Ayant reçu copie d'un reportage réalisé par Marc Helfer pour la télévision finlandaise autour de Nabaz'mob avec entretien au Studio GRRR et extrait du film de Françoise, je me promenais parmi nos bestioles lorsque j'aperçus un enregistrement vidéo en haute définition de notre opéra réalisé par Heinz Sambs (caméra) et Ramsy Gsenger (montage) à l'occasion de notre passage au Musée Lentos de Linz en Autriche pendant le Festival Ars Electronica qui venait de nous remettre l'Award of Distinction 2009 pour la musique numérique. Leur petit montage en fondus rend bien le spectacle que nous avions donné au musée d'art moderne et l'ambiance de la soirée. Il existe nombre de vidéos tournées ici et là, à New York ou Amsterdam, Paris ou Strasbourg (ci-dessus), sans compter les passages au Journal Télévisé et tous les extraits pirates capturés avec des téléphones portables. D'autres disparaissent, découverte beaucoup plus angoissante que les mises en ligne sauvages, comme le joli film tourné aux Arts Décoratifs, brutalement effacé sans que l'on ne nous en ait avertis ni que l'on sache pourquoi. YouTube permet pourtant de stocker tout ce que l'on souhaite sans coûter un centime ni occuper la moindre mémoire sur nos sites ou nos disques durs. L'éradication laisse un grand trou noir en illustration de mon article d'alors et une certaine amertume devant les usages cavaliers de personnes ou d'institutions avec qui nous avons collaboré. Internet n'est pas un modèle de courtoisie, porteur d'autant de de goujateries qu'ailleurs.

P.S.: au moins le Blog aura servi à quelque chose. Le film tourné par Olivier Souchard a été réintégré sur DailyMotion.


Comme je jetais un œil à ce qui est en ligne, je tombe avec surprise sur une captation linéaire d'une scène du Jardin des Délices que nous avions créé avec Frédéric Durieu et la graphiste Veronica Holguin. Le projet que j'avais initié à Hyptique était resté à l'état de pilote faute de subsides, l'éclatement de la bulle Internet en l'an 2000 ayant pulvérisé toutes nos ambitions dans ce domaine pour un moment. Cherchant une idée pour un CD-Rom adulte, j'en avais eu l'idée le soir-même où nous avions terminé Alphabet. Il s'agissait d'adapter librement le tryptique de Jérôme Bosch.
Nous avions terminé la grande introduction avec navigation parmi les étoiles et les planètes du système solaire (utilisant son système en 2D½, Fred avait poussé la précision jusqu'à les situer à leur endroit exact dans le cosmos !) pour arriver sur la Terre, un globe que les éléments naturels malmenaient brutalement sans atténuer l'effet poétique de ces boules de verre que l'on retourne pour faire tomber la neige. C'était ainsi que Bosch a peint le Jardin lorsque le tryptique est fermé. J'avais fait traduire dans toutes les langues la phrase inscrite tout en haut "Ipse dixit et facta sunt, ipse mandavit et creata sunt" en substituant le pronom personnel "il" par le "on" impersonnel qui correspondait à notre perception du monde à savoir que ce n'est pas Dieu qui crée les hommes, mais le contraire : "Comme on le décide les choses sont faites", les ambiguïtés du Hollandais permettant cette interprétation sacrilège ! Il reste une trace de l'avant-propos avec le module Big Bang où matière et anti-matière se frottent l'une à l'autre pour produire le résidu qui donna naissance à l'univers d'où nous sommes issus, poussières d'étoiles. Le tryptique s'ouvrait après que nous ayons reconstitué son cadre. Nous avions également réalisé la première des sept scènes du Paradis, Forever, qui produit une musique répétitive infinie, différente à chaque redémarrage. Les deux modules Shockwave furent plus tard recyclés avec PixelbyPixel pour former Time. La première scène de l'Enfer du Musicien ne fut jamais complètement terminée. Y défilait l’histoire de la musique pendant qu’un eugénisme imbécile et cruel résolvait avec terreur la question démographique.
Le tableau qui est montré ci-dessus est le seul réalisé du tryptique central dit le jardin des délices proprement dit. Y poussent plantes, fleurs et champignons aux formes plus que suggestives, vulves et phallus suggérés par ces photographies de nature prises en forêt et dans les champs. Le rythme varie chaque minute tandis que des flûtes mélodiques accompagnent les apparitions, on entend les herbes écartées, les caresses portées aux fleurs génèrent des râles de plaisir. Les rythmes de cette forêt d’émeraude y sont moites, les flûtes si calmes qu’elles nous laissent respirer à notre tour… J'ignore comment ce module a pu se retrouver sur YouTube. Il ne fonctionne qu'en OS9 et n'a jamais été commercialisé. Il s'agit probablement d'une personne à qui nous avions offert l'un des exemplaires du pilote... Quoi qu'il en soit, il est préférable que les œuvres circulent plutôt qu'elles disparaissent sous prétexte de protection !