes, une société de transit comme Clearstream (son nom est explicite !) en sait plus que quiconque sur la marche des affaires et, plus grave, sur celle des États. Au faîte du marché de l'armement comme de celui de la drogue, deux commerces sans lesquels les États-Unis ou la France s'écrouleraient corps et biens, susceptible d'en révéler le pire, elle est quasi intouchable. Un journaliste pugnace vivra-t-il assez longtemps pour prouver l'escroquerie politique et sociale et acceptera-t-on de le croire tant le scandale bouleverserait l'équilibre du monde ? Si vingt personnes le contrôlent, ce ne sont pas des individus, mais des postes dont les titulaires sont remplaçables. Les véritables marionnettes ne se produisent pas sur Canal +, elles incarnent leurs propres rôles au plus haut sommet des États. Notre silence nous rend par ailleurs complices de ce qu'il est coutume d'appeler le complot, mais qui n'est rien d'autre qu'une gigantesque arnaque à l'échelle de la planète. Plus c'est gros, plus ça passe ! On comprendra donc que nos réponses débordèrent largement le cadre d'un spectacle dont le succès populaire ne faisant que grandir nous laisse pantois. Très jeune, j'avais bien imaginé que la notoriété et le propos de mon travail me permettraient de prendre la parole sur les sujets douloureux qui me révoltaient...
À peine notre dernière pirouette effectuée devant l'interviewer zélé que le public se pressait au vernissage organisé par le Pôle Culturel Intercommunal et Accès(s). Des jeunes filles qui avaient glissé leurs propres Nabaztag parmi notre centurie pour les prendre en photo nous demandaient de dédicacer leur animal de compagnie. Des amateurs d'art nous sollicitaient pour des soirées privées. Des élus évoquaient les projets en devenir. Des enfants gambadaient. Nous regardions et écoutions notre œuvre l'œil attendri, l'oreille dressée. Je me demandais bien de quoi j'allais parler, épuisé et frigorifié.

