70 avril 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 30 avril 2010

Poseurs de lapins


Les transporteurs restent fidèles à leur réputation. Voilà deux jours que nous attendons nos lapins partis de Bucarest lundi après-midi. Âne, mon sieur âne, ne vois-tu rien venir ? Mon mur carotte devrait pourtant les attirer ! À l'aller le chauffeur s'était présenté à la maison sans prévenir alors que le clapier est situé dans une autre ville, à vingt-cinq minutes d'ici. Je ne comprenais rien à l'interphone, en plein travail au studio j'ai bien failli ne pas lui ouvrir. C'est chaque fois une galère. Nos petits rongeurs sont censés s'envoler pour les Amériques où ils sont attendus pour ouvrir le Festival de Victoriaville, mais c'est moi qui me ronge les sangs, n'osant pas sortir en attendant la livraison. C'est fou le nombre de jeux de mots que suscitent nos bestioles qui se reproduisent à chaque voyage tant on nous pose de lapins. Nous aurions mieux fait de composer un opéra pour 100 tortues.
Nous apprenons à l'instant que le chargement est parti en Hollande et n'arrivera à Paris que lundi. On va encore les retrouver anémiés, le gouda ou l'edam ne pouvant faire illusion car le seul fromage orange est la mimolette fabriquée dans la région lilloise.

jeudi 29 avril 2010

Une histoire populaire de l'empire américain


La prolifération de bandes dessinées politiques à contenu historique fait penser aux illustrés de propagande avant l'avènement des actualités cinématographiques et de la télévision. Je tiens ainsi de mon père un exemplaire de 1912 de L'Alsace heureuse de Hansi qui n'est pas piqué des doryphores. Il est de véritables chefs d'œuvre tel Maus d'Art Spiegelman (Prix Pulitzer 1992), des sagas autobiographiques tel Persepolis de Marjane Satrapi, des reportages impliquant directement des journalistes tels Le photographe de Didier Lefèvre (décédé prématurément en 2007) ou Gaza 1956 de Joe Sacco, des enquêtes pamphlétaires tel L'affaire des affaires de Denis Robert, etc. Certains sont des adaptations de livres existants tel Une histoire populaire de l'empire américain de Howard Zinn (disparu le 21 janvier dernier), les autres ayant été pensés à l'origine dans leur format actuel. Les meilleurs réunissent un dessin original qui colle au propos, un scénario digne des meilleurs romans et une mise en page tenant compte des tournes, tandis que les pires joueront le rôle de vulgarisateurs auprès de jeunes lecteurs qui ne sont pas encore passés à la lecture proprement dite. J'en fais momentanément partie.
Le volume 2 du livre de Denis Robert me donna envie de continuer mes recherches sur le Net ou dans d'autres ouvrages, et je finis par comprendre grâce à lui comment fonctionnent le blanchiment de l'argent sale et les pouvoirs limités des États entre les mains des maîtres-chanteurs de la finance. Le résumé illustré de Howard Zinn, réalisé en collaboration avec le dessinateur Mike Konopacki et l'historien Paul Buhle, tient plus du livre d'histoire en bandes dessinées, mais il a le mérite de révéler des pans cachés ou méconnus de l'histoire américaine, depuis le massacre des Indiens à Wounded Knee jusqu'en 1980 lors de la chute du Shah d'Iran. On reconnaît avec effroi que la politique expansionniste américaine n'a pas changé depuis sa fondation, s'appuyant toujours sur le crime, le parjure, l'injustice, la guerre et le colonialisme. Étouffer ces pages d'Histoire, c'est la reproduire éternellement jusqu'à la catastrophe inévitable, puisque tous les empires finissent toujours par s'effondrer dans la honte et la déchéance. Il est passionnant de découvrir les révoltes des esclaves et le mouvement des Noirs contre le racisme et pour les droits civiques, la résistance des ouvriers et des syndicalistes contre le Capital, le combat des femmes contre le patriarcat, les guerres incessantes de Cuba aux Philippines, du Vietnam à la péninsule arabe, les ingérences en Amérique du Sud comme dans tous les pays du monde. Même si l'on est vaguement au fait de tout cela, l'ouvrage nous éclaire sur maint détail à nous en laisser pantois. Aucun doute n'est permis sur les méthodes monstrueuses et illégales des gouvernements américains successifs depuis des décennies. Les complots fomentés par la CIA sont légion et qui en doute peut se poser la question de son utilité sinon ! Leurs archives ont le mérite d'être déclassifiées plus rapidement qu'en France... Savoir enfin que la résistance existe toujours où que s'exercent l'horreur et la répression est facteur d'espoir. À condition de vivre debout.

mercredi 28 avril 2010

Treme, le swing de la Nouvelle Orléans après Katrina


Jonathan me signale la nouvelle série dont on parle sur la télévision américaine. Tremé est le quartier de la Nouvelle Orléans où se passe l'action trois mois après le passage de l'ouragan Katrina en 2005. Il s'agit plus exactement d'une situation, étude réaliste d'une communauté qui résiste à sa disparition. La musique donne le ton, fanfares, jazz-bands, rappers, DJ avec un entrain dont auront bien besoin les protagonistes pour reconstruire leur ville abandonnée par les autorités, dèjà avant la catastrophe, et pour cause. Créée par David Simon à qui l'on devait déjà The Wire et Eric Overmyer qui y avait collaboré, Treme risque de devenir un nouveau succès. Au delà de la musique omniprésente, Simon aborde la corruption politique, le scandale des logements municipaux, le système judiciaire, les heurts entre policiers et "Indiens" du Carnaval, ainsi que les enjeux de l'industrie touristique après la tempête.


Parmi la foule de bandes-annonces qui ont envahi YouTube, j'ai sélectionné cette deuxième peut-être à cause des musiciens. On y aperçoit Elvis Costello, Allen Toussaint, Dr John, Kermit Ruffins et bien d'autres. Consternant pour une production capable d'aborder des sujets aussi chauds, les bandes-annonces succombent au caviardage des fucking words que la série ne peut s'interdire tant le traitement cherche l'authenticité, y compris dans les jargons et les accents. En cela, les sous-titres anglais seront indispensables, même à de nombreux Étatsuniens ! HBO, fidèle à ses habitudes, met en ligne un site rempli d'informations, entretiens, reportages, extraits, photos, et même la liste des morceaux joués dans chaque épisode dont certains évidemment achetables en ligne... Seulement trois épisodes sur les dix de la première saison ont été diffusés aux États Unis, mais on sait déjà qu'une seconde est en production. Pour ce que j'en ai vu et entendu, les amateurs de jazz seront comblés. La fiction réussit là où Spike Lee s'était planté par trop de complaisance et manque de rythme avec son lourdaud documentaire When the Levees Broke. Ici, jazz, funk ou rap, ça swingue d'enfer ! À suivre.

mardi 27 avril 2010

Clichés de Bucarest


Quatrième et dernier billet sur Bucarest. Rentré tard à la maison, je commence par nourrir Scotch qui a les crocs. Je lui montre le buste d'un cousin aux canines cachées sous ses bacchantes, Vlad Ţepeş, qui inspira Bram Stocker pour son Dracula. La statue trône dans une fouille près du quartier de Lipscani. Nous tentons désespérément de faire des courses pour rapporter un truc sympa de Roumanie. En nous baladant, nous nous interrogeons sur l'utilité des colonnades couronnant les immeubles néo-classiques le long des grands boulevards.


Finalement, Bucarest est un peu triste. Les quelques souvenirs sont calibrés pour les touristes et les magasins authentiques ont fait place aux grandes chaînes de distribution et aux marques internationales. Prêt-à-porter, alimentation, électro-ménager, jouets, joaillerie, etc., sont formatés comme presque partout sur la planète. Les rares machins typiques sont plus que ringards. Le nombre d'échoppes de mariage est stupéfiant. J'aurais bien aimé rapporter quelques disques de musique tzigane à Elsa, mais nous avons l'impression qu'ils sont parqués dans quelque quartier où nous n'aurons pas le temps d'aller. Serait-ce un monde parallèle ?


Antoine n'aime pas beaucoup les photos. Il ne les garde ni ne les regarde. Solidaire de mes lubies, il m'épinglera tout de même devant le palais du Parlement sous le soleil de printemps. On reconnaîtra mes no-shoes qui laissent penser que je suis à bascule, mais les MBT me donnent seulement l'allure de Jacques Tati lorsque j'avance. À l'arrière-plan l'édifice est trop démesuré pour figurer entièrement sur le cliché. Voilà, nous avons atterri. Les lapins sont en route pour Paris d'où ils s'envoleront pour le Québec. Je suis à peine arrivé que le travail se presse au portillon...

lundi 26 avril 2010

Ni dieu ni maître


Je craignais être le seul parano à voir le show du Dictateur. Un master of ceremony américain galvanisait la foule des spectateurs, plagiant les trucs des prêcheurs évangélistes pour entraîner les petites brebis dans la transe. Homme orchestre sans instruments, mais avec pédales d'effets sur sa voix et sur les rythmiques préenregistrées plus sub-basses si affinités. J'ai trouvé une paire de boules Quiès au fond de ma poche, probablement d'un précédent festival. Dan Deacon ressemble à un moniteur du Club Med, mais à l'américaine ! Le rituel est super en place, signes de connivence avec les plus partis, démagogie 100% coca, les bidouilles lumineuses bricolées et les bras levés me faisaient penser à Metropolis. C'est packagé maxi concept par un gros américain chauve qui se trémousse à mort, pressé par la foule sur le plancher-même de la danse. Quasi freudien ! On comprend bien les catastrophes qu'ont pu produire sur les foules le timbre d'une voix, une intonation particulière, éclairés par les ors des jeux du cirque.
Politiquement tout le contraire de ce que nous racontons avec notre opéra. Les 100 lapins gardent même une distance avec la partition qui ne laisse place à aucun centralisme, fut-il démocratique ! Ni dieu ni maître. Sans faire tout ce bruit. Pianissimo comme à chaque représentation, la meute questionne l'organisation du chaos et l'abandon du contrôle. Belle représentation quasi acoustique avec seulement quatre microphones pour reprendre l'ensemble. Lorsque l'on nous demande si ça va, nous répondons que nous nous adaptons. La salle hyper réverbérée nous convenait mieux qu'à un orchestre avec batterie comme Turzi, du Pink Floyd noisy joué avec fougue par des "génération techno". Comme cela se passait dans le palais du Parlement c'était bourré de flics en uniformes, ce qui n'empêchait pas de jeunes Bucarestois de s'envoyer dans les airs à deux pas avec de la locale.
Autre ciel promis, trois jeunes prostituées attendaient les hommes seuls à la réception de l'hôtel. Le cliché Europe de l'Est finit par réduire le paysage. S'il n'y avait les responsables du festival on pourrait croire à une carte postale délavée. Leur dynamisme et leur gentillesse font oublier certains aspects surréalistes de notre voyage. J'ai fait un grand sourire aux filles pour décliner l'invitation, mais j'ai pensé au travail, au leur, deux airs, tandis que je montais m'éclater en tapant sur mon clavier au lieu d'aller me coucher.

