J'adore recevoir du courrier. Très tôt le matin je traverse le petit jardin pour aller chercher Libé dans la boîte aux lettres. Il m'arrive d'y aller pieds nus, même lorsqu'il neige. Que la factrice commence sa distribution par le trottoir d'en face et les pâtés de maison qui s'y raccrochent me fait pester. Parfois je l'attrape au passage. Elle est sympa. Le plus souvent j'attends 10h30 avant de retourner voir. Le samedi et le lundi il n'y a jamais grand chose. Service minimum. On n'échappe pas aux factures, c'est donc le reste qui m'intéresse. Si les colis sont trop gros pour la spacieuse boîte homologuée, le facteur spécial camionnette peut sonner à n'importe quelle heure tant que c'est le matin. Si c'est Fedex ou, pire, UPS, alors là c'est n'importe quand, n'importe comment, n'importe quoi ! Comme Françoise est abonnée au Monde la boîte est rarement vide, mais je biche vraiment lorsqu'elle déborde. Cela signifie qu'il y a des paquets avec des bouquins, des disques, des films ou je ne sais quoi.
Hier le colis était long et plat. Pas une taille ordinaire, 38 x 27 cm. L'exemplaire de la plaquette d'Eric Vernhes porte le n°32 sur 150. Les 29 pages sur épais papier glacé couleurs sont accompagnées d'un DVD de 14 minutes, compilation habilement montée des improvisations live du vidéaste au cours de ses collaborations. Bizarrement je rate le nom des musiciens à la fin du film, mais je crois reconnaître Serge Adam à la trompette, Benoît Delbecq et peut-être Marc Chalosse aux claviers, Gilles Coronado à la guitare. Je suis troublé par l'air de famille de ce que j'entends avec la musique d'Un Drame Musical Instantané à la fin des années 80 quand nous avions à peu près la même formation. C'est très émouvant. Le rubato des images colle au son comme celle d'un rêve vécu au quotidien, une sorte de distorsion du réel sans que l'on ait besoin de s'enfiler des psychotropes. Les images imprimées de Rester évoquent un monde intérieur projeté sur l'écran au fur et à mesure que le temps s'écoule. L'auteur, sur la page de garde de l'objet dans son écrin de carton noir, décrit au crayon blanc les choses "en vrai" qu'il m'invite à voir dans son atelier, sa nouvelle bibliothèque indémontable en acier massif et un couple de souris blanches.