Je rêve d'un film en 5.1 où les sons diffusés derrière les spectateurs les inciteraient à tourner la tête pour qu'ils ratent ce qui se passe sur l'écran, rajoutant du suspense, de la frustration et du désir. Je rêve d'un film en 3D où les images viendraient vous chercher sur votre fauteuil en vous chatouillant le nez, des personnages qui sortiraient de l'écran pour venir vous susurrer des choses à l'oreille, comme une traversée du miroir. Je rêve d'une chaîne de télévision généraliste où toutes les émissions seraient en direct, mettant en scène le réel et ses aléas. Je rêve d'un spectacle en public où chaque représentation serait radicalement différente, on appellerait cela improviser. Je rêve d'un disque dont on aurait envie d'accrocher la pochette au mur comme un tableau. Je rêve d'un orchestre qui accompagnerait les informations en direct, analysant la fiction à l'œuvre dans le 20 heures par une dramatisation épique des événements. Je rêve que les speakers se mettent à chanter pour casser leur immuable et uniforme prosodie. Je rêve de danses qui poussent à se toucher. Je rêve de livres tels que l'on ne puisse s'empêcher de les lire à haute-voix. Je rêve que les villes trouvent chacune leur style d'urbanisation sonore, que leurs murs se parent de couleurs, que les objets du quotidien devenus customisables rivalisent de fantaisie. Je rêve que l'on apprenne à se servir des merveilleux outils qui sont les nôtres. Je rêve de trouver chaque jour une nouvelle idée pour pouvoir continuer à écrire. Je rêve de choses plus graves et d'autres plus légères. Je rêve d'avoir toujours la patate pour aborder les premières. Je rêve de prendre le temps de profiter des secondes. Je rêve que les capitalistes aient une autre solution que la guerre pour sortir de la panade. Je rêve que les populations les renversent avant la catastrophe.

Diapo-montage, 1965.