dimanche 25 avril 2010

La folie des grandeurs


La fenêtre de ma chambre donne sur le palais du Parlement, 1100 pièces réparties sur 350 000 m², 12 étages et peut-être autant en sous-sol. C'est là que sont entreposées les archives secrètes roumaines, allez savoir ce qui s'y passe aujourd'hui ! Nos lapins joueront au-dessus, dans l'aile ouest, modernisée avec ascenseurs de verre et métal comme il se doit. L'ancienne "Maison du Peuple" construite par Ceauşescu abrite le parlement, le sénat, un espace dédié au totalitarisme et au réalisme socialiste, le siège de la Southeast European Cooperative Initiative, organisation intergouvernementale contre le crime international, et le Musée National d'Art Contemporain où le festival Rokolectiv poursuit ses aventures avec, entre autres, une représentation de Nabaz'mob en début de cette troisième et dernière soirée.


Depuis la terrasse du musée, je photographie le parc désert, contre-champ aussi démesuré que la pâtisserie étouffe-chrétiens de style néoclassique qui nous accueille. La religion a mieux résisté au temps que ce qui fut abusivement nommé communisme. Ce n'est pas un gage de qualité. La corruption et la spéculation immobilière, fruits du libéralisme, s'en accommodent parfaitement. De quoi nous protègent les quatre crucifix qui pendent au pare-brise du taxi ? Il ne manque que la gousse d'ail. Bucarest est au croisement des différentes influences que le pays a subies et c'est aussi ce qui fait son charme. La gentillesse des organisateurs compense les manques techniques qui nous épuisent.
Le soir, pendant que j'écris ces lignes, après avoir discuté au bar avec les musiciens français de Turzi, un groupe de rock psychédélique qui se revendique de mes jeunes années en les réactualisant à leur sauce, j'écoute la retransmission sur TV5 du Dialogue des Carmélites. Cette pure merveille de Francis Poulenc, l'un de mes compositeurs français préférés et largement sous-estimé, interroge la raison d'être et, par conséquent, la mort, notre mort, ma mort... Qui à son tour aura donné son sens à ma vie, son cadre et ses limites... Les mélodies sublimes annoncent les mélodrames (étymologiquement "drame en musique") de Jacques Demy. Un opéra sur la Terreur et sur la foi qui se termine par une exécution, c'est de circonstance ! Avant que le sommeil m'emporte, la guillotine qui fait taire ces femmes les unes après les autres me fait tourner la tête.

samedi 24 avril 2010

Au pays des vampires


Pas de doute, nous sommes bien arrivés en Roumanie, la patrie des vampires, mais la photographie dans le miroir semble indiquer que nous n'avons pas encore été totalement contaminés ! Dès que nous avons mis le pied dans l'Airbus de la Tarom, le monde a basculé. Les consignes de sécurité passaient en boucle, déversant leur son en un puissant flot continu. Bien que ce soit l'heure du thé on nous servit un vrai repas avec la viande blanche baignant dans le poivron rouge. Je m'endormis sur le quatrième chapitre de La fin des temps que m'avait justement conseillé Antoine dont c'est un des livres préférés.
Nous comprenons vite que nous sommes en terrain méridional. Les Roumains conduisent comme des Italiens. De jeunes étudiants nous confient regretter l'époque communiste qui ne comptait aucun SDF. Dans le centre de Bucarest, les terrasses des cafés débordent de jeunes gens, mais il est difficile de trouver un restaurant. Nous finissons par tomber par hasard sur Caru' cu bere, une gigantesque brasserie qui sert des spécialités locales. Je choisis de délicieuses feuilles de vigne farcies et fumantes, nappées de crème fraîche légère et accompagnées de polenta et d'un piment vert à vous emporter la gueule.


Deux mâles français à l'étranger matent forcément les filles. Elles sont incroyablement jolies et... très jeunes. Pas de chichi, pas de maquillage outrancier, une simplicité et une atmosphère tendre qui fait plaisir à voir. J'ai beau être du signe du dragon qu'en roumain on traduit "dracul", je ne mords pas. Pourtant ma chemise à fleurs et la pancarte "Artiste" pendant au bout d'une chaîne en métal que les organisateurs du festival m'ont accrochée autour du cou me fait ressembler à un Tzigane sur son 31 ! Ce n'est pas forcément une bonne idée, on sent pointer un fort rejet de cette population parmi les Roumains pourtant sympathiques et ouverts.
Le Festival Rokolectiv revendique la musique électronique, mais la programmation sonne très pop. Cette souplesse est loin de me déplaire. À l'entrée, les sponsors arrosent cette jeunesse, particulièrement les filles, de paquets de Marlboro, rendant l'air vite irrespirable dans la salle de concert. Je rentre sagement à l'hôtel dont ma chambre donne sur l'incroyable ancien palais de Ceauşescu, un monument gigantesque qui fait passer les pâtisseries mussoliniennes pour des cabanons.

vendredi 23 avril 2010

Vol pour Bucarest


Il semble que nous allons finalement pouvoir nous envoler pour Bucarest où nos lapins jouent dimanche au Festival Rokolectiv dans l'ancien palais de Ceauşescu transformé en Musée d'Art Contemporain (MNAC). Les catastrophes naturelles narguent la vanité de l'homme qui croit toujours qu'il est le seul à être capable de sauver ou détruire la planète alors que la nature s'en charge très bien toute seule. Nous craignons nos démences quand une simple météorite pourrait avoir raison de tout. Il est certain que les centrales nucléaires endommagées n'arrangeraient pas les choses ! L'accalmie de ces derniers jours aura-t-elle permis de vider le cendrier ?
C'est en regardant le procès et l'exécution truquée de Ceauşescu fin 1989 que nous avons pris conscience du bidonnage systématique de la télévision. Les images ne collaient pas avec le commentaire, question de logique et de balistique. Depuis ce Noël avec Brigitte et Pere en Catalogne je ne regarde plus les actualités télévisées. À moins que ce ne soit dans le but de faire la démonstration de l'entreprise de manipulation, corps d'armée de la communication des états ou des possédants dont ils sont les valets ! Aujourd'hui on entend souvent Internet accusé de propager de fausses nouvelles, mais la télévision et la presse écrite n'ont pas toujours vérifié leurs sources et sont, de plus, inféodées aux canaux de transmission officiels des informations et à leurs actionnaires. Les Hoax sont légion, mais leurs démentis peuvent aussi s'avérer politiquement orientés. Seule la logique et une étude impartiale et minutieuse peuvent permettre d'identifier les falsifications de l'histoire sans pour autant nous rapprocher de la vérité. Nous ne sommes pas grand chose face aux intérêts économiques en jeu !
Quant aux 100 lapins de Nabaz'mob, si naïfs dans leur velléité de croire pouvoir jouer ensemble, nous évitons de leur montrer La règle du jeu, un des films de Jean Renoir évoqués hier, à cause de la scène de chasse où l'un d'eux se fait tirer comme un... C'est dommage, le film est une remarquable démonstration du consensus social et des risques de l'enfreindre.

Photo : Valéry Faidherbe

jeudi 22 avril 2010

Oui, mais dès l'aurore tous leurs chagrins s'évaporent


Tout guilleret d'avoir récupéré mon Revox PR99 qui me permettra de numériser la suite de mes archives pour mon projet de nouvel album, je vous offre l'enregistrement de la chanson de 1932 dont j'ai retranscrit le texte hier, Les fleurs du jardin chaque jour ont du chagrin. J'ai conservé le dialogue entre les deux couplets, toujours aussi remarquable chez Renoir, conscience de classe oblige !


J'apprécie beaucoup la musique in situ dans les films plutôt que lorsqu'elle vient du ciel ! Jean Renoir s'en est beaucoup servi, ici la chanson fredonnée par Anne-Marie juste avant que Boudu ne soit sauvé des eaux et reprise de lèvres en lèvres comme une obsession tout au long du film, l'orphéon municipal pendant la remise de décoration à Lestingois, le clavecin du théâtre d'ombres de La Marseillaise, la Danse Macabre martelée au piano suivie du limonaire de La règle du jeu, le phonographe du premier plan de La grande illusion sur lequel Jean Gabin écoute Frou Frou (photo ci-dessus) qu'il susurrera ensuite plusieurs fois, le cancan et l'hymne national interdit interprétés par les prisonniers déguisés en femmes, les chansons à boire du Crime de Monsieur Lange, l'orchestre de bal de La bête humaine, etc. Dans La chienne Michel Simon écoute la Sérénade de Toselli sur un autre phonographe. Les chansons populaires, comme dans Toni, hantent, toujours avec à propos, les films de Renoir, probablement influencé par la collaboration Brecht-Weill, jouant d'effets dialectiques afin de produire du sens là où l'image est acculée platement aux bords du cadre.


