Pour un billet souriant et plein de bonnes nouvelles sautez directement à demain. Car après avoir évoqué la barbarie intrinsèque des hommes j'interroge cette fois notre avenir politique à court terme. La Chine a tant investi aux États-Unis que cela ressemble à un achat pur et simple. Il lui suffirait de quelques jours pour mettre sur les genoux le pays présenté comme le plus puissant de la planète et faire s'écrouler toute l'économie mondiale. Ce n'est pas son intérêt. Si elle a tant investi, c'est bien pour réaliser des affaires, pas pour les faire capoter. Elle exporterait même très bien son modèle politique du parti unique. Le terrain est bien préparé, les Républicains et les Démocrates ne présentant qu'une apparence d'alternative ! N'allez pas croire que c'est mieux ici, nous avons les mêmes... La démocratie n'en a que le nom. Devant cette faillite idéologique que des décennies de stratégie électoraliste ont initiée, l'absence de conscience politique, la nausée qu'inspirent les élus et la misère pourraient accoucher d'une révolution en chemise brune. En attendant, on nous raconte des histoires, le désormais assumé "storytelling". Si le 11 septembre reste une énigme, qui peut encore croire en la figure de Ben Laden, un méchant de série B servant aussi bien la paranoïa étatsunienne que l'orgueil arabe ? Qui peut penser une seconde que Jérôme Kerviel est autre chose qu'un homme de paille ? Qui se souvient des armes de destruction massive irakiennes ? Je pourrais développer, mais à quoi bon ? Les news sont une mise en scène à petit budget de ce qu'on nous fait avaler à l'heure des repas. La société du spectacle n'a jamais si bien porté son nom. L'anecdote cache la gravité des faits. Les chiffres sont bidonnés. La langue de bois avec jeu de manches et révélations pitoyables est devenue un style partagé par tous, mieux, la forme a rejoint le fond ! Rares sont les Arundhati Roy et Naomi Klein.
La Stratégie du choc (Ed. Actes Sud) décrit l'émergence de ce que Naomi Klein appelle le "capitalisme du désastre". Le capitalisme prospère de préférence dans les contextes les plus tourmentés. Un certain nombre de dirigeants politiques, économiques et d'intellectuels ont construit des marchés économiques prospères sur les ruines d'États et de sociétés frappées de traumatismes : le 11 Septembre, la Nouvelle-Orléans de l'après Katrina (expropriations massives, privatisations de services publics et de l’éducation, reconstructions privées, etc.), le tsunami de 2004 (expropriations massives de populations vivant sur les côtes d’Asie du Sud-est, libéralisations et dérégulations commerciales en échanges d’aides occidentales, constructions de complexes hôteliers occidentaux, etc.), l'Afrique du Sud d'après l'apartheid, la Russie d'après la fin du communisme. Jusqu'à parfois susciter ces "désastres" si nécessaires à leur fortune : de la dictature de Pinochet au Chili en 1973 à la guerre en Irak... En 1971 dans Capitalisme et liberté, Milton Friedman, chantre de l'ultralibéralisme, déclarait : "Seule une crise réelle ou imaginaire peut engendrer un changement profond". Quelques heures après le séisme à Haïti, The Heritage Foundation écrivait : "Au-delà de l’assistance humanitaire immédiate à apporter, les réponses américaines au terrible séisme de Haïti offrent d’importantes opportunités de reprise en main du long dysfonctionnement gouvernemental et économique haïtien, tout en améliorant l’image américaine dans la région". Sur le site Arrêt sur images Daniel Schneidermann remarquait "avec quelle rapidité l’image de Haïti se dégrade dans certains médias. Après la compassion avec les victimes, ce sont les « pillages » ou « vols de marchandises » qui sont souvent mis en avant dans la presse internationale. Cela pourrait être assez utile à ceux qui déclareront plus tard : « ils sont incapables et irresponsables »."
La démocratie sert de bouclier à la guerre que mène le capitalisme pour engranger toujours plus de profits le plus rapidement possible. Elle n'en a plus que le nom. La démocratie a été privatisée. Les médias d'information constituent l'un des plus puissants corps d'armée du capitalisme. La mondialisation empêche toute régulation des échanges. Les États subissent les pressions de maîtres-chanteurs (on l'a vu avec la véritable affaire Clearstream, pas le duel bidon entre Sarkozy et Villepin) et sont devenus impuissants. Si la grève devait être générale, il faudrait qu'elle touche toute la planète. D'un côté nous risquons un ras-le-bol poussant les classes laborieuses dépitées dans le lit d'une nouvelle forme de fascisme, de l'autre jamais le travail de proximité n'aura été aussi indispensable. Les associations peuvent se substituer aux syndicats affaiblis et dépassés, quitte à se regrouper pour faire front commun devant les assauts cyniques de la réaction. Cet accord devra se faire mondialement, car les clivages n'ont jamais été nationaux, raciaux ou religieux comme ont toujours voulu le faire croire les classes dirigeantes, mais sociales. Il est chaque jour plus urgent que les travailleurs exploités de tous les pays s'unissent pour résister au saccage systématique des ressources de la planète, humaines, mais aussi naturelles. Je fais attention de séparer les deux, puisque là où l'homme passe la nature trépasse.