Pour commencer j'ai inversé les jours de création. La première de Nabaz'mob à Toronto était hier et c'est ce soir à minuit que passe l'émission Tapage Nocturne où je joue en duo avec le violoncelliste Vincent Segal. Je ne souhaitais pas signaler France Musique au dernier moment et les Canadiens pouvaient attendre aujourd'hui pour l'annonce de l'opéra qui sera montré à Luminato jusqu'au dimanche 20 juin.
Nous avons commencé nos longues promenades à la découverte des différents quartiers de la ville. Si j'ai plusieurs fois eu la chance d'enregistrer aux grandes orgues, que ce soit à Stuttgart ou Paris, je n'ai jamais vu de près comment fonctionne un carillon. En flânant depuis le Distillery District où notre clapier est installé, nous sommes passés devant une église dont la pelouse était occupée par des joueurs d'échecs, des adeptes du taï-chi et une clocharde en représentation depuis le début de la matinée. Un musicien s'en donnait à tout va, envahissant Queen Street de ses furieuses mélodies, modulateur en anneau acoustique avec lequel aucune installation sonore ne peut rivaliser. L'usage d'un tel mobilier urbain est un ravissement que même la sirène hurlante de la police ne saurait ternir :

Ayant laissé mon magnétophone à l'hôtel, j'ai tenté le coup avec l'application Dictaphone de mon iPhone. Ça vaut ce que ça vaut, mais en cherchant sur Internet je m'aperçois que le carillon de l'Église Unie Metropolitan Church est célèbre à Toronto. Le blogueur qui l'évoque me laisse penser que c'était probablement Gerald Martindale frappant les 54 cloches de la tour avec ses poings plus les pieds du pédalier pour les basses dont la plus grosse pèse quatre tonnes et demie. Les diling diling du premier mouvement de Nabaz'mob sont bien riquiquis en comparaison. L'acoustique de l'Ernest Balmer Studio au Tapestry New Opera nous permet aussi de jouer sans amplification, ce qui est toujours plus impressionnant. Cent petits haut-parleurs que j'écouterai demain en repensant au concert de cet après-midi qui nous a figés sur place, hypnotisés par les grappes de notes frappées avec une fougue qui franchement n'avait rien de liturgique !