Ainsi Françoise Romand, qui remonte une dernière fois Thème je avant sa publication en DVD en septembre, vient d'ajouter des chansons que nous avions composées avec Bernard Vitet pour l'album Carton. Nous nous sommes débrouillés pour qu'elles jouent du contre-champ, que j'aurais pu aussi bien écrire contrechant, apportant une lumière nouvelle sur les scènes qu'elles éclairent. Au début du film, pendant le plan d'épilation dans la cuisine, la valse lente éponyme commence par un autre flash-back, celui de Lola Montès, "La comtesse se souvient-elle du passé ? S'en souvient-elle ? S'en souvient-elle ?..." avec fondu enchaîné sur "Il lui demanda son nom, Elle répondit Désir, Il en coupa le son, Ça s'appelait L'aurore..." pour terminer par la voix envoûtante de Delphine Seyrig dans Muriel, ou le temps d'un retour, "Ce serait bien que ça finisse comme ça !". Mais ce n'est qu'un début. Françoise évoque son arrière grand-père, le gamin qui pliait le tuyau dans L'arroseur arrosé des Frères Lumière, un des deux premiers acteurs de l'histoire du cinéma ! Plus loin, nous avons remplacé la chanson de Brigitte Fontaine qui posait des problèmes de droits avec Sony par "Radio Silence, Émission sans fréquence, Qui diffuse à toute heure, Tous les mots qui sont tus, Et tous les cris qui tuent...", que combat Françoise en larmes. Brigitte est tout de même présente dans une séquence ajoutée avec Amore 529 que nous avions enregistré avec elle sur Opération Blow Up. Enfin Moi z'à moi répond bien au miroir cruel dont Françoise joue sans cesse dans son auto-fiction filmée de 1999 à 2002, finie de monter en 2005, même si elle fait l'objet d'une ultime révision. Donc, pas de musique instrumentale, mais des chansons dont les paroles offrent un renversant point de vue complémentaire. Le film, devenu ainsi plus tendre et lyrique, en tire une profondeur moins abyssale et une fantaisie renforcée.

mercredi 21 avril 2010

Les fleurs du jardin chaque soir ont du chagrin


Avant de jouer Mascarade samedi dernier, nous sommes sortis respirer le pommier nain dans le jardin du Centre Mercœur. Pourquoi pensai-je aux couronnes de fleurs comme on en voyait dans les films du Hongrois Miklós Jancsó ? L'arbuste dégageait un tel parfum de pétales sucrés qu'on les aurait croqués, mais nous sommes redescendus au sous-sol où se déroulait la soirée IRL.
Notre avant-première remplit son office, puisqu'il s'agissait de valider ou pas nos options avant la création qui se tiendra au Québec le 20 mai en ouverture du FIMAV, le Festival International de Musiques Actuelles de Victoriaville. Les principes tinrent le coup, mais la composition demande à être encore précisée. C'est toujours la même histoire avec l'improvisation. Il est nécessaire de parfaitement maîtriser les structures si l'on ne veut pas tout aplatir dans une sorte de bouillabaisse de tension. À l'issue de la représentation, les commentaires des camarades venus y assister furent encourageants et précieux. Nous rectifions donc le tir en dégraissant considérablement, en musicalisant l'ensemble par un travail sur les rythmiques et les nappes lyriques extraites du flux en direct, en rendant à celui des informations le sens qu'il a perdu de lui-même. Le besoin d'identification des sources et la musicalité nécessitent de résister au chaos. Nous n'avions pas prévu qu'un samedi soir les news céderaient la place au match de foot, ni que la programmation musicale des chaînes serait nettement moins excitante qu'en semaine ! Nous espérons bientôt mettre en ligne un petit film de cette avant-première avant le grand saut.
Dans cette attente, je m'escrime à trouver la cause du bug qui touche une partie des abonnés à Free, privés d'accès à ce Blog de façon intermittente. Une fois sur trois une page affiche "Forbidden : You don't have permission to access on this server." Infomaniak, notre nouvel hébergeur, écrit à Jacques : "Nous avons très attentivement analysé le trafic en provenance/à destination de Free et il semble absolument clair que le trafic est filtré (QoS) chez Free en fonction des IP de destination." J'ai donc envoyé un mail à Free hier, mais n'ai pas encore reçu de réponse.


Il y a quelques vingt cinq ans, la Vidéothèque de Paris, devenue depuis le Forum des Images, dont nous avions composé la musique des clips de lancement, m'avait demandé un texte sur un film représentant un lieu parisien. J'avais choisi le Pont des Arts à cause de Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir avec Michel Simon dans un de ses plus beaux rôles. La mélodie d'Anne-Marie, dont j'imagine Renoir être l'auteur des paroles, y passait de lèvres en lèvres et je la fredonne à mon tour :
Les fleurs du jardin
Chaque soir ont du chagrin.
Oui, mais dès l'aurore
Tous leurs chagrins s'évaporent.
Quel est l'enchanteur
Qui guérit tant de douleurs,
Quel est ce magicien ?
C'est le soleil.
...... J'ai même retrouvé la suite sur le site du British Film Institute. Where else ?!
L'hiver dans les bois
Les oiseaux meurent de froid.
Leurs nuits dans les bois
Sont comme des tombes blanches.
Avril reparaît
Et soudain dans la forêt
Mille voix en même temps
Bénissent le printemps.
Mon printemps est mon sourire
Quand mon cœur souffre et soupire.
Ton sourire est mon printemps,
Mon printemps...
...... Tous les espoirs sont donc permis !

mardi 20 avril 2010

Quand les déjantés de 69-71 se rêvaient commerciaux


Il est quasi impossible de revenir de la boutique du Souffle Continu sans un petit trésor dans sa musette. En vitrine un vinyle me fait de l'œil pour que je lui prête mon oreille. Théo Jarrier a la gentillesse de me sortir la compilation des 45 tours initialement produits par Byg dans sa version CD. Si vous voulez savoir quelles musiques "pop" se jouaient à Paris et dans les rares festivals de l'Hexagone entre 1969 et 1971, vous ne pourrez trouver mieux que les vingt-deux morceaux réunis dans The Byg Deal, une compilation "Art-Rock-Revolution" publiée par Finders Keepers. C'est le Nuggets français, avec son entrain, ses maladresses, ses rythmes carrés "à la française" annonçant le rock progressif, le son d'époque brut de décoffrage et un voyage dans le temps où l'avenir se construisait au jour le jour. Se succèdent deux fois Alice, François Wertheimer, Brigitte Fontaine et Areski (Ça va faire un hit), trois fois Gong, Alan Jack, deux fois Cœur Magique, Valérie Lagrange, Alpha Beta, Jacques Barsamian, deux fois Ame Son, l'Art Ensemble of Chicago (Rock Out), Freedom, Vangelis, Paul Semama, Inter-Groupie Psychotherapeutic Elastic Band, Banana Moon, Joachim and Rolf Kühn. Pour les vieux, l'effet madeleine est garanti, pour les jeunes une cure de jouvence ne fait jamais de mal quand l'invention est au bout du sillon.


Je n'avais jamais entendu parler de Simon Finn. Côté barré, ce folk singer psychédélique de 1970 est une sorte de Captain Beefheart de la gratte - moi où ça démange. Accompagné de David Toop (guitares, basse, flûte, piano, harmonium, accordéon, violon, etc.) et Paul Burwell (percussion, dulcimer), Simon Finn chante comme une patate avec une ferveur désarmante allant jusqu'au sublime. Ce n'est peut-être pas un souffrant comme Daniel Johnston ou Wild Man Fisher dont j'ai découvert le reste de la discographie il y a peu, je ne connaissais que l'album An Evening With... produit par Zappa, mais il fait partie des artistes bruts dont l'authenticité submerge bien des produits policés. L'album Pass The Distance devenu culte est réédité en CD par Captain Trip et en magasin au Souffle Continu où j'en ai profité pour acheter le beau livre de Philippe Thieyre sur Robert Wyatt richement illustré par les émouvantes photographies de Jean-François Dréan (ed. des Accords).

lundi 19 avril 2010

Canine : La mort en ce jardin


Canine de Yorgos Lanthimos est un film éprouvant, mais c'est un vrai film (DVD mk2). Les cadres qui coupent la tête des personnages et le rythme inexorable du montage montrent comment le cinéaste grec se sert de ses outils de torture avec l'intelligence du dément. Canine (Kynodontas) rappelle évidemment Michael Haneke par le regard acéré qu'il porte sur notre société et les déviances brutales qu'elle occurre et Theo Angelopoulos pour le temps qu'il prend à installer des situations hermétiques qui déroutent les spectateurs. La folie qui habite la famille bourgeoise du film rappelle certains faits divers récents qu'il est toujours difficile d'assimiler tant ils paraissent extrêmes. Les murs des villas huppées, des pavillons de banlieue et des caves de HLM cachent pourtant bien des histoires terribles qui défient notre entendement. La mort en ce jardin.