mardi 2 février 2010

Un Américain pas tranquille


Jonathan Rosenbaum, ex-journaliste au Chicago Reader prétendument à la retraite, encensé par nombreux cinéastes comme Jean-Luc Godard, auteur entre autres du passionnant Mouvements : Une vie au cinéma (Moving Places: A Life in the Movies), dont le site est à la fois une mine d'archives de ses écrits et un blog dont l'actualité permet de découvrir sans cesse des perles anciennes ou contemporaines, en particulier en DVD, a récemment publié un livre broché sur la rétrospective de comédies américaines transgressives qu'il a présentée à la dernière Viennale, le Festival du Film International de Vienne en Autriche. Cet "Américain pas tranquille", qui lui a donné son titre éponyme, The Unquiet American, en référence au célèbre roman critique de Graham Greene, The Quiet American (Un Américain bien tranquille), ne mâche pas ses mots, ne fait jamais dans le "politiquement correct", creuse ses sujets dans des déserts inexplorés, remonte les chemins battus à rebrousse-poil et sait garder son indépendance de vue dans un paysage critique de plus en plus convenu.
Les 184 pages, agréablement illustrées, sont en anglais pour le programme des 55 films choisis dont il s'explique avec un humour caustique et une conscience politique sans ambiguïté, et bilingues (traduction allemande) pour les textes critiques repris, corrigés ou inédits. Si je suis ravi de partager une partie de ses goûts pour des œuvres mésestimées comme Hellzapoppin ou Les 5000 doigts du Dr T, je suis excité de découvrir des films dont j'ignore tout, soit parce que je suis passé à côté sans les voir, soit par leur absence de distribution en France. Rosenbaum se défend tout d'abord de participer lui aussi à la promotion de l'industrie du cinéma de la plus grande puissance mondiale, véritable ligne de front de l'impérialisme américain, alors qu'il existe tant des chefs d'œuvre inconnus partout ailleurs sur la planète. S'il finit par céder à la demande des organisateurs Hurch et Horwath, il pervertit le sujet en choisissant la transgression comme angle d'attaque.
Ainsi classe-t-il sa sélection en cinq catégories subjectives : les Américains à l'étranger (The Three Caballeros, un des Disney les plus expérimentaux avec la Danse des éléphants de Dumbo, The Fountain of Youth, rare comédie d'Orson Welles tournée pour la télévision, La huitième femme de Barbe-Bleue de Lubitsch, Avanti! de Billy Wilder, Les hommes préfèrent les blondes de Hawks, Ishtar d'Elaine May, réalisatrice de films dits commerciaux qu'il souhaite réhabiliter, Mr Freedom, bijou pop de William Klein, Matinee de Joe Dante), les rapports de classe et tensions ethniques (Christmas in July de Peston Sturges, la comédie musicale Hairspray de l'inénarrable John Waters, Laughter d'Harry d'Abadie d'Arrast, Joan Does Dynasty de Joan Braderman, Chameleon Street de Wendell B. Harris Jr, Rushmore de Wes Anderson, The Heartbreak Kid d'E.May, Lost in America d'Albert Brooks, Bulworth de Warren Beatty), les problèmes culturels (When The Clouds Roll By de Victor Fleming et Theodore Reed de 1919, Artistes et modèles de Tashlin, Down with Love de Peyton Reed, Kiss Me Stupid de Wilder, When Pigs Fly de Sara Driver, When It Rains de Charles Burnett, The King of Comedy de Scorcese, Idiocracy de Mike Judge, Flaming Creatures de Jack Smith...), l'anarchie déconstructive et romantique (1941 de Spielberg, Two Tars de James Parrott, Sherlock Jr. de Keaton et Arbuckle, Real Life d'Albert Brooks, Will Success Spoil Rock Hunter? de Tashlin, des dessins animés de Tex Avery et Chuck Jones, des courts métrages de Owen Land, Adaptation de Spike Jonze...), les dilemmes sexuels (Adam's Rib de Cukor, Hot Times de Jim McBride, The Ladies Man de Jerry Lewis, Turnabout de Hal Roach, Female Trouble de Waters, Lord Loves a Duck de George Axelrod, Monkey Business de Hawks, Seven Chances de Keaton...).
Si je me donne le mal de taper tous ces noms, c'est qu'ils représentent autant de pistes pour le cinéphile et l'amateur désespérément à la recherche de comédies de qualité, autant de biscuits pour l'hiver qui n'est pas près de finir. Suivant ses conseils à l'image près, je pars à la pêche aux inconnus, arpentant les arcanes du Web, fouillant dans les fonds de catalogue, demandant mon chemin à des figurants à la mine patibulaire qui portent bandeau sur l'œil, sabre au clair et fleur au fusil. C'est saignant comme un steak bleu, king size débordant de l'assiette étatsunienne, quand la fâcheuse coutume est de vous le servir trop cuit lorsqu'il atteint les écrans européens.

lundi 1 février 2010

Un livre dont les pages tournent toutes seules


Ce n'est plus un secret. Le 28 avril dernier, Étienne Mineur avait présenté son projet de livres interactifs au volume 8 de Pecha Kucha auquel je participais pour FluxTune. Depuis, j'étais allé lui rendre visite dans les nouveaux locaux des Éditions Volumiques qu'il a fondées avec Bertrand Duplat. Puisque les deux comparses ont des idées à revendre et que les prototypes s'accumulent en attendant que les investisseurs se décident, Étienne m'a demandé de m'occuper du design sonore de livres qui auront recours à l'ouïe. Cette fois je ne sais pas ce que je peux révéler, mais ça décoiffe ! Leur idée est de s'inspirer des nouvelles technologies et de les appliquer au livre, puisque leur première maxime est "In Paper We Trust" (en français, nous faisons confiance au papier). Pour fêter l'année qui s'annonce riche en projets hirsutes, Bertrand et Étienne ont confectionné une carte de vœux sur le modèle de leur livre qui tourne seul ses pages. Ce que vous entendrez en vous rendant sur leur site est le son de l'objet capté par le micro de la caméra d'Étienne, sa mise en branle, ses tournes, mais j'ai composé la sortie de champ en faisant passer une feuille de papier dans mon Eventide qui l'a traitée en temps réel, modeste contribution à un grand œuvre. Que vive l'Arduino ! Le petit film est suivi d'un making of et on peut aussi souscrire à la newsletter. Étienne a ajouté quelques images sur son blog...