En prime time, Arte continue de diffuser des films étrangers en version française (ou allemande) plutôt qu'en version originale. Quelle honte pour une chaîne prétendument culturelle ! Nous avons tenté de regarder la première enquête de Wallander, production anglaise adaptée des romans suédois d'Henning Mankell, mais le doublage est insupportable. Les comédiens français jouent comme s'ils étaient dans une série américaine de l'après-midi. C'est déjà bizarre d'entendre parler anglais plutôt que suédois, mais Kenneth Branagh, excellent dans le rôle de l'inspecteur Wallander, comme la plupart des acteurs anglais y entretient un accent du nord de l'Angleterre. Les somptueux paysages d'Ystad sont les mêmes que dans la série suédoise tournée simultanément, production totalement indépendante de celle de la BBC.
Dans les films correctement doublés avec de bons comédiens bien dirigés, le malaise persiste pourtant. Le test est facile à faire avec un dvd en plusieurs langues. D'une part les voix y sont mixées plus fort, d'autre part l'ambiance qui les entoure n'est jamais soignée comme dans l'original. L'espace dans lequel évoluent les personnages rend plausible la reconstitution. Si la scène se passe en extérieur ou en intérieur, si la pièce est grande ou petite, meublée ou vide, la réverbération n'est pas la même. Dans un film doublé, tout est aplati, au même niveau. Question de budget évidemment. Il est aussi un fait dramatique, ou du moins déterminant, pour comprendre la logique des chaînes de télévision. L'âge moyen d'un téléspectateur d'Arte est passé de 55 à 58 ans, quand sur France 2 on arrive à 64 ans de moyenne ! La nouvelle m'a époustouflé. Les jeunes ne regardent plus la télé, mais ça c'est une autre histoire...
Il reste que voir un film qui se passe en France ou en Suède avec des acteurs américains parlant anglais peut paraître absurde. Cette convention peut néanmoins se laisser accepter si la qualité de la production est à la hauteur, et puis là, par contre, on n'a pas le choix ! Regarder Wallander en doublage français relève du massacre quand la BBC diffuse les six épisodes, trois par saison, en streaming et déjà en DVD. Attention, ceux vendus actuellement en France ne sont pas ceux avec Branagh, mais la production suédoise qui n'a rien à voir.


Après dix minutes du supplice infligé par la version française j'ai donc décidé d'acquérir la version originale anglaise. La qualité de la réalisation de ces premières minutes (ci-dessus la scène d'ouverture) avaient au moins suscité le désir. Tournées avec une caméra Red One, les images somptueuses du sud de la Suède donnent l'impression d'avoir été filmées en 35mm. C'est beau l'image de la Red ! Le premier épisode signé Philip Martin vaut surtout par l'intelligence des plans, leur rythme échappant au découpage frénétique à la mode qui camoufle l'absence de vision ; les angles font sens, les flous entretiennent le climat, les arrière-plans en disent long sur la société, les sous-entendus psychologiques ne nécessitent pas d'être appuyés...
On est loin des séries françaises où la moitié des plans ne servent à rien d'autre qu'à rallonger la durée. Le remarquable travail de Martin qui a chapeauté la série est difficile à suivre par les réalisateurs et réalisatrices qui assurent sa succession. La musique, aussi banale dans sa facture que dans son utilisation, n'est pas non plus à la hauteur. Mais les polars suédois savent entretenir le suspens sans perdre de vue la réalité sociale qui sert de terreau aux affaires criminelles. Les comédiens anglo-saxons travaillent leurs rôles, loin de la paresse hexagonale la plus courante. Il y a une différence énorme entre un cinéaste qui prend parti et les tâcherons qui accumulent les plans. La télévision n'est plus le parent pauvre du cinéma dès lors qu'on laisse le champ libre à l'imagination.