La mort en ce jardin est le titre d'un film de Luis Buñuel de 1956 qui sortira aux Éditions Montparnasse le 8 juin prochain. Un autre enfermement ! Si ce film mexicain en couleurs tourné en français avec Georges Marchal (précédemment dans Cela s'appelle l'aurore), Simone Signoret (qui ne pensait qu'à retrouver Montand au lieu de travailler), Michel Piccoli (dont c'était la première collaboration avec Don Luis) et Charles Vanel (déjà rompu aux climats chauds du Salaire de la peur), n'est pas le meilleur Buñuel, il n'en recèle pas moins tous les ingrédients qui constituent son style génial en nous entraînant dans une aventure que Charles Tesson qualifie justement, dans un des bonus, de hustonienne. Il est fascinant de noter la somme de concordances de La mort en ce jardin avec les autres films de Buñuel, tant dans les thèmes (la religion, le sexe, l'argent, qui sont les trois sujets d'intérêt principaux des êtres humains !) que dans les détails anecdotiques (les fourmis gloutonnes, l'œil crevé, la carte postale de Paris, la révolte sanglante, la prostituée très popote, etc.). Les péripéties dans la jungle cèdent la place à l'évolution des personnages face aux nouvelles conditions de vie qui leur sont imposées. En pleine forêt vierge, le surréalisme vient toquer à la porte lorsque s'animent les Champs Élysées et que leur son ralentit aussitôt comme un rêve impossible. La jungle en robe du soir rappelle l'enfermement de L'ange exterminateur, même si la fin laisse ici espérer une échappatoire. Le tournage fut si éprouvant que le réalisateur rechigna toujours à l'évoquer. Il appela à la rescousse son ami Raymond Queneau pour se sortir d'un scénario qui lui donnait tant de fil à retordre qu'il écrivait son adaptation au jour le jour. Lorsque je vis le film pour la première fois il y a quarante ans, je fus happé par les couleurs et les sons de la forêt. Elle signifia désormais pour moi ce que j'avais aimé des courses au trésor, la surprise à chaque pas, le mystère, le dépaysement, l'obligation de changer ses habitudes, la mise en jeu de ses valeurs morales, leur vérification ou leur inanité, encore et toujours, l'impossibilité du réel.

dimanche 18 avril 2010

Trouver le mot juste


Quelques mots pour signaler un petit ouvrage bien précieux lorsque l'on cherche les siens. Le Dictionnaire des idées suggérées par les mots de Paul Rouaix est un Livre de poche qui me rend bien service depuis quelques temps. Au lieu d'être seulement en quête de synonymes je parcours des yeux les listes d'associations d'idées. Pas de découvertes fondamentales, mais un gain de temps merveilleux lorsque l'on a le mot sur le bout de la langue et qu'il y reste collé par quelque paralysie momentanée de la mémoire. Ainsi passé la liste de mémoire, celle-ci me renvoie à oubli qui égraine à son tour omission, amnésie, manque de mémoire, mémoire courte, mémoire infidèle, mémoire ingrate, négligence, prétermission, prétérition, oublieux, étourdi, distrait, oublier, avoir perdu la mémoire de, ne plus savoir, perdre la tête, rester a quia, avoir perdu le fil, passer, sauter, laisser échapper, être oublié, être sorti de la tête, échapper, s'effacer de la mémoire, se faire oublier, se laisser oublier, Léthé, en faire son deuil, omettre et renvoie à son tour vers distrait et ingrat tandis qu'oublie mène à pâtisserie et oubliettes à prison. L'échappée belle !

samedi 17 avril 2010

Celui de 3h13


Je me réveille systématiquement à la même heure. Pas une seule fois. Non, plusieurs dans la nuit. L'horloge projette ses chiffres rouges au plafond. J'ouvre un œil et je constate que ce sont toujours les mêmes. Nuit après nuit. Du moins je le crois. 3h13, 4h04 ou 4h06, 5h14, 6h23, 6h58, 7h30... Allez savoir avec les songes ! La nuit passée, j'ai rêvé du concert de ce soir. Tout était tordu. J'envoyais la musique avec un magnétophone à bande, mais tout tombait à plat sans les pédales d'effets que j'avais oubliées. Impossible. Inimaginable. Ce n'est pas mon genre. D'autant qu'il n'y aura ni magnétophone ni pédales analogiques puisque le flux vient de la petite radio rouge et que les effets programmés sur SuperCollider par Antoine sont contrôlés avec les mains devant la webcam comme avec un Theremin. J'ai appuyé sur le bouton stop comme si j'avais dépassé la durée promise, dépité, écœuré par mon amnésie. Il n'y a pas de bouton stop. Les rêves et les cauchemars qui ressemblent au réel sont difficiles à s'en débarrasser. Je dois me lever, aller pisser, faire quelques pas somnambuliques sur les trois petits tapis pointus pour stimuler la réflexologie de mes dessous de pieds et retourner me coucher. Je me rendors, un peu inquiet de retrouver le réel lorsque je préférerais m'échapper vers un sommeil plus cosmique. Debout, je devrai inverser le processus et créer des espaces impossibles. Si ma nuit ressemble au réel, je n'ai d'autre choix que d'empêcher le réel d'envahir mes journées.

vendredi 16 avril 2010

Et les sons pour le jouer arrivent aisément


Je fais des pieds et des mains pour arriver à me prendre en photo pendant que je travaille Mascarade seul dans le studio. La date se rapproche, samedi, c'est déjà demain ! L'obscurité est indispensable pour pouvoir régler correctement la lumière et le contraste de la webcam, de même que le volume sonore de la station radio doit être soigneusement ajusté pour ne pas saturer. Lorsque tous les éléments sont correctement paramétrés, il n'y a plus qu'à se lancer et jouir de l'instrument qu'Antoine a programmé.
Mardi nous faisons notre première répétition à deux. Les trente minutes passent très vite. Il faut encore affiner la structure globale de la pièce, mais je note que c'est très agréable à jouer. C'est toujours bon signe. Un peu comme avec Nabaz'mob, utiliser des instruments extra-ordinaires produit une musique inattendue. J'apprécie l'art expérimental lorsqu'il l'est véritablement et qu'il ne constitue pas un genre.
Les designers interactifs ont un avantage sur les musiciens. Ils ont l'habitude de fabriquer des objets qui doivent pouvoir se jouer sans apprentissage. Toutes proportions gardées, quelques instruments classiques offrent ce plaisir tel le piano qui permet parfois à un enfant ou un novice de faire des miracles si la flamme créatrice touche l'heureux élu. On n'en dira pas autant du violon ou de la trompette. Ainsi je sais qu'un instrument, objet interactif par excellence surtout quand on aborde les nouvelles technologies, est au point lorsqu'il est confortable. Son ergonomie dicte les gestes de l'improvisateur qui saura en tirer le meilleur en évitant le pire ! Par exemple, programmer un timbre de synthétiseur me prend en général une journée pour qu'ensuite je puisse le décliner de mille façons et m'en servir pendant des années dans des contextes orchestraux très variés. Antoine a réussi à rendre notre nouvel instrument suffisamment souple pour réagir différemment selon les émissions qui sont rentrées dans la machine et les manipulations qu'on leur fait subir. Le concept de l'œuvre est aussi déterminant. C'est un peu comme la phrase de Boileau : "Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement..." Et les sons pour le jouer arrivent aisément.

P.S.: Mascarade.TV

jeudi 15 avril 2010

Ascenseur !


Ma nièce devait avoir trois ans lorsque sa maman lui demanda d'appeler l'ascenseur. Prenant la chose à cœur elle cria de toutes ses forces : "Ascenseur !".
Quelques années plus tard, elle fera comme tout le monde, elle appuiera sur le bouton. J'avais douze ans à mon premier voyage aux États Unis quand je découvris qu'il n'y avait pas de treizième étage. On passait directement du douzième au quatorzième. Trois ans plus tard, le liftier nous emportait directement jusqu'à l'appartement improbable que l'on nous avait prêté sur un toit de Manhattan, encombré de Moore et de Calder ! Dans l'ancien hôtel de chasse de Richelieu de la rue Vivienne j'empruntais le vieil ascenseur en bois verni pour monter au troisième où mes parents louaient une partie d'un meublé au-dessus d'un cercle de jeu, rue Léon Morane notre rez-de-chaussée en gravier aggloméré escamota la cabine, rue des Peupliers je préférais l'escalier qui allait toujours plus vite à un âge où l'on monte quatre à quatre et où l'on saute des demi-étages, route de la Reine notre neuvième nous épargnait la grimpette sauf les jours de panne, rue du Château notre jeunesse nous rendait forcément paresseux, rue de l'Espérance j'avais pignon sur rue, l'ascenseur du boulevard de Ménilmontant était beaucoup trop capricieux pour être pris autrement que lorsque nous étions chargés... Anh-Van s'est d'ailleurs retrouvé coincé dedans au mois d'août avec personne dans l'immeuble. Il avait calculé combien de jours il pourrait tenir en buvant son urine. Les ascenseurs m'ont toujours fait penser à des cercueils en route pour les étoiles ou les ténèbres, un sous-marin renversé, une cellule pas si moderne. Le mari de Claudette avait eu le temps de sauter avec sa môme avant qu'il ne s'écrase en bas...
Ces pensées se télescopaient tandis que je quittais le magnétiseur. En général, je grimpe avec et redescends sans, sauf si je transporte mon Brompton. Habitant une maison à quatre niveaux, j'ai l'impression de vivre en abscisse et ordonnée pour entretenir ma santé. Si un jour je construisais quelque part un ascenseur je voudrais qu'il soit suffisamment grand pour en faire une pièce à part entière, chambre ou petit salon avec vue sur la nature ! Mais rien de tout cela ne vaudra jamais le garçon d'ascenseur des Galeries Lafayette de mon enfance, annonçant les rayons à chaque étage, dont celui des jouets... Et Bourvil de chanter en 78 tours, sa mélodie suivant les aller et retours : "Ça monte toujours en l'air, puis ça redescend en bas !"

mercredi 14 avril 2010

Un vélo dans les arbres


Les articles du Blog sont classés par catégories. Les plus nombreux se réfèrent à la musique ; de temps en temps je chronique des CD ou un concert, mais c'est probablement parce que j'évoque souvent mon travail qu'il y en a 354. Viennent ensuite 295 billets d'humeur, mes préférés, ils réfléchissent les us et coutumes ; politiques, ils déclenchent les injures. Le cinéma et les DVD occupent une grande part de ma vie, 248, c'est le secret de ma musique, ses sources, la narration ; j'essaie de parler essentiellement des choses qui me plaisent, je ne suis pas là pour dégommer, sauf si je vais à contre-courant de l'avis général... Les 239 billets du multimédia rassemblent des formes d'expression que l'on ne peut contenir dans aucune autre rubrique, arts interactifs, formes hybrides, bouquins, etc. Rien d'étonnant à ce qu'il n'y ait que 28 liens vers le théâtre, je m'y ennuie trop souvent. Les articles les plus lus font partie des 132 conseils pratiques, depuis la recette de la soupe miso à comment réparer son Mac, cela me sidère ! Les 168 confessions intimes et histoires de famille ont évidemment leur place dans un journal intime, mais devenu public je marche sur des œufs. Restent 149 récits de voyage, pas assez à mon goût, j'adore découvrir des pays où l'on ne parle pas ma langue, pour contrebalancer l'ours que je suis et qui sort peu de sa tanière. Comme j'ai fixé la limite de 50 chapitres à ma fiction il ne m'en reste plus que 13 à écrire avant de chercher un éditeur. Je continue à mêler le personnel et l'universel dans chaque billet que j'affuble d'une image et d'un titre en évitant les sujets dont tout le monde parle, à moins d'apporter quelque chose d'original au débat. Il y a des thèmes récurrents. Par exemple, la bicyclette ! C'est le moyen de locomotion que je préfère. Ne supportant plus l'automobile j'écoute moins la radio ; le métro rime avec boulot dodo même si c'est pratique pour rattraper mes lectures en retard tandis que le vélo a un air de vacances. Hélène Sage m'avait offert le petit qui est accroché dans l'églantier au-dessus de l'entrée et dont les feuilles commencent à sortir. Le pédalier entraîne la chaîne qui fait tourner la roue arrière. La taille idéale pour un hamster. J'oscille entre mon Brompton et les Vélib'. Chacun a son avantage. Le Vélib' est un joker à la marche à pied tandis que mon vélo pliant est le couteau suisse du nomade. L'effet est impossible à rendre en photo, mais le petit vélo dans l'arbre se fond avec les branches comme si c'était un nœud. Personne ne le voit jamais. Je ne sais pas pourquoi il m'a inspiré ces comptes d'apothicaire. À moins qu'un autre me trotte dans la tête, enfourché par l'araignée dont j'ai chanté l'histoire dans le second CD d'Hélène...

mardi 13 avril 2010

Avant-première de Mascarade - samedi 20h30


Madame, Monsieur, bonsoir !
Tout est presque prêt pour la performance de Mascarade qui sera présentée samedi soir à l'Espace Mercoeur à l'invitation des soirées IRL (In Real Life) et en avant-première avant la création qui fera l'ouverture du FIMAV (Victoriaville, Québec) fin mai en première partie de Nabaz'mob.
... panique... -14,9%... le cœur et les nerfs solides pour survivre aujourd'hui... effets de contagion sont d'une extraordinaire rapidité...
Après qu'Antoine Schmitt eut affiné les réglages du synthétiseur construit avec SuperCollider, il s'était attelé aux images des deux présentateurs et au bandeau affiché sous leurs bustes projetés sur grand écran où défilent le flux tel un téléprompteur.
... Je vais vous demander de reculer un petit peu, vous serez gentils, pour mieux voir l'écran !
Jean-Jacques Birgé avait réussi à recycler ses Radiophonies réalisées à la fin des années 70 et une version TV enregistrée au moment de la crise économique de 1983, l'ensemble du montage (de type plunderphonics) étant réparti entre les deux ordinateurs et se mêlant au flux radiophonique diffusé en direct par des postes à transistors (mashup).
... des petites musiques fétiches... comme si l'on faisait un pot-au-feu... il y avait dans ses bagages un instrument à cylindre... toujours est-il que vous nous donnez ce langage secret... du fait de ses antécédents, de sa constitution physique, de son équilibre biologique, de sa structure nerveuse aussi... c'est un peu fort... mollissant lentement en cours de nuit... c'est la permanence du pouvoir de l'agonisant... come, follow... ça peut vous paraître une erreur...
Pour faciliter le choix des effets numériques et le mixage des sources, ils se sont adjoints chacun un petit NanoKontrol relié à la prise USB, mais toute la musique et les images sont jouées sans y toucher, grâce aux mouvements exécutés devant les WebCams, comme deux modernes Theremins !
... les ordres sont donnés par des opérateurs... non, mais il a peut-être des informations que nous n'avons pas... plus des sons harmoniques jusqu'alors inusités...
Les répétitions commencent à devenir excitantes dès lors que les instruments sont au point.
... puisque un scientifique comprendra... de quel côté vous vous endormez... de maintenir la rigueur de ce dispositif... et là vraiment j'ai compris que toutes les expériences que j'avais faites jusqu'à maintenant c'était vraiment positif, je me trompais pas, ça venait tout du cerveau et on pouvait contrôler n'importe quoi...
Il n'y a plus qu'à improviser.
... parfois il faut peut-être penser à l'avenir... de phases d'évolution lente et d'accélérations qu'on appelle des crises...
Comment faire autrement puisqu'il est impossible de prévoir l'actualité émise en direct sur les ondes hertziennes ?
... il voulait ces bruits tout bruts au milieu, badaboum, de l'orchestre...
La structure en trois parties est sous-tendue par une forme ABA, Tenues / Radiophonie / Rythme, qui, lors de la création au Québec, annoncera l'entrée délicate des cent lapins de la pièce suivante.
... j'ai vu que tout de même qu'il y avait des signaux codés... et tu sais que tu mens... j'ai mon train qui déraille...
Si le début et la fin vident le plus souvent les informations de leur sens comme dans n'importe quel show télévisé du 20 heures, la partie centrale offre paradoxalement un afflux de sens au cerveau par la collision des très courts extraits produisant une dialectique constitutive tant des informations diffusées que des conditions d'enregistrement initial de chaque extrait. Et PAF !
... bien au delà, enfin pour aller bien au de là... il semble qu'il faudra compter sur... vers l'imitation, vers le sabotage...
Le paysage social que composent les Radiophonies s'oppose au paysage sonore de la matière plastique.
... la force qui rend esclave... journalisme fiction... il faudra toujours des hommes derrière... j'y mets mes joies j'y mets mes peines...
Le dispositif, à la fois très cadré et totalement improvisé, doit pouvoir surprendre autant les deux présentateurs que le public.
... allo allo... des innocents et le responsable ce sera vous... le technicien a disparu, des pompiers passent à côté de moi le visage en sang, après ce grand silence je crois que nous allons quitter les lieux, nous allons nous mettre dans un endroit un peu plus calme, je vois dans le brouillard des flammes qui s'élèvent...

Fantaisie musicale pour deux présentateurs avec Jean-Jacques Birgé et Antoine Schmitt
... 3500 conseillés... un entr'acte publicitaire...
Samedi 17 avril à 20h30, Soirée IRL, Espace Mercoeur
... enfin on a l'impression que personne ne contrôle plus rien...
Centre Mercoeur, 4 rue Mercoeur, 75011 Paris, M° Voltaire/Charonne
paf 5 euros (demi à 2 euros et bières artisanales à 3 euros)
... c'est ça l'information, monsieur, c'est ça que je veux entendre...
Avec aussi : Romatkin + première partie surprise !

P.S.: Mascarade.TV

lundi 12 avril 2010

Rencontres 100% de droite


Ce n'est pas la première fois que je constate la perversion des sites qui acceptent les encarts de publicité sur leur page Internet. Comme je cherche des informations sur le nouveau spectacle de Claire Diterzi intitulé Rosa la Rouge, je découvre sur sa page MySpace une pub honteuse insérée par Google. Être sur MySpace n'implique pas forcément d'afficher de la pub. Il faut l'avoir désirée, car ces publicités sont rétribuées. Par contre on ne les choisit pas et elles sont "automatiquement" déterminées par la nature de la page où elles apparaissent. Le boomerang revient en pleine figure de l'artiste qui chante Rosa Luxemburg par l'entremise d'une annonce pour un site de rencontres destiné aux célibataires 100% de droite donc "déjà d'accord sur un point... pour ceux qui veulent bien discuter politique, mais pas se disputer toute leur vie !". Comme je suis très tolérant et que j'en connais que ça exciterait plutôt, je vous livre le lien de Droite Rencontre, car les annonceurs varient selon les visites, même si le bandeau bleu blanc rouge revient régulièrement. Quelle ironie pour Claire Diterzi dont le programme indique sous la plume de Leslie Kaplan : "Rosa la rouge est née de la rencontre entre Claire Diterzi et de Marcial di Fonzo Bo, de leur admiration réciproque et de leur désir de travailler ensemble. Au départ, la figure de Rosa Luxemburg, militante cosmopolite née en Pologne, dirigeante révolutionnaire, femme amoureuse, écrivain, orateur, antimilitariste radicale, fondatrice de la ligue Spartakus et du Parti communiste allemand, qui passa des années en prison et qui fut assassinée sauvagement. Rosa la rouge, c’est une femme d’ici et de maintenant, « qui n’a pas peur et qui veut tout », qui n’a peur ni de la bêtise ni de la violence extrêmes de la société actuelle qui assigne à chacun sa place, qui n’a pas peur de vouloir TOUT, l’intime et le collectif, l’amour et la rage, la foule des villes, la masse et la solitude de la nature, les oiseaux et les ciels. La voix limpide et sensuelle de Claire, son humour, la finesse, la vigueur, le rythme de sa musique, c’est la vie qui affirme : on peut inventer un autre monde, on peut faire exister au présent un monde différent, ouvert et multiple, par la révolution et par l’art."... Quelle giffle !


Mais pauvres âmes de gauche, ne craquez pas, on ne vous a pas oubliées, car Gauche Rencontre existe pour vous aussi. Et comme j'ai l'esprit très mal tourné en matière de démocratie, je vous laisse deviner quel couple incarne la gauche ou la droite !

dimanche 11 avril 2010

Le retour de Todd Solondz


Si vous connaissez Happiness, il vous a forcément marqué. Vous courrez donc voir la suite dix ans après (sortie le 28 avril). Nous avions ri d'un bout à l'autre de ce film à la noirceur sans pareil qui décrit les terribles secrets d'une famille apparemment bien banale. Ne nous y trompons pas, toutes les familles ont des cadavres enfermés dans les placards, mais l'American Way of Life est bâtie sur cet aller et retour entre le pire et le meilleur, faisant mine de croire au pardon quand tout n'est qu'oubli programmé. La véritable violence se dessine dans ces interstices où l'être humain, recherchant un bonheur égoïste, espère faire croire à sa normalité alors qu'il combat avec plus ou moins de succès ses monstres dans l'intimité.


Life During Wartime retrouve la famille de Happiness dix ans plus tard avec de nouveaux acteurs pour les mêmes rôles et Todd Solondz, qui nous avait un peu déçus avec Storytelling et Palindromes, signe son meilleur film depuis son succès de 1998. Certains personnages sont également issus de son second long métrage Welcome to the Dollhouse (Bienvenue dans l'âge ingrat). Son premier, la comédie musicale très woodyallenienne Fear, Anxiety & Depression avait été reniée par son auteur. Si l'humour est toujours présent dans le regard acide que le réalisateur porte sur ses personnages, Life During Wartime provoque moins de rires que Happiness car il est plus tendre. Il n'en a pas la méchanceté, peut-être parce que le 11 septembre aura anesthésié les enfants de l'Oncle Sam. Et Solondz de rapprocher pédophilie et terrorisme, ce qui se trame dans la clandestinité, dans la clandestinité de leurs fantasmes offerts au grand jour en toute banalité. Les parents n'étant plus capables de distinguer ce qui caractérise l'âge adulte, la petite fille de sept ans s'avale du Prozac ou du lithium comme si c'était du Coca. Son frère s'en sortira peut-être mieux, pur produit de l'éducation juive, où le petit mâle naît à treize ans le jour de sa Bar Mitzvah. En l'absence du père annoncé comme mort alors qu'il sort d'une peine de dix ans de prison, le gamin endosse le rôle de chef de famille, caution morale à la fantaisie de sa mère qui voudrait refaire sa vie avec un type bien dont le fils atteint du syndrome d'Asperger (c'est très à la mode, le héros de My Name is Khan en est également atteint) est le seul à ne pas s'intéresser au sexe, plus préoccupé par l'accession de la Chine au premier rang mondial. L'une de ses tantes, scénariste à Hollywood qui a rompu avec sa famille pro-israélienne, s'est fait tatouer Jihad sur le bras, tandis que l'autre qui a quitté son pervers de mari est une sorte de fantôme qui converse avec les morts. À noter l'étonnant Paul Reubens, autrefois connu sous le nom de Pee Wee Herman, héros du premier long métrage de Tim Burton et de nombreux shows télévisés pour la jeunesse, dont la carrière avait été brisée après deux arrestations, la première pour s'être masturbé dans un cinéma porno, la seconde pour une affaire de pédophilie dont il s'était sorti mais qui avait laissé des traces dans l'opinion puritaine. Avec l'actuelle affaire Polanski, on voit que les Américains ont la mémoire longue et la revanche tenace.


L'oubli et le pardon sont justement le sujet du film, et lors de l'avant-première au Méliès à Montreuil où nous avait invités Dominique Cabrera vendredi soir, le réalisateur qui était présent, suggéra qu'une famille pieuse pardonnerait plus facilement qu'une famille laïque. Cette affirmation nous parut plus que douteuse si nous nous référons à la politique de l'État religieux d'Israël qui s'appuie sur la mémoire meurtrie du génocide en se vengeant sur une autre population qu'il a spoliée. Heureusement, Life During Wartime, le plus politique de tous ses films, est plus une divagation poétique portée par une analyse féroce de la normalité américaine.
Tourné en numérique par Ed Lachman avec une caméra RED, il aura permis à Solondz de fignoler la direction d'acteurs sans se préoccuper du prix de la pellicule. La scène avec Charlotte Rampling est absolument formidable, mais tout est remarquablement joué dans ce cauchemar éveillé où le quotidien semble lisse alors que les personnages sont perpétuellement en tension, sauf peut-être la petite fille qui est déjà perdue, avalée par les médicaments comme beaucoup d'enfants américains. Françoise fit remarquer à Solondz que s'il pensait que le petit garçon s'en sortirait mieux c'est parce qu'il s'y identifiait. Et le réalisateur de répondre comme tous ses personnages, en faisant semblant de ne pas entendre, mais en s'y résignant, parce que l'on ne peut choisir entre la mémoire et la vengeance, ou l'oubli et le pardon. Seule l'analyse peut nous permettre de rompre le cycle infernal. La compréhension des démons permet de les apprivoiser en remontant aux sources, ce que l'étude comportementale ne saurait résoudre par quelque traitement mécaniste.

samedi 10 avril 2010

Un émulateur d'OS9 pour les Mac OSX


En avril 2008, j'avais écrit un article intitulé Le trou noir de la création numérique où je relatais toutes les merveilles reléguées tout en haut de mes archives pour incompatibilité avec le nouveau système Macintosh. Après des années à chercher un émulateur de système 9 qui tourne sur Mac OSX, j'ai téléchargé COI (Classic on Intel) associé à SheepShaver qui remplit cette tâche très simplement. Je ne suis pas certain que l'application soit "autorisée" par Apple, mais je vais pouvoir me débarrasser de vieilles machines que je conservais pieusement en espérant qu'elles ne rendraient pas l'âme trop vite. Reste que les disques sur lesquels sont gravés ces centaines d'œuvres interactives et de programmes culturels risquent de se dégrader avec le temps. On nous avait vanté l'éternité de ce support, or l'on sait aujourd'hui que sa vie est beaucoup plus limitée que le papier, le vinyle et même les supports magnétiques traditionnels à condition d'avoir une machine pour les lire ! Il suffit d'un 0 ou d'un 1 altéré et tout passe à la poubelle... Encore un doute persiste, car en effectuant quelques tests je me suis aperçu que, si tous les CD-Roms s'ouvraient correctement, le son chevrotait, incompatibilité non réglée entre les diverses versions de QuickTime.
N'empêche ! Quel plaisir de revoir et pouvoir montrer Les machines à écrire d'Antoine Denize, Puppet Motel de Laurie Anderson, les Reactive Squares de John Maeda ou You Don't Know Jack... Plus tous ceux auxquels j'ai participé tels Au cirque avec Seurat, Sethi et la couronne d'Égypte, la collection des Bonhommes et les dames, Le grand jeu... Et évidemment Carton (dont une version Internet sera proposée dès qu'Antoine Schmitt aura un moment pour le faire)... Nous pensions bien que quelqu'un développerait une telle application. Il ne me reste plus qu'à grimper et ramper pour attraper ce que j'ai rangé tout au fond, pensant que ce ne serait pas demain la veille. Il suffisait d'un peu de patience.

vendredi 9 avril 2010

Socrate


Citant hier le Piège de Méduse d'Erik Satie et sa musique d'ameublement ayant marqué le début de la visite-concert que nous fîmes de l'exposition Vinyl avec Vincent Segal à La Maison Rouge, j'ai ressenti l'envie soudaine de réécouter Socrate, le "drame symphonique avec voix" qu'il composa d'après Platon à la commande de la mécène Winnaretta Singer, héritière des machines à coudre et veuve du prince Edmond de Polignac. Satie attendit que Claude Debussy mourut pour oser écrire une œuvre grave, un opéra, fut-il "de chambre". L'estime dans laquelle il portait son ami le retenait. Debussy avait tenté de l'aider en orchestrant deux Gymnopédies et les Sarabandes, mais Satie souffrait d'une incompréhension qui lui rappelera celle de Socrate. À la création en 1918, le public ria de l'œuvre, la prenant pour une ultime facétie du maître d'Arcueil. Jane Bathori tenait le rôle principal, accompagnée par Satie au piano. La première avec orchestre n'eut lieu qu'en 1920. Elle est écrite pour trois sopranos et une mezzo, à la demande de la princesse de Polignac, très liée au milieu homosexuel comme feu son époux, qui désirait de la musique pour accompagner une femme lisant des textes philosophiques.
Le premier mouvement, Portrait de Socrate tiré du Banquet de Platon ("un collaborateur parfait, très doux et jamais opportun") et traduit comme le reste par Victor Cousin, est un éloge dissimulé de la mécène envers son mari. Elle avait également sorti Satie de prison après qu'il ait envoyé une carte postale injurieuse à un critique. J'aimerais bien connaître les termes qui justifièrent l'incarcération, mais l'on peut y voir un autre motif de sympathie du compositeur pour Socrate. Si le second mouvement, Sur les bords de l'Ilissus, est une promenade champêtre de Phèdre avec le philosophe, la Mort de Socrate, extrait de Phédon, est le plus émouvant, les deux précédents nous y amenant doucement. Les intonations du texte ne sont jamais exagérées. La modernité du parlé-chanté (la partition porte en exergue "Récit (en lisant)" ) me renverse comme, à la première écoute, il y a près de quarante ans, lorsque je dégottai la version dirigée par Friedrich Cerha avec quatre sopranos (LP Candide CE 31024). Peu de temps après, j'achetai une version adaptée pour ténor et piano interprétée par le grand Hugues Cuénod (LP Nimbus 2104, étonnamment stéréo et quadriphonique à condition de posséder un décodeur d'époque !). Chaque mot y est naturellement articulé, le texte si compréhensible qu'il nous permet de suivre la pensée d'Alcibiade, Socrate, Phèdre et Phédon, mais, comme souvent lors de la découverte d'une œuvre marquante, la première interprétation vous semble inégalée. J'ai toujours été surpris par le peu de cas fait de cette œuvre majeure de la musique française, chef d'œuvre de simplicité où l'émotion vient à son comble lorsque Socrate, prenant congé de ses amis, boit la ciguë, sentence de ses juges imbéciles. La ligne mélodique est si évidente qu'il nous semble être là, dans le même espace-temps que Socrate lui-même.
Rien d'étonnant à cette téléportation réussie lorsque l'on sait que c'est sur cette partition que Satie écrivit la première fois "musique d'ameublement" ! À ne pas confondre avec la Muzak et la musique d'ascenseur. C'est comme comparer la fontaine de Duchamp avec tous ses imitateurs. "Contribuer à la vie au même titre qu'une conversation particulière, qu'un tableau de la galerie ou que le siège sur lequel on est, ou non, assis." En faisant sous-jouer texte et musique, Satie fait de Socrate un des jalons de la musique du XXème siècle, en préservant l'émotion, à son comble tant on a l'impression d'y être, comme un fait-divers dans le journal de ce matin.

jeudi 8 avril 2010

Revenez dans un quart d'heure, je ne serai plus là.


Manières courtoises de se débarrasser rapidement des démarcheurs téléphoniques. Mon titre est emprunté au Baron Méduse d'Erik Satie. Lorsque l'on me proposait d'acheter une fenêtre ou refaire ma salle de bains, placer mon argent ou me faire gagner un lot de prix si je me déplaçais dans je ne sais quel centre commercial, j'avais l'habitude de répondre que j'étais au chômage et que ce n'était pas le moment, histoire de resituer la démarche commerciale dans une réalité sociale qui parle à mes interlocuteurs. Seuls à écorcher mon nom en m'appelant Birge sans accent aigu, ils se démasquent dès leur premier mot. Les Berger ont francisé leur nom en 1870 lorsque l'Alsace et la Lorraine ont été annexées par l'Allemagne. S'il ne pouvait être question d'être assimilés à des Allemands, il est intéressant de remarquer que, déjà laïques, ils se sentaient plus français que juifs. Parfois les standardistes demandent Madame, ma voix haute les trompe, c'est plié aussi vite. Depuis peu, je réponds que le monsieur ou le propriétaire n'est pas là. La question suivante portant sur sa disponibilité, j'annonce qu'il rentrera dans deux ans. Suit toujours un silence interloqué avant raccrochage. J'ai tout juste le temps de leur souhaiter bon courage, manière sincère et ironique de prendre congé.

mercredi 7 avril 2010

Fictions documentaires de Lionel Rogosin


C'est à se demander si Carlotta ne brigue pas le surnom de "Criterion français" ? L'éditeur américain a la réputation justifiée d'être la Rolls du DVD. Si la qualité des transferts numériques et des bonus des films choisis par Carlotta est exceptionnelle, j'ignore si les épais livrets sont à la hauteur, recevant le plus souvent des tests presse sans étiquette (allez savoir quel est l'endroit ou l'envers en le posant dans le lecteur !) glissés dans une fine pochette transparente. Malgré l'absence de prise de risque sur le cinéma contemporain, leur choix est exceptionnel en ce qui concerne le patrimoine. On leur doit les coffrets Mizoguchi, Oshima ( aussi), Douglas Sirk, Lotte Reiniger, Berlin Alexanderplatz, Antonioni, Fuller, L'argent de L'Herbier, Sa Majesté des Mouches, Les bourreaux meurent aussi, Le temps des Gitans dont j'ai parlé dans cette colonne, et bien d'autres comme les Pasolini ou les Fassbinder. Ils ont également racheté Le Nouveau Latina qui complète leur programmation en salles, riche et variée, forcément plus audacieuse. Appelez-moi Madame de Françoise Romand y avait, par exemple, été programmé.
Après The Savage Eye la semaine dernière, j'ai l'immense plaisir de revoir un autre film sorti en 1959, l'incontournable Come Back, Africa de Lionel Rogosin, dont la sortie est annoncée pour le 21 avril dans un coffret avec On The Bowery et Good Times, Wonderful Times. Comparant ma copie 16mm, que je n'ai pas sortie de sa boîte depuis une éternité, avec ce nouveau master je suis stupéfait par la beauté de l'image. De plus le documentaire qui l'accompagne livre les clefs de ce film unique tourné clandestinement à Johannesburg pendant l'Apartheid. Si Rogosin s'y réclame de Flaherty et De Sica dans son approche du documentaire, sa fiction filmée in situ avec des non-acteurs n'a rien à voir avec le terme de cinéma-vérité si abusivement employé, et c'est tant mieux ! En regardant Come Back, Africa, on constate la distance entre la prétendue vérité défendue par Rouch ou, pire, Lanzmann et l'authenticité analytique de Strick, Rogosin, Cassavetes, Varda ou Romand qui font glisser leurs œuvres vers des formes de réalisme poétique qui ne trichent jamais avec l'illusion cinématographique. Dès qu'il pose un regard sur une scène, que la caméra soit cachée ou visible, dès qu'il cadre, le cinéaste fait des choix et leurs modèles, se sachant filmés, ne se comportent plus de la même façon. Il faut alors inventer autre chose...
Come Back, Africa est un témoignage époustouflant sur l'Afrique du Sud et le racisme, un brûlot politique généreux, une histoire terrible et émouvante, un film de cinéma avec des acteurs formidables. La chanteuse Miriam Makeba sera contrainte à l'exil pendant 31 ans suite à sa prestation merveilleuse. La musique est d'autant plus présente dans le film que Rogosin faisait semblant de faire un documentaire pittoresque pour échapper à la censure et à l'extradition.
On The Bowery, tourné trois ans plus tôt pour se faire la main et apprendre à filmer, utilise déjà le procédé du récit de fiction dans un univers documentaire. Je n'ai jamais supporté les histoires d'ivrognes, j'ignore pourquoi, mais, films ou romans sur le sujet me mettent terriblement mal à l'aise. Le film de Rogosin n'a pas la complaisance de La merditudes des choses (mk2) regardé la semaine dernière et qui m'a complètement déprimé. Les clochards, qui ne vivent que pour l'alcool et en crèvent, préservent une petite part de dignité ; s'ils sont parfaitement conscients de leur déchéance ils ne la portent pas en étendard. Ceux du film ont souvent eu du mal au retour de la guerre en Europe. Un long bonus éclaire l'histoire de la plus ancienne rue new-yorkaise devenue le refuge de tous les marginaux jusqu'à ce que Manhattan soit "nettoyé" au tournant du siècle comme le montre un autre court-métrage. Le regard humaniste que le réalisateur jette sur ses personnages donne leur originalité à ses films.
Good Times, Wonderful Times est un documentaire pacifiste de 1965 proche des idées de Bertrand Russell, pamphlet contre les armes nucléaires en forme de long ciné-tract qui oppose les invités futiles et conformistes d'un cocktail londonien et des images d'archives exceptionnelles sur les ravages de la seconde guerre mondiale. La gloire illusoire des jeunesses hitlériennes s'éteindra sous les décombres de l'Allemagne rasée, dans le froid glacial du Front de l'Est et les camps d'extermination qui sont le déclencheur de l'engagement de Rogosin. Les images d'Hiroshima sont tout autant insoutenables. L'utilisation contrapuntique d'un rock 'n roll souligne le danger de ne pas vouloir croire aux signaux d'alarme tandis que des comparses jouent les "barons" pour révéler l'idéologie des petits bourgeois de la party. Comme dans tous les films de Lionel Rogosin, aucun commentaire ne vient polluer la démonstration, laissant au spectateur la liberté de ses émotions.

mardi 6 avril 2010

La tondeuse à camion


Comme je passais à bicyclette au-dessus du Périphérique, à un endroit où la frontière entre Paris et la banlieue est imperceptible, je m'arrêtai pour photographier un gazon beau comme un camion. J'en profitais pour féliciter ce qui semblait lui tenir lieu de propriétaire. Sa décoration très kitsch était digne du paysagiste dont les coordonnées s'affichaient sur la carrosserie. Je partage la même pelouse dans la salle de bain du premier étage et nul ne peut être dupe du cache-misère recouvrant le carrelage hideux d'origine. De même j'agrafai du canisse au plafond grâce à une gymnastique pénible qui demande le soutien d'un ou deux assistants pour tenir avec balais chaque extrémité du rouleau. Je terminai l'ensemble à la laque rouge vif, l'ensemble ressemblant à un truc innommable vert et rouge avec vissés de drôles de doigts en plastique sortant du mur comme des Cocteau cruels que Françoise avait en magasin.
Repassant le lendemain en mouillant ma chemise, quelle ne fut pas ma stupeur devant le chantier auquel s'attelaient quatre Tamouls décapant au cutter la végétation pourtant bien plantée ! Le pigeon sur le trottoir partageait mon angoisse devant l'eczéma du bolide customisé à rayures. Je repensais au chauffeur souriant de la veille qui accepta mes compliments sans broncher alors qu'il cachait derrière son dos le sécateur assassin. Que personne ne s'approche de ma baignoire, je mords.

lundi 5 avril 2010

Le son de Vinyl


Françoise Romand a terminé le montage du film tourné lors du concert-visite que nous avons réalisé avec le violoncelliste Vincent Segal le 21 mars à La Maison Rouge (Photo Mathilde Morières). Filmé avec une HandyCam, le court-métrage rend bien l'ambiance de la performance qui dura près de deux heures. Nous avons exclu l'interprétation mémorable de 4'33 de John Cage qui se prête mal à une diffusion cinématographique et avons écourté nombre de stations. De même, nous ne nous sommes pas attardés sur les dizaines de pochettes que nous avons commentées en direct, préférant privilégier les séquences musicales. Pour rendre digeste la diffusion sur Internet, nous avons découpé le film de 23'23 en trois parties.


Première Partie (8'37)
Vincent Segal (violoncelle) et Jean-Jacques Birgé (Tenori-on)
autour de Christian Marclay, Helio Oiticica, Philip Glass, Laurie Anderson...


Seconde Partie (5'46)
Jean-Jacques Birgé (Kaossilator), Vincent Segal (violoncelle) et la participation de Martin Fournier (voix)
autour de Laurie Anderson, William Burroughs, John Giorno, Allen Ginsberg, Salvador Dali, Iannis Xenakis, Pierre Boulez...


Troisième Partie (9'00)
Vincent Segal (violoncelle, tourne-disques, keuss keuss) et Jean-Jacques Birgé (flûte, tourne-disques, susu, varinette)
autour d'Un Drame Musical Instantané, Michael Snow, Maurice Lemaître...

J'ai choisi de placer le film à la fois sur DailyMotion, YouTube et Vimeo, ici dans l'ordre croissant de qualité constatée avec le même fichier. Il est intéressant de noter que la meilleure reproduction s'avère celle du site le moins fréquenté.

P.S. : je remarque seulement ce matin que le 33 tours d'Hélène Sage et Bernard Vitet, Supposons le problème résolu paru chez GRRR également, figurait dans le catalogue de l'exposition, aux côtés de Rideau ! et À travail égal salaire égal d'Un Drame Musical Instantané.

dimanche 4 avril 2010

Sur un plateau


Comment réunir un tel casting si ce n'est le temps d'une remise de prix, un éclair entre deux taxis et une coupe de Champagne que je ne saurais partager, n'en étant amateur ? Mateur et midinet il m'arrive de l'être lorsque je photographie ensemble Alejandro Jodorowky, Sophie Calle et Laurie Anderson sous le Palais Brongniart, tandis qu'hors-champ Enki Bilal réfléchit à la prochaine affiche pour les Qwartz de l'année prochaine. La programmation musicale avait mal commencé avec le Suédois Åke Parmerud prenant des poses emphatiques de méchant en saluant la salle avec les trois doigts des Tchetniks qui tiraient sur les habitants de Sarajevo pendant le Siège ou les textes potaches des vieux garçons de Musique Post-Bourgeoise. Le violoncelliste Gaspar Claus tira heureusement l'électro vers l'acoustique en jouant sans autre effet que celui de son archet et de sa caisse, et Macro Disc-section (Jérôme Fino et Yann Leguay) grava ses sillons distroy sur des vinyles vierges en les scratchant en direct pour une noise plus sensuelle que ne le seront jamais les machines que nous programmons. Franck Vigroux nous fit oublier le désastreux maître de cérémonie coupable d'autant d'erreurs de prononciation sur les noms propres qu'il y eut de trophées ce soir-là. Je me souviens de celui de Kurt Entschlager pour les New Media Arts puisqu'il nous fit monter sur scène en tant que membres du jury, d'Olivier Sens pour son logiciel Usine et d'Hugues Germain pour son merveilleux CD Esprit de sel, juste une pincée, très fin, une fleur légère dont la salinité tient à l'alchimie entre instruments acoustiques et manipulations de laboratoire (Césaré, dist. Métamkine). La soirée termina en beauté avec un solo de Laurie Anderson au violon électrique et harmonisant sa voix en mâle organe autour du thème de l'accélérateur de particules qui fait flipper les plus pessimistes. Enfin, après mûre réflexion, je ne confierai jamais au cartomancien Jodorowsky, président des Qwartz 2010, le soin de prédire mon avenir, ni à Calle celui de parler de qui que ce soit, si ce n'est d'elle-même. Quoi qu'il en soit, le clou de la soirée restera pour moi Bruno Letort qui me fit deux propositions enchanteresses que j'évoquerai le moment venu. Youpi ! Au-dessus, le "marché" accueillait les stands des labels de musique électronique, les éditeurs de livres, les festivals et l'on fêtait le centenaire de Pierre Schaeffer.

samedi 3 avril 2010

Trois pavés dans la mare


Un, deux, trois pavés. Il m'aura fallu quinze jours pour venir à bout des 935 pages de l'exaltante Biographie de Jean-Luc Godard par Antoine de Baecque. Chaque fois que j'arrivais à voler un quart d'heure à ma suractivité démoniaque je m'allongeais avec sur la poitrine un marque-pages. Il serait étonnant que l'ouvrage plaise au cinéaste tant il recèle de témoignages accablants sur sa perversité et sa démence, de clefs intimes révélant sa fragilité sur son chemin de croix, sans ne jamais perdre de vue son génie et ce qu'il en a coûté, à lui et à ceux qui l'ont approché. De Baecque livre une enquête exceptionnelle qui replonge chaque film dans les eaux saumâtres du quotidien. On en ressort abasourdi par l'obscénité machiste du milieu cinématographique, par les pulsions qui l'engendrent, l'insolence de la création, les dommages terribles des effets secondaires. La Biographie de Godard est un polar impudique qui ne révèle pas seulement ce dont sont faits les rêves, mais jusqu'où les hommes sont prêts à aller pour leur donner corps, ou, à défaut, pour les projeter sur le mur de la caverne, faisant œuvre en sublimant leur vie. Par quelles souffrances et quels ravages le rebelle dut passer pour accoucher de ce Faucon maltais ! Il est d'autres chemins. Celui de Godard n'est pas des plus câlins ni des plus généreux, mais il a l'immense mérite de soulever plus de questions que n'existent de réponses.
Mon second est une autre enquête, dessinée, celle-là, par Joe Sacco. À moi qui dévore trop vite la moindre BD, Gaza 1956, en marge de l'histoire (ed. Futuropolis) résiste à ma boulimie de lecteur insatiable. La narration et le dessin me forcent à morceler l'ouvrage en feuilleton, prenant mon temps pour assimiler le drame qu'il révèle. Résistant d'abord au trait de Sacco, j'y ai finalement cherché le moindre détail pour comprendre l'horreur, vérifier par l'image les propos des témoins rencontrés. Si les aller et retour entre 1956 et nos jours rappellent Maus de Spiegelman, il n'en a pas l'humour grinçant pour dissiper la douleur. Au fur et à mesure des chapitres les vignettes dévoilent le travail rigoureux du journaliste. Les risques qu'il prend sont réels. Ses interlocuteurs ont un nom et un visage. Contrairement à Marjane Satrapi dans son Persepolis, il s'efface devant son propos, laissant la parole aux vieux Palestiniens qu'il interroge. En cherchant simplement à savoir ce que l'Histoire a sauvagement occulté, il nous révèle l'horreur de la colonisation.
Mon troisième est un autre bis déjà évoqué dans cette colonne. Je revois The Savage Eye pour la troisième fois en une semaine. Soixante sept minutes d'un pur chef d'œuvre. Derrière un texte quasiment surréaliste interprété comme un poème symphonique, sous les images brutales de la vulgarité humaine, se glisse un film noir sur la condition féminine. L'entretien avec Joe Strick qui l'accompagne conforte notre point de vue sur le documentaire : pas de caméra cachée, des images qui parlent d'elles-mêmes, le montage renforçant les effets de sens et l'émotion déjà présente, rejet de la dictature du commentaire au profit d'un contre-champ sonore laissant libre le spectateur de faire sa propre interprétation... Sorti en 1959, réalisé par une équipe de bénévoles pendant les quatre années précédentes, The Savage Eye est un véritable film expérimental qui n'en rabâche aucun des poncifs.
Et mon tout est une journée radieuse, car j'ai miraculeusement pu lever le pied de l'accélérateur pour prendre le temps de respirer.

vendredi 2 avril 2010

Premier avril saumâtre


Deux nuits de suite, presque à la même heure, l'hébergeur OVH, chez qui nous venons de migrer, déconnecte le site et le blog OVH sous prétexte que nos scripts consommeraient trop de CPU et surchargeraient leurs serveurs. Très étrange. Angoissant. Rien dans les logs. Le site n'a pas encore subi de transformations. Jacques suppose que le bug vient de chez eux, mais je crains que la panne se reproduise ce soir, quand il n'y a plus personne joignable au téléphone. Mauvaises nuits. Patience.

jeudi 1 avril 2010

Migration douloureuse


P.S. : depuis que j'ai rédigé ce billet, nous avons décidé de quitter OVH aussi vite que nous y étions arrivés. Ce n'est pas cher, mais les réponses aux problèmes que nous avons rencontrés sont si stupides et erronées que nous avons décidé d'aller voir ailleurs... À suivre...

Jacques m'a aidé à faire migrer le Blog et le site depuis Online vers OVH dont les conditions sont nettement plus avantageuses (4,90 € pour un nom de domaine, hébergement de 1,99 € pour 25 Go à 19,99 € pour 500 Go, etc.) et la stabilité plus fiable. Cela ne s'est pas fait sans mal, une histoire de saturation du CPU par les scripts et de surcharge des serveurs qui nous a brutalement déconnectés dans la soirée. Nouveaux identifiants, nouveaux mots de passe, nouveaux réglages de mails... L'iPhone a été le plus coriace : il fallait remplacer l'@ par % dans la description et le nom de l'utilisateur, ssl0.ovh.net pour le nom de l'hôte et le SMTP, utiliser SSL sur le port 995. Ruse de sioux trouvée par Jacques sur le Net, la googlisation du problème étant la première démarche à faire lorsque l'on n'y comprend rien. On y lit presque toujours les commentaires d'internautes à qui la mésaventure est déjà arrivée. Les forums et les tchats sont dévolus à cette entraide. Prochaine étape, la refonte du site !
Je n'ai pas beaucoup de temps pour écrire. Mes journées sont dédiées aux répétitions et aux rendez-vous qui s'enchaînent avec Antoine Schmitt pour Mascarade... Dominique Playoust et Pierre-Oscar Lévy pour un énorme projet Samsung dont je ne sais ce que je peux révéler... Nicolas Clauss pour le deuxième module du serious game 2025 ex machina... Wolf Ka et Sylvain Ravasse pour le poème symphonique pour 100 Vélib'... Étienne Auger pour un jingle de FRA avec l'Opéra de Paris... Sonia Cruchon pour le site des Ptits Repères... Françoise qui termine le montage du film Le son de Vinyl sur le duo avec Vincent Segal à La Maison Rouge... Ce n'est pas tout, seulement les affaires courantes... S'annoncent aussi les collaborations avec Jacques Rebotier et Sacha Gattino, Olivier Mével et Marc Chareyron, Étienne Mineur, etc. Pardon à celles et ceux que j'oublie, il est tard, mais on s'amusera bien... Nos lapins, eux, se reposent, attendant leur envol pour Bucarest à la fin du mois !